Chapitre 1




-Il était une fois, une très belle petite sirène nommée Ondine. Ondine vivait sous la mer, avec ses parents et ses quatre soeurs. Dans le royaume des sirènes, lorsqu'elles atteignaient 15 ans, elles avaient le droit d'aller à la surface de l'océan pour regarder le monde extérieur, la terre des hommes.

Louis marqua une pause. L'auditoire que formait ses petites soeurs ne lui avait jamais semblé aussi attentif. Elles le regardait avec leurs yeux immenses, serrées l'une contre l'autre dans le petit lit bleu de leur chambre de vacances. Louis se racla la gorge et reprit, prenant bien soin de garder une voix douce, celle des histoires du soir :

-Notre Ondine atteignit ses 15 ans et fut donc autorisée à monter à la surface de l'océan. Mais ce jour là, il y avait une grande tempête. Les vagues remuaient et se brisaient sur les rochers, et le vent soufflait sa fureur sur la terre des hommes. Lorsque Ondine mit sa tête hors de l'eau, le ciel était sombre et menaçant. Mais la première chose qu'elle vit fut un grand navire, à quelques mètres d'elle, qui avait été pris dans la tempête et venait de se fracasser sur un rocher. Et sur ce bateau il y avait-

-Un beau prince ! Hurla Daisy en battant des pieds sous la couverture.

Louis sourit et hocha la tête.

-Exactement. Le plus beau prince du monde ! Il avait des cheveux bruns et des yeux bleus comme le ciel d'été.

-C'était toi ? Demanda Phoebe en pouffant de rire.

Louis renchérit très sérieusement :

-Oh non. Ce n'était pas moi. Si ç'avait été moi, le prince ne serait pas en train de se noyer lamentablement dans l'eau.

Ses petites soeurs reculèrent d'effroi dans le petit lit en poussant un " ooooh " très éloquent. Fier de son petit effet, Louis continua :

-Ondine vit le prince qui venait de glisser entre les vagues. Elle n'avait jamais vu de si bel homme et même si elle savait que cela lui était interdit, elle nagea le plus vite possible à sa rencontre. Lorsqu'elle atteignit le prince, il lui sembla que celui ci était mort. Paniquée, la petite sirène le tira jusque sur la plage. Elle l'allongea comme elle pouvait sur le sable chaud, puis elle l'observa longuement. De près, il était encore plus beau. Elle en tomba immédiatement amoureuse. Mais elle entendit quelqu'un arriver sur la plage. De peur d'être vue, elle regagna immédiatement l'océan et se cacha derrière un rocher.

-Elle abandonne le prince ? Gémit Phoebe en se cachant derrière son doudou.

Louis se pencha pour caresser sa joue.

-Il le faut bien. Les petites sirènes ne peuvent pas être vues par des humains. Et même si Ondine est très amoureuse du prince, elle a aussi très peur. Que dirait t'il si il l'a voyait, avec sa queue de poisson ?

-Il serait sûrement amoureux aussi puisqu'elle est très belle.

-Peut être, murmura Louis, mais pour le moment Ondine reste cachée derrière son rocher. Elle observe la jeune fille qui vient d'arriver sur la plage, et qui a découvert le prince endormi. Bien sur, elle est très jalouse en la voyant caresser la joue de son prince, et encore plus lorsque le prince se réveille, ouvrant ses yeux couleur de ciel d'été et que la première chose qu'il voit est le visage de cette inconnue arrivée de nulle part ! Ondine ne peut pas en regarder davantage, et elle regagne l'océan. Elle va alors voir sa grand mère, à qui elle raconte toujours tous ses malheurs, et lui demande pourquoi les hommes sont si fragiles contrairement aux sirènes qui vivent très longtemps. La grand mère lui répond que les hommes meurent vite mais ont une âme éternelle. La petite sirène veut aussi avoir une âme éternelle, cela lui semble si beau ! Sa grand mère lui sourit. " Pour avoir une âme éternelle, mon enfant, il te faudra te faire aimer et épouser d'un homme. "

-Il faut que le prince aime Ondine ! S'exclama Phoebe.

