Chapitre 16
Je m'engouffre dans la première bouche de métro que je croise puis file en direction du 8ème arrondissement où Nils habite. Après quelques minutes de marche, j'arrive devant son immeuble luxueux, avenue Montaigne. Espérons que le portier me laisse passer. Ce dernier me dévisage des pieds à la tête, de mes converses à ma salopette avant de me faire signe de déguerpir.
— Mais...
— Partez ou j'appelle la sécurité !
— Je suis venue voir Nils Cook ! Vous allez avoir des...
— Je ne pense pas que M.Cook reçoivent des gens...comme vous, me rabaisse-t-il de son ton pompeux tout en fixant mes cheveux encore tout emmêlés. Je grimace avant de reculer de quelques pas et sortir mon téléphone.
— Vous allez le regretter !
Il se contente de se redresser, droit comme un « i » et d'afficher un petit air suffisant. Il n'en croit pas un mot. Après plusieurs sonneries Nils finit par décrocher.
— Belle? Ça va ?
— Ça irai bien si ton satané portier ne me refusait pas l'accès ! râlé-je.
— Tu es en bas ?
— Bah, oui !
Il y a un silence avant qu'il ne réponde :
— Passe moi Gérald.
Je tend mon téléphone à l'autre Trou-duc avec un sourire hypocrite. Il se lisse la moustache et porte le cellulaire à son oreille en retenant un petit rire. D'entrée de jeu il décide de se foutre encore un peu plus de moi en demandant :
— Alors Monsieur Snobinard, vous souhaitez que je fasse monter la petite insolente ?
Je me mords la lèvre en le voyant blêmir et son petit sourire suffisant faner.
— M-m-monsieur Cook...bégaye-t-il. Je-je suis désolé, monsieur. Ou-oui.
Il écoute encore Nils quelques secondes, toujours plus blanc à chaque seconde qui défile. Puis enfin il raccroche et me tend le téléphone en tremblotant. Je me penche vers lui, tourne la tête et pointe mon oreille de l'index.
— Je n'ai rien entendu.
— Je m'excuse, marmonne-t-il.
Un grand sourire victorieux s'étend sur mon visage. C'est fou comme je peux me comporter comme une garce des fois. Je me précipite dans le hall de l'immeuble. Je m'étais préparée au luxe de la déco mais jamais je n'avais vu autant de dorures, de marbre, de velours et d'objet hors de prix réunis en une seul pièce. J'ai l'impression d'avoir pénétrée à l'Elysée, au Plaza ou encore au Ritz. Ne voulant pas perdre plus de temps, j'entre dans l'ascenseur. Instinctivement, je tape le deuxième étage. Je suppose que c'était un reste de mon passé, espérons juste que je ne me trompe pas. Quelques secondes passent avant que les portes de l'ascenseur s'ouvrent enfin sur un couloir doré du lustre au tapis en passant par les fresques aux murs. L'une des deux portes du couloir s'ouvre et je vois Nils surgir en ouvrant les bras :
—Tom Pouce !!!
Je souris avant de courir me blottir dans ses bras.
— Ça va? me demande-t-il doucement.
Je hoche la tête en le serrant de plus belle. Je ne veux plus le lâcher. Je me sens si bien. En sa présence, j'oublis toutes les paroles blessantes de Jayden. Il me caresse délicatement les cheveux avant de rigoler :
— Doucement, Tom Pouce! Je sais que tu m'aimes, mais relax !!
Je rigole avant de m'écarter.
— Je ne suis pas si petite que ça ! protesté-je en faisant la moue.
Il se courbe en avant jusqu'à ce que nos nez se touchent.
— Oh que si !
Je souris en sentant ses douces lèvres se poser sur mon nez.
Jayden a tord. J'aime Nils. Peut-être pas aussi profondément qu'avant mais je tiens à lui. Il se redresse et je dois me rendre à l'évidence. Je vais avoir dix-huit ans et je suis aussi petite qu'une fille de seize ans. En voyant ma tête, il me pince doucement la joue.
— Tu sais ce qu'on dit... tout ce qui est petit est mignon.
Un sourire vient illuminer mon visage et je dois me rendre à l'évidence. Il a un don. Il m'attrape la main et m'entraîne à l'intérieur. L'appartement blanc et épuré de Nils est typiquement Haussmannien, avec des dorures et des lustres. Malheureusement, il ne me laisse pas le temps de contempler et m'entraîne dans la cuisine et on s'assoit autour d'une petite table. Il me tend un chocolat chaud.
— J'ai ajouté du miel...comme tu aimais.
