Chapitre 9

           

-Ca ne va pas Louis ?

Ed s'assit sur un grand tabouret, et attrapa le verre de Louis pour y boire une grande gorgée. 

-Hm... Si.

-Tu veux pas danser ?

-Je vais venir.

Ed avait insisté pour que Louis vienne à une soirée chez un de ses amis, bien que le jeune homme avait davantage envie de rester dans son lit. Mais après une longue délibération avec lui-même, il avait fini par accepter la proposition de son ami. Il était certain que Harry ne serait pas au rocher cette nuit de tout façon. Quelque chose entre eux... Quelque chose avait changé. Le fil rouge reliant leurs estomacs était devenu aussi doux que coupant. Louis n'avait pas envie de marcher sur ce fil, et de tomber. Trop dangereux.

-Malek m'a dit que tu... Enfin que vous...

Louis releva légèrement la tête. Ed était souvent gêné lorsqu'il s'agissait de parler relations. Et Louis n'avait pas envie de s'épancher, alors il le coupa :

-On a couché ensemble, oui.

Ed hocha seulement la tête. Il n'insista pas. Louis ne savait pas pourquoi il avait parlé aussi sèchement, ni non plus pourquoi il se sentait si énervé. Ca n'arrivait pas souvent, mais ce soir il avait envie de prendre toutes les bouteilles qui traînaient sur les tables et de les lancer sur les murs pour les voir s'exploser et puiq marcher sur l'alcool et puis prendre les morceaux de verres entre ses mains et puis serrer fort et avoir du sang sur les paumes. 

Il inspira longuement et se prit la tête entre les mains.

-Quelque chose ne va pas hein ?

Ed se releva et posa son bras sur son dos. Louis avait oublié l'odeur rassurante de son ami. Un mélange de parfum pour homme, de madeleines et d'huile de moteur. 

-Je ne sais pas.

-Tu veux aller dehors un peu ?

Louis hocha la tête.

Ils sortirent. 

La maison avait un minuscule jardin et ils s'assirent au fond, sur une balançoire à moitié rouillée. Louis s'alluma une cigarette. Ils restèrent un long moment silencieux jusqu'à ce que Ed murmure :

-Tu te souviens quand j'escaladais le mur de la maison de ta mamie pour venir dormir avec toi ?

Louis eut un petit rire. Il secoua lentement la tête.

-On se prenait pour des aventuriers. 

-Et quand on allait se perdre dans la lande pendant des après-midi entier ?

           

Louis releva la tête pour regarder un instant le ciel. Ces instants lui paraissaient si lointain. Il n'avait jamais eu envie de grandir et maintenant qu'il était adulte, loin de ce monde proche de celui des contes de fées, voilà qu'il se liait d'amitié avec une sirène. 

-C'est vieux.

-C'est Malek qui te rends comme ça ?

Louis sourit. Il jeta sa cigarette par terre, l'écrasant sous sa chaussure. Il se mit à se balancer lentement, faisant grincer le métal de l'ossature de la balançoire. 

-Non. Il est vraiment sympa. Je l'aime bien.

-Je savais qu'il te plairait, je lui avais parlé de toi. 

-Je comprends mieux... 

Ed lui jeta un regard malicieux et reprit : 

-Si ce n'est pas lui alors qu'est-ce qu'il se passe ? 

Louis hésita. Il ne pouvait pas lui parler d'Harry. Du moins pas comme ça. Ed ne le croirait jamais de toute façon, ou alors il insisterait pour voir la sirène. Or, Louis avait promis à Harry de n'en parler à personne (et il n'avait pas vraiment envie de partager Harry, qui plus est). Il dit la première chose qui lui passait par la tête :

-Phoebe ne me parle plus.

Ed fronça les sourcils. Il savait combien Louis était protecteur envers ses soeurs.

-Vraiment ? Pourquoi ?

-Oh, à cause d'une histoire débile. Je leur racontais le conte de la petite sirène et elle n'a pas aimé la fin. 

-C'est quoi la fin ?

-C'est métaphorique. La petite sirène monte au ciel rejoindre les Filles du Vent, et elle n'a pas de prince. Phoebe voulait qu'elle ait un amoureux. 

Ed se mit à rire.

-Ca lui passera non ?

