Chapitre 10


Harry était allongé sur le sable, le corps recroquevillé sur lui-même. Il se sentait... Bizarre. Il se sentait souvent bizarre en fait. Mais bizarre mal. Bizarre avec une boule au ventre. Bizarre au point de s'égratigner exprès la peau contre les rochers. Bizarre jusqu'à aller nager du côté du royaume des Requins dans l'espoir de... 

Là ce n'était pas comme ça. 

Enfin pas tout à fait.

C'était plus... Bizarre avec une grande tristesse. Une tristesse envahissante, un peu étouffante aussi. Il avait une boule dans la gorge, qui sautillait aussi dans son estomac. Une boule élastique et noire, gluante, s'accrochant partout. 

Mais en plus du bizarre triste il y avait... 

Harry se retourna. La mer était si profonde. 

C'était tout de même miraculeux de pouvoir respirer sous l'eau. Louis ne savait pas lui. Il lui avait dit qu'il tenait 1min 20 en apnée. Harry tenait beaucoup plus longtemps. Il ne pouvait pas mourir noyé. Dommage. 

La mer était immense et noire, de là où il était. Un monde sans fin, dangereux. Un monde sans lumière, où l'on pouvait se laisser glisser, le corps entre deux courants glacés. 

Est-ce qu'il aimait ce monde ? 

Il n'en était pas si sûr. 

Il prit du sable entre ses doigts, essaya de s'en recouvrir la peau. Mais le sable glissait entre ses phalanges et disparaissait. 

Dans cette immensité noire, Harry était comme pris au piège.

Il se redressa. 

Il se mit à nager, très vite. Longtemps. 

Sa grotte était un peu excentrée, le long d'une falaise très escarpée. Personne n'y venait jamais. Le trou pour entrer était tout petit, qui plus est. Il se coula à l'intérieur, s'écorchant légèrement les épaules. Il fallait nager dans le noir complet pendant quelques secondes et puis il arrivait dans une sorte de cave. L'eau ne montait pas jusqu'en haut. Harry pensa qu'il pourrait emmener Louis, un jour. 

Il sortit sa tête de l'eau et nagea jusqu'à la terre ferme. Là, bien au sec contre la paroi, il avait entassé tous ses trésors. Il y avait comme une petite montagne de vêtements, de bijoux, de chaussures. Et au milieu, plié sur un gros caillou, le t-shirt de Louis. 

Harry l'attrapa et caressa doucement le tissu. Il ne savait pas pourquoi il y avait cette bouche qui tirait la langue dessinée dessus mais il aimait bien le motif. Il s'allongea et posa le t-shirt sur son visage, le respirant longuement. L'odeur de Louis n'avait pas disparu, avalée par l'eau de mer. Elle était toujours là, dans les fibres du coton. Harry pouvait imaginer sa peau se tendre sous le tissu, les muscles de son ventre respirer. La douceur de son dos, la forme de ses omoplates. Là, ses épaules. Et là, l'ouverture sur sa nuque, peut-être un peu, l'odeur de son shampooing. 

Il se mit à pleurer, serrant le t-shirt plus fort contre lui. 

Est-ce qu'il inventait tout ?

Peut-être que ce t-shirt ne sentait rien d'autre que le sel. 

Sel de mer. 

Sel de tristesse. 

Harry ferma les yeux sous le t-shirt et posa une main sur son ventre. 

En plus du bizarre triste il y avait Louis.

Les yeux de Louis.

La peau de Louis.

La bouche de Louis.

La voix de Louis.

L'envie de Louis.

Louis.

L o u i s 

La peau de Malek était brune, et ce brun là rendait Louis un peu fou. Assoiffé. 

Il mordit doucement son épaule, arrachant un petit gémissement au jeune homme. Il frotta son nez contre sa nuque, respirant son odeur. Il grogna :

-Tu sens trop bon.

Malek se mit à rire. Il se retourna. Ses mains étaient aussi grandes que celles d'Harry, mais plus fortes aussi. Juste... C'était des mains d'hommes. Louis adorait ça, sentir ses mains dévaler sur son ventre et tenir sa taille, le serrer un peu. Il se sentait protégé. 

Il avait de la sueur jusque dans le creux de son dos. 

-J'ai encore envie de toi. 

Malek rit à nouveau. Il riait beaucoup. Il avait une belle bouche, avec des lèvres épaisses et un peu de barbe en dessous qui piquait les joues de Louis. Malek était plus âgé que lui. Il savait beaucoup de choses. Louis se sentait un peu nul face à lui mais ça allait, parce qu'il était très gentil. Et il avait l'air de bien aimer le fait que Louis se laisse aller dans ses bras donc, bon...

Ses muscles se tendirent un peu et il renversa Louis sur le matelas. 

-T'es infatigable. 

-Je brûle.

