Chapitre 7

 PDV Jérémy

« Dis moi journal, est-ce normal tous ces sentiments qui emplissent mon cœur ?

Il m'a ignoré. Il a détourné le regard, il a fait mine de ne pas me voir. Je me sens blessé, lésé presque. Comme si il m'avait trahi. Au fond, ce n'est pas grand-chose, il y a pire que de se faire ignorer de la sorte. Mais quand cela vient d'une personne qui compte, qui a de l'importance, et bien ça fait mal. Il n'y a pas d'autres mots.

Ce n'est pas comme si on me déchirait le cœur. Mais j'ai ce poids qui y pèse lourd. C'est dérangeant, agaçant, et surtout, sans raison. Parce que je ne comprends pas pourquoi il a agit de la sorte.

Quand je l'ai vu avancer, me regarder et m'ignorer, je n'ai pas eu l'impression qu'il s'agissait de l'homme avec qui j'ai passé ces deux mois. Et avec qui j'ai partagé... tant de choses. Mais pourtant c'était lui, alors je n'arrive pas à comprendre sa conduite.

Peut-être qu'il ne m'a pas vu. De loin, il est possible qu'il ne m'ait pas reconnu. Ou bien le stress de ce nouvel établissement l'a empêché d'agir comme il l'aurait voulu. Il a sûrement une excuse, non ?

Même moi, j'ai du mal à croire ce que je suis en train de dire. Il n'a a aucune raison valable qui pourrait l'expliquer. Mais je n'ai pas envie de croire qu'il m'ignore sciemment. Ou bien ai-je fait quelque chose qui lui a déplut ?

Peut-être que je me monte la tête pour rien, ou peut-être que j'ai raison de m'inquiéter.

Aaron n'est pas comme ça. Il est gentil, drôle, un brin taquin et attentionné. Si a réagit de cette façon, il doit forcément y avoir une raison. C'est juste que je n'arrive pas bien à comprendre laquelle.

Et que tant que je ne comprends pas, mon esprit n'arrive pas à penser à autre chose. Mon cœur n'arrive pas à passer outre.

Devrais-je lui demander ? J'ai peur de le faire. Et si il y avait vraiment une raison, si j'apprenais qu'il ne veut simplement plus avoir affaire à moi ? Je ne sais pas comment je réagirais. Il a prit une place dans ma vie, et dans mon esprit.

Je ne dirais pas que je l'aime. Non, c'est trop tôt. Mais je ressens des choses pour cet homme, que je n'ai jamais vraiment ressentit pour un autre. Alors je n'arrive pas à imaginer que tout puisse s'arrêter brutalement alors que tout semblait si bien parti.

Finalement, peut-être que cette année ne sera pas non plus de tout repos, mais pour une raison tout autre que les dernières. Cette fois-ci cela me concerne directement, mais ce n'est en rien comparable à ce qu'ont pu vivre mes amies.

Enfin, ce n'est pas comme si moi j'étais tombé amoureux d'un membre de gang. De toute façon, ce n'est pas comme si Josh ou Jack pouvait être intéressé par moi. Mais même sans cela, j'arrive quand même à me mettre dans une situation où je vais avoir mal. Pas physiquement, mais mentalement.

Je ne sais pas si je suis prêt à le supporter.

Regarde comme ma réaction paraît disproportionnée, par rapport à la situation. Imagine si il décidait réellement de couper les ponts avec moi.

Journal, ça peut paraître tellement stupide. Mais devant cette situation, je suis désarçonné. Et je ne sais pas quoi en penser. »

Je ferme le cahier et m'enfonce profondément sous les couvertures, fermant les yeux aussi fort que je le peux. Comme si cela allait m'aider à penser à autre chose. La vérité est que j'y pense depuis l'instant même où cela s'est produit. J'ai passé la totalité de mes cours à me demander ce qu'il se passait, le trajet du retour à imaginer à nouveau son regard se détournant de moi. Je suis rentré sans adresser un mot à ma mère, qui semble avoir comprit bien vite que je ne voulais pas parler ce soir. Nous avons mangé en silence, tandis que l'épisode du matin repassait en boucle dans mon esprit, se mélangeant avec une vague de souvenirs des vacances.

