Chapitre 51

STITCHES- Shawn Mendes (cover by Sara'h)

Mon cœur manque un battement et ma respiration s'accélère lorsque je réalise enfin toute l'ampleur de ce qui vient de se passer. Ma tête me tourne. Jayden m'attrape par le bras et m'entraine vers l'ascenseur. Je n'ai même pas la force de protester. Je suis ailleurs, complètement déconnectée de ce qui m'entoure, c'est à peine si je sens les bras de mon copain m'envelopper tendrement. Je suis dévastée. Est-ce que j'ai vraiment fait ça ? Suis-je officiellement orpheline ? Sans foyer ? J'aurais tant voulu que ma mère change, qu'on puisse s'entendre et se comprendre. S'aimer.

— Inspire profondément, souffle Jayden au creux de mon oreille.

J'essaie de l'écouter mais mes pleurs redoublent d'intensité. Puis soudain, comme la première fois que j'ai pleurée dans ses bras, il me chuchote:

— Je suis là, Belle. Tu n'es pas seule. Je ne te lâcherais pas, jamais.

Et comme la dernière fois, ces simples mots me calment. Je relève la tête vers Jayden qui esquisse un sourire pour me remonter le moral. Délicatement, il passe son pouce sur ma joue et essuie mes larmes.

— Tu es tellement plus jolie quand tu souris que quand tu pleures.

Et c'est ce que je me décide à faire. Il me faudra du temps pour me remettre de cette perte, mais je suis prête à sourire, à continuer ma vie. Après tout, ma mère était si méchante que je souhaitais la quitter. Mais... je ne pensais pas que ça se ferait si brusquement. Et surtout que cela me ferais si mal. J'aurais tant voulu que ça se passe autrement.

Je me colle contre Jayden et inspire son odeur que j'aime tant, qui a le don de me calmer. Quand enfin les portes de l'ascenseurs s'ouvrent, je suis revenu à moi, prête à afficher un sourire feint et communiquer ma bonne humeur. Cet événement ne doit pas m'atteindre. Ce soir, je monte sur scène devant plus de milles personnes. Ça leur ferait bien trop plaisir de me voir fondre en larme sur scène.

Il m'entraine dehors, à l'air libre. Alors que je commence à reprendre mes esprits, je suis surprise de le voir sortir des clefs de voiture de sa poche et appuyer sur un bouton. Les phares du quatre-quatre garé juste devant l'immeuble clignotent.

Il s'avance et  m'ouvre poliment la porte passager. Mais je suis incapable de bouger. Cette voiture, ce n'est pas celle de Bonnie et pourtant... Je suis sûre de l'avoir déjà vu. Elle m'est familière. Je dirais même qu'elle m'angoisse. Oui, la voir me fait suer à grosses gouttes et je suis incapable de savoir pourquoi.

Il remarque que je ne bouge pas et m'explique :

— C'est ma voiture. Tu te souviens, je t'avais dit qu'elle était au garage.

Je fronce les sourcils. Oui, je me rappelle maintenant. Mais la laisser pendant dix mois au garage, c'est pas un peu long, non ? Il me sourit mais je vois dans son regard qu'il est bizarre. Il y a cette étincelle étrange qui y brille. De la peur ? Je décide de ne pas y prêter, mettant ça sur le compte de notre représentation imminente.

J'inspire puis me force à avancer. C'est ridicule, pourquoi aurais-je peur d'une voiture ?

Je cligne des yeux, juste le temps d'une fraction de seconde, et quand je les rouvre je vois le quatre-quatre foncer sur moi.

Je cligne à nouveau des yeux et me revoilà dans la rue face à Jayden qui me sourit gentiment.

Je secoue la tête et m'engouffre dans la voiture.

J'ai dû rêver.

