Chapitre 17
PDV Jérémy
Des lèvres. Chaudes et brutes sur les miennes. Un court instant, seulement quelques secondes. Mais une sensation qui ne me quitte pas. Je sens encore leur pression, leur humidité, leur douceur. Je sens encore la stupéfaction qui m'a envahie, mes yeux s'ouvrir en grand, et mon pouls accélérer en même temps que ma respiration se stoppe. Un cafouillis d'émotion est monté en moi durant ces quelques secondes qu'ont duré l'échange, et depuis, cela ne redescend pas. A tel point qu'après que Josh se soit effondré sur son lit, je suis rentré chez moi en vitesse. Depuis, mon téléphone vibre sous les assauts incessants de mes meilleures amies, qui attendent des réponses aussi bien à mon départ qu'à ma situation actuelle.
Mais là, encore plus qu'avant, je ne suis pas capable de leur répondre, car je suis totalement perdu. Mon esprit ne cesse de tourner et retourner en boucle ce qui s'est passé lors de cette soirée. L'incident quelques heures avant est totalement éclipsé, seul reste ce baiser. Je veux lui trouver une signification, alors que je ne devrais pas. Il était bourré, et nombreux sont ceux qui se mettent à embrasser les autres dans ce cas. Mais je n'arrive pas à passer au dessus, je n'arrive pas à me suffire de cette explication. Était-ce vraiment les ravages de l'alcool ? Ou bien un jeu, une sorte d'expérience ? Je me rends compte que ces questions, je me les suis déjà posées avec Aaron. Et que maintenant, c'est par rapport à un autre homme que je me questionne, oubliant presque toute la peine que me procure le premier.
Seulement, si je me sens incapable de leur expliquer mon départ précipité l'autre soir, il est temps de leur offrir un minimum de réponses à leur questions. C'est pour ça que je suis devant la porte de l'énorme villa, à hésiter comme jamais à entrer. J'ai peur de le croiser, peur de la réaction que je vais avoir, et de la sienne. J'hésite presque à faire demi-tour, mais je sais qu'elles viendraient me chercher par la peau des fesses. Une voix sur le côté me fait sursauter, et je tourne rapidement la tête vers celle-ci. La frimousse de Jack dépasse d'une fenêtre donnant sur le salon.
- Dis, tu comptes rester longtemps devant la porte ? Entre, c'est ouvert.
Bien, je n'ai plus d'autre choix que d'y aller, maintenant. Je dois avouer que j'aurai préféré passer ce dernier jour de vacances au fond de mon lit à continuer de ruminer et de me ronger l'esprit - et les ongles -, mais à la place, je vais devoir affronter la source de mes questionnement et en plus rendre des comptes à mes amis. Une journée qui ne s'annonce pas de tout repos.
Je souffle un bon coup et pousse la porte, avançant dans le couloir. J'arrive bien vite au salon, qui ne laisse plus aucune trace de la fête géante qui s'y ai tenus il y a seulement deux jours. Ils sont efficaces pour tout faire disparaître. Seuls les garçons se trouvent dans le salon, et je m'interroge. Matt répond à mon interrogation silencieuse bien rapidement.
- Les filles font les magasins. Tu les avais prévenu que tu passais ?
- Hum, non.
C'est un peu gênant, mais je me suis pointé à l'improviste. Je n'ai pas franchement réfléchi, une fois que j'ai eu le courage de le faire, je suis sorti, sinon, j'aurai probablement abandonné avant de le faire.
- Bah tant pis, attends avec nous. Tu veux boire un truc ?
Je fais un signe de tête à Jack, refusant son offre, avant de me tendre imperceptiblement quand Josh entre dans la pièce. Je suis quasiment certain que mes joues rougissent par contre, mais je ne peux pas y faire grand-chose à part espérer que personne ne le remarque, surtout pas lui.
- Tiens, Jérémy, salut.
