Chapitre 25

- Tu fais quelque chose ce soir ?

Je me tourne vers Reb qui vient de me poser la question. Nous sommes en pleine cafétéria et avec le vacarme qui règne, je n'ai pas entendu.

- Qu'est-ce que tu dis ?

- Je te demande si tu as quelque chose de prévu ce soir ? Répète-t'-elle plus fort en se penchant au-dessus de la table.

Se faisant, elle attire l'attention de Juliette et Agatha qui mangent avec nous. Les deux jeunes femmes se penchent elles aussi pour écouter et Agatha me dit

- Il y a une fête qu'organise une fraternité. On avait prévu avec les gars d'y aller. Ça fait longtemps qu'on est pas sorti.

Pas longtemps pour elle veut dire deux jours maximum. Moi, si on ne compte pas mon nouveau job, je ne suis sortie qu'une seule fois depuis mon arrivée. Et d'ailleurs rien qu'à repenser à cette soirée, j'ai des nausées.
Je souris à moitié, cherchant quelle excuse je vais bien pouvoir avancer pour qu'elles lâchent l'affaire.

- Je...j'ai déjà prévu le dîner...

Oh mon dieu, je viens vraiment de dire ça ?

Les trois jeunes femmes s'échangent des regards interloqués et finissent par éclater de rire. Je ne peux pas leur en vouloir, j'aurais réagis de la même façon si je m'étais vue débiter cette pitoyable excuse.

- Tu as quel âge au juste, me demande Juliette en ricanant, 88 ans ?

Reb et Agatha tentent tant bien que mal de se calmer et je rougis jusqu'aux oreilles.
Cela peut-il être plus embarrassant ? Quelle idiote.

- Aller ! Tu mangeras ton super dîner un autre jour ! Me dit Reb en me souriant gentiment.

- Oui ! Il faut que tu viennes ! Ça sera marrant, surenchérit Agatha.

Permettez moi d'en douter. Je n'ai été que très rarement à des fêtes et ça s'est généralement très mal terminé. Et ce soir, Decklan ne sera même pas là en cas de pépin, me rappelais-je ensuite.

- Non, je ne crois pas que

- Tu vas venir.

Je regarde mon amie, surprise par son ton intransigeant. Va-t'-elle réellement m'obliger à sortir ? Suis-je vraiment tombée aussi bas ?

- Reb...

- Ma vieille, commence-t'-elle très sérieusement. Tu te souviens de la fois où tu n'étais pas chaude pour sortir au Jone's et où je t'y ai tout de même traîné ?

Je hoche la tête, devinant ce qui va suivre.

- Tu te souviens donc que tu t'es amusée ce soir-là et que maintenant, tu y travailles deux soirs par semaine, n'est-ce-pas ?

Je grogne et acquiesce. Elle a raison, je me suis amusée ce soir-là, et Decklan n'était même pas présent.

- Alors tu vas venir, tu vas t'amuser comme cette fois-là et après, tu seras tellement heureuse que tu nous supplieras de sortir plus souvent.

Je glousse devant sa mine de tueuse et suis bientôt rejointe par Agatha et Juliette.
Je suis prête à craquer. Après tout, je serai accompagnée de toute la bande et je connais suffisamment Reb à présent pour savoir qu'elle est le genre d'amie sur laquelle on peut compter. Sa réaction de la dernière fois, lorsqu'elle nous a rejoint Cole et moi hors du bar me la prouvé.
L'université était un lieu d'innovation pour moi, j'étais venue en tentant de laisser le plus de souvenirs possibles derrière moi. Donc il allait de soit que sortir avec des amis en soirée devait faire partie de ces nouveautés que je me devais de tenter. C'était ce que les jeunes "normaux" faisaient. Je voulais être normale.

Cependant il y avait Deck...
Si il avait accepté que je passe un soit disant week-end en compagnie de quelques amis, il ne sera certainement pas rassuré à l'idée que je me rende seule à une fête organisée par une fraternité. Sans compter qu'il m'avait proposé de l'accompagner à sa soirée pour la réouverture de la saison. Si je lui faisais maintenant par de mon intention de sortir, nul doute que soit il serait peiné, soit il s'inquiéterait pour moi, ce qui l'empêcherait de profiter de sa soirée. Aucune de ces deux alternatives ne me convenait.
J'avais bien vu depuis notre arrivée les efforts qu'il faisait. Il ne sortait pas énormément, évitait au maximum de me laisser seule et ne ramenait jamais aucune fille à l'appart. Pour ce soir, je ne voulais plus être un boulet pour lui mais une fille normale et épanouie qui sortait avec sa bande d'amis. Il ne devait rien savoir de mes projets.
Ma décision était prise.