Et pendant toute la nuit, mes pensées ne tournent qu'autour de cela. Si bien que le matin, c'est les yeux bouffis que je me lève. Je fais peur à voir, et je ne peux décemment rester ainsi. Alors j'attrape mon fond de teint, que j'applique dans ce genre d'occasion. Si je ne me maquille pas tous les jours, c'est par choix, mais je soutiens de tout mon cœur les garçons qui le font. Ils doivent faire face aux critiques quotidiennes, et si peu qu'ils soit homosexuels en plus, ils se prennent double dose.

« La maquillage c'est pour les filles ». Et bien non, Mesdames et Messieurs. Un peu de culture vous ferait du bien. A l'origine, et durant tout temps, le maquillage était utilisé par les deux sexes. Si l'on remonte à la Renaissance, le maquillage était d'ailleurs plus souvent utilisé par les hommes ! C'est très contemporain, de condamner l'utilisation masculine du maquillage. Comme les robes et les perruques : du temps de certains rois, ce sont eux, qui en portaient, pas seulement les femmes.

Mais depuis quelques siècles, on a décidé qu'il fallait tout "genrer". Allez savoir d'où vient cette lubie. Alors on se retrouve avec le maquillage, le rose et les poupées pour les filles, le jean, le bleu et les voitures pour les garçons. Comme c'est restrictif, et surtout sans aucun fondement !

Mais que voulez-vous, ce sont les mêmes qui vont diront que l'homosexualité est contre nature, alors qu'elle existe dans toutes les espèces animales. Mais comme ils ne savent sûrement que l'homme est un animal...

C'est tout aussi contemporain d'ailleurs, de la condamner. A l'antiquité, il était tout à fait normal d'être avec une personne du même sexe. Mais que voulez-vous, nous régressons.

Je vais m'arrêter là, car je pourrais argumenter devant mon miroir de cette façon pendant des heures. Sauf qu'il va bien falloir que j'aille en cours, peu importe mon envie de me terrer sous ma couette.

Je n'ai pas assez dormi, j'ai trop pensé, et maintenant, je ne fais qu'imaginer ce qui va se passer lorsque je croiserais Aaron.

Je n'ai même pas faim, si bien que pour éviter de croiser ma mère, qui va finir par me confronter tôt ou tard sur mon attitude, je quitte directement la maison en direction du lycée.

Quand j'arrive, les lieux sont quasiment désert. J'ai plus de 20 minutes d'avance, jamais mes amis n'arriveront à cette heure là, et peu de lycéens viendraient aussi tôt.

Les couloirs déserts paraissent plus grands qu'en temps normal. Mes pas résonnent, et sur mon chemin, je ne croise personne. Je me dirige vers mon casier, pour attraper mes livres de cours, mais avant d'y arriver, je croise enfin quelqu'un.

Cette personne, de dos en train de farfouiller dans son propre casier, je la reconnaîtrais entre mille. J'ai l'impression de jouer dans un de ses films clichés, sauf que c'est bien réel. Je connais par cœur cette silhouette. Je l'ai bien trop observée pour me tromper. Bien trop touchée aussi.

Je reste un instant figé, alors que son ignorance se rejoue devant mes yeux. Devrais-je simplement continuer mon chemin, faire demi-tour, ou bien prendre mon courage à deux mains et aller lui parler ?

Je n'ai pas envie de continuer à me prendre plus la tête sur cette histoire. Alors doucement, presque craintivement, je m'approche de lui. Mes pas le font se retourner, et il ouvre ses yeux un peu plus grand, m'observant. Il a l'air à la fois gêné et surpris de se retrouver devant moi, et je ne sais pas comment l'interpréter.

- Salut, je... Je ne sais pas quoi dire, alors je laisse parler mes angoisses rapidement. Pourquoi tu m'as ignoré hier ?

La formule est sûrement un peu abrupte, si bien que lui-même semble surprit de cette entrée en matière. J'ai carrément mis les pieds dans le plat, c'est ce qu'on dit je crois. Il me regarde, sans rien dire, et je replonge un instant dans ses yeux qui m'ont fait fondre. Ils me font toujours le même effet d'ailleurs. Je le vois déglutir, avant de regarder autour de lui, comme si il voulait s'assurer que nous soyons seuls. Il a l'air nerveux. Que va-t-il m'annoncer ? Qu'il a déjà quelqu'un et que cette personne est ici ? Que tout n'était que mensonge ?

Je m'en veux de penser aussi négativement, mais son attitude est tout sauf rassurante.