Malek releva le visage, les yeux un peu plus sombres. Louis se mordilla la lèvre. Il était beau. Il ressemblait à un mannequin. Louis n'arrivait pas vraiment à réaliser qu'il couchait avec un garçon comme ça. Il regarda son dos s'arrondir lorsqu'il se pencha pour attraper un nouveau préservatif. Il avait envie d'embrasser ses omoplates et de les lécher. Il le dit à voix haute et Malek vint en lui avec un grognement de plaisir. 

-Après alors. 

Louis s'accrocha à sa nuque, griffant un peu sa peau. C'était meilleur qu'avec tous les autres garçons. En fait il n'avait couché qu'avec trois autres personnes avant Malek. Une fille quand il était en seconde, Charly avec qui il était sorti pendant plus d'un an et un homme, un peu après les résultats du bac. Malek semblait être les trois réunis. Il avait la douceur, un éclat d'amour au fond des yeux et de l'expérience. Louis se sentait bien dans ses bras. 

Ils firent encore l'amour une fois après. Dans l'autre sens. Louis aimait bien aussi, mais il préférait lorsque les draps collaient à son dos. Ca avait quelque chose de très sensuel, qu'il n'aurait pas su expliquer. 

Ensuite ils prirent le goûter assis par terre dans le petit salon. Malek se léchait les doigts en mangeant du Nutella et Louis soupira :

-Tu peux arrêter d'être terriblement attirant pendant plus de deux minutes ? 

Malek esquissa un sourire malicieux.

-Je ne crois pas... C'est inhérant à ma personne.

Louis leva les yeux au ciel et finit son pain au chocolat avant de demander :

-Tu travailles pas aujourd'hui ?

-Tu ne serais pas là sinon.

-Je trouvais ça bizarre.

-J'ai ma journée. Tu fais quoi ce soir ?

Louis arrêta son mouvement pendant un infime instant avant de répondre prudemment :

-Ca dépend, pourquoi ?

-J'allais en boîte avec des potes alors je me suis dit que ça pourrait t'intéresser ? T'es libre non ?

Louis n'aimait pas spécialement les boîtes de nuit. Les rares fois où il y avait été, il avait simplement fini bourré à danser torse-nu comme un débile alors... Bon. Et puis il y avait Harry. Louis avait envie de le revoir. Il aimait sa présence. Et... Il avait encore envie de lui prendre la main en regardant les vagues. 

Malek battit des paupières, tentant de faire la même moue que celle du Chat Potté.

-Allez ? Si je te dis qu'il y a moyen que je te suce dans les toilettes ?

Louis haussa les épaules.

-Bof. C'est pas trop mon truc. Je préfèrerais dans ton lit. On peut pas rester là ?

-T'es chiant, grogna Malek.

Louis le dévisagea quelques instants, se demandant si il était sérieux ou non. Mais son visage restait impénétrable, si bien qu'il finit par hasarder :

-Si je viens une heure ou deux ça te va ? Ensuite je rentre chez moi.

-T'es agoraphobe ou quelque chose du genre ?

-Un peu. 

Malek parut satisfait de la réponse puisqu'il tendit la main et caressa doucement la joue de Louis, avant de se pencher pour l'embrasser.

-Comme tu voudras alors. 

Louis lui sourit. C'était juste un petit mensonge... Un petit mensonge pour pouvoir rejoindre Harry ensuite. Rien de grave en somme. Et puis, il n'était pas en couple avec Malek après tout, il n'était rien d'autre que son plan cul des vacances.

Il avait bien le droit à quelques secrets, non ? 

Louis était complètement bourré. 

Bon.

Peut-être pas complètement. 

Mais suffisamment pour danser sur du Claude François. 

Déjà, quelle boîte passait encore du Claude François en 2016 ? 

La chemise noire que lui avait prêté Malek lui collait à la peau et d'autres peaux collaient à la sienne et c'était extrêmement bizarre parce qu'il n'avait pas le souvenir d'avoir dragué ce gars qui était pourtant très mignon et – oh il avait la même fossette à la joue que Harry. 

Il se mit à rire et se colla davantage à lui pour pouvoir embrasser sa joue, à l'endroit de la fossette. Le garçon mit ses mains sur ses fesses et Louis frotta son nez contre son cou. 

-Toilettes ?

Hein ? 

Louis cligna des yeux, se sentant tirer hors de la piste de danse. Comment ça toilettes ? Il se dégagea brusquement, tanguant un peu vers la gauche et bafouilla :

-Euh non, non merci. 

Le garçon fronça les sourcils. Ce n'était pas un garçon en fait. C'était plutôt un homme d'une quarantaine d'années. Bon. Louis n'avait pas très envie de sucer la bite d'un potentiel homme de famille venant sauter du minot pendant que sa femme dormait. Il recula et crut bon d'ajouter :

-J'me sens pas bien. 

Il se retourna et fendit la foule, le pas un peu vacillant. Une bouteille traînait sur une table et il l'a prit avant de sortir par l'entrée de secours. Quelle heure était-il ? Il faisait nuit noire en tout cas. Il s'appuya un moment contre un mur, s'allumant une cigarette. Il regarda l'étiquette de la bouteille : Vodka. 