                          O O O

J'entre dans le théâtre, la boule au ventre. Et mon état ne s'arrange pas en voyant tous les sièges fasse à la scène. Quand je pense que d'ici moins d'une heure la pièce sera bondée et que tous les yeux seront rivés sur nous.

Je soupire et me dépêche de rejoindre Jayden qui entre déjà dans les coulisses, de l'autre côté du grand rideau rouge. Dès que j'ai passée la porte, mes yeux s'arrondissent comme des soucoupes. On dirait une fourmilière. Il y a tant de gens qui s'activent dans tous les sens. Le club d'informatique règle les lumières et les enceintes sur une passerelle en hauteur, le club d'art plastique installent les derniers éléments du décor, les comédiens déjà prêt récitent leur texte dans un coin et les professeurs en charge du spectacle cours dans tous les sens vérifier que tout se déroule correctement.

Je suis en train de chercher Jayden du regard, quand un prof fonce sur moi.

— Mademoiselle Collins ! On vous cherche depuis une heure ! Les spectateurs commencent à arriver, dépêchez- vous d'aller vous préparer.

Je le regarde, interdite, et il me secoue, agacé de mon manque de réaction. Puis-ce que je ne bouge pas, il appelle un élève du club informatique qui installe  un micro-serre-tête dans mon cou, comme pour les animateurs télé.

— Allez refaire votre maquillage dans la loge, maintenant !

Soudain, sûrement parce qu'il me l'a fait remarquer, je commence à entendre du bruit de l'autre côté du rideau, ce qui me pousse à me mettre en mouvement. Je me précipite le long du couloir qui longe la scène et entre dans la  loge des filles.

J'écarquille les yeux, surprise de découvrir une pièce entièrement blanche dont chaque centimètre de mur est  recouvert par des coiffeuses, comme dans les films.

Il y a déjà deux fille dans la pièce qui se maquillent devant deux miroirs côte à côte. Je m'introduis discrètement dans la pièce, mais trop tard, elles me remarquent et me dévisagent. Au bout d'un moment, elles semblent me reconnaître et l'une d'elle s'exclame :

— Ah Belle ! J'ai hâte de te voir sur scène avec Jayden, vous former un si beau couple !

Je serre les dents. Alors tout le monde est vraiment au courant ? Je sais que Lou pensait bien faire en révélant la vérité, que enfin, je n'aurais plus cette pression constante qui pèse sur  chacune de mes paroles et chacun de mes gestes pour qu'on ne devine pas ma relation avec Jayden, mais en cet instant je la maudis.

L'autre qui fait la moue se contente de me dire :

— Choisis une autre robe dans le placard et tu peux emprunter tout mon maquillage. T'en a vraiment besoin, t'as une sale gueule.

Je soupire et vais choisir une robe dans le placard qu'elle m'a désigné. Je trouve une petite robe blanche pile assez habillé et décontracté à la fois. J'entre dans la cabine juste à côté et l'enfile sans difficultés. Après cela, je me démaquille en vitesse et commence à me remaquiller les yeux,   en restant bien à l'autre bout de la pièce. Je n'aime pas le regard que pose sur moi cet fille. Ce regard qui me scrute à la recherche du moindre défaut.

Alors que j'applique une première couche de rouge à lèvres, je me surprends moi-même à écouter la conversation des deux filles.

— Tu as vu tout le monde qu'il y a !?

— Tu me stresse encore plus !

— Mais il y a bien mille cinq cents personnes ! Tout le monde est là, profs, élèves, administration et familles !

— Arrête ça ! J'arrive pas à appliquer mon blush si tu me....

Soudain,  leur conversation s'arrête net et je pivote sur mon siège pour voir ce qui se passe.

— Tu n'as pas le droit d'être là ! C'est la loge des filles et puis tu n'es même pas dans la...

— Tais-toi ! aboie Nils.

Je me sens blêmir à vue d'œil. Que fais-t-il là ? Il est ici pour moi, n'est-ce pas ? Que me veut-il ? Il se tourne vers moi et coulisse un regard noir dans ma direction. Si noir que je ne voie plus la couleur de ses yeux.

