Chapitre 3



Une odeur printanière infecte me picote le nez. Une odeur de... rose. J'inspire un grand coup avant de m'arrêter. Mon nez me démange. Des bip bip lointains me parviennent. Comme si j'étais sous l'eau, ailleurs. Sauf que ce bruit est franchement stressant. Et j'ai extrêmement mal à la tête. Tellement que j'ai l'impression qu'on martèle mon crâne à grands coups de marteau.

Je renifle et mon nez commence à me chatouiller avant que j'éternue, me redressant automatiquement. Je balaie du regard les murs blanc stériles, la vieille télé dans un coin et les machines dans un autre qui sont reliées à moi. Je suis à l'hôpital. La mort se ressent dans l'air, pesante et écrasante, et le silence inquiétant est seulement troublé par le bruit des appareils médicaux.

—J'ai cru que tu te réveillerais jamais, déclare une voix au grave accent américain.

Je  sursaute. Je n'avais pas vu qu'il y avait quelqu'un. Un jeune inconnu aux yeux vert incroyable   me dévisage, assis sur un canapé dans un coin éloigné.

— Qu'est ce que je fiche ici?

— Accident, lâche-il laconiquement, avant de déglutir, anxieux. Tu t'es fait renverser par une voiture. Tu as un  traumatisme crânien, une entorse au genou et ta côte va déjà mieux à ce qu'il paraît. Tu es une survivante, encore plus de t'en être sortie avec si peu de dégâts.

— Je-je suis là depuis longtemps? Et ça fait combien de temps que tu es là à me regarder dormir ?

L'inconnu ricane méchamment.

— Ça fait une semaine que tu es dans le coma. Ensuite tu te prends un peu trop pour le centre du monde si tu penses que je te regardais dormir, il y avait un livre qui traînait alors tant qu'à faire...

Il me désigne un vieux livre qui semble être tombé dans l'eau. Je hausse un sourcil, intriguée. En fait, il n'a pas réellement répondu à ma question, juste à moitié.

—Heu... tu te souviens de l'accident ou de... qui conduisait la voiture? demande t-il.

J'ouvre  la bouche pour répondre puis me ravise. Je ne me souviens pas d'un accident. Pas d'une voiture. Je ne me souviens de rien.

—Non, je...

Je m'arrête en m'apercevant du soupir de soulagement de l'inconnu. Il se lève et commence à se diriger vers la sortie.

— À plus Belle... Belle au bois dormant.

— Je m'appelle Belle ?

Il se fige si soudainement qu'il manque de basculer en avant.

— Arrête ta blague, Collins. C'est pas drôle, grogne-t-il sans me regarder.

—Quoi? Mais pourquoi je blaguerais ? Je suis clouée à un lit d'hôpital !

Il pose soudain sur moi deux yeux verts perçants. Puis il fronce les sourcils.

La suite se passe très vite. Il sort en trombe de la pièce puis pendant plusieurs minutes, un bruit fou se fait entendre dehors. Un médecin et une infirmière ne tardent pas à rentrer, suivis d'une femme âgée de la quarantaine, à la chevelure brune et aux  yeux bleus soulignés de cernes immenses. Cette dernière est complètement hystérique, elle n'arrête pas de répéter qu'elle veut parler à sa fille. Les deux professionnels finissent par la tirer dehors pour me faire passer une série de tests dans le calme.

Après ça, ils me posent tout un tas de questions sans queue ni tête, échangeant des regards inquiets. Puis ils sortent enfin, l'air grave, me laissant seule face à une montagne d'interrogations. Pourquoi suis-je encore ici? Que se passe t-il ? Suis-je en danger ? Mais la plus inquiétante de toutes mes questions est sûrement celle-ci, celle qui revient en boucle, me noue le ventre et me donne mal à la tête : « Qui suis-je ? »

Trois heures plus tard, alors que le soleil décline à l'horizon, le docteur et la femme aux cernes reviennent. Seulement cette fois, la femme est calme, même si elle semble fatiguée et vieillie, écrasée par la vie. Je me demande ce qui l'a mise dans cette état. Est-ce qu'un tsunami a emporté sa maison ?Le médecin consulte un document sur sa planchette puis se tourne vers moi.

—On a de mauvaises nouvelles. Certains se retrouvent anéantis et d'autre restent de marbre, mais quoi qu'il arrive, ne paniquez pas.

Je hausse un sourcil, curieuse. Enfin, je vais savoir le fin mot de l'histoire. Sauf que je ne m'attendais pas à cette révélation. Je ne m'attendais pas à un tel choc. J'en perds ma mâchoire tandis que, lentement, l'information fait son chemin en moi.

Vous êtes amnésique total. Vous avez perdu tous vos souvenirs.

