Chapitre 20
- Tu peux dormir sur le canapé, faudra juste que je rappelle aux mecs de regarder avant de s'y asseoir, me dit Reb en me passant une couverture.
- Je comprend toujours pas pourquoi tu veux pas dire à ton pote que tu travailles au Jone's. Où est le mal ? Me demande-t-elle à nouveau en me passant une canette de soda.
- Il va essayer de me dissuader de le faire. Et j'ai peur de ne pas être assez courageuse pour lui tenir tête indéfiniment...
Elle m'observe avec pitié et je baisse les yeux. Je l'entends soupirer puis le canapé s'affaisse quand elle s'assied à côté de moi.
- Tu sais ma belle, la première fois que je t'ai vu, tu dénotais complètement au milieu de tous ces étudiants paumés. T'avais l'air d'être le genre un peu naïve et trop innocente pour être intéressante. Je me suis dit que t'allais pas survivre dans cette ville, qu'elle allait te bouffer toute crue.
-...
- Puis t'as levé les yeux vers moi et je me suis donné dix-mille putains de claques mentalement pour avoir pensé ça.
Je lève les yeux vers elle l'air perplexe et elle me sourit doucement.
- Il t'est arrivé un truc pas vrai ? Un truc tellement immonde que ça a changé quelque chose jusque dans ton regard, je me trompe ?
- De quoi tu parles ?
- T'es pas obligé de me raconter. Mais sache que j'ai fait certains trucs dont je suis pas fière, des trucs que je regrette. Je peux pas te juger.
-...
Seigneur. Pourquoi doit-elle parler de ça maintenant ?
Je pensais pouvoir laisser ça derrière moi. Mais au plus le temps passe, au plus je me rend compte que c'était une énorme erreur que de penser ça.
- Il...il ne m'est rien arrivé Reb, je vais parfaitement bien.
Elle me regarde en grimaçant, pas dupe pour un sous.
Je ne lui dirai pas.
- Comme tu veux Maggie, je suis ton amie et tu sais que tu peux venir quand tu veux pour me parler ou même si t'as besoin de voir quelqu'un, je suis là.
- Tu es gentille, mais je t'assure, tout va bien.
Je me force à lui sourire et elle fait de même. Au moment où je me demande ce que je pourrais bien dire pour briser ce silence trop lourd, Juliette et Agatha rentrent les bras chargés de cochonneries à manger.
- Salut la compagnie !
- Vous en avez mis du temps ! S'exclame Reb en se levant pour les aider à tout apporter au salon.
- C'est la faute d'Agatha, elle arrivait pas à se décider entre les bonbons et les chips, lui répond Juliette en me souriant l'air complice.
- Du coup on a pris les deux.
Je me lève pour les rejoindre et pointe tous les sachets dû doigts
- C'est pour quoi faire tout ça ?
- Pour manger bien sûr ! S'exclame Agatha, pour quoi d'autre voudrais-tu que ce soit ?
- On a décidé de faire une soirée entre filles ce soir ! Les mecs ont été prévenu et ils devraient se tenir éloignés du dortoir pour ce soir.
- Je crois que ta menace de l'épilation intégrale s'ils prenaient le risque de foutre un pied ici à marché, dit Juliette a l'adresse de Reb qui ricane en se remémorant sans doute la scène.
- Ouais, c'était bien trouvé.
- Mais je travaille ce soir...
- On sait bien, me répond Reb en rangeant les courses, on viendra avec toi le temps de boire quelques shots puis après on rentrera ensemble manger tous ces bonbons !
- Je...vous êtes sûres ? Je veux dire que vous n'êtes pas obligées, m'empressais-je de me rectifier en voyant leurs mines déconfites, je ne voudrais pas vous déranger...
- T'es con ou quoi ?
- Pardon ?
- Si ça nous ennuyait on te le dirait, ma belle, me souffle Agatha en souriant, mais on ne refuse jamais une sortie quand elle se présente.
- La gothique à raison, acquiesce Reb en enfournant une grosse poignée de chips dans sa bouche. Ça va être sympa de sortir une fois sans mecs !
Je les observe en souriant. Je pense que je peux enfin pleinement les considérer comme de véritables amies. Ça fait tout drôle, je n'en ai jamais eu. Chez moi, les filles se contentaient dans le meilleur des cas de m'ignorer, dans le pire et bien...Deck était là pour réparer les dégâts.