Il ne fait pas plus de cas de moi que cela, ce qui m'étonne, me détend, mais me stress aussi. C'est un gros mélange de sentiments qui ne vont pas ensemble normalement. A-t-il oublié ? Ou bien veut-il faire comme si de rien n'était ?
Moi, je n'y arrive pas, et je me surprends à l'observer alors qu'il s'assoit dans le canapé. Il discute avec Scott, je n'entends même pas ce qu'ils se disent tant je suis concentré sur lui. J'observe son dos au dessus du dossier, remarquant la rose noire qui décore son cou. Je n'avais jamais remarqué ce tatouage, même si je sais que ses bras en sont recouverts.
Je ne sais pas trop comment agir. Faire comme si rien ne c'était produit ? En parler avec lui ? Je me demande ce qui est le mieux, mais je suppose que là maintenant, il faut que j'essaye de mettre cela de côté.
Sa tête qui se penche en arrière et me regarde à l'envers me fait presque sursauter.
- On fait un fifa, tu joues en attendant les filles ?
Je reste un instant silencieux devant la proposition. Jamais les gars ne m'ont proposé une activité avec eux, à part Jack. C'est plus qu'ils m'intègrent qui m'étonne, que le fait que ce soit Josh qui le fasse. Ils ne sont pas méchants avec moi, évidemment. Mais je passe mon temps ici avec les filles et il n'en a jamais été autrement. Le changement est donc étonnant, mais plutôt appréciable. Je suis gay, mais je reste un mec. Jouer à la console m'intéresse autant que de discuter avec mes amies. Il faut casser le cliché du gay efféminé qui ne pense qu'au vernis et au shopping, c'est totalement faux. Chaque personne est différente et à ses propres goûts, l'orientation sexuelle n'a rien à voir avec ça, mais beaucoup ne le comprenne pas.
Il attend ma réponse alors je finis par prendre mon courage à deux mains.
- Oui, d'accord.
Je dois avoir l'air stressé et gêné, mais heureusement personne ne fait de commentaires. Je m'avance vers le canapé et prends place le plus loin possible de lui. C'est-à-dire à quelques centimètres, puisque tout le monde c'était déjà assis avant moi. Il me tend une manette, et je retiens un frissonnement quand sa peau touche la mienne. Je ne sais pas pourquoi je réagis ainsi. Ce n'est pas comme si je ressentais quelque chose pour lui, mais c'est plus fort que moi. Je ne peux pas oublier ce qui s'est produit l'autre soir, et chacun de ses gestes, de ses mots, me le remet en mémoire de façon plus vivace que la seconde précédente.
Une partie, puis deux, des rires, de la bonne ambiance. Petit à petit, je me détends, je m'intègre, et j'en oublie presque celui à côté de moi, sauf quand nous nous frôlons, ou qu'il me parle, ou qu'il me regarde. Cela fait effectivement beaucoup d'exceptions. Mais l'important est que j'ai presque l'impression de faire partie de la bande. Jack m'envoie des piques, Matt me parle stratégie, même Scott m'échange deux ou trois mots. Bref, une situation inédite, qui ne me déplaît pas. Si un jour on m'avait dit que je jouerais à la console avec les BlackRoses...
Scott finit par se lever pour aller chercher à boire, et rapidement, Jack et Matt le suivent. Evidemment, il fallait que Josh n'en fasse pas autant, et que nous nous retrouvions seuls sur le canapé en les attendant. Cette proximité et cette solitude soudaine font redoubler mes questions d'intensité, si bien qu'au bout de quelques secondes à peine, dans la gêne la plus totale, je finis par mettre sur la table le sujet.
- A la soirée d'Halloween...
- Olala, m'en parle pas, je me souviens de rien. J'ai vraiment dû abuser.
A ce moment, il y a un double effet en moi. Une partie de mon cœur est soulagé qu'il est tout oublié, l'autre partie est déçue de ne pas obtenir de réponses sur ce qui a pu se produire. Mais ce n'est pas plus mal comme cela, au final. Il faut que je me persuade que les choses sont mieux ainsi.
