Chapitre 24

Il est dix-huit heure, j'ai terminé les cours pour aujourd'hui. Je me dépêche de sortir de l'auditoire, je n'ai que dix minutes avant que le bus passe.
Je suis presque arrivée à l'entrée du bâtiment quand j'aperçois Cole, appuyé nonchalamment contre une machine à café, il semble en grande discussion avec une petite blonde.

Parfait, il ne m'a pas vu. J'accélère l'allure et passe devant eux en coup de vent. Je dévale ensuite les quelques marches du bâtiment et

- Tweety !

Fait chier.
J'accélère un peu plus le pas, faisant mine de ne rien avoir entendu. Cette scène m'en rappelle étrangement une autre avec les deux mêmes protagonistes qui a eu lieu il n'y a pas si longtemps.
Comme je m'y attendais, il ne semble pas abandonner et apparaît brusquement devant moi. Je m'arrête brusquement et lui crache :

- C'est quoi ton fichu problème ?!

- Tweety, on peut parler ?

- On n'a rien à se dire Cole, lui réponds-je en le contournant du mieux que je peux malgré les poubelles qui m'obligent à le frôler. Je suis pressée.

- Putain si ! S'écrie-t-il en me rattrapant par le bras. Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ?!

- Qui ? Reb ? M'étonnais-je en fronçant les sourcils. Elle ne m'a rien dit.

- Tu pardonnes bien pire à Decklan et...attend pourquoi tu me fais la gueule au juste ? Me demande-t-il en me lâchant.

Je ne comprends rien à ce qu'il essaie de me dire et en plus de cela, je ne tiens pas à passer plus de temps que nécessaire en sa compagnie. À chaque fois que je lui parle, j'angoisse de voir apparaître n'importe lequel de ses amis, en particulier Malcolm.

- Je ne te fais pas la gueule, pour cela il faudrait qu'on soit amis et on ne l'est pas, lui dis-je alors en me reculant légèrement.

- Tu sais frappé où ça fait mal Tweety...

Il semble blessé et automatiquement je m'en veux. Lui faire du mal n'est pas le but.

- Écoute Cole, je te suis reconnaissante de m'avoir aidé l'autre soir, je reprend d'un ton adouci, mais on ne peut pas être amis.

- Je sens que je vais adorer ton explication, me répond-il narquois en croisant les bras sur son torse, faisant mine d'attendre.

Je l'observe un instant, ce garçon à l'allure impeccable et je n'en doute plus maintenant, au grand cœur. Il me jette un coup d'œil interrogateur et j'inspire profondément pour lui sortir l'explication la plus vague dont je sois capable.

- Tes amis, ton univers, tout ça n'est pas fait pour moi...

Tout ton univers représente ce que j'abhorre, tout ce que je m'efforce de fuir, d'oublier.
Je ne tomberai pas dans ce joli piège, pas cette fois.

- J'emmerde mes potes et mon fichu univers ! Crache-t-il avec mépris. Je ne te demande pas de les accepter, il ne s'agit pas d'eux ici.

- Bien sur que si...peut-être que tu ne comprends pas mais...je ne veux pas m'embarquer dans une amitié avec toi et la montagne d'ennui qu'elle amènera. Je suis désolée...

- Je te suis pas Tweety...

Tout ce que je dis n'a aucun sens pour lui, il ne sait pas...
Mais c'est la bonne décision, j'en suis persuadée.

- Je dois y aller Cole, je vais rater mon bus...

Je le contourne et cette fois il ne me retient pas, ne me court pas après, je n'accélère pas. C'est étrange, j'aurais pensé vouloir mettre le plus de distance entre nous le plus vite possible, Mais je me rends compte que même si ça ne fait pas très longtemps qu'on se connait, je me suis attachée à lui.

N'y pense pas Maggie, tu dois te protéger avant tout, tu l'as appris à tes dépens.

********

Je ne mets pas longtemps pour arriver à l'appartement et quand je pousse la porte, éreintée après cette longue journée de cours, je suis accueillie par une alléchante odeur de...brûlé.
Je me met aussitôt à paniquer en imaginant mille scénarios catastrophes possibles.

- Deck ? Appelais-je en lâchant mon sac dans l'entrée et en m'avançant rapidement vers la salle de séjour.

Cette dernière est déserte mais depuis la cuisine, j'entends résonner son horrible musique country.
Et je le découvre-là, en tablier et jogging, nageant au milieu d'un nuage de fumée, l'air irrité et dépassé.

- Mais qu'est-ce que tu fiches ?!

Il se retourne brusquement vers moi et de surprise, lâche le plateau qu'il tenait entre deux maniques.
Tout s'écrase alors au sol et si je me concentre bien, je pense apercevoir ce qui aurait pu être un poulet rôti.
Sa tête quant à elle quand il me découvre est à mourir de rire, on dirait un lapin effrayé qui se retrouve face à face avec des phares de voiture.

- Tu es une véritable catastrophe sur pattes, lui dis-je en ne pouvant m'empêcher de glousser.

Devant mon air moqueur, je m'attends à ce qu'il s'énerve encore plus mais à mon grand étonnement, son visage se détend et il s'esclaffe. Il court ensuite ouvrir la fenêtre avant que l'alarme incendie ne se mette en route et moi j'entreprends de ramasser les dégâts au sol.

- J'avais fini les cours tôt aujourd'hui et je voulais cuisiner un truc un peu plus élaboré que des nouilles pour fêter l'arrivée de ma nièce... J'aurais apparement mieux fait de m'abstenir, m'explique-t-il en venant m'aider.

- Ma nièce tu veux dire. Et en effet, tu sais pourtant que tu es une calamité aux fourneaux. Ce n'est pas pour rien qu'on avait décidé que tu t'occupais du ménages et moi de la cuisine, dis-je en riant toujours.

