Chapitre 14




-Je suis amoureux.

-Ce n'est pas une bonne raison.

-Je sais. Je voulais juste... Vous le dire.

-Je n'ai pas besoin de le savoir. La vraie raison ?

-Comme tous les gens qui viennent vous rendre visite, je suppose.

-Je n'opère pas tout le monde. Il faut une bonne raison.

James Corden était une pieuvre énorme et il avait l'air très riche. Et aussi très gentil. C'était la première chose à laquelle Harry avait pensé en pénétrant dans sa grotte, qui était immense et extrêmement bien décorée. Harry aimait beaucoup sa façon de parler un peu froide, sa manière d'exposer clairement les choses et de dire sans ambiguïté : ce que tu me demandes est très dangereux.

Il lui faisait confiance. Alors il répondit simplement :

-Je suis né dans ce corps de sirène, mais il ne me correspond pas. Je le sens. En dessous, j'ai un corps d'humain. J'ai des jambes cachés sous ma queue. Je déteste ce corps. Ce n'est pas le mien. C'est tout.

James Corden hocha lentement la tête.

-Et la personne dont tu es amoureux n'a rien à voir avec ça ?

Harry ne voulait pas mentir.

-Je crois que si. Un peu. Je veux dire : sans lui, je n'aurais pas le courage. Est-ce que c'est mal ?

-Je ne sais pas.

Il sourit un peu.

-Tu sais que ce que tu me demandes est très risqué, Harry ? L'opération pourrait mal se passer.

-Vous l'avez déjà fait ?

-Oui. Cinq fois. Il y a un garçon pour qui ça s'est très bien passé... Hm, Zayn. C'était son prénom. Il vit en Australie maintenant. Il avait rencontré quelqu'un comme toi avant. Il était amoureux. Et c'était la première chose qu'il m'avait dit en rentrant dans mon cabinet. Tu me fais penser à lui.

James toussa et attrapa avec l'une de ses tentacules, un cadre photo posé sur un meuble. Il le tendit à Harry.

-C'est lui, avec la fille dont il était amoureux. Il me l'a fait envoyé il y a un an. C'était un garçon très gentil.

Harry regarda le cadre pendant un instant puis releva les yeux vers James Corden :

-Alors pour moi aussi vous voulez bien tenter ? S'il vous plaît ?

Il sourit. Sa tentacule vint récupérer le cadre.

Il murmura :

-J'espère que tu penseras à m'envoyer une photo toi aussi.

Harry n'en parla pas à Louis.

Il ne voulait pas tout gâcher.

Il restait deux semaines de vacances.

Louis avait l'air mélancolique. Souvent, il apportait un livre et en lisant un extrait à Harry. Parfois même il prenait une pièce de théâtre, et essayait de lui faire une représentation. Louis était très doué pour faire rire les gens, au contraire d'Harry qui était maladroit et bizarre et qui faisait souvent n'importe quoi. Alors il se contentait de le regarder – admirer aurait été plus juste – et de lui proposer des façons de jouer, ou de lire.

Harry n'avait jamais été aussi heureux de sa vie, et il se dit que si il devait mourir bientôt, alors ce n'était pas si grave. Il y avait eu Louis.

-Dis, Lou, ça fait quoi de faire l'amour ?

Ils étaient allongés l'un contre l'autre. La nuit était douce. Il y avait eu un orage la veille, et l'odeur lourde de la pluie subsistait dans l'air, mêlée à celle des fleurs sauvages sur la lande. Harry se sentait bien, le visage appuyé contre le ventre de Louis. Il ne savait pas pourquoi il aimait autant son ventre. C'était comme... Un petit animal doux et roulé en boule qui respirait. Il avait posé sa question d'un ton égal, comme il posait toutes les autres questions à Louis.

-Tu veux dire... Physiquement ou ?

-Hm... Je sais pas. Les deux ?

-Les sirènes ne le font pas ?

-C'est différent. Et je ne l'ai jamais fait avec une sirène non plus.

-Tu as déjà embrassé quelqu'un d'autre que moi ?

-Oui. Mais c'était pas la question. Tu triches.

Il sentit le rire de Louis soulever son ventre. C'était agréable, de parler à voix basse et de s'imaginer la vie. Il voyait le monde à travers les yeux de Louis. Il le voyait gris, vert et bleu, avec de grandes étendues d'eau et de ciel, et des fleurs sur les maisons. C'était surement n'importe quoi, mais bon.

La voix de Louis le sortit de ses pensées.

-C'est... En fait, je pense que ça dépend d'avec qui tu le fais. Mais dans l'ensemble, ça te réchauffe le ventre. Tu as l'impression qu'une allumette très douce se craque sur ta peau et qu'un petit feu lèche chaque partie de ton corps. Ca donne l'impression d'être un peu fou aussi. Ou de mourir. J'ai tout le temps l'impression de mourir à la fin. Et puis je renais. Après avoir fait l'amour je me sens différent, toujours. Il y a des gens que ça rend triste ou tout vide. Moi j'ai souvent besoin de fumer et d'être silencieux. Mais ça me rend heureux. Et j'aime bien les câlins. C'est le meilleur, quand la peau de la personne que tu as aimé est encore toute chaude et collante et que tu peux te lover contre elle.

Harry avait fermé les yeux. Il imaginait. Il avait du mal en fait. Mais il aurait voulu rendre Louis comme ça. Tout... Chaud et heureux. Il murmura :

-C'est ça ce que tu préfères ? La fin ?