- Fronce pas les sourcils, ça va te faire des rides, me prévient Reb en venant lisser la peau de mon front du plat de son pouce.
Je relève les yeux vers elle et lui sourit. Un instant, elle paraît décontenancée et ne me le rends pas, pourtant elle se reprend vite et m'offre le plus éclatant sourire dont elle est capable.
Je suis sure que cette soirée va bien se passer.
**
- Deux Pils et une Bud, s'il-te-plait Gary, demandais-je en me penchant sur le comptoir.
- Ça marche petite !
Il me sourit et je suis pendant un instant presque aveuglée par la blancheur de ses dents.
En attendant la commande, j'en profite pour tirer aussi fort que je peux sur mon t-shirt pour qu'il couvre mon ventre, mais ce faisant, il agrandit mon décolleté et je soupire. Il va falloir que je survivre au fait de me sentir à moitié nue.
- La jupe te va bien !
Je me retourne vers Ingrid, l'autre barman qui n'est là que les week-ends et lui sourit en la remerciant.
Elle doit environ avoir l'âge de ma soeur aînée, Rose, dans la trentaine. Elle est minuscule et tout en courbe, ses longs cheveux blonds aux pointes roses lui tombent négligemment dans le dos et sur elle, l'uniforme du bar à presque l'air acceptable. Elle glousse doucement à une plaisanterie de Gary et je remarque que son visage est plutôt joli quand elle sourit. Ses grands yeux bruns ourlés d'épais cils noirs s'éclairent, ses joues se colorent légèrement et font ressortir sa petite bouche rose en cœur. Elle est mignonne.
Moi à côté, j'ai l'air d'une potiche. Elle a du me prêter une jupe noire parce que le bas que j'avais n'était pas approprié, apparement trop long. Noté l'ironie.
Le problème c'est que même si je ne suis pas grande, je dois tout de même faire une tête de plus qu'elle et la jupe qui sur elle doit être courte, est sur moi bien au-delà de la limite du respectable. Si on ajoute à cela le t-shirt beaucoup trop court et serrant du bar, vous avez la raison parfaite de mon malaise.
Je suis ridicule et je ne la crois pas une seconde quand elle dit que cette jupe me va.
- Voila ta commande petite, deux Pils et une Bud !
- Merci, réponds-je en riant face à son air de joyeux benêt.
Je me tourne ensuite vers la salle. Quand je suis arrivée à 20h, j'ai immédiatement été choquée par le monde qu'il y avait par rapport à la vieille. Maintenant qu'il est 23h, le nombre de clients a du tripler. Aujourd'hui, il y a plus de jeunes et aucune trace des motards de la dernière fois.
Je fais vite signe à mes amies en passant devant leur table et continue mon chemin jusqu'à arriver à un groupe de trois garçons.
Je ne dis rien et me contente de décapsuler à toute vitesse leur trois bières. Je dois être rouge comme une tomate, mais je sens sur mon corps leurs regards libidineux. Ils doivent avoir environ mon âge et sont sans doute dans la même université si j'en crois l'insigne sur leur blouson. Ils font parti de l'équipe de natation.
C'est bien ma veine.
- Ce sera tout ? Demandais-je en serrant contre moi le plateau quand il est clair que je vais devoir croiser leurs regards.
- Ça dépend, je peux te payer quelque chose ? Me demande celui qui semble être le meneur parce qu'aussitôt les deux autres ricanent et je ne peux empêcher mes joues de s'échauffer un peu plus.
- Je ne bois pas pendant mon service, désolée.
- Y a tellement de monde que personne le saura. Fais pas ta prude, ça te va pas dans cette tenue.
Mes doigts tremblent et le plateau dans mes bras aussi. Je ne dis rien mais vais pour me retourner quand il m'attrape fermement l'avant-bras, me faisant piailler de surprise.
- Je t'ai parlé. Tu peux me répondre.
Je suis au bord des larmes et de la crise de nerfs. Je ne sais pas comment gérer ça.
Ce que je craignais est en train de se produire.
- Je dois retourner travailler, lâchez-moi, il
- Qu'est-ce que tu fous Cresley ? Retentis soudain une voix derrière moi.
Aussitôt, le visage du dénommé Cresley s'éclaire et il sourit à l'homme derrière moi sans pour autant me lâcher.
- Price ! Putain vieux qu'est-ce que tu fous ici ?
Cole ?
- Mec, tu devrais la lâcher, elle a pas l'air d'apprécier...