Je déglutis.

— Sortez ! ordonne-t-il froidement.

Je vois les filles hésiter, puis se lever. C'est à peine si je trouve la force de protester faiblement :

— Non ! Restez !

Mais c'est trop tard, elles sont déjà parties. Un rictus mauvais étire ses traits et il se met à avancer vers moi. Je me dépêcher de me lever et de reculer. Je ne veux pas qu'il m'approche.

— Alors Belle, tu as cru que tu pouvais me berner aussi facilement.

Je l'espérais en tout cas.

La peur dois se lire sur mon visage car son sourire s'agrandit et sa démarche devient de plus en plus menaçante.

— Tu as crus que tu pourrais te jouer de moi ? Que toi et ton pauvre plouc,  vous pourriez vivre heureux après m'avoir humilié ?

Je déglutis et continue de reculer.

— Tu croyais que j'allais te laisser en paix ? demande-t-il avec un petit rire sardonique. Pauvre, Belle, si naïve et innocente.

— Je suis désolée ! Je n'ai jamais voulu te blesser !

Son sourire disparaît et, plus sombrement que jamais, il lâche :

— Mais ça ne t'as pas empêcher de le faire.

Je souffle et baisse le regard. Il a raison. Jayden avait raison, je suis un monstre.Tout est de ma faute. J'ai beau avoir changé, je suis toujours horrible. Je mérite ce qui m'arrive.

Il avance encore, son regard plus noir que jamais.Je recule encore, jusqu'à me retrouver plaquée contre le mur. Alors là c'est sûr, je suis fichue. Un nouveau sourire haineux s'installe sur son visage, détonnant avec sa beauté angélique, puis brusquement il plaque ses mains de part et d'autre de ma tête. Il se penche un peu plus vers moi, hostile, et je me recroqueville sur moi-même. Il m'effraie, ce n'est pas le garçon qui était mon ami. Que lui ai-t-il arrivé? Est-ce moi qui l'ai rendue ainsi où l'a t-il toujours été sans que je m'en rende compte? Tout ce que je sais, c'est qu'il a disparu et j'ai peur.

— Mais dis-moi... as-tu aimée ma surprise à ta petite fête ?

Mon cœur manque un battement. C'est donc bien lui qui m'a balancée à ma mère. De quoi est-il encore capable ?

— Je dois reconnaître que connaissant Rose, je t'imaginais déjà six pieds sous terre. Mais il faut croire que je t'ai sous-estimée.

Je le fixe dans les yeux, soutenant son regard. Comment un garçon qui était si gentil peut-il devenir si méchant ?

— Pourquoi me fais-tu ça ? Pourquoi n'abandonne-tu pas !?

Un sourire cruelle déforme ses traits.

— Mais parce que je veux que tu souffres, comme moi j'ai souffert. Je veux que toi et Jayden se soit fini. Tu es à moi et si je ne peux pas t'avoir, personne ne t'auras, siffle-t-il venimeusement.

Sans même m'en rendre compte une larme perle au coin de mon œil.

— C'est faux ! Je n'ai jamais était à toi ! Et aucune de tes sales manigances ne pourra nous séparer Jayden et moi !

Une étincelle malsaine traverse subitement son regard, me faisant trembler de la tête aux pieds.

— Tu n'es pas à moi ? Pourtant, t'as mère m'as dit tout l'inverse pour quelques centaines d'euro.

L'air s'échappe de mes poumons comme si j'avais pris un coup. Quoi ? C'est impossible. Comment a-t-elle pu me faire ça ? Elle m'a vendu comme du bétail... Tout ça pour de l'argent. Elle n'a donc aucun cœur. 

Je me demande si c'est cela que j'ai découvert le soir de l'accident. Ça expliquerait pourquoi je suis partie en courant, comme une furie. Je me met à trembler de plus belle. En fait, ça ne m'étonne même plus d'elle.

