Chapitre 5
Bien sur, il y retourna.
Pas pour la sirène ou quoi que ce soit, non. Juste pour lui.
Parce qu'il aimait l'endroit, que la Crique de l'Etoile la nuit était son univers.
Il ne sentit pas du tout son coeur battre plus fort lorsque ses pieds s'enfoncèrent dans le sable, et en sondant rapidement du regard la surface sombre de l'océan et en y découvrant la tête ébouriffée de sa sirène.
Non. Il n'espérait pas du tout la revoir, ce n'était pas ça.
Il avança doucement jusqu'au bord de l'eau, hésitant sur ce qu'il devait faire. Cela faisait deux jours que lorsqu'il venait le soir, la sirène était là. Elle ne restait généralement pas longtemps, il n'entrevoyait que sa tête hors des vagues, ses grands yeux clairs qui semblaient être recouverts d'étoiles. Parfois il saisissait l'image furtive d'une peau blanche et laiteuse, et cela suffisait à le faire frissonner. C'était magique. Et Louis voulait en savoir plus, il voulait approcher la créature, la toucher du bout des doigts. Il voulait savoir si elle le comprenait, si elle pouvait parler aussi.
Mais pour le moment, après les seuls mots qu'il avait osé lui lancer, la sirène avait immédiatement pris la fuite, plongeant dans les remous de l'océan avant qu'il n'ait pu la retenir. Louis ne savait pas quoi faire pour lui prouver qu'il ne lui voulait pas de mal.
Il ôta ses Vans et les balança quelque part derrière lui, pour qu'elles ne risquent pas d'être mouillées par les vagues qui venaient lécher de temps en temps le bout de la plage. Puis il retroussa le bas de son pantalon, et il s'assit en tailleur, juste face à la mer. Tranquillement, il sortit une cigarette et son briquet, et l'alluma. Puis il ne bougea plus du tout, si ce n'est son poignet lorsqu'il voulait expirer la fumée.
C'était calme et doux, l'air d'été étant suffisament frais, balayé par les courants froids de la mer. Louis ferma à moitié les paupières, bercé par le bruit des vagues. Dans ces moments là, lorsqu'il se tenait seul face à l'immensité, il se sentait plus vivant que jamais. C'était le murmure de l'océan et celui du vent qui lui disait ce qu'était être humain, ce qu'était ressentir. Louis aimait ses moments de paix avec lui même, où son coeur semblait battre avec celui de l'univers.
Il aima encore plus le clapotis significatif de l'eau, et le bruit des gouttes qui s'éparpillaient.
Lorsqu'il rouvrit les paupières, la sirène se tenait sur son rocher. Plus près que la dernière fois, à quelques mètres seulement de Louis, éclairée par la lune comme un acteur venant d'apparaître sur la scène du théâtre. Les doigts de Louis tremblèrent imperceptiblement autour de sa cigarette, tandis qu'il parcourait du regard le corps irréel de la créature.
Il – ou elle ; il ne savait toujours pas quel pronom il pouvait utiliser pour parler d'un homme-sirène – était plus splendide encore que dans son souvenir, qui avait été peu à peu effacé par la fièvre. Louis avait vu beaucoup de belles personnes dans sa vie, il avait aimé des êtres magnifiques, il avait désiré des corps et des peaux. Mais jamais encore il n'avait vu si beau tableau que cette sirène aux cheveux épais et longs, qui retombaient le long de ses épaules rondes. Jamais encore il n'avait vu de torse si parfaitement sculpté, musclé comme si il s'agissait d'un corps de statue. Jamais encore il n'avait vu de visage si finement ciselé, et rond à la fois. Il émanait du corps de la sirène une lumière douce et brûlante qui faisait trembler quelque chose en lui, quelque chose de très lointain et d'enfoui, dont il ne supposait même pas l'existence auparavant.
Et Louis devait bien se l'avouer ; si il se sentait si heureux d'aller à la Crique dorénavant, c'était pour cet être sublime.
Il inspira lentement. Il ne savait pas depuis combien de secondes il observait l'homme-sirène, mais celui ci semblait gêné par l'insistance de son regard.
Louis posa sa cigarette dans le sable et après un moment d'hésitation, il se lança :
-Je ne vais pas te faire de mal.
L'homme-sirène redressa la tête. Ses yeux se posèrent sur ceux de Louis – ou plutôt, y plongèrent totalement - et celui ci sentit son ventre s'embraser. Louis humecta ses lèvres qui étaient d'un seul coup très sèches.
-Je suis désolé si je t'ai fait peur ces derniers jours mais... Je suppose que si tu reviens chaque soir, c'est que tu as compris que je n'étais pas un danger.
Malgré l'intonation affirmative de sa phrase, Louis l'aurait plutôt voulu comme une question. Mais il ignorait si l'homme-sirène serait en mesure de lui répondre. Celui-ci hocha cependant très légèrement la tête, et Louis sentit son coeur battre un peu plus fort. Est ce qu'il le comprenait ?