- Tu étais dans un sale état effectivement.
Il rit un peu et je l'observe faire de profil. Contrairement à Jack, on remarque tout de suite que Josh a quelque chose en plus. Il a beau rire, être en train de jouer à un jeu, il a une aura dangereuse autour de lui. On comprend sans mal qu'il n'est pas juste un jeune. C'est déstabilisant.
- Jérémy !
Je sursaute et me tourne sur le canapé, pour voir Lucy et Zoé les mains sur les hanches, le regard à la fois en colère et surprise. Je risque de me prendre un savon avant de devoir répondre à leurs questions. Lucy abandonnent ses sacs au sol et s'avance vers moi.
- Où tu étais bon sang ! C'est difficile d'envoyer un petit message « je suis vivant je vous recontacte » ?!
Je baisse la tête, ne supportant pas vraiment son regard. Parce qu'au delà de la colère je vois bien l'inquiétude. Évidemment, elles savaient que j'étais chez moi, mais elles s'inquiétaient, comme elles le font depuis des semaines, et moi, je les ai délibérément laissé dans cet état.
- Désolé.
Elle souffle avant de me mettre un petit coup dans la poitrine. Elle n'est pas vraiment fâchée, tout comme Zoé. Nous sommes bien incapable de nous en vouloir plus de 5 minutes. C'est dans nos gênes, on est bien trop liés pour pouvoir faire autrement.
Je finis par me lever du canapé pour aller serrer dans mes bras Zoé, après avoir fait de même à Lucy. Les deux filles me proposent de monter, même si au fond, elles me l'imposent plus qu'autre chose. Marie attend dans l'entrée, comme si elle n'était pas sûre d'être conviée à la discussion. De toute façon, je sais bien que ce que je vais dire va être répété à toute cette maison. Je ne le prends pas mal, car je sais que le but est uniquement de m'aider, aussi, je fais un signe de tête en direction de la jeune femme, pour lui faire comprendre qu'elle est la bienvenue.
Au moment où nous allons monter, Matt appelle Josh depuis la cuisine et ce dernier se tourne pour l'écouter. Mais au lieu de regarder son ami, c'est dans mon dos que son regard se pose, je le sens. Et je sens ses yeux me brûler jusqu'à ce que je disparaisse de son champ de vision. J'essaye de ne pas trop me questionner là-dessus, mais c'est plus fort que moi.
Marie nous ouvre la porte de sa chambre et nous nous asseyons tous sur l'immense lit qui trône au milieu. Les filles ne disent rien, attendant que j'ouvre la conversation.
D'un côté, j'aimerais remettre à plus tard ce moment, d'un autre, je sais qu'il est temps, et que j'en ai besoin. La blessure sur ma joue me pique encore suffisamment pour me le rappeler.
- Bon...
Je souffle un bon coup, me tordant les doigts dans tous les sens. Pourtant, je sais qu'elles ne vont rien découvrir de ce que je vis, elles l'ont compris depuis longtemps. Mais c'est différent de devoir y mettre les mots, même si c'est important.
- Vous savez ce qui se passe, ou s'est passé entre Aaron et moi... et bien ses amis sont homophobes. Ils ne savent rien pour Aaron, ils pensent seulement que je le drague. Alors ils me le font « payer ». Jusque là, on était sur des insultes, des mots dans le casier, de la nourriture qui vole. Et puis il n'y a pas longtemps, deux types m'ont frappés. Jack et Josh sont intervenus, et depuis, plus rien à part une menace.
Je vois qu'elles bouillonnent, qu'elles ont envie de les défoncer, pour dire les choses de façon crues. Mais elles se retiennent pour me laisser terminer. Et je suis presque sûr qu'elles vont être encore plus énervées après.
