Chapitre 11

PDV Externe

Si Jérémy avait pu essuyé le sang qui coulait de son nez, il n'avait rien pu faire pour cacher le bleu qui commençait à s'étaler sur son visage. Plus voyant encore, il ne parvenait pas à masquer ses émotions. De la peur, de l'angoisse, et une bonne dose d'hésitation.

Il avait peur que les choses n'empirent, peur de rester dans cette spirale infernale. Il n'avait pas prévu de vivre une année sous intimidation, encore moins de s'en trouver blessé physiquement. Mais il avait aussi peur d'en parler. Pourtant, il savait que l'on le croirait. Il savait qu'on le défendrait, et il savait que ses amis le soutiendraient. Mais parfois, même en sachant tout cela, ce n'est pas suffisant. Parfois, sans qu'elle ne puisse l'expliquer, les victimes ne parviennent pas à parler. Jérémy faisait partie de celles-ci.

Et il hésitait, sur un paquet de chose. La sincérité d'Aaron, pour commencer. Il voulait tout mettre en doute. Autant les paroles de ce début de rentrée que les moments de cet été. Il se disait qu'il avait été malhonnête sur tout. Mais d'un autre côté, il pensait impossible de s'enfoncer autant dans des mensonges, c'est donc bien que tout n'était pas feint. Encore une fois, il lui cherchait des excuses. Parce qu'il restait dans cet entre-deux, où son cœur lui hurlait innocent et son esprit le jugeait coupable. Il ne parvenait ni à les départager, ni à les accorder.

Mais il savait une chose, c'est que pour le moment, c'est ce semblant de relation, mais surtout la relation peut-être perdue de l'été qui lui permettait de rester debout. Sans cela, sans ce mince espoir de retrouver celui qui était parvenue à faire battre son cœur, il aurait lâché depuis longtemps. Mine de rien, les semaines étaient passées. Septembre se terminait et octobre pointait le bout de son nez. Un mois qu'ils étaient tous arrivés, 3 semaines qu'ils lui faisaient vivre un enfer. Un enfer qui allait crescendo, poussant Jérémy à se demander jusqu'où ils iraient.

Aujourd'hui, cela avait été le pire. Pour la première fois, il en ressortait avec une blessure physique. Mais quelque chose en lui lui soufflait qu'ils pouvaient faire bien pire. Il ne lui restait qu'à espérer qu'ils ne veuillent pas aller plus loin.

Il s'avançait dans les couloirs, craignant de les recroiser. Il savait qu'il ne serait pas en mesure d'affronter leurs regards, qu'il baisserait les yeux. Il ne voulait pas paraître plus faible que ce qu'ils ne pensaient déjà.

Jérémy n'avait jamais été faible. Il avait toujours été celui qui protégeait ses amies, quand plus jeunes, elles se faisaient embêter. Il était celui qui se mettait devant les brutes de l'école primaire qui rackettait le bon élève, et les faisait décamper. Peut-être que physiquement, il ne pouvait pas faire grand-chose contre eux. Mais il avait cette confiance en lui qui lui permettait de tout faire d'un simple regard.

Pour ça, Lucy et Zoé l'avait admirées. Quand elles-même avaient été intimidées, elles s'étaient dit que lui ne se serait pas laissé faire.

Pourtant, il était à cette place aujourd'hui, sans oser réagir.

Sa prestance semblait avoir disparu. Peut-être est-ce parce qu'il n'avait jamais rencontré des types pouvant aller si loin dans l'intimidation. Pourtant, il côtoyait des gangsters. Il les savait capables de bien pire. Mais pas contre lui, et c'était sûrement là toute la différence.

Il fût soulager dans ne pas croiser leur chemin, et il finit par arriver sans encombre près de son groupe d'ami. Chacun des membres fronça des sourcils à son arrivée. Même Scott, d'ordinaire peu expressif, laissa apparaître une légère interrogation. Il n'eut pas le temps d'arriver jusqu'à eux, que Lucy et Zoé accouraient vers lui, paniquées.

Il voulut faire comme si de rien n'était, mais elles n'en démodèrent pas : elles voulaient des explications sur la teinte particulière de son nez. Il tenta le coup du poteau, mais la sauce ne prit pas.