-Tu ne la connais pas... Elle est terriblement têtue.

-Autant que toi ?

Louis leva les yeux au ciel.

-Edward. Personne ne peut l'être plus que moi.

Ils éclatèrent de rire et Louis finit par se détendre, oubliant Harry et ses sautes d'humeur. Plus tard dans la soirée, Malek les rejoignit et plus tard encore, Louis ne pensa à rien d'autre que sa peau contre la sienne. 

C'était bon, d'oublier. 

Harry attendait déjà Louis depuis une heure lorsqu'il vit son ombre apparaître au dessus de la falaise. Louis dévala les roches à une vitesse surprenante. Harry aurait voulu pouvoir faire la même chose. Mais non. Impossible.

Il se rapprocha du bord, intimidé malgré lui. Il ne savait pas comment allait réagir Louis ce soir. Après tout, il l'avait abandonné la veille. Mais Louis souriait comme à son habitude et lui fit un petit signe de la main en s'installant sur un rocher près de l'eau. Il était très beau, en short et débardeur ample qui laissait voir ses côtes.

-Salut.

Sa voix lui avait manqué. Il ne put pas s'empêcher de sourire.

-Bonsoir.

Harry agrippa la roche et se souleva pour pouvoir s'asseoir près de Louis. Il n'était plus aussi gêné avant que le jeune homme voit le bas de son corps, même si il aurait voulu pouvoir enfermer sa queue de poisson dans une... boite ou... un sac plastique ? Quelque chose qui la rendrait invisible aux yeux de Louis en tout cas. Et aux siens. 

Harry rêvait de plus en plus souvent de se réveiller avec un corps d'homme, avec des jambes, des pieds, des mollets aussi jolis que ceux de Louis et des chevilles qu'on aurait envie d'embrasser. 

Impossible aussi. 

Bref.

-C'est quoi ? 

Il prit le livre qu'avait apporté Louis (Harry avait remarqué que Louis lisait beaucoup) et le retourna.

-Lullaby, déchiffra t-il.

Lorsqu'il releva la tête, Louis le regardait avec des yeux ronds.

-Attends... Tu sais lire ?

-Oui ? 

Harry sentit ses joues rougir, comme à chaque fois que Louis semblait admiratif par rapport à quelque chose qu'il disait ou faisait. 

-Mais... Comment ça se fait ? Vous avez des livres là dessous ?

-Euh, oui ? Tout le monde sait lire et écrire. Du moins, dans le royaume des sirènes. 

-Il y a d'autres royaumes ?

Harry balaya la question d'un geste de la main. Il n'aimait pas trop parler de ça. Donner des informations à Louis le rendait toujours mal à l'aise (ce n'était pas qu'il n'avait pas confiance en lui, mais il ne parvenait pas à s'empêcher de penser qu'il était en train de faire quelque chose de mal et de violer la plus haute loi du monde des sirènes). 

-Beaucoup. Est-ce que tout le monde sait lire chez les humains ?

-A peu près oui. 

-Est-ce que ta maman sait ?

Louis eut ce sourire particulièrement adorable qu'il esquissait lorsque Harry lui posait une question sur sa famille. 

-Oui elle sait. Et mes soeurs sont encore en train d'apprendre, alors c'est toujours moi qui leur raconte des histoires pour le moment.

Les yeux d'Harry semblèrent se colorer de petites étoiles. 

-Tu pourrais me raconter une histoire ?

-Euh...

Louis se frotta la nuque, manifestement gêné.

-Je ne suis pas un très bon conteur. Et puis la seule que je connaisse bien c'est une histoire sur les sirènes.

-Vous avez des histoires de sirène ?

-Oui. Pas vous ?

-Si... Mais je ne pensais pas... C'est bizarre.

Harry resta un moment silencieux. Si les humains se racontaient des histoires de sirène, c'est qu'ils avaient eu un jour des relations avec les sirènes elles-mêmes. Peut-être que Gemma et lui n'étaient donc pas les seuls à avoir commis cette faute ? Peut-être même qu'avant, parler aux humains n'était pas interdit ? D'ailleurs, qui avait instauré cette règle débile ? 

Il sortit de ses pensées lorsque la main de Louis effleura son bras, y dessinant de minuscules frissons. 