Une fois que la cuisine ressemble à peu près à ce qu'elle était avant que Decklan ne s'improvise chef coq, je sors de l'armoire deux sachets de pâtes que je met ensuite à chauffer dans une énorme casserole. À côté de moi, mon ami observe la scène avec une petite grimace de dépit sur le visage.

- Je suis un bon à rien...

- C'est très juste, heureusement que moi au contraire je suis une véritable fée du logis, dis-je en lui souriant.

Je ne peux pas le blâmer de ne rien connaitre aux tâches ménagères, chez lui il y a toujours eu quelqu'un payé pour cuisiner, ranger, tondre la pelouse et j'en passe.
Quant à moi, même si je ne suis pas la plus âgée, j'ai très tôt appris à m'occuper de ma fratrie. Rose a quitté la maison assez rapidement et il ne faut certainement pas compter sur l'un de mes frères pour tenir correctement une maison. Nos deux parents travaillant, ça avait été mon rôle.

- Comment s'est passé ta journée ? Me demande-t-il en s'attelant à dégeler un paquet de bolonaise.

J'adore ces moments, quand nous avons tous deux finis nos journées à l'université et que nous nous retrouvons ensemble, chez nous. Il n'y a que lui et moi et je peux presque m'imaginer que tous mes rêves sont devenus réalité. Presque.

- Super, elle a été assez longue ceci dit. Et toi ?

- J'ai eu entraînement aujourd'hui, c'était vraiment...vraiment bien.

Je me tourne vers lui. Son visage est marqué par l'appréhension. J'aime qu'il s'inquiète à ce point pour moi, pour ce que je ressens. Mais il ne faut pas.

- Je suis contente pour toi Deck, c'est formidable que tu aies recommencé à jouer.

Je lui souris tendrement, d'un air que je veux rassurant. Il se détend lui aussi et me sourit à son tour plus franchement.
Je ne mens pas, je suis véritablement heureuse qu'il ai recommencé à faire quelque chose qui lui plait. Je m'en voulais qu'il ai arrêté de jouer simplement pour épargner mes sentiments. Si il a repris le foot, c'est le signe qu'il passe à autre chose. Je devrais peut-être être capable à mon tour de

- L'équipe organise une petite fête pour marquer l'ouverture de la saison, c'est demain. Ça te dirais de m'accompagner ?

Je me fige immédiatement mais continue à remuer les pâtes dans la casserole. Je le sens à nouveau tendu à côté de moi mais je ne tourne pas la tête vers lui. Si je le fais, je vais craquer.

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Mais vas-y toi.

- Je ne veux pas te laisser seule...

Sa remarque m'irrite. Me prend-t'-il pour une pauvre fille ne sachant pas rester seule une soirée ou pour une enfant incapable de se gérer ? Non parce qu'aux dernières nouvelles, ce n'est pas moi qui ai réduit un poulet en cendre et qui n'arrive pas à dormir seule la nuit...

Dès que cette pensée me traverse l'esprit, je m'en veux, il s'inquiète simplement pour moi. Si il arrêtait subitement de prendre en compte mes sentiments, je détesterais cela.
Alors arrête de faire ta garce Margaret Scott et rassure le.

- Ne t'inquiète pas, j'aime bien être seule de temps en temps. Ça nous fera peut-être du bien de ne pas être l'un avec l'autre pour un soir...

Ma remarque n'avait pas pour but de le vexer. Pourtant, il m'observe à présent d'un air impassible et j'ai peur de l'avoir blessé. À cette idée, je m'affole et m'empresse de me corriger

- Enfin ce que je veux dire c'est que

- Tu as raison, ça nous fera sûrement du bien de passer une soirée loin l'un de l'autre, me coupe-t-il d'un ton plat.

Il regarde à présent droit devant lui et je sens mon cœur se serrer. Je ne sais pas ce qui m'arrive mais ces derniers temps, j'ai sans cesse l'impression de marcher sur des œufs avec lui, de mal agir. Ce n'était pas comme ça avant, notre relation, même si elle n'avait jamais été banale, était pourtant plus simple, sans la moindre prise de tête.

- Deck...

- Tes pâtes vont finir par ressembler à de la purée si tu les laisses une minute de plus, me dit-il soudain en me souriant gentiment.

Son sursaut d'humeur ne me trompe pas. Je l'observe, les sourcils légèrement froncés, l'air inquiet. Ma main est posée sur son avant-bras et j'attend qu'il s'explique sur ce qui l'ennui. Mais il ne semble pas avoir envie de poursuivre cette conversation et comme je ne bouge toujours pas, il entreprend d'égoutter lui même les pâtes.
Je le regarde faire sans rien dire, toujours pas rassurée. Je détesterais qu'il m'en veuille pour quelque chose que j'ai dit.
Si ça ne tenait qu'à moi, je passerais toutes mes soirées collée à lui. J'avais simplement dit ce que je pensais qu'il voulait entendre. Deck avait toujours aimé sortir, rencontrer du monde, draguer et depuis notre emménagement, il avait rarement eu l'occasion de sortir, par égard pour moi qui n'aimait pas ça.

Je ne comprend pas ce qui l'ennui, je lui offre l'occasion de faire toutes ces choses qu'il apprécie et il semble triste...

- Tu viens manger ? Me demande-t-il, toute trace d'irritation ayant fui son beau visage.

Peut-être que j'ai surestimé tout ça... que je me suis fait un film dans ma tête parce qu'en vérité, j'aurais aimé qu'il me dise qu'il préférait passer ses soirées avec moi plutôt qu'avec d'autres.
Malheureusement, ce n'est pas le cas et si je ne doute pas que je participe à son bonheur, je ne suis pas suffisante.

- J'arrive.

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