Chapitre 14

PDV Jérémy

« Il y a des choses qui pour moi n'ont aucun sens. Au fond, je suppose que c'est le cas pour beaucoup de personne. D'ailleurs, toutes les personnes sensées dans ce monde ne comprennent pas comment la haine peut prendre de telles proportions.

Comment un jour, un enfant, un ado, un adulte même, peut se dire que la différence est un motif suffisant pour faire du mal aux autres ? Il y a forcément un moment où quelque chose a été ratée, dans sa construction. Lui a-t-on appris que la violence est une solution ? L'a-t-il vécu lui-même de ceux qui était censés le protéger ? Ou bien est-il simplement une personnage qui ne sait pas ressentir de l'empathie ?

D'après les psychologues, le meilleur moyen pour lutter contre le harcèlement et sa diffusion dans les années à venir, c'est d'apprendre aux enfants à ressentir de l'empathie. A voir le mal qu'ils peuvent faire. Car souvent, un harceleur ne comprend pas ce qu'il fait. Il suit une foule, une masse, sans se dire que ses petites moqueries, elles font mal. « C'est juste pour rire ». Parce que c'est dans ce but premier que le font beaucoup d'enfants. Pour rire. Mais si ils avaient développés l'empathie, ils sauraient qu'on ne peut pas rire quand on blesse une personne. Ils sauraient reconnaître les signe de ce mal-être qui n'est pas forcément la première chose que l'on remarque.

Et puis les enfants qui apprennent l'empathie, deviennent des adultes qui comprennent vraiment comment aider, comment réagir. Combien d'histoire avons-nous entendu, sur ses adultes à qui l'on a parlé, mais qui n'ont pas réagit. Parce qu'eux aussi pensaient que c'étaient pour rire.

Mais tous les enfants ne manquent pas d'empathie. Certains comprennent ce qu'ils font, ce qu'ils voient. Ils ont juste peur de réagir, car peur de devenir la victime à son tour. C'est très commun. Quand même des adultes n'osent pas intervenir face à une femme qui se fait emmerder dans les transports, comment peut-on demander à des enfants de le faire eux-mêmes ?

Dans un cas comme dans l'autre, ce sont des enfants qui regretteront. Qui s'excuseront. Qui formeront des adultes qui comprennent et qui agissent. Juste des personnes qui ont fait une erreur, au final.

Et puis il y a les enfants qui comprennent, et qui aiment. Ceux qui savent très bien qu'ils font du mal, mais qui ont cette envie vicieuse de continuer. Peut-être pour se sentir supérieur. Ou parce qu'ils se pensent vraiment supérieurs. Les enfants comme ça, qui ne ressentent jamais aucun regret de leur actes, ce sont des enfants qui deviennent des Andrews. Le problème, c'est qu'il y a bien trop d'Andrews dans ce monde. Bien trop de personne qui font du mal par plaisir, et pour qui aucune éducation, aucune sanction ne ferait la différence.

Andrews est un harceleur.

Et je suis un harcelé.

C'est la première fois que je mets des mots sur ce que je vis. Que j'ose le dire. Se poser en victime, alors même que l'on est conscient de l'être, c'est une des choses les plus difficile qui soit. Alors si se l'avouer à soi-même est une telle étape, en parler aux autres paraît insurmontable.

Et pour que les victimes osent parler, il faudrait peut-être que certaines personnes arrêtent de tout minimiser. Arrêtent de dire que si ça nous dérangeait vraiment, on aurait dû parler. Ce sont les mêmes qui disent aux femmes battues que si c'était si affreux, elles n'avaient qu'à partir. Qu'elles ont choisit de rester. Les mêmes qui disent aux filles violées qu'elles n'avaient qu'à s'habiller moins sexy, qu'elles l'ont cherchés. Les mêmes qui disent aux hommes battus qu'ils sont des merdes, qu'ils pouvaient bien se défendre contre une femme. La suite pourrait continuer longtemps. Mais je suppose que c'est un autre débat, et qu'il me faudrait beaucoup trop de carnet et de temps pour tout dire.

Je vais me contenter de parler du harcèlement, ce fléau qui détruit, et dont beaucoup n'ont pas encore suffisamment confiance. J'ai envie de dire tellement de chose à ces personnes :

Ce n'est pas parce que vous n'avez dit qu'une seule phrase méchante à une personne que vous n'avez rien à vous reprocher. Parce que vous êtes la dixième, la vingtième, la centième personne à lui dire une phrase méchante. Peut-être la personne de trop. Vous faites partie d'un tout. D'un tout qui fait mal, parfois trop pour la personne ne parvienne à le supporter.