Louis hocha très sérieusement la tête.

-Il le faudrait oui... Et je pense que l'on verra ce qui arrive à Ondine demain soir, parce qu'il est tard les filles.

Un concert de supplications lui répondit immédiatement. Phoebe fit mine de pleurer, mais Louis la connaissait depuis trop longtemps pour ne plus s'en émouvoir. Il leur promit la suite de l'histoire au moins dix fois pour qu'elles acceptent de se laisser border sans bouger, puis il leur déposa à chacune un baiser sur le front et éteignit la lumière.

-A demain mes sirènes, dormez bien.

Les deux petites pouffèrent de rire et répondirent en choeur :

-A demain Loulou, fais de beaux rêves !

Louis referma la porte de la chambre avec un sourire.







Louis enfila un sweat et ses baskets, puis attrapa son paquet de cigarettes sur la table de nuit. Il ouvrit la fenêtre de sa chambre et l'enjamba. Il ne se trouvait qu'au premier étage, et dans un simple petit bond, il se retrouva dans le jardin. Il faisait nuit noir dehors, mais le ciel était si clair qu'il lui sembla qu'il était entièrement tapissé de milliers d'étoiles. Louis habitait en ville normalement, et la lumière constante des lampadaires ou les néons des magasins l'empêchaient toujours de voir la nuit dans sa forme la plus belle, c'est à dire recouverte d'astres brillants.

Il resta quelques secondes immobiles, les yeux en l'air à admirer le spectacle, avant de se rappeler pourquoi il était passé par dessus la fenêtre de sa chambre. Sans perdre un instant, il traversa le jardin et ses ombres mouvantes, remuant les odeurs apaisées par la nuit, et ouvrit le petit portail blanc, rouillé par les années. Louis se souvenait distinctement de la première fois où il avait découvert ce passage, englouti par le lierre et les ronces qui avaient recouverts le mur d'enceinte de la maison. Il avait huit ans et s'amusait la nuit à jouer les explorateurs dans le jardin de sa grand mère, en cachette des adultes qui dormaient paisiblement. Le petit portail blanc menait directement à la plage, et avait été oublié depuis que le grand père de Louis était mort. Il était pêcheur et devait certainement passer par là pour gagner la plage plus rapidement, au lieu de faire tout le tour du pâté de maison et descendre le port. A présent, c'était Louis qui utilisait ce raccourci.

Il referma soigneusement derrière lui avant de se frayer un chemin parmi les joncs qui recouvraient tout. Louis se souvenait de la plaine autrefois, dénuée d'arbustes. Il lui semblait qu'il s'agissait d'un grand désert, et que le haut de la dune était l'oasis tant attendue. A présent le paysage semblait beaucoup plus inquiétant, les joncs faisant danser leurs petites brindilles pointues vers le ciel, et créaient des milliers d'ombres sur le sol. Mais il y avait cependant toujours la même odeur. C'était celle du soleil qui avait tout brûlé pendant la journée, qui s'était infiltré dans le sable et caressé les pétales des fleurs sauvages. La nuit, toutes ces senteurs se trouvaient démultipliées et rejoignaient celle de la mer qui se trouvait juste en contrebas. Le parfum était inégalable, et il semblait toujours à Louis en traversant la plaine sous les étoiles, qu'il n'y avait que là qu'il respirait vraiment. Comme si le reste de ses jours à évoluer dans le monde, n'étaient voués qu'à cet instant où ses pieds foulaient le sable. Il ne se sentait jamais plus vivant qu'ici, en pleine nuit, au milieu de ces odeurs sauvages et naturelles.