- D'accord, j'en suis.

********

Il est 22h passée. Deck vient de partir pour sa soirée et je suis plus anxieuse que jamais.
Mon état est du à plusieurs facteurs notamment le fait de mentir pour la énième fois à mon meilleur ami qui me fait confiance. Mais surtout parce que je m'apprête à affronter en corps à corps ma plus grande peur, et cette fois sans le soutien de Deck.

Ça doit bien faire vingt minutes maintenant que j'hésite devant mon armoire quant à la tenue adéquate.
Je n'ai jamais été très douée pour suivre les tendances, généralement je me contente des habits que mes sœurs ne portent plus. Mais ce soir, j'ai bien peur qu'un t-shirt du groupe Gunners N' Roses et un vieux short de jardinage ne fassent pas l'affaire.

Je suis toujours en train de m'arracher les cheveux devant la garde-robe quand mon téléphone se met à sonner. Je me rue dessus, pensant que c'est Deck qui a décidé de revenir. Dans ma précipitation, je me cogne au passage le petit orteil contre le coin du lit et jure comme il m'arrive peu souvent de le faire. Je décroche ensuite malgré l'horrible douleur.

- Reb ? Soufflais-je soulagée.

- Je suis en bas ma poule !

- Déjà ?! M'écriais-je en sentant la panique remonter, mais je ne suis pas prête !

Effectivement, je suis tout sauf prête, pensais-je en m'analysant dans la glace. Mon vieux survet est confortable mais inadapté j'en ai bien peur pour une soirée estudiantine. Il en va de même pour mon chignon approximatif et quant à mon orteil, il aurait bien besoin d'un pansement.

- N'en dis pas plus. Des problèmes pour ta tenue ?

- Oui, soupirais-je. Je ne sais pas quoi mettre pour ce genre de soirée.

Si Decklan avait été là, il m'aurait dit de mettre quelque chose dans lequel je me sente à l'aise.
C'est bien un mec, c'est facile à dire pour lui, il lui suffit d'un t-shirt blanc et d'un jeans pour être absolument canon.

- J'arrive, ouvre moi.

Elle raccroche et deux minutes plus tard, j'entends qu'on frappe à la porte.
Je me dépêche d'aller lui ouvrir, évitant soigneusement que le bord du lit entre à nouveau en contact avec mon pied.

Quand je découvre sa tenue, je déchante.
Nom de dieu, je n'ai rien qui ressemble à ça dans mon armoire !
Mon amie est sublime ce soir, son fucking corps de mannequin est parfaitement mis en valeur dans une mini jupe en cuir rouge et un débardeur blanc tout simple. Quant à ses longs cheveux roux, ils sont lissés et pas le moindre épis ne dépasse.

- Tu es magnifique Reb, lui dis-je en ne pouvant empêcher ma voix de trahir mon envie.

- Merci ma jolie, me répond-elle en entrant. Mais tu le seras tout autant, crois-moi.

Je soupire. J'en doute sérieusement si on sait que la chose la plus sexy qui se trouve dans mon armoire est un maillot de bain de sport une pièce.

- Je n'ai rien qui ressemble à ça, lui avouais-je en englobant sa tenue d'un geste des mains.

Elle me sourit d'un air complice et ce n'est qu'à ce moment que je remarque le gros sac qu'elle transporte.

- Je m'en doutais figure toi. C'est pour ça que j'ai apporté ça.

Elle me tend le sac que je m'empresse de ramener dans ma chambre. Reb me suit et pousse un sifflement admirateur au fur et à mesure qu'on traverse le petit appartement.

- C'est sympa ! Et super bien décoré, je suis sure que c'est toi qui a tout fait !

Je rougis bien malgré moi et acquiesce. Il ne fallait certainement pas compter sur Decklan pour s'occuper de décorer une maison. Ce genre de truc lui passait au-dessus. Si il avait habité seul, nul doute qu'il aurait rangé ses pulls dans le frigo et accroché des posters de footballeurs au dessus de la TV.

