Chapitre 50
J'entrouvre la bouche à la recherche d'air, le souffle coupé comme si on m'avait donné un coup de poing dans le ventre. Ma mère semble avoir couru jusqu'ici. Sa coiffure est échevelée, ses joues sont rouges et la pluie a fait couler son maquillage. Elle doit être folle de rage pour ne pas s'en soucier.
— Belle, viens ici ! Tout de suite ! hurle-t-elle.
Ma lèvre commence à trembler indépendamment de ma volonté et je croise le regard de Jayden. Il secoue la tête. Lou et Lexie glissent doucement leur main dans les miennes et les pressent doucement. Je voudrais rester là, continuer de m'amuser avec eux, être insouciante. Mais je sais que je dois la suivre. L'heure de la confrontation est arrivée. Il est temps qu'on se parle franchement, qu'enfin je me délivre de son emprise.
J'inspire profondément puis pose un premier pied devant moi, puis un deuxième et tremblante j'arrive devant ma mère. Cette dernière ne bouge pas, droite, les dents serrées. Elle me dévisage de haut en bas, ses yeux perçant me rabaissant et me transperçant. Puis soudain, sans prévenir, elle m'attrape le bras et plante ses ongles dans mon poignet avant de m'entrainer à sa suite. J'entends des cris dans mon dos, des gens qui m'appellent et soudain je commence à avoir peur. Ce regard qu'elle pose sur moi, il n'a rien de doux ou compréhensif, il est hargneux et méprisant. Il n'a rien avoir avec celui d'une mère.
Elle ouvre la porte de l'appartement avant de me jeter au milieu du salon. Je vacille sur mes talons et m'étale sur le sol. Je déglutis et relève les yeux vers elle. Ses yeux qui me fixe avec véhémence semblent prêt à me descendre au moindre mot de travers, tel des revolvers.
Ses dents grincent et elle crache :
— Comment as-tu pu ! Comment as-tu pu me faire ça ! Salir mon nom avec tes conneries de gamines !!
Je me relève et serre les poings. J'en ai marre de me laisser intimider par cette femme. Elle ne pense qu'à elle. Jamais elle ne se met à ma place et essaie de me comprendre. Jamais elle ne m'a accorder autre chose que du mépris.
— Je ne te dois rien. Et je n'ai rien fait de mal ! Je me permets seulement le bonheur, un sentiment auquel tu es étrangère !
Je vois sa poitrine se soulever rapidement tandis qu'elle tente en vain de garder son calme.
— Parce que, ce que je t'offres ne te rends pas heureuse ? Tu avais tout, sale ingrate ! J'ai tout fait pour que tu aies le meilleure ! Tu avais tout ! hurle-t-elle hors d'elle.
Un cris de rage jaillit de ses lèvres tandis qu'elle s'agrippe les cheveux. Je recule d'un pas, surprise.
— Je t'ai tout donné ! s'énerve-t-elle. Tout ! Tout ! Tu avais le meilleure des avenirs ! Un homme riche et bien !!
Je serre les dents. Alors nous y voilà, elle sait. Je suis persuadée que c'est Nils qui l'a mise au courant dès qu'il a vu la photo. Voilà sa vengeance.
— Nils n'est pas un homme bien ! Je ne suis qu'un objet à ses yeux, une possession comme une autre ! m'écrié-je outrée.
Elle se lâche les cheveux et pose sur moi un regard glacial.
— Et alors ? Il pouvait t'offrir la vie que mérite une Legrand ! Tu crois vraiment que je l'aimais ton père !? Non ! Tout ce que je voulais c'était son compte en banque !
Un rire sardonique s'échappe de ses lèvres et elle rejette la tête en arrière.
— Ce n'était qu'un pauvre type naïf et trop innocent pour voir la vérité en face ! Complètement aveugle même ! Il ne voyait pas les travers de ce monde ! Jamais il n'aurait pu envisageait qu'on puisse être avec lui pour l'argent !!
J'écarquille les yeux et recule encore d'un pas, paniquée, mon corps soudain prit de tremblements. Elle est folle, complètement folle furieuse. Comment peut-elle dire des choses pareilles ?
Elle s'avance vers moi, menaçante, son regard noir me glaçant le sang.