Louis finit par gagner le haut de la plaine. En bas, il y avait une grande falaise, qui descendait doucement vers la droite. Si il continuait le chemin, le paysage devenait moins sauvage et il atteindrait bien vite le port et le village. Mais Louis allait toujours vers la gauche. Il longeait les bords escarpés, au risque de tomber, et escaladait les rochers pour atteindre la petite crique de L'Etoile. C'était lui qui l'avait appelé comme ça, bien que sur les plans officiels il s'agissait plutôt de La Crique des Naufragés. Elle était en effet entourée de pics rocheux qui sortaient à peine de l'eau, et bon nombre de marins imprudents (souvent des touristes il fallait l'avouer, les gens du coin connaissaient parfaitement les falaises et leurs dangers) s'échouaient là chaque année, et rejoignaient la crique en nageant. Celle ci était en effet protégée des vagues grâce aux rochers et l'eau clapotait doucement contre les parois de pierres de la falaise. La petite plage s'étendait sur quelques mètres à peine, mais le sable était très doux. Personne cependant ne s'y aventurait, car l'accès par la falaise était dangereux et long.

La crique de L'Etoile était, pour toutes ces raisons, la préférée de Louis.

Depuis le temps qu'il y venait chaque nuit, il connaissait par coeur le chemin qu'il fallait emprunter pour descendre la falaise. Sur quelques mètres, il escaladait les rochers, et ses pieds trouvaient d'eux mêmes les bonnes prises pour ne pas glisser. Louis aurait pu faire le chemin les yeux fermés. Il sauta sur le sable et se retourna, admirant la mer qui dansait dans le noir, sombre et inquiétante.

Honnêtement, Louis n'était pas quelqu'un de solitaire. Il avait plutôt beaucoup d'amis, il aimait les soirées, les fêtes jusqu'à l'aube. Il aimait sortir le week-end, aller au cinéma avec ses potes, faire des conneries et être le bout-en-train de la classe. Peut être même qu'il avait un peu rechigné à venir chez sa grand mère de peur de s'ennuyer, et parce qu'il ne voulait pas quitter ses amis, qui, eux, avaient prévus de se voir pendant toutes les vacances. Louis venait à peine de terminer le lycée et il savait qu'il serait dans une université différente que son meilleur ami Liam par exemple. Il avait terriblement peur de l'année suivante, de se retrouver seul et perdu dans un endroit étranger... Donc, c'est vrai, il aurait aimé passer les deux mois d'été dans sa ville, à dormir en journée et sortir la nuit pour danser jusqu'à pas d'heures. Mais il y avait cet autre côté de Louis, qui ne voulait pas être séparé de sa famille pendant aussi longtemps et qui, surtout, aimait par dessus tout les vacances chez sa grand mère. Louis aimait la mer. Louis aimait la nuit et la crique de L'Etoile. Louis aimait ses petites soeurs, sa mère, sa grand mère. Et il s'était dit qu'il s'agissait peut être de la dernière année qu'il venait en vacances ici. Alors il avait accepté de partir et d'abandonner ses amis pour les mois de juillet et d'août, et se contentait de skyper avec Liam qui le tenait au courant de tous les potins croustillants. (Pas grand chose d'intéressant en fait).

Lorsque Louis s'asseyait sur le sable doux de la crique et qu'il contemplait les remous lents de la mer, et le reflet des étoiles sur sa surface d'encre, il se disait qu'il avait pris la bonne décision. Que si jamais il se sentait bien quelque part, c'était assurément ici, entouré des falaises et du vent calme d'été, qui portait l'odeur du soleil, du varech, et des fleurs sauvages.

Louis resta un moment sans bouger, puis il finit par se relever et alla s'asseoir sur un grand rocher. Il aimait bien cette place, car il était tapi dans l'ombre et voyait de plus loin encore l'horizon. Il s'alluma une cigarette et s'appuya contre la falaise. Parfois, il finissait par s'endormir, et ne se réveillait qu'avec les premières pointes de l'aube. Un jour il avait été surpris par la marée montante, et une vague qui l'avait soudainement recouvert. Il était rentré piteux à la maison, dégoulinant d'eau salée (mais c'était un moment qu'il trouvait très drôle à se rappeler). A présent il faisait attention, surtout parce qu'il ne voulait pas rentrer trop tard de peur que quelqu'un ne le surprenne et ne se rende compte qu'il passait quasiment ses nuits dehors. Il se voyait mal expliquer à sa mère qu'il restait des heures assis sur un rocher à contempler la mer et le ciel, car la connaissant, elle ne le croirait jamais, préférant s'imaginer qu'il traînait dans les rues du village pour taguer les maisons en buvant de la vodka (Louis n'avait pourtant jamais fait ça, même avec Liam dans leur période " rebelles de la société ").