Il se mit à rire. Dégueulasse la Vodka. Il hésita à exploser la bouteille contre le mur mais soudain il eut envie de voir Harry. Peut-être qu'Harry aimait la Vodka ? Peut-être qu'il n'avait jamais goûté ? Est-ce que les sirènes buvaient de la Vodka ? 

Il se mit à rire encore plus fort en imaginant une sirène bourrée et finit par s'éloigner de la boîte. Il prit le chemin vers la lande. Le vent qui soufflait toujours depuis plusieurs jours calma un peu son hystérie et il finit par avoir envie de vomir. Il s'agenouilla contre un réverbère. Il avait mal au ventre, comme si celui-ci était gonflé d'une eau brûlante. Il vomit. 

Ensuite il resta assis sur le bord du trottoir, la tête entre les mains. Il avait envie de boire de l'eau, mais à moins de sonner chez les gens, il allait avoir du mal à s'en procurer. 

Il se releva, le pas moins hésitant. 

Il traversa la lande. Il avait l'impression que l'alcool avait vidé entièrement la substance de son cerveau, pour n'y laisser que le prénom d'Harry en lettres capitales. 

H A R R Y

Il arriva au bord de la falaise et se pencha un peu. Il cria :

-HARRY ?

Une vague se fracassa lentement contre la roche. Rien ne bougea. Louis décida de descendre quand même. Il coinça la bouteille dans la poche intérieur de sa veste et se laissa glisser vers le bas, s'agrippant aux parois. A la moitié du chemin, il aperçut l'ombre d'Harry apparaître entre les vagues. Il cria à nouveau :

-EH ! HARRY ! C'EST MOI J'ARRIVE !

Il se remit à rire :

-J'AI UNE SURPRIIISE.

Il se laissa quasiment tomber jusqu'en bas, déchirant son jean au niveau des genoux. Il entendit Harry dire quelque chose mais ne comprit absolument pas et se précipita vers lui en agitant la bouteille.

-Harryyyy !

La sirène venait de s'asseoir sur leur rocher et il l'escalada rapidement pour venir l'enlacer. Il enfouit son visage contre sa nuque et respira longuement l'odeur de sa peau.

-Tu sens trop bon toi aussi.

-Louis ? Tu peux me lâcher s'il te plaît ?

La voix d'Harry était froide et Louis eut l'impression qu'une vague gelée venait de le recouvrir. Il se recula lentement, et regarda Harry qui semblait mortifié, et qui frottait de sa main les parties de son corps que Louis venait de toucher, comme si il voulait que ce n'eut pas été le cas. 

-Je... Je suis désolé..., bégaya Louis. 

Il se sentait misérable maintenant, avec sa bouteille dans une main et la douceur de l'épaule d'Harry comme hantant encore sa joue. 

-Tu peux t'asseoir. C'est pas grave. 

Harry se frottait toujours. Sa voix était différente de d'habitude, comme si il était sur le point de pleurer. Louis avait une boule dans la gorge qui était en train de prendre toute la place. Harry releva les yeux vers lui, fronçant légèrement les sourcils. 

-Tu sens bizarre toi. C'est quoi ?

Il pointa du doigt la bouteille. 

Louis secoua lentement la tête.

-Rien. C'était un cadeau pour toi. Mais tu me détestes maintenant. 

La bouche d'Harry s'étira en un sourire, déridant son visage qui semblait si froid quelques secondes auparavant. 

-Arrêtes de faire le bébé Louis. Donne moi ton cadeau. 

Louis lui donna la bouteille et s'assit près de lui. 

-C'est quoi ?, demanda Harry. 

-C'est de la Vodka. Je déteste. Mais peut-être que toi tu aimes alors je voulais te la donner. 

Harry fronça les sourcils. Visiblement, il ne comprenait rien, ce qui agaça Louis. Il lui reprit la bouteille des mains et l'ouvrit, la portant à ses lèvres. Il en avala un peu. 

-Ca brule. Ca réchauffe le ventre. T'as le ventre tout froid, je l'ai pris pour que ça te réchauffe aussi un peu.

Harry avait un regard très préoccupé, presque... Triste. Louis ne comprenait pas pourquoi mais il lui fit un sourire un peu bancal. Harry souriait généralement après. Mais pas là. Il se contenta d'attraper la bouteille et de boire lui aussi une gorgée. Louis vit le liquide descendre dans sa gorge, et soulever un peu sa pomme d'Adam. Il vit aussi une goutte d'alcool se glisser au coin de ses lèvres, et descendre contre son menton. 

Il se pencha un peu. Harry lâcha la bouteille, qui tomba dans l'eau dans un bruit sourd. De minuscules gouttes d'eau les aspergèrent. Mais ils ne s'en rendirent pas compte. 

Ils s'embrassaient. 

Les lèvres collantes.

Le ventre en feu.


Merci d'avoir lu. ♥️
Ihihihihihihihihihi.
#ESOfic

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