Je comprends à présent pourquoi je me sens tellement dénudée et dépouillée, comme si un grand gouffre s'était creusé en moi. Je suis comme une coquille vide, sans profondeur ni contenu. Pendant un certain temps, ma seule réaction est de regarder dans le vide, perdue et  bouche- bée. Puis la femme-aux-cernes se racle la gorge, me sortant de ma torpeur. Elle s'approche du lit et me prend la main.

— Tu t'appelles Isabelle mais... tu détestais tant ce prénom que tout le monde te surnommait Isa.

Une larme solitaire coule le long de la joue de l'inconnue et elle se met à dessiner de petits cercles sur le dos de ma paume avec son pouce. Je ne la repousse pas, plus par compassion que parce que j'aime ce geste d'affection. Cette femme a besoin d'être réconfortée, c'est évident. Elle semble beaucoup aimer cette Isa. Enfin...je veux dire...moi.

Pourtant je ne ressens rien pour cette pauvre dame, je ne me souviens même pas d'où je la connais. Elle me fait presque pitié. Et puis il y a cette amnésie. Elle peut dire ce qu'elle veut, je n'ai pas l'impression d'être cette Isabelle.

— Je suis ta mère, Rose Collins, lâche-t-elle soudain.

Oh...En fait sa maison n'a pas été ravagée par un tsunami. Sa fille n'a juste plus aucun souvenir d'elle. Je n'ai plus aucun souvenir d'elle.

Ma mère s'assoit sur le bord du lit et me prend dans ses bras, me serrant si fort que j'en perds mon souffle. Une bouffée d'empathie m'envahit. Pauvre Rose. Devant elle se tient l'être auquel elle tient le plus au monde, sa chair et son sang, et pourtant sa fille n'est pas là. Il n'y a que son corps. J'ai le visage de sa fille, ses yeux, son nez, son corps, mais je ne suis pas Isabelle. Je n'en ai aucun souvenir. Je n'ai aucun souvenir d'elle. Je suis comme une intruse dans son corps.

Une fois ma mère écartée, le médecin ajoute :

— Heureusement, votre mémoire sémantique n'est  pas touchée. C'est là que réside toutes vos connaissances, ce que vous avez appris au cours de votre vie, de votre scolarité. Tout est normalement intact bien qu'il puisse il y avoir quelques problèmes ou troubles mineurs. Vous n'aurez aucun soucis à reprendre l'école.

Le médecin se racle la gorge, embarrassé, le regard lourd.

Enfin il parle :

— Il se pourrait en revanche qu'il y ai un autre problème.

Il fiche son regard dans le mien et lentement, déclare :

—Peut-être ne récupérerez-vous jamais votre mémoire.

J'écarquille les yeux, mais seulement car il me semble que c'est l'attitude à adopter, celle qu'aurait une personne normale. Mais en vérité ça ne me fait, ni chaud ni froid.

Comment pourrais-je regretter quelque chose que je ne connais pas, pleurer quelque chose dont je ne me rappelle pas, une vie dont je n'ai aucun souvenir ? Peut-être que plus tard, en apprenant mon passé, je voudrais à tout prix le retrouver. Récupérer mes souvenirs et la vie qui m'a été prise. Mais pour l'instant, je n'arrive qu'à voir le futur. Un avenir vierge n'attendant que moi, une feuille blanche à remplir.

C'est l'occasion de tout recommencer. De repartir de zéro. De prendre un nouveau départ.

Oui, si je ne veux pas m'effondrer, je dois voir cela ainsi.

                                                                   0 0 0

Je me retourne encore et encore. Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Finalement, je rejette les couvertures et m'assois. L'odeur des fleurs vient me chatouiller les narines, me faisant grimacer.

Foutues roses !

Enfin je me lève. De toute façon je ne suis pas fatiguée après être restée dans un lit durant une semaine. Sur un coup de tête, j'attrape le vase contenant les roses puis m'approche de la fenêtre. Sans réfléchir je l'ouvre et balance les fleurs dehors. C'est seulement quand le bruit de verre brisé vient déchirer le silence de la nuit  que je me rends compte de la stupidité de mon geste. En plus j'aime bien les roses rouges. Si seulement quelqu'un ne  les avait pas  bombardé d'un parfum désagréable.

Je m'installe sur le siège où se trouvait le bel inconnu 6 heures plus tôt, puis médite sur ce qui m'arrive. En fait, le problème ne vient pas des roses et de leur odeur mais de l'expéditeur et de son destinataire. La fille à qui ces fleurs étaient destinées ce n'est plus moi. Tout comme le garçon qui les a envoyé, Nils, n'est pas mon petit-ami mais celui d'une autre. La fille qu'il aime ce n'est pas moi, il est amoureux d'une Isa qui ne reviendra sûrement jamais.

La Isa Collins qu'ils aimaient tous est morte dans cet accident. À présent il n'y a que moi, seule devant tous ces gens inconnus qui pleurent une fille que je ne suis pas, une fille avec qui je n'ai pour seul point commun qu'une apparence, une fille qu'ils espèrent tous revoir. Mais, moi je suis là, j'ai le corps de cette fille, son sourire, ses yeux, mais je ne suis pas elle. Et ils ne veulent pas de moi. Ils veulent celle que j'étais.