Le garçon dénommé Cresley tourne la tête vers moi et m'observe les yeux grands ouverts comme s'il se demandait d'où je sortais. D'un geste brusque, il me lâche et je chancelle.
- Hé, ça va ? Me demande Cole dans mon dos en m'attrapant par les épaules pour me stabiliser.
- Tu parles, c'est qu'une saleté d'allumeuse. Elle se fringue comme une pute et après me prend pour un con.
- T'es qu'un porc Cres, soupire Cole et dans sa voix, j'entends de l'amusement mélangé à une pointe de dégoût.
Il soupire et doit sans doute sentir que je tremble parce qu'il me retourne vers lui pour sans doute, comme il le pense, rassurer cette fille trop conne qui n'a que ce qu'elle mérite dans cette tenue.
Mais quand enfin je lui fais face et qu'il se rend compte à qui il a affaire, je sens ses mains sur mes épaules se figer pour me serrer un peu plus.
- Tweety...que...qu'est-ce que tu fais ici ? Habillée comme ça...
D'un geste sec, je me dégage de son étreinte et grogne
- Ce ne sont pas tes affaires. Pousse-toi.
Mais il y a trop de monde et je finis tout de même par me retrouve à nouveau collée contre lui.
Merde.
- Tu connais cette fille Price ? Demande le garçon de sa voix pâteuse.
- Ta gueule Cresley, s'exclame Cole cette fois d'un ton si violent que je sursaute.
Il ne me quitte pas des yeux et soudain attrape mon poignet pour me traîner à travers toute la salle.
Il ne s'arrête pas, ni quand Cresley lui hurle de revenir, ni lorsqu'il atteint la porte et se faisant, passe devant Daniel, le videur. Je vois l'homme nous suivre du regard l'air soucieux. C'est la que je me rends compte de l'idiotie de m'être laissée traîner ici.
Je suis seule avec lui.
Merde.
Quand il estime que nous sommes assez loin, il s'arrête et se retourne vers moi, l'air indéchiffrable.
Merde encore.
- Qu'est-ce que tu fais ici ?
Un instant, je suis décontenancée par sa question abrupte et le fixe sans répondre.
Puis c'est comme un interrupteur qu'on aurait allumé à l'intérieur de moi. Je suis furieuse.
- Mais qu'est-ce qui tourne pas rond chez toi ? Tu me traînes ici pour me demander ça ?! Je n'ai aucun compte a te rendre que je sache ! Explosais-je soudain et ça me ressemble si peu que j'en reste un instant sans voix.
Lui aussi.
Mais il se reprend vite et me dit
- Hales sait que tu es ici ?
- Deck n'a pas besoin de connaitre mes moindre faits et gestes.
- Merde Tweety, arrête de faire l'emmerdeuse. Je ne t'ai rien fait moi ! Je voulais juste t'aider !
- Mais je n'avais pas besoin de ton aide ! On ne se parle plus, tu te rappelles, alors laisse moi faire ce que je veux ! Ça ne te regarde pas.
- La faute à qui si on se parle plus ?
- Cole, soupirais-je.
- Écoute, je m'en fous que tu veuilles plus jamais me voir, c'est ton droit. Par contre, tu peux pas m'en vouloir de t'avoir sortie de ce merdier à l'instant. J'ai pas eu besoin de voir ta tronche, rien que de dos j'avais remarqué à quel point t'étais morte de peur. T'as pas l'habitude de ce genre d'endroits alors pourquoi t'y vas toute seule et fringuée comme ça ! Tu cherches les emmerdes !
- Encore une fois, ça ne te regarde pas, et je n'étais pas seule.
- Si tu parles de tes amies au look bizarre, crois-moi vaudrait encore mieux que tu sois seule.
- Vas te faire foutre, crachais-je en me retournant avec dans l'intention de rentrer.
Mais comme je m'y attendais, il me retiens à nouveau et en soupirant me dit
- Si t'y retournes, je vais pas arrêter de me faire du souci pour toi. Tu ne veux pas que je te ramène ?
- Tu parles sérieusement là ? Je ne suis pas un bébé dont tu dois t'occuper Cole, je sais me débrouiller seule !
Je me suis tournée et sous la lumière du lampadaire, les lettres dorées du bar ressortent vivement. Cole s'en rend compte et baisse les yeux vers l'inscription.
Encore merde.
- Tu...tu travailles ici ?
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