Aucun des membres ne crut à son histoire. Mais tous le laissèrent dire. Les deux amies d'enfances de Jérémy échangèrent un regard, et elles se comprirent. Ce soir, elles seraient chez lui, et elles auraient des réponses, au moins une partie. Si il n'admettait pas ce qu'il vivait, il allait au moins devoir leur dire la cause.

Elles ne pouvaient plus rester dans l'ignorance la plus totale. Ainsi, la journée passa, longue pour elles qui attendaient l'entrevue avec impatience, longue pour lui qui redoutait chaque minute près de ses bourreaux.

Il ne fût pas surpris de les voir à sa porte, peu de temps après lui. Il les connaissait bien, et savait qu'il aurait fait la même chose, à leur place. En revanche, il ne se réjouissait pas de leur visite. Car il savait que cette fois, il allait devoir parler. Mais il n'était pas décidé à tout dire.

Il les laissa entrer et elles ne perdirent pas de temps à aller s'installer dans sa chambre, et attendirent de pied ferme le jeune homme et ses réponses. Lui traîna la patte, repoussant au maximum.

Il fût à peine rentrer que Zoé ouvrit le bal, impatiente.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi ton nez est blessé ?

Il souffla un coup. Non pas qu'il était excédé de ses amis, mais plutôt de lui. Une nouvelle fois, il allait faire l'autruche, et il n'appréciait pas forcément de leur mentir. Mais c'était plus fort que lui. Il ne parvenait pas à se confier, combien même il avait une confiance aveugle en elles.

- Rien, je t'ai dis que je me suis pris une porte.

- Tu as dis un poteau.

Il eût envie de se frapper tant il était idiot. Déjà qu'il trouvait des excuses pitoyables pour leur cacher la vérité, en plus de cela, il n'était pas capable de s'en souvenir.

- C'est pareil. Je suis distrait en ce moment.

- Et on peut savoir ce qui te distrait ?

Au final, Lucy ne lui posait pas vraiment une question. Elle attendait qu'il le lui dise, et il n'avait pas franchement le choix, son ton lui faisait comprendre.

Et au fond, il savait qu'il avait besoin de se confier, au moins sur une partie de l'histoire. Au moins sur Aaron. Un secret en moins lui permettrait peut-être de tenir plus facilement en équilibre, et il se doutait que si il leur parlait de lui, elles n'insisteraient pas pour le reste tout de suite.

Il souffla, pour se donner du courage, avant de se lancer.

- Il y a ce type... Aaron. Je sais que vous avez vu le signe que je lui ai adressé, le lendemain de la rentrée.

Elles ne cherchèrent pas à nier. Évidemment, qu'elles l'avaient vu, comme tous les autres. Mais elles respectaient le choix de Jérémy de garder l'identité de ce garçon jusqu'à ce qu'il veuille en parler. Et le moment était venu.

- En fait, je vous ai menti. Mes vacances d'été ont été super. Parce que je l'ai rencontré. On a passé nos journées ensemble. Au départ, c'était seulement amical. Et puis il m'a embrassé.

Elles étaient presque pendues à ses lèvres, et elles ne décrochèrent pas du récit une seule seconde. Parfois, elles avaient envie de sourire, mais elles se retinrent, car elles savaient que la fin de l'histoire n'allait pas leur plaire.

- Quand il est arrivé, j'étais super content. Je l'ai moins été quand il m'a ignoré. Deux fois. Il m'a ensuite dit... que ses amis étaient contre l'homosexualité. Et que pour ça, on ferait mieux de tout garder pour nous.

Il ne dit pas que ses amis en question lui faisait vivre un enfer, à cause de son homosexualité. Mais elles le savaient très bien. Elles se contentaient d'attendre l'erreur de leur part, celle qui leur permettrait de les descendre. Pas au sens propre, mais elles comptaient bien leur faire passer un sale quart d'heure, à l'aide du gang. Elles prenaient son récit comme des révélations à demi-mot de ce qu'il vivait. Et c'était déjà beaucoup.