— Quand on est riche, on est protégée de ce monde pourri. Nils et ton père ne connaissaient le malheur ! C'est ce que j'ai essayé de t'offrir, une vie de sécurité avec un mari qui pourrait t'éloigner des drames de la vie ! Mais madame est trop noble pour accepter un mariage arrangé ! Non, elle ce qu'elle veut c'est l'âme-sœur ! L'Amour! Elle demande la lune, rien n'est jamais trop bien pour elle !
Un sanglot étouffé m'échappe et je recule encore d'un pas tandis qu'elle continue d'avancer. Elle me terrifie, elle est sans scrupule et sans moral.
— Pauvre sotte, tu crois que ton pauvre voyous t'aime ?! Et tu crois vraiment l'aimer n'est-ce pas ? Tu ne connais rien à l'amour ! Tout ce qu'il veut c'est ton corps! Ce qui m'étonne en revanche, c'est que tu sois si prompte à écarter les jambes pour le premier venue ! Je ne pensais pas avoir élevée une salope, crache-telle avec véhémence.
Mon cœur manque un battement et je cligne des yeux, en état de choc. Comment peut-elle dire une chose pareil ?
Je la fixe, bouche bée. Son regard bleu glacier, ses cheveux partant dans tous les sens comme une folle, son visage si parfait déformé par la haine. Et plus je la regard et moins je vois en elle la femme magnifique, assurée et parfaite que j'admirais, moins je vois une mère en elle. Seulement un être monstrueux, sans cœur, égoïste et narcissique. Sa véritable nature c'est révélé, et elle est tout sauf belle. Car son âme, elle, est hideuse. Ma mère est pourrie de l'intérieur, comme la Méchante Reine dans Blanche neige, ou la pomme si belle et pourtant mortelle.
Je secoue la tête dégoutée. Depuis que je suis sortie du coma, jamais elle ne s'est comporté comme une mère. Elle ne m'a témoignée que mépris et méchanceté. Et pourtant, j'ai été assez bête pour l'aimer. Mais c'est fini à présent. Plus jamais je ne l'a laisserai m'atteindre. J'inspire et rassemble tout mon courage, toute ma haine, ma peur, ma tristesse et j'en fais mon arme.
Et cette fois, c'est moi qui avance d'un pas. Avec mes talons, je la dépasse légèrement et son intimidation ne prend plus. Plus jamais elle n'aura le moindre pouvoir sur moi. Je ne veux plus me laisser commander, je ne veux plus me faire marcher sur les pieds. Je plonge mon regard dans le sien et lui renvoie toute la haine et la rage qu'elle dégage.
— Parce que tu y connais quoi à l'amour ? Tu es seule, mariée au travail. Tu ne voies personne, personne ne peut te voire. Pas même moi, ta propre fille. Et pourtant, j'ai essayé de t'aimer mais c'est impossible car tu es horrible. Tu n'as pas de cœur. Tu n'aimes personne, tu en es incapable. Tu es froide, antipathique, rigide, prude, méchante et manipulatrice. Qui voudrait de toi, hein ? Personne. Tu es ignoble. Tu as peut-être le physique qui aide mais dès qu'on te connais un minimum, on découvre qui tu es vraiment, un monstre au cœur de pierre. Personne ne t'aimera jamais, aucun homme ne voudra jamais de toi plus d'une nuit ! Et moi, je ne voudrais jamais de toi comme mère tout une vie.
Cette fois, je suis préparée, sa main a beau partir aussi vite qu'il en est humainement possible, je l'intercepte sans problèmes. Elle tente de se dégager, mais je la tient fermement. Apparemment, avoir une poigne de fer c'est de famille. Elle profère une bordée de jurons et lentement, je lui plante mes ongles dans le poignet. Je veux qu'elle sente ce que c'est que de souffrir, de se faire trahir et blesser par une personne qu'on aime, quelqu'un en qui on a confiance, en qui on sensé toujours pouvoir compter.
Enfin elle se calme et ancre son regard dans le miens, endurent sans broncher la douleur. Complètement impassible. Froide.