-Je ne parlerais de toi à personne, si c'est ce qui t'inquiètes.
Et apparemment, il avait touché juste car à peine ces mots prononcés, la tension qui semblait raidir les muscles du corps de la sirène se dilua doucement. Ses épaules se détendirent, et il s'autorisa un minuscule sourire, qui recourba ses lèvres sombres.
Louis voulait s'enfoncer très profondément dans le sable pour hurler.
A la place, il avala sa salive et demanda :
-Est ce que tu comprends ce que je dis ?
Il y eut un petit silence et Louis sentit que la réponse serait quelque peu décisive de la suite. L'homme-sirène avait légèrement froncé les sourcils. Puis il ouvrit la bouche. Louis retint son souffle. Mais aucun son ne sortit d'entre ses lèvres. A la place, il se borna à hocher la tête.
Louis se sentait vraiment comme l'homme le plus heureux du monde.
-Donc, tu parles notre langue ? Ou en tout cas, tu en saisis les mots ? C'est ça ?
Nouvel hochement de tête. Louis ne savait pas à quelle question cela correspondait, et il se sentit stupide d'en avoir posé autant.
-Bon, on va faire un truc, proposa t'il, je vais te poser des questions, et tu hocheras la tête pour dire " oui " et tu ne bougeras pas du tout pour dire " non ". C'est ok ?
Un hochement de tête prudent lui répondit. Louis ne put pas s'empêcher de sourire.
Bordel, il parlait avec une sirène.
-Alors. Hm. Tu habites ici ?
Oui.
-Sous la mer ?
Oui.
-C'est bien là dessous ?
Il y eut un silence pendant lequel l'homme sirène sembla hésiter. Puis il hocha lentement la tête.
-Et tu... Enfin, c'est ton endroit ici ?
Oui.
Louis sourit, un peu gêné.
-Je suis désolé de venir alors... Est ce que ça te déranges que je sois là parfois le soir ?
Un non rapide lui répondit, et Louis se sentit immensément soulagé. Mieux, il eut l'impression que l'idée qu'il ne vienne plus avait fait un moment paniquer l'homme sirène.
-Je continuerais de venir alors. On pourra encore parler ?
Oui.
Il allait ajouter quelque chose lorsque la sirène se laissa soudain glisser en bas du rocher, et disparut dans l'eau.
Louis resta figé, regardant les flots, attendant comme un mouvement qui ne vint jamais.
Merde.
Il aurait aimé qu'iel reste encore un peu plus longtemps. Mais il ne pouvait pas monopoliser la nuit entière d'une créature irréelle. Il s'allongea lentement, un sourire aux lèvres et regarda les étoiles. La nuit était dégagée et le ciel semblait briller si fort. Quelque chose de beau battait dans le coeur de Louis, quelque chose de vivant et de brutal. Il ne savait pas ce que c'était mais ça avait le goût de cette immensité qui l'entourait.
Et puis soudain, il entendit son prénom. Son prénom au milieu des vagues. Il se redressa, et la sirène était juste là, en face de lui.
-Moi c'est Harry.
Louis était au milieu du salon et il dansait. Son verre dans sa main tanguait dangereusement et il était presque certain que la moitié de sa bière était déjà sur le tapis, mais il n'était pas vraiment en état d'y réfléchir.
Il s'amusait vraiment bien. Les potes de Ed étaient cools, la maison était cool, la boisson était cool, la musique était cool.
Cool était un mot plutôt cool.
Il dansait. Beaucoup. En fait, depuis qu'il était arrivé, il n'avait presque fait que ça, parce que c'était vraiment drôle de se déchainer comme un petit fou. Et ça lui avait manqué. D'habitude, les soirées qu'il faisait étaient toujours entourées de Liam et Niall, qui, comme lui, sautillaient comme des petits fous pendant des heures. Mais ça ne gênait pas Louis d'être seul pour une fois ; au contraire, voir de nouveaux visages lui plaisait. Il y avait ce mec surtout, qui le fixait depuis tout à l'heure, appuyé contre un mur à l'autre bout de la pièce. Et Louis décida que c'était le bon moment pour cesser de danser et aller s'asseoir un peu.
Il quitta la piste, un peu essoufflé, et posa son verre sur une table avant de s'effondrer sur le canapé. Il avait besoin d'une cigarette mais il allait devoir sortir, et il s'en sentait absolument incapable pour le moment. Dans la cuisine il entendait le rire de Ed et il hésita à aller le voir lorsqu'une personne s'assit à côté de lui sur le canapé. Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir qu'il s'agissait du mec qui ne le lâchait pas du regard sur la piste de danse.
-Tu t'amuses bien ?
Louis lui sourit, passant sa main dans ses cheveux.
-Je suppose que tu as déjà remarqué que oui.
L'autre eut un sourire amusé. Apparemment, ne pas avoir été discret ne semblait pas le déranger.
-J'ai vu que tu dansais plutôt bien oui.