— Moi, je suis sûr que je peux vous séparer, toi et ton pauvre merdeux.

Je relève le menton et le défi du regard malgré les tremblements qui parcourent mon corps. Je veux garder le peu de dignité qu'il me reste, défendre mon couple jusqu'à la fin.

— J'aimerais bien voir ça ! crié-je bravement.

Il sourit de plus belle et je me demande si je n'ai pas réagi pile comme il le souhaitait, si je ne suis pas tombée dans le piège.

— Eh bien, l'autre jours tu m'as demandée ce qui c'était vraiment passer ce soir-là. Tu as dit que c'était moi la dernière personne à t'avoir vu. Mais en vrai, le dernier qui t'a vu, c'est celui qui t'a emmené à l'hôpital.

Je fronce les sourcils. Où veut-il en venir ?

— Mais tu sais déjà qui t'a emmené à l'hôpital, hein, Belle ?! Celui qui a veillé à ton chevet jusqu'à ton réveil pour s'assurer que tu ne te rappelais pas de la personne t'ayant percutée ? Mais ce qui m'étonne c'est que tu n'aies pas fait le lien avant, de toute évidence tu as perdu beaucoup de capacités après ton accident.

Mon souffle se bloque, mon sang se glace et mon expression se fige. Non. C'est impossible.

Je secoue la tête. Non. Non. Non.

— Et si, Belle. C'est lui. Pourquoi tu crois qu'un gars comme lui s'est intéressé à une fille comme toi ?

Je plaque mes mains sur mes oreilles, ferme les yeux et secoue la tête. Je ne veux plus l'entendre. Il dit n'importe quoi. Tout est faux. Il essaie juste de me perturber. C'est faux !

— Tu mens ! hurlé-je.

Je sens son haleine effleurer ma joue, ses long doigt glisser le long de mon corps jusqu'à mon visage.

— Au fond de toi, tu sais que j'ai raison, que je ne mens pas. Tu l'as toujours su. Mais comme on dit... l'amour rend aveugle.

Non, non, non.

Je le murmure en boucle, comme si je pouvais m'en convaincre. Mais c'est trop tard.

C'est Jayden qui m'a foncée dessus. C'est lui qui a failli me tuer. C'est lui qui m'a volé ma mémoire, mon avenir, ma vie. C'est lui qui a tout chamboulé comme un jeu de quilles. Mais le pire, c'est qu'il a osé me regarder droit dans les yeux et me dire qu'il m'aimait. Encore un mensonge. Seulement des mensonge pendant tout ce temps. Jamais il ne m'a dit la vérité. Il m'a mentit. Il s'est servi de moi. Il m'a manipulée.

Doucement, les doigts de Nils s'arrêtent dans mes cheveux, juste à côté de mon micro. Je n'arrive plus à me contenir et fonds en larmes.

Je pleure parce qu'il c'est foutu de ma gueule et que j'ai rien vu. Parce qu'il m'a volé mon cœur pour s'assurer mon silence. Et qu'il me l'a piétiné sans pitié.

C'est pour cela qu' il s'est intéressé à moi, pourquoi il paraissait anxieux dès qu'on parlait de mes souvenirs, pourquoi son odeur me rappelait quelque chose ou encore pourquoi sa voiture me faisait peur.

Enfin Nils s'écarte et j'ouvre les yeux. Ma vue est embuée par les larmes et mon cerveaux brouillé par la rage.

Il c'est foutu de moi.

Avec une courbette moqueuse Nils me montre le chemin.

— Je t'en prie, Belle. Va briser ton couple.

Et comme le petit chien docile qu'on m'a toujours appris à être, j'obéis. Je me précipite vers la porte, cours dans les couloirs, bouscule les gens.