Mais si pour l'instant elles ne revenaient pas sur ce qu'il vivait au quotidien, elles décidèrent de donner leur avis sur la relation qu'il entretenait avec Aaron. Un avis qu'elles n'appréciaient pas d'avoir, car elles n'appréciaient pas le type avec lequel leur ami avait décidé de vivre sa toute première histoire.

- Tu ne mérites pas d'être le petit copain caché Jérem' !

Oh, il le savait, c'est pourquoi il se contenta d'acquiescer. Il le savait mais le dire lui-même n'était pas chose aisée.

- Il ne devrait pas te mettre de côté sous prétexte que ses amis sont des cons.

Il était aussi d'accord sur ce point. Il était d'accord sur tout ce qu'elles dirent ensuite d'ailleurs. Que son copain devrait être fier d'être avec lui, de l'aimer. Qu'il devrait se poser en barrière entre lui et les personnes qui le rejetteraient, ou lui feraient du mal.

Après tout, il avait la même vision de la vie que ses amies. Mais il semblait qu'Aaron n'avait pas la même. Seulement pour l'instant, il ne parvenait pas à mettre un terme à cette relation.

Voyant qu'il n'était pas décidé à leur en dire plus, elles partirent pour faire part des informations au gang. Elles restèrent évasives, ne souhaitant pas exposer l'intimité de Jérémy, mais l'information capitale devait leur être transmise : l'origine de l'intimidation qu'il vivait venait de ce type, Aaron, avec lequel il avait une sorte de relation. Après tout, ce n'était pas officiel entre eux. Ses amis étant homophobes, cela leur donnait une bonne raison -pour eux- de lui faire du mal. Les doutes qu'ils avaient sur l'origine du problème étaient confirmés. Ne leur manquait plus que les éléments leur permettant d'agir. Et ils allaient s'occuper de les trouver, rapidement, car aujourd'hui, la situation avait été trop loin.


PDV Jérémy

Je sais qu'elles ont raison, et j'y ai même pensé toute la nuit. Si la situation était inversée, si c'était l'une d'elle qu'un petit ami cherchait à cacher, j'aurai réagis de la même façon. Quand on aime, on doit être fier de l'autre.

Je ne peux pas dire qu'Aaron m'aime. Je n'en sais rien. Je ne sais même pas si moi, je l'aime. Je n'en suis pas amoureux, c'est certain. Pour moi, il y a plusieurs degré de relation. L'attirance, puis les sentiments, l'amour et enfin, être amoureux. Et si je devais me situer actuellement, je dirais que je suis entre les sentiments et l'amour.

Si auparavant je penchais pour le second, j'ai l'impression que les récents événements me font régresser. Ce n'est peut-être pas plus mal.

Mais même si il ne m'aime pas, il a choisit de continuer une histoire avec moi. Alors il ne devrait pas avoir honte. Je ne considère pas être une honte. Je devrais lui hurler en pleine face que je ne suis pas quelqu'un qu'on cache. Que je vaux mieux que ça. Mais je n'y arrive pas. Comme je n'arrive pas à dire à mes amis ce que je vis depuis trois semaines.

Même moi je ne comprends pas vraiment pourquoi je garde tout pour moi. Ce n'est pas un petit secret. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, de parler. Pour l'instant, je n'y arrive pas. J'espère que je parviendrais à faire ce pas, avant que les choses ne dégénèrent trop. Ou bien peut-être que tout va s'arranger sans que je n'ai besoin de dire quoi que ce soit. Mais j'en doute.

En avançant dans les couloirs ce matin, je crains de les croiser à nouveau. Ma mère n'a pas cherché plus loin que ma maladresse pour expliquer le bleu, mais si je reviens une nouvelle fois amoché, elle risque de poser des questions.

J'arrive jusqu'à mon casier sans encombre, j'en repars, je retourne vers la foule. Je me dis qu'enfin, je vais passer une matinée tranquille.

Mais je n'ai pas le temps d'arriver dans le hall qu'une main me tire en arrière, sans management aucun. Je me retrouve isolé du monde environnant, au détour d'un couloir, seul face à Andrews et ses sbires. Son sourire machiavélique fait naître des frissons en moi.

- Alors mon petit Jérémy, comment va ton nez ?