Louis pouffa de rire. Ca c'était faux. La seule chose qu'il remuait c'était son cul. Mais il accepta le compliment sans un mot, parce que le garçon était vraiment mignon. Et qu'il venait de poser sa main sur son genou. Sa paume était chaude.
-Tu es un ami de Ed ?
-Oui. Je suis Louis, son ami d'enfance. Je ne sais pas si-
-Mais si ! Il nous parle souvent de toi. Le fameux Louis.
-Ah ? Je pensais que Ed m'oubliait le restant de l'année, ça me fait plaisir.
Le jeune homme se mordilla la lèvre pour ne pas sourire et Louis trouva cela absolument adorable, sans oser le lui dire. Il était vraiment mignon. Tout à fait son genre de mec.
-Et alors, Louis, tu restes longtemps par ici ?
-Encore un mois et demi.
-Oh. On risque de se revoir alors ?
-On risque oui.
Le jeune homme hocha la tête et Louis profita de son silence pour sortir son paquet de cigarette.
-Tu m'accompagnes fumer ?
-D'accord.
Ils se levèrent et le jeune homme posa sa main derrière le dos de Louis, le guidant vers la sortie. Ils s'assirent sur le trottoir et Louis alluma sa cigarette, regardant un moment le ciel avant de tourner la tête vers son compagnon.
-Je ne sais pas ton prénom.
-Ange.
-Attends... Ange comme un Ange ?
-Ouais.
-C'est vraiment ton prénom ?
-Peut être.
Ange eut un sourire amusé, qui partait vers la droite. Louis le regarda quelques secondes avant de secouer la tête, tirant une nouvelle fois sur sa cigarette.
-Ok, ça me va.
Ils restèrent un moment silencieux, se passant la cigarette. Louis jetait des coups d'oeil au jeune homme, s'imprégnant de son visage. Il était vraiment beau, métisse, des cheveux coupés courts, de longs cils noirs qui bordaient ses yeux sombres. Et de grandes mains. Louis aimait les mains. Il prit celle d'Ange entre ses doigts, et caressa doucement sa paume. Le garçon se mit à rire.
-Tu lis mon destin ?
-Oui. Et ce n'est pas fameux.
Louis entremêla leurs doigts. Sa main semblait minuscule dans celle d'Ange. Il aimait bien. C'était comme se faire dévorer par une araignée.
Ange écrasa la cigarette sous sa chaussure. Ils regardèrent un moment leurs mains, comme si ils avaient oublié comment elles s'étaient retrouvées emmêlées et puis Louis le lâcha, détournant la tête, un pincement étrange dans la poitrine.
Ange effleura sa jambe, la voix plus douce qu'avant.
-Tu veux retourner à l'intérieur ? Ou aller marcher un peu ?
Louis hésita un instant. Il se sentait bien assis sur ce trottoir en pleine nuit. Il se sentait bien aussi près de ce garçon aux allures un peu mystérieuse, au sourire rayonnant et aux mains qu'il voulait poser contre son ventre pour le réchauffer mais il avait une tristesse grimpante à l'esprit, la tristesse de l'alcool qui commence à redescendre et dont le goût devient mauvais sur la langue, la tristesse de la musique qui ne fait plus tanguer et de la fatigue qui assome. Alors il secoua la tête et se leva. Il commençait à faire un peu froid, et il n'avait pas pris de veste. Il ne savait pas quelle heure il était, mais soudain,il avait envie de se glisser dans son lit, la tête dans l'oreiller, et de respirer l'odeur des draps qu'il connaissait par coeur.
-En fait, je crois que je vais y aller.
-Vraiment ?
Le garçon fronça les sourcils et se leva à son tour. Louis lui jeta un dernier regard, parcourant son corps un peu chancelant, la veine dessinée le long de son bras, les cheveux en bordel. Un ange laissé sur le trottoir, au milieu d'une nuit un peu trop noire.
-Ouais, je suis crevé. On se reverra une autre fois ?
Ange hocha lentement la tête, dévisageant à son tour Louis quelques secondes avant de retrouver son sourire.
Il s'approcha, l'enveloppant de son odeur, le rendant subitement minuscule et fébrile de ce qui allait suivre ; mais il ne fit que poser doucement sa grande main sur sa joue, caressant du doigt la peau sèche de sa lèvre.
-J'espère.
Il se recula.
Louis sentit un frisson lui parcourir le dos. Ange n'avait rien d'adorable finalement, et Louis voulait qu'il le dévore en lui murmurant des mots d'amants de sa voix rauque. Il se retourna et se mit à marcher au milieu de la route, fixant ses pieds, un stupide sourire collé sur le visage. Et puis il entendit Ange lui crier :
-De toute façon, je ne couche jamais le premier soir.
Alors, il s'autorisa à rire et se mit à courir au milieu de la rue endormie. Il se dit qu'il avait à présent une sirène et un ange, et que la vie était vraiment belle.
- - -
Merci d'avoir lu... Je crois que l'histoire commence vraiment à partir de ce chapitre ! Alors... Ange va t-il séduire Louis ? ;)
A lundi ! x
#ESOfic
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