Je cligne des yeux pour chasser les larmes, et c'est ce moment que choisissent des  fragments de souvenirs pour me revenir. Ma démarche se fait plus vacillante. Le couloir obscure se mélange avec les rues de Paris, les élèves que je bouscules ont les visages des piétons que j'ai poussée ce jour-là et quand j'arrive sur la scène, la lumière des spots qui m'aveugles sont ceux d'un quatre-quatre.

Tout me reviens petit à petit. Mon enfance et mon adolescence, mon père et ma mère, ma vie entière. C'est comme si on venait de glisser la clef dans la serrure qui retenait tous mes souvenirs prisonniers. Et ça me fait mal à la tête. Mais surtout au cœur.

Arrêtée au milieu de la scène, je le cherche du regard. Heureusement, le rideau n'est pas encore levé et la pièce n'a pas encore commencé. J'ai encore du temps.

Enfin je le vois. Il me tourner le dos et semble lancé dans une conversation très animé avec Jade. Soudain cette dernière se penche vers lui et sa main lui caresse le visage. Il la repousse et fait volteface, paniqué.

Je croise le regard de Jade et elle me sourit. Un vrai sourire. Car elle sait qu'elle a réussi. Elle a réussi à exécuter sa menace. Elle m'a prévenu que si je restais avec Jayden elle me détruirait. Mais à aucun moment je me doutais qu'elle le ferais aussi bien. Avec tant de talent. Et que ça ferais aussi mal. Je croise le regard de Jayden et je serre les dents. Il voit mon état et se précipite vers moi avant de s'arrêter à une distance de sécurité.

— Belle... Je...

Je n'attends pas qu'il termine et je le gifle de toutes mes forces. J'y met tout mon cœur, ou tout du moins tout ce qu'il en reste. Puis je le pousse. Encore et encore et il endure en silence. Il sait que c'est tout ce qu'il mérite. Enfin,  il finit par m'attraper les poignets et je suis étonnée de voir des larmes dans son regard.

— Belle... je suis désolé, murmure-t-il la voix cassée.

— Tu es désolé !? crié-je. Tu crois que ça suffit ? Que ça va tout réparer ? Tu as détruit ma vie, putain ! Tu m'as tout pris, Jayden ! Et tu sais ce qui est le pire ? C'est que tu ne t'es pas arrêté là. Bousiller ma santé, me voler mes souvenirs et mon avenir, ça ne t'a pas suffi ?! Il fallait aussi que tu aies mon cœur ? Que, lui aussi tu le détruise ?

Ma lèvre inférieure se met à trembler violemment et les larmes continuent de dévaler mes joues.

— Belle, je sais que ce que j'ai fait est impardonnable, que j'ai détruit ta vie. Et quoique je puisse te dire n'y changera rien, mais je te jure que ce n'est pas ce que je voulais. C'était un accident. Juste un putain d'accident ! Et dieu sait à quel point je m'en suis voulu ! J'ai aussi essayé de te le dire à plusieurs reprises, j'ai même tenté de te repousser avant que tu ne souffres, mais c'était trop dur. Je ne voulais pas te perdre. Pas toi aussi.

Je serre les poing et me jette sur lui, martelant son torse de coup de poings.

— Tu mens encore ! Vas-y ! Ose me dire encore que tout ce qu'on a vécu n'était pas que du vent, que tu n'as pas fait que me mentir pendant tout ce temps!  Ose encore me mentir droit dans les yeux !

Il se laisse faire.

— Belle, souffle-t-il la voix brisé. Les seuls fois où j'ai mentit c'est sur cet accident ! Oui, j'ai été lâche, je ne me suis pas dénoncé quand je t'ai emmené à l'hôpital, j'ai fait l'ignorant. Mais c'est humain, non? Et oui, j'ai omit de te dire que c'est moi le monstre qui t'a percuté en voiture, j'ai gardé pour moi la vérité. Je ne t'ai pas dit qu'on c'était disputés ce soir-là, je ne t'ai pas dit qu'énervé, j'ai roulé un peu trop vite sur la route pour rentrer chez moi et qu'avec la pluie j'ai été incapable de freiner à temps. Mais c'est parce que je t'aimes.

