Chapitre 22
- Mags, putain éteins ce téléphone, grogne une voix mécontente à côté de moi.
Quand je prends conscience que la sonnerie que j'entends est bien réelle et qu'elle provient de mon téléphone, je me redresse prestement et attrape l'objet sur la table de nuit.
À la découverte du nom qui s'affiche sur l'écran, je soupire et jette un coup d'œil au réveil.
Sept heure du matin, elle veut ma mort ou quoi ?
Je décide tout de même de répondre. Connaissant ma mère, elle n'arrêtera pas d'appeler tant que je ne décrocherai pas.
- Maman ? Chuchotais-je tout bas.
- June ! Mon bébé c'est la troisième fois que je t'appelle !
Elle a hurlé et je décale prestement l'appareil de mon oreille. Nom de dieu...
- Maggie raccroche, me supplie Deck en s'écrasant le visage avec mon oreiller pour ne plus avoir à supporter les cris de ma mère.
Pour ne pas plus ruiner la grasse matinée de mon ami, je me dépêche de sortir du lit et de la chambre dont je referme la porte sans bruit. Je prie ma mère d'attendre deux secondes avant de hurler à nouveau et une fois dans le salon, je l'autorise à continuer.
- Qu'est-ce qui se passe ? Tout va bien ? Pourquoi tu m'appelles aussi tôt ? Lui demandais-je en me frottant les yeux pour faire disparaître les dernières traces de sommeil.
- Oh mon bébé ! Tu es tantine ! Rose a accouché ! Me hurle-t-elle si fort que même à moitié endormie, je ne peux que comprendre.
Les yeux à présent grand ouverts, je me laisse tomber dans le canapé.
- Mais...ce n'était pas prévu avant quatre semaines...
- Crois-moi, personne ne s'y attendait ! Quand François nous a appelé depuis l'hôpital complètement paniqué parce que le bébé arrivait trop tôt, j'ai vu le visage de ton père passer par toutes les couleurs possibles. J'ai cru qu'il allait s'évanouir à table !
- Mais...et Rose, comment va-t-elle ? Et le bébé ?
- Ne t'inquiète pas, ta soeur et ta nièce vont toutes les deux très bien. Ils ont du la mettre en couveuse mais elle ne court aucun danger.
- C'est une fille...
Des larmes se mettent à couler d'elles-mêmes le long de mes joues. Je sanglote au téléphone pendant que ma mère essaie tant bien que mal de me calmer. Elle me demande plusieurs fois pourquoi je pleure, je ne lui répond pas.
Je savais depuis le début que je ne serais pas là pour la voir arriver. Ça fait juste plus mal que prévu.
- C...comment s'appelle-t-elle ? Parviens-je tout de même à demander entre deux sanglots.
- Et bien...ils n'ont pas encore décidé, tout s'est passé très vite et je t'ai appelé dès que la petite crevette à pointé le bout de son nez. Il faudra demander à ta soeur, j'ai l'impression qu'en ce qui concerne le prénom de sa fille, François n'aura pas droit au chapitre, glousse ma mère.
Je souris à mon tour. Ça ne m'étonnerait pas de Rose qu'elle refuse de laisse son mari choisir avec elle le prénom du bébé. Elle n'en fait toujours qu'à sa tête et n'hésite pas à dire à faire remarquer quand quelque chose ne lui plaît pas.
Tout mon contraire en somme.
Nous parlons encore pendant un instant et chose quasiment incroyable, c'est finalement ma mère qui met fin à la conversation en m'expliquant qu'elle doit retourner auprès de Rose. Je lui demande plusieurs fois de l'embrasser pour moi et elle me promet de me rappeler dans quelques jours. Quand je raccroche enfin, je suis dans un état lamentable, mon nez coule, mes yeux aussi.
- Mon ange ?
Je sursaute en poussant un léger cri et me retourne vers Deck qui, adossé à la porte de la chambre m'observe l'air encore un peu chiffonné et les cheveux en bataille.