Une fois dans la chambre, je m'assieds au bord du lit et ouvre le grand sac, accoudée à ma penderie, Reb m'observe faire.
Je lui lance un rapide coup d'œil pour savoir si je suis autorisée à sortir ce qui se trouve à l'intérieur. Son sourire s'élargit et je prends ça pour un oui.
Lorsque je sors le premier habit, je suis obligée de m'y reprendre à plusieurs fois pour comprendre dans quel sens ce porte ce machin. Il n'y a presque pas de tissus mais par contre, il y a une tonne de lacets.

- C'est quoi ça ?

- Pourrais-tu éviter de regarder cette robe comme si c'était le diable en personne ? Me demande-t-elle narquoise. Je l'aime beaucoup.

Ça ? Une robe ? Laissez moi en douter.
Ma mère aurait préféré me savoir célibataire pour le restant de ma vie que de me voir vêtue de la sorte. Et il va sans dire que j'aurais été de sons avis.

- Je...je ne peux pas porter ça...

- Ça ne fait rien, je m'en doutais. J'ai apporté pleins d'autres trucs.

Je continue à fouiller et entre une flopée de morceaux de tissus plus indécents les uns que les autres, je tombe finalement sur un body noir dos nus et un jeans noir slim déchirés aux genoux qui ont l'air d'être à ma taille.
Je tend les deux pièces vers Reb pour avoir son avis et celle-ci se contente de hausser les épaules, sans nul doute déçue que je n'ai pas préféré une de ses robes archi-moulante en cuir cloutée.

Je me dépêche de m'habiller et comme je le pensais, tout est parfaitement à ma taille. J'attache ensuite rapidement mes longs cheveux en une queue haute et applique une couche de gloss sur mes lèvres. Je suis prête.
Quand je sors de la salle de bain, Reb, vautrée sur mon lit siffle entre ses doigts en m'apercevant. Je rougis à nouveau, inhabituée à produire cet effet.

- Tu es carrément baisable maintenant !

Je ne m'offusque pas de ses propos et me contente de replacer une mèche derrière mon oreille en sautillant d'un pied sur l'autre. Je me tourne ensuite vers la glace et m'observe pour la première fois entièrement.
Ce qui est sur, c'est que ça change vraiment du short de jardinage et du t-shirt oversize. Heureusement, Reb m'a autorisé à garder mes converses quand on s'est rendues compte que nous ne faisions pas la même pointure.
Merci seigneur.

- Attend, viens ici, me dit la jeune fille en se redressant et en sortant de son sac une petite pochette.

Je m'approche et elle tapote sur le couvre-lit pour que je m'asseye.
Elle sort ensuite un mascara, un crayon noir, de l'eyeliner, du fard à paupière et je comprend que je suis sur le point de me faire avoir.

- Reb, tu

- Chut. Je vais te rendre encore plus baisable. Ferme les yeux.

J'obtempère en soupirant. Rien ne la fera changer d'avis et quelque chose me dit qu'à part en l'assommant, rien ne l'empêchera de me maquiller.

Quinze Minutes plus tard, elle me libère enfin, m'observe et sourit, fière.

- Tu es carrément au maximum de ta baisabilité maintenant.

- C'est bon à savoir, lui réponds-je en me relevant. J'espère pour toi que tu ne m'as pas dessiné un papillon sur la tronche sinon ça va mal aller.

- Ferme la et va plutôt admirer mon chef d'œuvre.

J'obéis et m'approche du miroir pour m'observer.
Dès que je m'aperçois, je reste comme deux ronds de flan, la bouche et les yeux écarquillés.
Je serais presque tentée de croire que la fille sexy et sauvage qui me fait face dans la glace est une autre personne.
Mes cils paraissent pour la première fois de ma vie longs et denses, mes yeux sont entourés de noirs et j'ai l'air...carrément baisable.

- Je suis la reine du smoky ! Ne me remercie pas, on est en retard. Grouille tes miches.

Je ne m'attarde pas plus longtemps devant le miroir, attrape rapidement mon sac pour y fourrer mes clés et mon téléphone et suis Reb jusqu'à sa voiture.
En moins de dix minutes, on arrive devant la fraternité. Comme la dernière fois que je m'étais rendue à une de ces soirées, je remarque que la maison semble bondée et que deux filles sont déjà en train de vomir dans l'herbe.
Par pitié faites que ça se passe bien...