-Oui... Ou le tout début. Quand tu es fébrile et que ta peau tremble un peu. Ca me donne froid, le début. C'est... Comme sauter dans le vide, les yeux bandés, mais accroché à un fil très solide. J'ai peur et j'ai hâte à la fois.

-Ca a l'air... Génial.

-Oui, ça l'est.

Ils restèrent silencieux ensuite. La même boule dans le ventre, dévorante, chaude. Un petit feu d'allumette. Harry entendait sa respiration comme un écho contre la peau de Louis. Il voyait son nombril, juste à côté de ses cils. Il y posa ses doigts. Le ventre de Louis se couvrit de minuscules frissons. Harry avait la gorge serré. Est-ce que c'était ça alors, avoir envie de quelqu'un ?

Il le murmura.

Louis fit un bruit, une sorte de petit gémissement étouffé.

Harry se redressa.

Ils s'embrassèrent.

Avec violence, avec dureté. Ils se jetèrent l'un contre l'autre.

Mais les lèvres de Louis étaient toujours aussi douces, sa langue avait le même goût, celui du chocolat qu'ils avaient mangé deux heures avant.

Harry se dit : c'est pareil.

Mais j'ai envie de tellement plus.

Il enfouit son visage dans le cou de Louis, juste sous son oreille. Il avait envie de pleurer. A la place, il souffla :

-Je peux ?

La main sur le bouton du short de Louis.

Louis hocha la tête.

Harry se dit :

Nous sommes complètement fous.

Et ensuite :

Je l'aime tant.

Louis était nu sous la lumière de la lune. Harry pleurait un peu, le visage contre ses cuisses. Louis aussi pleurait. Ce n'était pas de la douleur, juste une immense tristesse, de ne pas pouvoir, de savoir que, impossible.

Harry le toucha quand même, ce soir là. Du bout des doigts, il le caressa. Sa peau était si fine, traversée d'une veine bleue. Il y posa ses lèvres, ferma les yeux. C'était un goût de sel qui ressemblait à l'océan. Il rendit Louis incandescent. Ils se tenaient la main. Louis caressait son dos, embrassait son cou, mordait ses épaules, sa nuque. Ils roulèrent sur le sable, s'écorchèrent contre les galets.

Harry regarda Louis mourir un peu, et puis renaître, le souffle court, des larmes le long de la bouche, les joues rouges, les doigts tremblants.

Ils se blottirent l'un contre l'autre, respirèrent leur peau en sueur.

Louis dit à Harry :

Je n'avais jamais ressenti ça.

Et Harry murmura :

Je crois que je suis amoureux de toi.

La nuit s'éteignit à l'horizon.

Louis s'assit sur le grand canapé.

Phoebe était assise par terre, en train de faire un coloriage magique. Daisy était parti en course avec leur mamie, et la maison était silencieux, comme terrassée par la chaleur du dehors.

-Phoebe ?

La petite fille ne se retourna même pas. Louis toussa un peu, et puis se laissa glisser sur le sol, s'allongeant près de sa soeur.

-Tu veux que je te dises Phoebe ? J'aimerais bien que tu me donnes un conseil.

Il sentit que sa soeur était d'un seul coup beaucoup plus attentive. Elle coloriait moins vite, et finit par lui jeter un petit coup d'oeil intrigué.

-Tu te souviens de l'histoire d'Ondine la sirène, j'imagine ?

Phoebe hocha lentement la tête. Elle lâcha son crayon et regarda Louis avec attention pour la première fois depuis ce qui lui sembla des siècles.

-Je vais te dire un secret : Je suis tombé amoureux d'Ondine, mais j'ai un peu peur, parce que c'est une sirène et que je ne peux pas vivre avec elle.

Phoebe fronça un peu les sourcils. Louis se mordit la lèvre. Il s'imagina que sa petite soeur allait répliquer qu'il disait n'importe quoi et retourner à son coloriage mais elle tendit simplement sa main, comme elle le faisait si souvent lorsque Louis racontait une histoire. Il sourit.

-Comment elle est, ta Ondine ?, demanda la petite fille.

Louis leva son bras libre vers le plafond.

-Beaucoup plus grande que moi. Et plus forte aussi. Avec des muscles pour porter les sacs de course.

Phoebe se mit à rire, mettant sa petite main devant sa bouche.

-Et aussi très très très belle. La plus belle sirène du monde. Avec des cheveux longs comme les tiens, mais plus foncés.

-Et ses yeux ?

-Vert ! Mais un vert qui brille avec le soleil, et qui est comme constellé de petites paillettes.

-C'est quoi " consellté " ?

-Constellé. Ca veut dire que ses yeux sont remplis d'étoiles.

-C'est une sirène garçon ?

Louis sourit encore plus, et hocha la tête.

-Ouais. C'est une sirène garçon. Il s'appelle Harry.

Phoebe prit un air grave et posa sa main sur le coeur de Louis, par dessus son t-shirt.

-Alors il ne faut pas que tu l'abandonnes. Daisy m'a dit que maintenant, toutes les sirènes du monde devaient avoir un amoureux.

Louis se mit à rire. Il voulut dire : ce n'est pas si facile que ça, mais il ne voulait pas faire de peine à Phoebe. Et peut-être qu'il avait besoin d'y croire lui aussi. Alors il s'accrocha très fort à la main de sa petite soeur et il murmura :

-Tu as raison. Je ne vais pas l'abandonner.




S'il avait su que c'était Harry, qui allait le faire.

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Deux chapitres comme promis, pour fêter mes 1000 abonnés. Merci d'être si nombreux à me suivre et commenter mes histoires... Je vous aime tous.tes très fort.

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