- Vu qu'ils ne faisaient plus rien, j'ai décidé d'envoyer un message à Aaron, pour voir. Et puis on a discuté, de plus en plus, toutes les vacances. C'était comme avant, avant que ses débiles d'amis ne soient dans notre histoire. Je me suis dis que les choses allaient changer. Alors je l'ai invité à la soirée, et il a accepté. Je prenais ça comme une deuxième chance, celle pour lui de me montrer qu'il allait affronter ses potes.
Zoé secoue la tête comme si elle trouvait déjà stupide l'idée de donner une autre chance à Aaron. Je suis d'accord avec elle sur ce point, d'ailleurs. Mais je n'ai pas pu m'en empêcher et je me demande si j'arriverais à m'en empêcher plus tard dans un cas de figure similaire.
- Il m'a dit qu'il était devant chez moi, alors je suis sorti. Sauf qu'il était entouré de ses amis. Ils ont dit leurs phrases habituelles, et j'ai eu un regain d'énergie. J'ai décidé de répondre, comme je le faisais, avant. Andrews n'a pas apprécié et il m'a mis un poing dans la figure. Sa bague m'a coupée. Ils ont dû partir quand des gens sont arrivés dans la rue.
J'ai fini, et nous restons dans un silence pendant quelques instants, avant que Marie ne se lève du lit. Zoé l'interroge sur son mouvement.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je vais chercher mon flingue.
- Hum, malgré qu'on est tous envie de les tuer ici, je pense qu'il vaut mieux éviter.
- Une balle dans la jambe ne les tuera pas.
Lucy secoue la tête, même si au fond d'elle, je suis sûr qu'elle n'a pas envie de la retenir.
- Marie, tu ne vas pas faire ça.
La jeune femme fait une moue déçue.
- Mais pourquoi, c'est juste une jambe... ils en ont deux.
Elle vient quand même se rasseoir parmi nous, et elle aura au moins eu le mérite de me tirer un sourire. Ils vivent vraiment dans un autre monde et c'est dans ce genre de situation que l'on s'en rend compte. Ce n'est pas plus dérangeant que cela, mais il faut s'y habituer.
- Jérémy, pourquoi tu ne t'es pas défendu dès le début ? Ce n'est pas ton genre de te laisser faire.
La rousse a raison. Je n'ai jamais été du genre à me laisser marcher sur les pieds. Et je sais qu'elle ne me fait aucune reproche, elle cherche juste à comprendre. Comme moi j'aimerais comprendre. Alors je hausse les épaules.
- Je ne sais pas trop. Je me suis juste retrouvé... paralysé.
Elle comprend ce que je veux dire et attrape ma main, y traçant des ronds réconfortants.
- Tu mérite mieux que ce Aaron. C'est un con.
Lucy et Marie enchaîne et approuve d'une même voix.
- Laisse-le tomber !
Même si je suis d'accord avec elles, même si je comprends, je trouve ça dur. Mais le pire, c'est que ce n'est même pas ce qui me vient à l'esprit en premier quand elles prononcent cette phrase. Ce qui me vient, c'est que Josh m'a donné le même conseil, hier soir.
Ce qui me vient, c'est la discussion qu'on a eu, le moment qu'on a passé. Et le baiser qu'il m'a donné. Et alors que mes amies pestent contre l'homme à l'origine de mon malheur, moi je me sens bizarre en pensant à un autre.
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Décidément, en un seul baiser, Josh a réussit à faire tourner la tête de Jérémy ! Mais il semble ne se souvenir de rien...
Comment vont évoluer les choses pour Jérémy ? Va-t-il réussir à oublier Aaron comme tout le monde lui dit de faire ? Va-t-il se passer d'autres choses entre Josh et lui ?
A partir de maintenant, les chapitres sortiront le mercredi. En cette période particulière, c'est étrange mais j'ai plus de travail que d'habitude. Donc publier sur trois jours différents devient compliqué. Comme je ne veux pas multiplier les retards et passer mon temps à regarder mon emploi du temps, je change le jour de publication de cette histoire pour toute la durée du confinement au moins, je verrais par la suite comment je procède.
Donc je vous dis à mercredi,
Kiss :*
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