- Prête ? Me demande Reb en appliquant une quinzième couche de son rouge à lèvre cerise.

Non. Certainement pas. Ramène moi chez moi.

- Super prête.

Elle hoche la tête et nous sortons toute deux de la voiture. Sur le chemin qui mène au perron, elle s'agrippe à moi pour ne pas se briser la cheville sur les graviers et ce simple geste me rassure quelque peu. Je ne suis pas seule.

Dès que nous sommes entrées, je suis assaillie par une violente odeur de bière et de beuh. Je grimace et ça n'échappe à mon amie qui glousse. Comme Deck la première fois, elle me traîne littéralement jusqu'à la cuisine et j'en déduis que c'est un passage obligé si on veut pouvoir se trouver autre chose que de la bière tiède à boire.
Une fois munies de nos énormes gobelets rouges, elle me traîne à nouveau vers le jardin où, assure-t'-elle, nous attendent déjà les autres.

Je les repère directement. Assis en cercle au fond du jardin, ils se détachent complètement du reste des personnes présentes avec leurs styles de bad boys et bad girls. Je fais signe à mon amie et celle-ci pousse immédiatement des cris perçants bientôt rejointes par Agatha. Elle me lâche aussitôt et trottine vers eux tant bien que mal juchée sur ses escarpins.
Bordel mais on les a vu il n'y a même pas cinq heures...

Je les rejoins à mon tour et dès qu'il m'aperçoit, Grant s'exclame d'une voix déjà pâteuse

- J'ai gagné le pari les mecs ! Elle a bien des seins !

J'écarquille les yeux à l'entente de ses propos et toise Evan et Nate d'un air interrogatif. Étant donné qu'ils avaient tous déjà parié à mon sujet, cela ne m'étonnerait pas qu'ils aient recommencé. Bien que parier sur ma poitrine est tout de même de très mauvais goût...

- Il déconne, m'assure Nate en frappant violemment Grant derrière la tête. Excuse-le, ça fait déjà trois heures qu'il boit.

- Tu es superbe, m'affirme à son tour Evan en me souriant à la manière d'un père protecteur.

Je lui souris gentiment et Reb se vante pendant encore au moins dix minutes d'avoir réussi à me transformer en, je cite : "bombe sexuelle".
Nous finissons par nous rasseoir tous en cercle et Grant sort ensuite de sa poche un joint qu'il s'empresse d'allumer et de passer à Agatha, assise juste à côté de lui. Un par un, ils tirent plusieurs fois dessus et se le font passer. Quand vient mon tour, je refuse poliment et personne n'insiste, ce dont je leur suis reconnaissante. Pendant une seconde, j'ai peur de passer encore un peu plus pour la coincée inhabituée aux soirées mais je me rappelle rapidement que c'est ce que je suis et que tenter de changer cela ne résoudra rien. J'ai déjà essayé.
Je m'emploie donc à oublier tous ces soucis et à simplement profiter de la soirée avec mes amis. L'alcool aidant, je me détend rapidement et me surprend même à glousser comme une collégienne à certaines blagues stupides de Grant.

Environ trente minutes et deux joints plus tard, Agatha s'écrie en tapant des mains

- Je ne vais pas tarder à voir trouble les gars ! C'est l'heure du gage ou vérité !

J'éclate de rire quand Grant retire son t-shirt et le fait tourner au dessus de sa tête en imitant les cris d'Agatha. Nate lui donne à nouveau une claque derrière le crâne en lui ordonnant de se calmer et il piaille de douleur.
J'ai déjà pu constater grace aux rares soirées où j'ai mis les pieds que ce genre de jeux a véritablement la côte. Je n'ai jamais compris pourquoi.

- Ok ! Je commence s'exclame Juliette. Becky, gage ou vérité ?

- Mhm...Vérité ! S'exclame l'intéressé.

- On commence doucement. Becky, avec quel mec du groupe n'as-tu jamais couché ?

- Grant ! S'exclame aussitôt la jolie rousse en explosant de rire.

L'intéressé se met à bougonner et nous éclatons tous de rire. C'est ensuite au tour de Reb qui demande à Evan après que celui-ci ai aussi choisi vérité :

- Quel est l'endroit le plus glauque où tu l'ai fait ?

- Fastoche, le lit de Grant, répond ce dernier en haussant les épaules.