Les mots ont une importance, une incidence. Ce sont des armes qu'il est difficile de manier. Beaucoup ne savent pas s'en servir à bon escient. On dit qu'il faut réfléchir avant de parler, et cette phrase n'est pas juste un joli dicton. Avant de dire quelque chose à une personne, réfléchissez. Cela en vaut-il la peine ? Pourquoi voulez-vous lui dire cela ? N'allez-vous pas malgré vous participer à cet engrenage infernal ?

Vous ne voulez pas être la personne de trop. Parce que vous n'êtes pas une personne foncièrement mauvaise. Alors pensez à vos mots. Pensez à leur impact. Pas à celui qu'ils auraient si on vous les disait à vous. Mais à celui qu'ils vont avoir sur la personne en face de vous. Cette personne est-elle capable d'en supporter d'avantage ? Avez-vous envie de tester ?

Parfois, le harcèlement détruit de façon irrémédiable. Parfois, vous n'aurez jamais l'occasion de vous excuser. Parce qu'il n'y aura plus personne pour les recevoir. Alors pensez à vos actions et leurs conséquences avant qu'il ne soit trop tard. N'y pensez pas quand le mal est fait et qu'il s'impose à vous.

Arrêter de participer sans le comprendre. Au contraire, réagissez. Tendez votre main. Il suffit souvent qu'une personne prenne conscience pour que toutes les autres ouvrent les yeux. N'attendez pas que quelqu'un d'autre soit la première personne. Soyez-la.

Mais tous ces mots, je ne les dirais jamais. Je les écris, je les pense de tout mon cœur, de tout mon être, mais ils vont rester bien au chaud, couchés sur les pages de ce carnet. Un carnet que je commence à trouver trop rempli de sujets dans ce genre, et pas assez de bons moments. Il serait peut-être temps que ça change.

J'espère que cela va être le cas. »


Je ferme le petit cahier et souffle un bon coup en reposant mon dos contre ma chaise de bureau. Parfois, c'est fatiguant d'écrire, parce que cela fait remonter beaucoup d'émotion. De la colère, de la tristesse, tant de sentiments négatifs qui pompent l'énergie. Mais ça fait du bien, je ne peux pas dire le contraire. C'est un exutoire.

Et aujourd'hui, je me sens bien. Depuis le dernier message de mon bourreau, plus d'une semaine a passée. C'est maintenant les vacances, et je me rends compte que je vais pouvoir savourer deux semaines de tranquillité. Deux semaines loin d'eux, loin des soucis, à me recentrer sur moi-même. Et durant tous ces jours qui ont passé, étrangement, rien n'est arrivé. La mise en garde était pourtant claire. Mais il n'a rien fait. Quelques mauvais regards, mais rien de plus. Je n'ai pas été inquiété de lui, et si je trouve cela étrange, je ne vais pas me plaindre. Cette pause m'a fait du bien, m'a permis de reprendre le souffle que je commençais à perdre.

Au final, je commence à me dire que malgré les menaces, rien ne va arriver. Peut-être ont-ils comprit la leçon. Peut-être ont-ils appris qui étaient mes amis. J'ai cet espoir qui a grandit en moi au fil de ces jours sans encombres, et maintenant, il prend toute la place dans mon cœur. Tellement de place, qu'il me donne un peu de courage.

Alors j'attrape mon cellulaire, et j'envoie un message à celui qui m'a tant déçu ses derniers temps.

« Tu me manques ».

Je ne le précise pas, mais le Aaron qui me manque, ce n'est pas celui qui est présent au lycée. C'est celui de l'été merveilleux que j'ai passé. Celui que j'espère encore retrouvé, au fond de moi.

Et quand il me répond que je lui manque aussi, et qu'il aimerait me retrouver, me voir, je me dis que cet espoir n'est pas vain. Je me dis que je vais peut-être réussir à faire resurgir cette personne formidable que j'ai rencontré.

Durant toute la semaine qui suit, nous n'arrêtons pas de parler. Pourtant, je sais qu'ils sont encore tous à l'internat. Leurs entraînements ne s'arrêtent pas. Mais malgré tout ça, malgré le fait que ses abrutis d'amis soient tout près, il me parle à longueur de journée. Il me dit tout ce que je rêvais d'entendre. Il redevient l'homme que je pensais avoir perdu, celui qui fait tourner ma tête et chavirer mon cœur. Je me dis que peut-être, il a décidé de s'assumer. Peut-être qu'il a décidé d'arrêter de craindre Andrews et sa folie.