Tout était silencieux depuis de longues minutes, si ce n'était le clapotis doux des vagues sur le rebord de la falaise. Louis commençait à somnoler, sa cigarette complètement consumée entre les doigts. Il regardait les étoiles, espérant en apercevoir une filante (même si il n'avait jamais le temps de faire le voeu si jamais cela arrivait, trop occupé à se dire qu'il venait de voir une étoile filante et que c'était magnifique), lorsqu'un bruit différent le sortit de ses pensées. C'était plus comme... Le bruit d'un poisson qui sautille hors de l'eau. Il resta parfaitement immobile, scrutant les rochers devant lui. Il ne parvenait pas à voir distinctement où l'eau tournoyait, mais cela lui sembla venir de la droite. Les vagues remuaient différemment. Mais un petit poisson ne ferait pas ça non ? Louis dressa mentalement la liste de ce qu'il pêchait de temps en temps lorsqu'il avait le courage d'apporter sa canne à pêche. Honnêtement, il n'avait jamais fait de très grosses prises. A nouveau, la surface de l'océan se calma. Louis se rendit compte qu'il avait arrêté de respirer, ce qui était très stupide. Qu'est ce qu'il s'imaginait, qu'un requin allait jaillir entre les rochers ? C'était totalem-

Cette fois il n'y avait pas de doute. Une queue de poisson venait de claquer la surface des vagues. Louis resta tétanisé. Parce que, non, ce n'était pas un petit poisson comme ceux qu'il avait pu ramener aux filles et qu'elles tentaient d'élever dans un bocal jusqu'à ce qu'ils meurent trois jours plus tard. C'était plus comme... Une queue de dauphin ? A nouveau, il y eut un remou et Louis cru qu'il allait hurler. Mais en fait, il resta totalement immobile, la bouche ouverte.

C'était une personne.

Une personne qui venait de sortir de l'eau, et de s'asseoir sur le rocher juste face à lui. Il ne voyait que son profil, éclairé par la lumière de la lune, mais il distinguait très clairement ses traits et... Sa queue de poisson. Une longue queue de poisson qui partait de la base de son ventre et se finissait très finement, caressant l'eau avec lenteur, recouverte d'écailles qui semblèrent à Louis briller plus que n'importe quelle étoile. Et en haut de cette queue, il y avait un homme. Exactement comme lui, avec un torse plat, des bras musclés, un visage très fin, parfaitement sculpté, et une longue chevelure bouclée qui retombait sur ses épaules. Sa peau laiteuse paressait très douce et pâle, presque féminine.

C'était une sirène.

Et Louis n'avait jamais vu créature plus magnifique au monde.

Il dut faire un bruit car presque immédiatement, l'homme-sirène se retourna vers lui. Ils se regardèrent de longues secondes, qui semblèrent à Louis une éternité. Les traits de son visage étaient sublimes. Même dans l'ombre, Louis voyait parfaitement l'ourlet de sa bouche, ses lèvres plus sombres que le reste de sa peau, ses sourcils légèrement froncés, et la petite boucle de ses cheveux qui tombait le long de son cou, long et pâle. Les pupilles de la créature brillèrent un instant, puis son visage se modifia, et Louis vit clairement passer sur ses traits une terreur sans pareille. Et sans qu'il n'ait eu le temps de faire un geste, l'homme-sirène plongea dans l'eau et disparut.

Le coeur de Louis battait furieusement.

- - -

Merci d'avoir lu ! <3
#ESOfic

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