Je serre les poings et grimace pour tenter d'arrêter de pleurer.

— Vraiment, Jayden ? Parce que ça, ce n'est pas un mensonge? C 'est seulement par pure gentillesse que tu es resté à mon chevet et pas par intérêts ? Et quand tu me demandais si j'avais retrouvée mes souvenirs, c'était pas pour savoir si je me rappelais que tu avais commis une faute capable de t'envoyer devant un tribunal ?! Et quand tu es devenu mon ami, ce n'était pas pour me garder à l'œil et t'assurer que je ne me rappellerai de rien ? Et quand tu disais que tu m'aimais, ce n'étais pas pour mieux réussir à me manipuler !?!

Je vois une larme couler le long de sa joue, m'enrageant un peu plus. Ici, je suis la seule qui ai le droit de pleurer. Je suis la seule à avoir le droit d'être détruite.

— Oui, au début j'étais ton ami par intérêt, je voulais m'assurer que tu ne retrouverais pas tes souvenirs, avoue-t-il. Mais je suis devenu ton petit-ami par amour. Je t'aime, Belle. Je ne t'ai jamais mentit sur mes sentiments. Jamais. Si au début tu m'insupportais, j'ai appris à connaître la vrai Belle. Celle qui se cache derrière ses airs revêches. Et je l'ai tout de suite aimé car elle est sensible, gentille, drôle et généreuse. Tu es fabuleuse Belle et ça, jamais je n'ai pensé le contraire. Tu m'as redonné goût en la vie, tu m'a rendu meilleur. Et tu m'as fait croire en quelque chose que je pensais impossible. Si quelqu'un m'avait dit il y a quelque mois que je tomberais amoureux, que je croirais en l'amour, je lui aurais ris au nez. Pour moi, ça n'existais pas. Me faire croire en la magie était dix fois plus probable que de me faire croire en l'amour ! Mais toi, tu as réussis cet exploit ! Et toi, Belle Collins, avant même que je m'en rende compte, que je puisse me protéger, tu m'as rendu accro à toi.

Je serre les dents pour contenir mes larmes sans succès.

— Je ne te crois plus, Jayden. Tu m'as trop menti. Mais le pire, c'est que je n'ai rien vu et je m'en veux. Je m'en veux parce que j'ai toujours su qui tu étais vraiment, un pauvre type, un  connard cruel et destructeur. Je savais ce que je risquais mais je suis resté. Je me laissais complètement manipuler. J'étais complètement à ta merci. J'avais une confiance aveugle en toi et pourtant c'est pas faux de m'avoir prévenu. Tout le monde m'avait averti à ton sujet, et même ma folle de mère avait raison. Elle avait raison quand elle a dit que rester avec toi allait être la plus grosse erreur de ma vie. Mais je l'ai pas écoutée, elle et d'autres. Pour toi, j'ai blessée des gens, j'ai bafoué mes principes, je me suis éloignée de mes proches. Mais la seule personne qui méritait d'être blessé, la seule personne dont je devais m'éloigner, c'était toi. Tu es un monstre Jayden Summers. Tu as détruit ma vie et celle de toute ta famille. Et pourtant si tu me l'avais demandé, je me serais jetée sous une voiture pour toi. J'aurais pu mourir pour toi et c'est là que je me rend compte à quelle point tu es bon acteur. Alors que tu me détruisait à petit feu, moi je t'aimais à en crever.