— Alors, tu as toujours honte de moi, maman ? Au fond, tu ne m'aimes pas n'est-ce pas ? Tu n'aimes pas tout ce qui t'échappe, tout ce que tu ne peux pas contrôler, tout ce qui n'est pas comme tu l'as décidé. Je ne suis pas comme tu voudrais que je sois, mais crois-moi, je n'ai plus aucune envie d'être comme toi. Plus jamais je ne t'obéirai aveuglément. Je ne suis plus ta petite fille obéissante, ton petit jouet. J'ai une volonté, des sentiments. Je ne suis ni un animal, ni une machine, je suis Belle, et plus jamais je ne serai ta Isa, elle est morte ce soir-là. J'aurais juste aimée que tu sois une mère pour moi. Une vraie.
Subitement, sans que j'y sois préparée, elle dirige ses deux mains vers moi et me pousse de toutes ses forces. J'écarquille les yeux et m'écroule sur le canapé, lâchant son poignet au passage. Je relève les yeux et mon cœur manque un battement lorsque je croise son regard. Il renvoie une telle déferlante de haine que j'en ai le souffle coupé.
Elle me fixe de haut et lentement fini par murmurer froidement les mots fatales. Je ne sais pas ce qui fait le plus mal, que je me doutais qu'on en arriverais là, ou le fait que sa voix ne tremble pas, ne trahissant aucune hésitation.
— Si tu restes avec cet homme, je te renie.
Je ferme les yeux et le temps d'une seconde, je m'accorde un instant de faiblesse, un instant de tristesse. Un sanglot vient secouer mes épaules et doucement je porte un doigt à ma joue. Et sans attendre, j'essuie rageusement la larme qui glisse sur mon visage. J'ai perdu mon dernier parent mais je ne perdrais sûrement pas ma dignité. M'armant de tout mon courage je me relève et me dressant devant elle je suis prête à lui tenir tête. Si elle est prête à m'abandonner, je n'ai aucun scrupule à la faire souffrir, à prononcer les mots qui signeront le point de non-retour. Comme elle me l'a appris, je me tiens droite, relève le menton et la défi du regard. Quand enfin je m'exprime, ma voix est calme et maitrisée, ne trahissant aucune des émotions qui s'entrechoque en moi.
— Tu me renie ? Me renier de quoi ? De la famille ?
Rose relève le menton, sûre d'elle. Elle n'envisage pas un instant avoir tort, pouvoir me perdre. Elle est persuadée que je vais ramper à ses pieds pour me faire pardonner, que jamais je ne serais capable d'être indépendante d'elle.
Mais elle se trompe.
— Tu n'as pas dû le remarquer mais on est pas une famille, cela fait très longtemps qu'on ne l'est plus. Tu ne peux pas me renier et proclamer qu'on ne se connaît pas, qu'on a aucun lien. Tu sais pourquoi ? Parce que c'est déjà le cas. On ne se connaît pas. Tu n'es pas ma mère. Et jamais tu ne l'as été. Une mère ne se comporte pas comme ça avec son enfant !
Sans un mot je la dépasse, je ne veux pas passer un instant de plus ici.
Soudain elle m'attrape le poignet et m'arrête dans ma lancée. Je ne me retourne pas mais je sens son corps se rapprocher jusqu'à être presque collé au mien. Son souffle vient doucement effleurer ma joue et je me raidit en sentent ses lèvres toucher mes cheveux et murmurer sèchement :
— Tu auras beau dire... je suis ta mère. Et je t'interdis de me parler sur ce ton. Maintenant tu vas sagement aller enlever cette ignoble tenue de pétasse et te coucher.
— Et moi, je vous interdit de parler d'elle comme ça.
Je relève la tête, surprise de voir Jayden à l'entrée de la pièce. Le regard qu'il pose sur ma mère est froid et ténébreux, si je savais qu'il m'était adressé, je tremblerais.
Rose me lâche et lentement, de sa démarche distinguée et assurée elle me contourne et se place entre lui et moi, les bras tendus pour m'empêcher de passer.
— Tient donc, voilà le prince charmant, rigole-t-elle méchamment. Ne me dis pas que tu es toi aussi aveugle ? Ne me dis pas que tu aimes ma pauvre bonne à rien de fille ?!
Je déglutis et baisse les yeux. Mon cœur me fait mal. Il bat douloureusement dans ma poitrine. J'aimerais presque qu'il s'arrête. Qu'enfin j'arrête de l'entendre. Qu'elle arrête de me faire souffrir.