J'ai tant d'espoir en moi, que je décide de prendre un gros risque pour mon cœur.

Il y a quelques semaines, le gang et les filles ont décidés qu'il était temps de se détendre. Alors comme au bon vieux temps, ils ont organisés une fête. Pour Halloween. Comme avant, tous les jeunes de la ville seront présent. A l'exception des abrutis qui ont pris place parmi nous depuis ce début d'année. Pour eux, cela inclut aussi Aaron.

Pour moi, il y a quelques jours, cela aurait été la même chose. J'avais trop peur de l'homme qu'il devenait sous mes yeux pour imaginer qu'il pourrait être présent. Je ne voulais pas faire face à une nouvelle désillusion.

Mais maintenant que je le retrouve, et que l'espoir revient, je me dis que je peux franchir ce cap. Alors je me lance, et je lui demande si il voudrait venir, et m'accompagner. J'attends sa réponse avec angoisse, même si au fond, je sais qu'il va dire oui. Ce n'est pas vraiment ça, qui m'inquiète. Ce qui fait naître des questions en moi, c'est l'attitude qu'il aura. Il sera loin de ses potes, donc privé de cette barrière qu'il se met avec moi par rapport à eux. Mais en même temps, des centaines de paires d'yeux seront là, et pourront leur rapporter tous ses faits et gestes. Alors quel Aaron va se présenter à cette fête ? Celui qui a encore une place dans mon cœur, ou celui qui a essayé de le chasser ?

Après qu'il est accepté, je passe plusieurs jours à me le demander. Jusqu'à la fête, en réalité. J'essaye de me concentrer sur autre chose, sur mes amies, sur la création de mon costume. Mais je le garde toujours dans un coin de ma tête. Je me mets à stresser, quand il me demande mon adresse, pour venir me chercher. Je ne peux m'empêcher de sourire en même temps, en me disant que si il veut passer me prendre, c'est qu'il est prêt à être lui-même.

Alors que j'enfile mon costume, et que je me regarde dans la glace, je souris. J'ai enfin l'impression que les choses s'arrangent, que tout rentre dans l'ordre. Peut-être que cela va enfin se passer comme cela aurait dû. Je l'espère tellement fort. J'ai tellement envie de voir en cette soirée l'occasion de nous retrouver.

Alors qu'il ne reste que quelques minutes avant qu'il n'arrive, je m'observe. J'ai choisi quelque chose de simple, un zombie débraillé. Je me suis maquillé pour laisser penser que ma peau se décompose, tout en étant couverte de plaies. J'ai déchiré de vieux vêtements, et je dois dire qu'en zombie, je me trouve pas mal. En fait, je me retrouve, au-delà du déguisement. Je me sens moi, le Jérémy qui s'amuse, qui est heureux, qui va faire la fête avec ses amis. Et avec le mec qui lui plaît. Mon téléphone vibre et je souris en voyant le message d'Aaron.

« Non ti dimentico ».

Je ne sais pas pourquoi il me dit ça maintenant, mais je m'en fiche car cette situation me fait du bien. J'ai eu le temps de me ressourcer, entre les semaines tranquilles au lycée et celles parfaites en vacances. Je ne passe plus mon temps à m'inquiéter de tout, alors ce n'est pas maintenant, alors que je m'apprête à passer une bonne soirée, que je vais retomber dans mes travers.

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il m'annonce qu'il est arrivé. Je me regarde une dernière fois avant d'attraper une veste et un sac contenant quelques affaires.

Et je descends pour le retrouver, toujours en souriant, en me disant que maintenant, tout va aller pour le mieux.  

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Jérémy est confiant et se dit qu'il voit enfin le bout du tunnel. Est-ce le bout ou seulement une lumière artificielle ? 

En tout cas ses aventures sont loin d'être finies, et il a encore beaucoup à vivre. 

Pour la suite, ceux qui lisent mes autres histoires le savent, elle va attendre un peu. Je pars mercredi pour la Thaïlande, et donc, hors de question de passer mon temps sur mon ordi. Je sais que vous comprenez. Le chapitre sera là après mon retour, soit le dimanche 8 mars. 

Donc je vous dis au 8 mars, 

Kiss :*

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