Evy

« Plus jamais ! Plus jamais tu ne me fais faire un truc comme ça, Reily ! »

Mes cheveux bruns trempés de sueur collaient à mes joues rougies par l'effort. Je me sentais pratiquement incapable de bouger le moindre orteil. J'ouvris un œil, puis l'autre, m'attendant à entendre les protestations de Reily, qui signifieraient que nous avions réussi, ou ses pleurs, qui signifieraient le contraire. Mais rien ne vint.

« Reily ? »

Je me tournai et esquissai un sourire. Voilà donc pourquoi elle ne m'avait pas répondu...

Elle et le miraculeusement rescucité étaient enlacés, et s'embrassaient. Je détournai les yeux, non pas par respect pour Ed, mais pour mon amie. Son petit ami était pratiquement nu, ses hanches entourées d'un drap blanc.

« Alors ça a marché... », marmonnai-je.

Je n'entendis toujours pas de réponses, mais je n'en attendais pas.

Je me levai, retirai ma veste en jean du portemanteau et m'apprêtai à sortir lorsqu'une main m'arrêta.

« Evy... »

Je me retournai. Edward me tenait le bras. Je baissai les yeux, pour ne pas le voir torse nu, mais me rendis aussitôt compte de mon erreur lorsque je vis où mes yeux s'étaient posés. Je rougis.

« Oui ?

— Je... Merci, Evy.

— De rien. »

Il sourit, et dut se retenir à un meuble pour ne pas tomber.

« Tout va bien ? demandai-je.

— Oui... Je suis encore chamboulé, c'est tout.

— Tu ne sais pas ce qu'il t'est arrivé, n'est-ce-pas ? »

Il cligna des yeux.

« Non, absolument pas...

— Et il n'a pas besoin de le savoir. »

Reily venait de poser une main sur l'épaule d'Ed.

« Je t'ai sorti des vêtements, va te changer le temps que je parle avec Evy. »

Il soupira.

« Tu sais, c'est pas la peine de me parler comme à un gamin de trois ans, se renfrogna-t-il.

— Ed... Excuse-moi. »

Il hocha la tête.

« Oui, oui. »

Lorsqu'il fut parti se changer, Reily me fit asseoir sur un fauteuil en face d'elle. Elle me jeta un regard courroucé.

« Je ne veux plus t'entendre parler à Ed de son accident, c'est compris ?

— Il va bien falloir qu'il le sache à un moment ou à un autre. Il ne peut pas rester sans savoir ce qu'il lui est arrivé. Il ne sait peut-être même pas qu'il est mort !

— Que je suis mort ?! »

Reily me foudroya du regard en murmurant une injure et se tourna vers Ed.

« Edward, je... N'écoute pas Evy. En vérité, en ce moment, j'ai l'impression... »

Elle pinça les lèvres. Je sus aussitôt qu'elle ne s'apprêtait pas à dire une chose bienveillante.

« ... que nous sommes en froid. Si tu t'en souviens, nous étions amies. Cette période est...

— Révolue, la coupai-je. Je t'aide à sauver la vie de ton petit ami, et tout ce que tu trouves à dire, c'est qu'une période est révolue ? Très bien. »

J'ouvris la porte.

« Je pars d'ici. Bonne chance, Ed. »

Je sortis de la maison et me dirigeai vers la rue, quand une voix m'appela.

— Attends, Evy ! »

Je murmurai une élégante injure, avant de me rendre compte que c'était Ezra qui m'avait appelée. Curieuse, je revins sur mes pas.

« C'est Reily qui veut s'excuser, c'est ça ? Si oui, dis-lui que je ne veux pas de ses excuses.

— Tu n'y es pas du tout. »

Je soupirai.

« Dis-moi rapidement, je dois travailler mon examen de maths pour demain.

— C'est à propos de Reily. Ton test pourra attendre. Ne restons pas ici. »

Il m'entraîna par la main, et nous traversâmes le quartier résidentiel pour arriver devant un café, où nous nous arrêtâmes. Ezra commanda deux cafés au lait, et deux parts de tarte au citron. Je bus une gorgée de café, avant de demander :

« Alors ? Qu'est-ce que tu voulais me dire ? »

Il but à son tour. Je ne pus m'empêcher de remarquer à quel point il était beau. Il ressemblait à Clark comme deux gouttes d'eau. Ses mèches lisses de cheveux d'un bleu pâle, presque argenté, tombaient sur ses yeux du même bleu océan que ceux de son frère. Il était peut-être un peu plus petit que ce dernier, mais tout aussi impressionnant. Ils en imposaient tous les deux, c'était une certitude.

« Pour faire revenir Ed, Reily a promis quelque chose à notre souverain, commença-t-il.

— Votre souverain ? »

Il soupira.

« Je vais devoir tout t'expliquer sur notre monde, à nous les démons, c'est ça ? »

Je hochai la tête.

« Il me semble. Je t'écoute.

— Au Riwanon, notre royaume, si je me souviens de ce que m'a dit mon professeur d'histoire...

— Vous avez des professeurs d'histoire ? le coupai-je en pouffant.

— Oui, nous avons la chance de faire partie de l'une des plus riches familles. Enfin, c'est une autre histoire. »

Il se racla la gorge, avant de poursuivre :

« Bref, avant d'être peuplé de démons comme moi, Kalybdelia (il grimaça en prononçant le nom de sa sœur) et Clark, le Riwanon était rempli de créatures encore sous-développées. Notre roi, lui, a fait quelque temps partie de cette espèce. Mais son cerveau s'est... disons, amélioré. Il a parlé, marché droit et sur ses deux jambes... Enfin, une véritable époque de l'évolution à lui tout seul. Votre cher Darwin se serait arraché les cheveux à entendre cette histoire. »

Je souris en voyant qu'il connaissait Darwin. Il en fit de même, m'offrant un sourire radieux. Ezra continua :

« Soit disant, ce dernier aurait donné naissance au premier couple de démons. Si tu veux mon avis, je n'y crois pas. Pour moi, cette partie ne recèle que de la légende. »

Il avala une longue gorgée de café, déshydraté après avoir tant parler. Il reprit :

« En clair, le Riwanon aurait été peuplé de cette manière. Le Grand Maître, comme il désire que l'on l'appelle, règne seul sur tous les démons. Mais en ce moment...

— En ce moment ? lui répétai-je, fascinée par son histoire.

— Nous avons quelques soucis. De nombreuses personnes telles que Reily appellent de plus en plus de démons sur Terre. Et le Riwanon est, de ce fait, en train de se dépeupler. De plus, de nombreux démons tentent de renverser le Grand Maître. »

Nous venions de terminer nos cafés. Une serveuse nous ramena deux nouvelles tasses, et j'attendis qu'elle soit partie pour dire :

« Quel est le rapport avec Reily ?

— Elle s'est engagée à aider le Grand Maître. Et elle ne s'est pas engagée que pour elle. »

Il planta ses yeux bleus au fond des miens, ce qui ne présageait absolument rien de bon.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? l'interrogeai-je en me penchant un peu plus sur la table.

— Que toi, Ed, mon frère et moi allons devoir l'accompagner. Ainsi que ma sœur.

— Que nous allons devoir l'accompagner où ?

— Au Riwanon. Dans notre royaume. Et que nous allons tous devoir aider le Grand Maître. »

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