J'écarquille les yeux en entendant la voix de Jayden résonner gravement.
— Vous avez tort. Belle n'est pas une bonne à rien. C'est une fille exceptionnelle, la meilleure que je connaisse. Elle est intelligente, maligne, gentille, bienveillante et généreuse. Mais elle est aussi trop gentille, tellement gentille. Et cela, elle ne le tient certainement pas de vous. Elle est si gentille que pendant des années, elle a obéit à tous vos ordres pour vous faire plaisir. Elle est si gentille, que pendant des mois elle a endurée vos remarques acerbes sans broncher. Elle est si gentille, que pour vous rendre fière elle a appris à parler russe, à jouer du piano, à chanter, elle se bat aussi pour être la meilleure, pour exceller dans toutes les matières, dans tous les domaines. Et qu'est-ce qu'elle a reçu comme récompense ? Rien. Rien si ce n'est du mépris et de la haine. Mais ce qui montre vraiment qu'elle est fabuleuse, qu'elle est une personne extraordinaire, c'est que malgré la souffrance que vous lui infligiez, la solitude et les critiques, elle est restée. Elle est restée à vos côtés avec l'espoir qu'un jour vous l'aimeriez, qu'un jour vous vous apercevriez de sa présence, que vous lui accorderiez une seconde de votre temps, que vous verriez qu'elle a besoin de vous, d'une mère, et qu'enfin vous comprendriez à quelle point elle vaut de l'or.
Lentement, je relève la tête et la dévisage. Je la vois déglutir et son teint déjà de porcelaine devenir fantomatique.
— La personne qui est aveugle, ce n'est certainement pas moi, Mme. Legrand. Car moi, je suis conscient de la personne merveilleuse qu'est Isabelle. Mais vous... vous êtes de sa famille, sa mère, et vous ne la voyez même pas réellement, ce qui n'est que plus... pitoyable. Mais maintenant, j'espère que vous le voyez, j'espère que vous voyez tout ce qu'elle a fait pour vous, tout ce qu'elle a endurée. Et j'espère qu'enfin vous agirez dans son intérêt, comme une vraie mère. Et que si vous avez un tant soit peu d'amour pour elle, vous la laisserez partir.
J'esquisse un faible sourire et le fixe tristement. Jayden croise mon regard et doucement, tend une main vers moi.
— Belle ?
Mon sourire s'agrandit et j'esquisse un pas vers lui. Je l'aime tellement.
Arrivée devant le bras tendu de ma mère, je me stoppe et la fixe en attente de sa réaction. De la réaction que j'attends. Lentement, elle baisse les yeux, puis la tête, et en silence, laisse retomber mollement ses bras le long de son corps, vaincue. Et sans un mot, elle me laisse passer.
Je me précipite dans les bras de Jayden qui me serre de toutes ses forces contre lui. Je le sens se détendre contre moi, toute l'inquiétude qui pesait sur ses épaules s'envoler.
Main dans la main, on se dirige vers la sortit quand la voix de ma Rose se fait entendre. C'est étrange comment elle résonne, je crois que c'est la première fois que je l'entend ainsi. Si faible, tremblante et brisée.
— Si tu pars avec lui, tu vas commettre la plus grosse erreur de ta vie.
Sans me retourner je lui répond :
— La pire erreur que je pourrais commettre, c'est de rester avec toi.
Et sans un mot on quitte l'appartement. Quand la porte se referme derrière moi, je sens une page de ma vie se tourner, je me sens plus libre. J'inspire profondément, prête à avancer vers ma destinée sans jamais me retourner. Main dans la main on part, ignorant les sanglots qui éclatent de l'autre côté de la porte.
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BONNE ANNÉE MES PETITES BABY CHUPS! TOUS MES VŒUX DE BONHEUR! QUE LE MEILLEUR VOUS ARRIVE!
Vous avez aimé ? Pas trop de violence? Ou au contraire pas assez (oui oui, je penses à celles qui détestent tant Rose) ?
Qu'avez-vous pensé de Rose?
De Belle?
Comment pensez vous que l'histoire va se terminer? Ça m'intéresse.
Bisous pailletés!
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