Alors qu'on se fixe dans les yeux, le visage inondé de larme et déformé, je lui en veux plus que tout. Il s'est moqué de moi pendant tout se temps. Comment peut-il prétendre m'aimer alors que pendant des mois il m'a vu souffrir à cause de ce foutue accident sans rien dire? Sans jamais essayé me m'apaiser avec la vérité? Peut-être que je l'aurais pardonné s'il m'avait dit la vérité bien plus tôt, si c'était lui qui me l'avait dit. Quand je penses qu'il allait continuer à me mentir à jamais, à me sourire et me dire qu'il m'aime en me regardant dans les yeux, sans aucun remord, aucune conscience.

Je déglutis et  susurre entre mes dernières larmes :

— Jayden Summers, je te souhaite de brûler en enfer.

Il baisse les yeux et je me rend compte que je l'ai blessé, son visage est déformé par la tristesse, son regard est vide comme s'il avait été dévasté et son corps tremble. Et étrangement, ça me fait plaisir.

Je me retourne, prête à partir, mais mon regard croise celui de Jade. Elle rigole discrètement, comme si elle avait tout entendu. Et le sourire cruel qu'elle me renvoie me laisse penser que c'est le cas.

Mais je n'ai pas à réfléchir au pourquoi du comment, elle m'offre la réponse d'elle-même, ses lèvres pulpeuse se mettent en mouvement pour articuler silencieusement :

— Vos micros sont ouverts.

J'écarquille les yeux, paniquée. Ce n'est pas possible, je l'aurais forcément remarqué. À moins que je ne me sois de nouveau laissée aveuglée par mes émotions.  La gorge nouée,  je balaie la scène et constate que tous les regards sont tournés vers nous.  Mon cœur manque un battement lorsque je réalise ce que cela signifie. Tout le monde nous a entendu. Tout le théâtre. Tous les invités.

Nous avons effectué nos rôles de bouffons à la perfection.

Soudain, avec un regard espiègle, Jade tire sur la corde à côté d'elle et je sais aux cris surpris que le rideau est en train de s'ouvrir. Je la fusille du regard, jusqu'à ce que Nils se place à côté d'elle. Ils se serrent la main, l'air amusé. J'aurais dû m'en douter, ils étaient de mèches depuis le début. Nils a ouvert mon micro dans la loge et Jade a ouvert celui de Jayden quand je suis arrivée. Ce sont des pourritures.

Les murmures résonnent de plus en plus forts dans mon dos et je me tourne vers les centaines de personnes qui ont entendu tous mes problèmes.

Qui ont entendu à quel point je suis lamentable. À quelle point je suis faible et manipulable. Ils ont tous entendu à quelle point on s'est foutu de ma gueule et ils me regardent tous avec pitié. Je recule petit à petit, éblouie par la lumière des projecteurs et des regards, incapable de supporter leurs yeux qui me scrutent, leurs bouches qui critiques.

Je viens de m'humilier devant plus de mille personnes. Mes camarades, mes amies, ma famille et mes professeurs. Je viens de m'exposer et de me livrer devant des centaines de personnes qui s'amusent de mon malheurs, qui s'amusent à me juger. Et bientôt,  ce sera devenu virale à cause de la technologie. La planète entière pourra juger à quelle point je fais pitié.

Ma lèvre se remet à trembler et je sens les larmes couler à nouveau sur mes joues. Ma vie est anéantie. Ma respiration s'accélère. J'hyperventile.

Je croise des dizaines de regard qui sont comme des coûts de poignards. Il y a ces regards inconnu qui me dévisage avec pitié ou amusement. Les regards de camarades et professeurs que je connais vaguement qui me fixent avec embarras. Mais les pires, ce sont les regards des gens à qui je tiens. Lexie, Lou, Bonnie et toute sa familles, ces gens qui sont figés, complètement sous le choc et peinés. Et c'est presque pire.

Un profond sanglots secoue mes épaules et je continue de reculer, paniquée.  Puis je fais ce que ferais n'importe qui dans ma situation. Je fuis. Des cris de surprise résonnent dans le publique mais je n'entends que le siens.