Quand il s'aperçoit que mon visage est maculé de larmes, ses yeux s'agrandissent et il se précipite vers moi pour me prendre dans ses bras.
- Putain qu'est-ce qui se passe ?! Il est arrivé quelque chose ?!
Il semble paniqué agenouillé ainsi devant moi et un élan de tendresse me traverse soudain. Je l'observe en souriant doucement et passe ma main dans ses cheveux. Je suis la seule qui puisse me permettre de tels gestes, la seule qu'il laisse s'approcher autant, la seule dont il recherche la compagnie. Mais la seule qu'il ne semble pas voir.
Il est complètement paumé, je peux lire toutes ses questions dans son regard. Il doit me prendre pour une folle à pleurer puis à sourire de la sorte.
- Je suis tantine, lui chuchotais-je en accentuant un peu plus mon sourire.
Quand il prend pleinement conscience de ce que je suis en train de lui dire, son visage s'éclaire et il se relève d'un bond. Il me soulève et me fait tournoyer dans toute la pièce en hurlant comme un dingue. Je ne peux m'empêcher de l'imiter et bascule la tête en riant.
Quand enfin il s'arrête, il est essoufflé, ses joues sont rougies et je ne dois pas être dans un meilleur état. Il ne me dépose pourtant pas tout de suite et me demande
- Qu'est-ce que c'est ?
- Un poney.
Il ricane et je ne peux m'empêcher de glousser à ma propre blague.
- Une petite fille, lui avouais-je tout de même en souriant toujours. Mais on ne lui a pas encore trouvé de prénom.
Son visage s'illumine un peu plus et il répète
- Une petite fille...
Alors que je me demande pourquoi il ne m'a toujours pas posé, il relève la tête et plonge son regard intense dans le mien. Il ne m'en faut pas plus, aussitôt les battements de mon cœurs s'accélèrent, ma respiration se fait plus difficile et je sens les pointes de mes oreilles chauffées. Ça ne devrait pas être permis d'être aussi magnifique.
- Deck, chuchotais-je.
- Oui...
Je suis incapable de prononcer un seul autre mot. Ce regard, il ne m'a jamais regardé comme ça, personne ne m'a jamais regardé comme ça. Ses yeux descendent lentement sur mes lèvres et je les humidifie du bout de la langue en réaction.
Il me fait tellement d'effet, plus que personne d'autre. Mais c'est pareil pour toutes les filles qui croisent son regard.
Cette constatation est comme un électrochoc.
Je prend conscience que si je laisse cela arriver, je ne serai plus à ses yeux qu'une fille parmi tant d'autres, une fille interchangeable, jetable. Je ne peux pas laisser cela arriver, cela fait dix ans que je m'applique à me rendre indispensable pour ce garçon, je ne gâcherai pas tout. Je ne serai pas le genre de filles avec qui il couche. Je serai sa meilleure amie, sa confidente, son repère, tout ce qu'il voudra mais pas ça.
- Qu'est-ce que tu fais ? Chuchotais-je en passant ma main dans ses cheveux, un geste maternel.
Il cligne plusieurs fois des yeux et m'observe comme si les dernières minutes n'avaient jamais existé, comme si nous ne venions presque pas de tout foutre en l'air.
Il me repose lentement au sol, mon corps glisse le long du sien et je savoure le plus longtemps possible ce dernier contact.
Quand nous nous faisons finalement face, je fais semblant de ne pas remarquer son air peiné. C'est mieux pour tout le monde si nous nous en tenons à ça. Je veux son amour et si je ne peux l'obtenir que par le billet de son amitié, alors je préfère en rester là.
- Je suis heureux pour toi mon ange.
Je pense l'être aussi. Pourtant, je ne peux m'empêcher d'éprouver une pointe de tristesse, pour lui, pour moi, pour nous.
Pour tout ce que nous ne sommes plus autorisé à réclamer.
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