Enfin, je le vois ouvrir la bouche, cette bouche dont le contact me manque terriblement, mais au final, ce n'est pas sa voix qui tranche le silence.

Nos visages pivotent sur la droite alors qu'un type arrive. Je le reconnais, puisqu'il s'agit d'un des nouveaux, qui se trouvent être dans ma classe, contrairement à Aaron. Je crois qu'il s'agit d'Andrews.

Il passe son bras sur les épaules du jeune homme en face de moi, et je ne peux m'empêcher de ne pas apprécier cette vision. Il me sourit, mais pas d'une façon que je trouve amicale. On le dirait moqueur.

- Tiens, mais ce n'est pas ton admirateur ? Celui qui te faisait ce mignon petit coucou hier.

J'ai envie de me terrer dans un trou. Il est vrai qu'il était un tantinet enfantin de faire ce signe de main, mais je n'ai pas pu me retenir. Si j'accepte sans mal la taquinerie, je n'ai pas l'impression que celle-ci soit bienveillante, ce qui me déstabilise un peu.

- Alors comment il s'appelle le petit enfant ? Qu'est-ce que tu lui trouves à notre Aaron ?

Il se moque de moi. Et je ne réagis pas. Je suis bien trop pris de court. Déjà, mon esprit était totalement mis hors service par l'histoire de hier, mais avoir été coupé alors que je trouvais le courage de le confronter me fait perdre tous mes moyens. De toutes façons, je n'ai jamais eu un gros caractère non plus. Les embrouilles, je les fuis plus que je les domine, même si heureusement, j'y suis de toute façon peu sujet.

Je vois qu'Aaron est gêné. Est-ce du comportement de son ami, ou bien du fait d'avoir été vu avec moi ? J'espère au fond de mon cœur qu'il s'agit de la première option et non pas de la deuxième.

- Arrête Andrews laisse-le.

Le dénommé souffle alors.

- Quoi, pourquoi tu fais ton rabat-joie, je fais juste connaissance. Tu le connais ?

Le jeune homme tourne alors la tête vers moi, et à l'instant où son regard croise le mien, je connais la réponse qu'il va lui donner. Mais l'entendre est encore plus douloureux que de l'imaginer.

- Non.

Son non résonne dans mon corps qui semble alors vide de toutes substances.

- Oh, on dirait qu'il va pleurer le pauvre loulou.

Je ne fais même pas attention au sourire mauvais du gars, me contentant de fixer celui avec qui j'ai partagé mon été. Je ne comprends pas. Et la seule réponse qu'il m'offre, c'est de détourner les yeux, avant d'avancer dans le couloir.

- Allez on y va.

Andrews me sourit alors et frotte mes cheveux en riant, avant de le rejoindre.

Moi, je reste pantois, sans bouger. Qu'est-ce qu'il vient de se passer ? Il m'ignore, il laisse son ami se foutre de moi, et il annonce ne pas me connaître ? Bordel mais qu'est-ce que c'est que ça ?

J'essaye de trouver toutes les excuses possibles à son comportement, mais aucune ne me paraît acceptable.

- Jérémy ?

Je me tourne de l'autre côté pour trouver Lucy et Matthews qui s'avancent vers moi. Ils me fixent, se demandant bien ce que je fais ici. Mais ce n'est pas la question que Lucy me pose, ce qui me laisse penser qu'ils sont peut-être là à m'observer planté debout depuis quelques minutes déjà.

- Tout va bien ?

Intérieurement, j'inspire profondément et prends sur moi pour leur sourire.

- Oui. Comment ça va ?

Je sais bien qu'ils ne sont pas dupes, mais ce qui m'arrange, c'est qu'ils laissent passer, se contentant de m'observer. Je préfère ça aux interrogatoires.

Pendant que Lucy me répond, je tourne la tête vers l'angle du couloir d'où est disparu Aaron. « Non ». Je l'entends encore le prononcer. Je serre le poing et secoue la tête, comme pour me remettre les idées en place.

Je fixe alors mon amie qui s'est arrêtée de parler et me regarde, avant de lui parler pour détourner son attention. Je ne veux pas qu'elle sache maintenant. Alors je brouille les pistes. On verra où ça me mènera.

- On y va ?

Et j'avance, n'attendant pas leur réponse, pour qu'il ne voit pas sur mon visage, toutes les questions qui m'envahissent.   

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