— Belle ! Belle reviens ! Belle, je t'aime !!

Mais je ne m'arrête pas, je cours. Toujours et encore plus. Jusqu'à ce que je n'entende plus sa voix.

Je cours. Comme cette nuit-là quand j'ai découvert la vérité sur Nils et moi. Quand j'ai découvert que c'était un mariage arrangé. Que ma vie ne m'appartenais pas et que j'ai fini à l'hôpital. Exactement comme cette nuit-là, je suis bouleversée et incontrôlable, complètement folle. Plus une seule pensée raisonnable ne nait dans mon esprit.

J'aimerais que mon cœur arrête de me faire mal, qu'enfin il s'arrête. J'aimerais que tout s'arrête. Toute cette torture. Qu'est je donc fais pour mériter tout ça ? Mes pieds me font mal, mes poumons sont en feu, mais c'est à peine si je le remarque.

Seul mon cœur en miette m'importe.

Puis soudain, une lueur d'espoir apparaît dans l'obscurité. J'ai une idée en tête. Elle est un peu folle mais comme je l'ai dit, je ne réfléchis plus correctement, mes sentiments ont pris le contrôle sur le reste.

Enfin, j'arrive devant mon immeuble et j'entre en trombe et monte les escaliers quatre à quatre.

J'ai peur que si je m'arrête, je ne m'effondre. Alors je cours. J'agis. Je me concentre sur autre chose.

J'ouvre la porte de ce qui était mon chez moi et me précipite dans ma chambre. J'ouvre le tiroir du bas de mon bureau, là où j'ai laissé mon billet d'avion pour New York. Je m'en saisi, l'enfourne dans un sac avec quelques affaires importantes puis file vers la chambre de ma mère. Elle n'est pas là de tout évidence. Je ne valais pas la peine qu'elle perde une journée de travail.

Maintenant que j'ai retrouvée une bonne partie de mes souvenirs, je sais où elle cache l'argent qu'elle économise. Peut-être même l'argent de ma vente à Nils. Je me laisse tomber au pied de sa penderie et extirpe une boite à chaussures de derrière une pile de vêtements.

Un soupire de soulagement m'échappe en saisissent la liasse de billets. Est-ce que je vais vraiment faire ça ? Devenir une vulgaire voleuse ? Alors que je réfléchis à la question, mon regard tombe sur le fond de la boite.

Il y a des piles de lettres et beaucoup de documents importants. J'y trouve même le bijoux qui était dans la boite aux lettres il y a plusieurs mois. Et le mot. Ce mot destiné à une Sweetheart. Mais maintenant je me souviens. Je me souviens de lui, de nous. Je me souviens de la personne qui m'appelait comme ça. Mais c'est impossible, n'est-ce pas ?

Captivée, comme hypnotisée, je commence à lire les papiers émanant du tribunal et chaque lettres une à une, la plus vieille datant d'il y a dix ans.

C'est impossible, complètement fou et énorme. Ma vie ne repose sur des mensonges. Tout est mensonge. Ils se sont tous moqué de moi. Je reconnais là ma mère et un autre de ses plans tordus.Je suis vraiment crédule. Car je les ai tous crus. Mais à ce que semblent dire ces lettres, lui ne m'a pas menti. Et il est sûrement le seul.

Alors je prends mon téléphone et tape le numéro qu'il a joint à une des missives.

Une sonnerie, puis deux.... Décroche, putain !

Enfin, la troisième la sonnerie est la bonne et une voix que je reconnaitrais entre mille emplie l'appareil.

— Allô ? Qui est-ce ?

J'inspire profondément. Mon cœur se gonfle de bonheur. Pour une fois, je suis heureuse qu'on m'ai menti.

C'est ma chance. Je dois la saisir.

Alors quand je réponds, ma voix est la plus calme et déterminée qui soit :

— Bonjour, Papa.


FIN

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