Tout le monde s'esclaffe à nouveau. Grant a définitivement été pris comme cible de leurs railleries. Il jure en traitant Evan de connard et se prend à nouveau une claque de Nate.
Au plus je passe du temps avec eux et au plus j'envie cette capacité qu'ils ont à tous se comporter comme une grande famille. Ce sont des marginaux tant dans leurs styles que dans leur manière de ne pas faire attention à l'avis des autres.
Je les envie véritablement.

- À ton tour Maggie, me dit Evan. Gage ou vérité ?

Étant donné ma relative inexpérience vis-à-vis de ce jeu et parce qu'il est clair que je n'ai pas ingéré assez d'alcool que pour répondre "gage", je lui dis

- Vérité.

- Ok, es-tu vierge ? Me demande-t-il abruptement.

C'est plutôt simple comme question. Ce qu'on attend tient en trois lettres : oui ou non.
Mais pour moi ça ne l'est pas. Du moins ça ne l'est plus.
Je me fige immédiatement, mes yeux s'écarquillent et mes doigts se resserrent si fort autour du gobelet que je l'entends se plier.

- Je...

- Oh aller ! On a tous compris que tu l'étais encore ! Hurle Grant en riant. Pas de souci beauté, je me ferais un plaisir de remédier à ça si tu en formules un jour la demande...

Il se prend à nouveau une claque de la part de Nate qui lui au contraire de son cousin a compris que quelque chose clochait. Je sens soudain la main de Reb se poser sur mon épaule et sa voix incertaine prononcer mon nom.
Les larmes que je tente tant bien que mal de retenir me brûlent si fort les yeux que je dois baisser la tête pour qu'ils ne remarquent rien.

- Okai et si on passait à quelqu'un d'autre ? Demande Juliette en forçant son ton à paraître jovial. Grant, gage ou vérité ?

- Bande de mauviettes ! Hurle alors le garçon. Vous allez voir ce que c'est de jouer vraiment ! Gage !

Je n'entends plus leur conversation. Elles me paraissent brouillées, lointaines.
La main de Reb toujours posée sur mon épaule et les larmes de plus en plus envahissantes, je comprend que je n'arriverai plus à faire bonne figure très longtemps.
Je me relève donc précipitamment, la tête toujours baissée, manquant ainsi de tomber.
Ils s'arrêtent aussitôt de parler et je sens sur moi leurs regards interrogateurs. Pourtant pas un ne prononce un mot.

- Je...mon verre est vide. Je vais m'en chercher un nouveau, dis-je simplement en faisant volte-face.

Au pas de course, je refais le chemin en sens inverse en ne pouvant cette fois plus retenir mes larmes.
Je ne pleure même plus à cause de ce qu'il m'a fait. Je pleure pour l'emprise qu'il a encore sur moi. Même ici, le moindre mot de travers me ramène à cet instant, je n'arriverai donc jamais à m'en remettre, à vivre exactement comme eux tous ? Sans crainte, sans peine...
J'enjambe la porte-fenêtre et me retrouve immédiatement noyée dans la foule. Tout le monde semble heureux insouciant. Je vois des gens danser, d'autres rire, s'embrasser. Et je suis seule.
Je sens alors des mains qui me frôlent, des souffles sur ma nuque et mes joues, et toutes ces voix... je suis de retour à cette soirée, quatre ans plus tôt. Je suis à nouveau seule, noyée dans une mer d'inconnu.
Et il n'est pas là. Exactement comme la dernière fois.
J'ai besoin de lui.

Mes oreilles se mettent alors à bourdonner, ma gorge se resserre tant et si bien que je n'arrive plus à respirer correctement. J'entends mon verre chuter au sol et sens des gouttes de sueurs se mettre à perler le long de mon front.
Puis vient sa voix, sa jolie voix qui pourtant me donne la nausée. Elle me dit que je suis belle, de rester tranquille, que tout ira bien...
Les larmes roulent sur mes joues de plus belle, je suffoque, je sens que je perd pied, je vais tomber.

Et à ce moment là, je l'entend. Je ne sais pas d'où il sort ni même ce qu'il fait là mais je suis si soulagée de l'avoir à mes côté que je ferme une demi seconde les yeux et soupire. Je sens sa main qui agrippe la mienne, m'insufflant un peu de sa force au passage.

- Mon ange ?

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