Sa main s'approche de mon visage et je tente de reculer d'un pas. Cela provoque chez lui un sourire, et il veut se rapprocher, mais il s'arrête, regardant derrière moi. Un bras vient se poser sur mes épaules et cela me provoque un sursaut. Je suis vite rassuré en reconnaissant la voix qui émane de la personne.

- Un soucis ?

Jack attend leur réponse, alors que le corps de Josh apparaît à ma vue, juste de l'autre côté de mon corps.

Andrews s'écarte, faisant mine de rien, en levant les mains.

- Aucun.

Josh s'avance alors vers lui, pendant que Jack reste toujours un bras sur moi. Il se place à seulement quelques centimètres du joueur de baseball, et si je ne vois pas son visage, j'imagine bien l'air sérieux qu'il peut avoir.

- Tant mieux. Je ne voudrais pas avoir à régler certains problèmes.

La menace est à peine voilée. Ils savent ce qu'il m'arrive sans que je ne leurs ai dit, et je m'en doutais bien. Mais ils ne font rien, du moins tant qu'ils n'ont rien de suffisant sous les yeux.

Le corps du gangster est tendu, mais pas à l'extrême. Pour l'instant, il prévient seulement. Je me demande si au fond, il ne souhaite pas qu'ils recommencent. Pour pouvoir les chopper.

Andrews se contente de lui sourire et de partir, accompagné de sa troupe. Il m'envoie un dernier regard, et je n'ai pas l'impression qu'il comprenne la situation. Il n'a pas l'air de savoir qui sont les types qui viennent de se confronter à lui. Pourtant, ils ne sont pas n'importe qui. Il aurait sûrement dû l'apprendre depuis son arrivée. Mais il faut dire qu'il n'a pas l'air de s'intéresser à autre chose que sa petite personne.

Mes deux sauveurs du jour ne disent rien sur la situation et nous rejoignons ensemble nos amis. La journée se passe sans encombres, sans brimades aucune, et j'ai l'impression de respirer enfin.

Je sais que cela ne va pas durer. Mais une journée de répit, c'est déjà énorme, et ça fait du bien.

J'ai à peine passé la porte de chez moi que mon téléphone vibre. Je le sors de ma poche, et ouvre grand les yeux en voyant son nom s'afficher sur l'écran. Je ne pensais pas le revoir. Avec un mélange d'impatience et d'inquiétude, j'ouvre ce que vient de m'envoyer Aaron.

Et je ne comprends pas bien ce qu'il me raconte.

« Tu as un copain ? »

« Hein? »

Je monte dans ma chambre en attendant sa réponse, et j'ai envie de rire en la lisant.

« Andrews dit que tu sors avec un type de votre classe. Un blond ».

Je me laisse aller à sourire en comprenant qu'il parle de Jack, et que cela fait référence à ce matin. Je ne sais pas si je souris parce qu'il a l'air de ne pas apprécier, ou si c'est parce que cette idée est définitivement tirée par les cheveux, surtout quand un nouveau message arrive.

« Il dit que tu dois aussi te taper un brun. »

« Tu y crois ? »

« Je ne sais pas. »

J'ai de suite beaucoup moins envie de sourire quand je comprends qu'il m'imagine capable d'être avec lui, Jack et de me taper Josh, tout ça en même temps. En plus d'être un type qu'on cache, je suis un salaud ?

« Bah t'es con. Ce sont mes amis. »

« Excuses-moi. »

Je ne réponds pas. Une nouvelle fois, il me prouve l'imbécile qu'il est, et il me prouve que mes amies et mon esprit ont raison. Je devrais fuir cette relation. Mais il reste toujours mon cœur qui s'oppose à cette idée.

Je n'ai pas envie de discuter plus que cela avec lui, alors qu'il vient de sous-entendre que je suis une pute. Mais il m'envoie un nouveau message.

« Il dit que tes amis, enfin tes « mecs », l'ont défié. Il n'a pas peur et le prend comme un défi. J'ai peur que ça empire... »

Et alors que je devrais avoir peur, je souris.  

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Josh et Jack veillent ! Pourquoi Jérémy sourit-il alors qu'il apprend que les choses vont être pire ? 

La suite dimanche, 

Kiss :*

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