-Harry ?

-Oui ? 

-Est-ce que... J'aimerais bien... Je peux toucher ?

Il pointait du doigt sa queue de sirène, et Harry sentit ses joues devenir soudainement brûlante. Il resta silencieux de longues secondes, et puis finit par hocher doucement la tête. 

-Si tu veux. Hm. Ce n'est pas... Enfin vas-y.

Il ferma les yeux, parce qu'il ne voulait pas voir ça. Lui même détestait se toucher. Il détestait le contact de cette queue qui le faisait ressembler à un gigantesque poisson malformé. Il aurait voulu que Louis touche plutôt sa peau humaine, il aurait voulu sentir la paume de sa main dévaler le long de ses épaules, en dessiner la rondeur, et puis englober son ventre, le haut de ses hanches, la fermeté de sa poitrine. Pas... Ce bas répugnant. Cette demi apparence qui faisait de lui un monstre. Pourtant, quelque part, si il avait dit oui, c'était peut-être parce qu'il avait envie qu'un autre que lui éprouve un dégoût immense au contact de ses écailles. Il voulait que Louis pose ses doigts, et puis le repousse et s'en aille en courant. Là, Harry aurait peut-être le courage de s'enfuir très loin, de s'abimer le corps contre les récifs. Louis pouvait être cet élément déclencheur. Il ne respirait presque plus, écoutant le battement profond de son coeur tandis qu'il sentait la main de Louis en apesanteur au dessus de lui, hésitante, tremblante sûrement.

Un lent écho dans sa cage thoracique, perforant ses veines. 

Et puis, au milieu du silence, la main de Louis sur ses écailles.

Il se mordit la lèvre. 

Les doigts de Louis glissèrent jusqu'à la base de son ventre. 

Il inspira. 

Fort. 

Pourquoi ses doigts restaient-ils si longtemps ?

Il se sentait collant.

C'était...

C'était doux. Chaud.

C'était une lente caresse. Ca n'avait rien de dégoûtant, brusquement.

Il ouvrit les yeux, respira longuement.

Et le repoussa. 

-Pardon, je peux pas, c'est, je suis désolé, je déteste qu'on me touche, c'est insupportable c'est-

-C'est tellement doux.

Les mains d'Harry tremblaient l'une contre l'autre. 

-Quoi ?

-Je pensais que ce serait comme toucher un poisson mais c'est... de la soie. C'est merveilleusement doux. 

Il secoua la tête, ne sachant pas vraiment quoi dire. Louis paraissait réellement heureux, la main en l'air, ayant apparemment encore envie de toucher la queue de poisson de la sirène. Harry eut envie de se pencher et d'embrasser sa paume, d'essayer de comprendre comment Louis pouvait aimer un endroit de son corps que lui détestait. Il baissa lentement la tête, sentant ses yeux se perler de larmes immobiles. Il resta un moment silencieux, ne sachant pas quoi dire, le regard sur les jambes de Louis, ses jambes dorées par le soleil, ses genoux un peu abimés, les poils fins sur ses cuisses, la griffure sur le côté, les jambes dont il rêvait. Il murmura :

-Je peux te toucher moi aussi ?

Louis sourit. Sa main se baissa, et il prit délicatement entre ses doigts ceux de Harry. Et puis, les yeux dans les siens, il posa la paume de sa main contre son ventre, et la laissa là, sous son t-shirt. C'était chaud et doux, c'était une peau souple d'enfant, et Harry sentait sa respiration soulever son estomac. 

Il s'entendit murmurer :

-Tu es merveilleux. 

Les joues de Louis s'assombrir.

Harry enleva sa main. Il la posa sur sa cuisse. Immobile.

Ils restèrent silencieux de longues minutes.

Louis se dit qu'il était fou.

Harry avait envie de s'arracher le coeur, pour qu'il cesse de battre si intensément.

Au lieu de ça, ils se prirent à nouveau la main, sans se regarder.

Se penchèrent vers la mer.

Regardèrent le soleil mourir, comme il le faisait inlassablement chaque soir.

Le bruit des vagues était toujours aussi assourdissant.

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Voilà le chapitre 9 enfin en ligne. ♥️
Merci d'avoir lu !

#ESOfic

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