Seulement je ne suis pas sûr de vouloir redevenir cette fille. Je ferme les yeux, lessivée émotionnellement. Tout de suite, deux yeux verts émeraudes emplissent mon esprit.

À plus Belle... Belle au bois dormant.

Ce garçon, il a été la seule personne que j'ai vu jusqu'à maintenant qui ne m'a pas regardée  avec nostalgie et regrets. Il a été le seul à qui Isa n'a pas semblé  manquer. Il a été le seul qui ne m'a pas regardé comme une voleuse, un imposteur, un être indésirable qui aurait pris possession d'un corps qui n'est pas le sien, d'une vie qui ne lui appartient pas.

Qui était-il et que faisait-il là ?

Rose, ma mère, a passé l'après midi à me parler de moi, de ma vie avant l'accident, avant que tout ne parte en vrille sous les roues d'un conducteur que je déteste sans même le connaître. Je lui ai posé plein de questions et elle m'a montré des photos, m'a raconté des souvenirs, m'a parlé d' Isa. Elle a évoqué une meilleure amie  et un meilleur-ami-petit-ami. Mais à aucun moment un garçon à l'air lunatique et rebelle.

En tout cas avec tout ce que j'ai appris sur ''Isa'' , avec tout ce que j'ai entendu, je suis certaine d'une chose. Cette vie ne me manque pas. Cet avenir tout tracé m'a paru si ennuyant. Ça ne me ressemblait pas. Ça ne me ressemble plus.

J'ai failli mourir. Un peu plus et je n'étais plus vivante. J'ai beau ne pas me souvenir de l'accident, ça me pousse à réfléchir. Je n'ai qu'une vie. Et je ne veux plus qu'on en décide à ma place, je veux vivre au jour le jour et faire ce qui me plaît. Fini les soirées à réviser qui font la fierté de maman, les plans d'avenir pourris et les ordres à suivre au pied de la lettre.

Je me lève et me dirige vers le miroir.

Je ne suis plus Isa.

A présent, je suis Belle.

Je me fige devant la glace, face à mon reflet pour la première fois. Je fixe mon visage et regarde à quel point il m'a détruite. En temps normal je suis sûrement pas trop mal, voir jolie, mais tout de suite je peux postuler pour le poste de momie dans une maison hantée. J'ai de longs cheveux noirs ébènes et des yeux bleus si clairs que c'en est à la fois magnifique et d'un hypnotique effrayant. Aussi, avec l'alimentation par machine pendant une semaine, je suis devenue si maigre que je pourrais faire de la concurrence aux mannequins. Mon teint est presque aussi blanc que les murs et des cernes horribles soulignent mes yeux. Je n'ai pour seule trace de l'accident qu'une genouillère au genou gauche et un bandage au tour de la tête et de l'abdomen. Tout du moins les seules traces visibles. Car à l'intérieur, je ne vais pas bien.

Je reste plantée devant le miroir, perdue dans mes pensées, les bras ballants, mais plus je me regarde et moins je ne me vois. Tout ce que me renvoie mon reflet, c'est une fille blessée, brisée, seule. Je ne discerne plus la fille intelligente, ambitieuse et un peu nerd sur les bords. Pourtant, il s'agit de la même personne.

Seulement le destin et un jeune conducteur inconscient ont décidé de briser l'avenir d'une fille heureuse. Vue de l'extérieur je vois bien que ma vie n'était pas parfaite, mais je ne n'avais pas besoin d'un changement si radical.

Cette fille souriante et intelligente que j'ai vu sur les photos n'est plus là, elle a disparu, emmenant avec elle des souvenirs que j'aurais voulu garder. Comme ceux concernant mon père sur qui ma mère est restée si vague et distante, m'informant juste qu'il s'appelait George, était anglais et qu'il a disparu il y a de ça plusieurs années.

A cause d'un crétin de conducteur je ne me souviendrai peut-être jamais de mon père. Je serai peut-être qu'une coquille vide à jamais. Je n'aurai peut-être plus jamais aucun souvenir de mon passé. Je ne saurai peut-être plus jamais qui je suis vraiment.

Je croise mon regard dans le miroir et mes yeux se durcissent. Je serre les dents et me fait une promesse silencieuse :

Si je trouve celui qui a détruit ma vie, je  détruirai la sienne.

********************************

HOLA, MES CHUPA CHUPS A LA VANILLE A L'ARRIÈRE GOÛT DE CHOCOLAT!

Vous avez passé une bonne semaine ? Pas trop dur?

Aimez-vous la tournure que prend l'histoire? Toujours emballé pour la suite ?

Quelque chose à me faire remarquer?

KISS PAILLETÉS!!!

                         💕Naomie💫
               👑Reine des sadiques😈
           🍬et Maman Chupa Chups 🍭

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top