Je lui souris et boit une gorgée avant d'écarquiller les yeux en me léchant les babines. Ouah! C'est vrai que j'aime ça! Il éclate de rire et se penche au-dessus de la table pour passez vite fait son pouce sur ma lèvre supérieure. Je souris et sens mes joues virer au rouge. Je baisse les yeux sur ma tasse, gênée.
— Tu sais, « Tom Pouce » avant c'était mon surnom.
Je relève la tête surprise.
— Quoi? Mais tu dois mesurer au moins 1m80 !
Il hausse les épaules et répond avec un petit sourire embarrassé :
— Tu étais plus grande que moi et tu ne cessais de me taquiner avec ce surnom. Alors quand à nos quinze ans tu a cessé de grandir et que j'ai fait une poussée de croissance, j'ai décidé de me venger ...et le surnom est resté.
Je souris à l'entente de l'anecdote. A chaque fois qu'on me raconte un souvenir sur moi, je la redécouvre comme si elle ne me concernait pas, j'ai l'impression qu'on me raconte une histoire. Une histoire dont je serais l'héroïne.
— Mince alors...moi, je ne suis pas prête de m'en débarrasser...
Il éclata de rire devant ma mine ébahie.
—Si tu apprenais à marcher avec des talons tu aurais peut-être ta chance. Mais vu ce qui s'est passé la dernière fois...
J'hausse un sourcil et tout excité il me raconte :
— On faisait une représentation de théâtre comme chaque année et comme la bonne élève que tu étais...
— J'avais le premier rôle.
— C'est ça. Tu étais Cendrillon et lorsque les « douze coup de minuit » ont sonné et que tu as fuit...
— Oh mon dieu, j'ai un mauvais pressentiment...
Il ricane doucement.
— Tu t'es tordue la cheville sur scène , te propulsant en avant dans un roulé-boulé de froufrous et de paillettes. Seulement, ta robe était si imposante et lourde que tu es restée bloquée dessous.
Je me prends la tête dans les mains.
— Oh, non! Dis- moi que je n'ai pas fait ça...gémis-je.
— Désolé, petit-chou ! Mais le public a adoré, c'était le clou du spectacle !!
Je lui jette un coup d'oeil derrière mes doigts écartés. Puis doucement, je retire mes mains et lui sourit.
— Et toi alors? Quelle rôle tu jouais ?
Il pince les lèvres avant de répondre laconique :
— Le petit comique.
— Le Bouffon ?
Il hausse les épaules.
—Oui, si on veut. Disons que entre chaque acte c'était à moi de divertir le public. Mais je n'étais pas exactement un personnage.
J'hausse un sourcil, curieuse.
—Toi...tu me caches quelque chose !
Il se frotte anxieusement la nuque.
— Hum...ça m'arrangeait bien que tu ais oublié cette histoire...
— Nils ! Tu ne peux pas me cacher quoi que ce soit !!! J'essaie de redécouvrir mon passé mais comment tu veux que j'y arrive s'il me manque des pièces pour reconstituer le puzzle ?!
Il soupire et baisse les yeux vers ses mains, les tordant dans tous les sens.
— En fait...Ce rôle de « Bouffon » est une tradition de chaque pièce de théâtre. Il y'en a toujours deux, pour se donner la réplique et ils sont élus par le lycée entier.
— Et ?
— Et en sournois adolescents avides de drames, ils m'ont associé à Caroline ... mon ex petite-amie. Je ne sais pas ce qu'ils voulaient exactement mais je peux t'assurer qu'ils ne se sont pas ennuyé.
Je me penche en avant captivée.
— Et ensuite ??
Il relève la tête et plante ses yeux dans les miens.
— Je te jure qu'il ne se passait rien entre nous, tout ça n'était que des rumeurs.
Je fronce les sourcils et écarquille les yeux. Je n'y comprend plus rien.
Il se mord la lèvre avant d'expliquer :
— À cette époque on sortait ensemble et ...et tout le bahut pensait que je te trompais avec elle. C'est pour ça qu'ils m'ont associé à elle. Mais je te jure que ce n'était pas le cas.
— Jusqu'à ...
— Jusqu'à ce qu'elle m'embrasse sur scène...devant tout le lycée.
—Oh...
C'est tout ce qu'il me vient, tout de suite. C'est légèrement blessant quand même. Ridiculisée deux fois en une soirée, tu m'étonnes que je n'ai pas beaucoup d'amis. J'ai pitié pour cette fille dont on me raconte l'histoire. J'ai pitié de moi.
— C'est tout ce que ça te fait? s'étonne t-il.
Je le fixe, me demandant s'il est soulagé ou vexé. Est ce qu'il pense que mon manque de réaction est le signe que je ne tiens plus à lui ?
—Comment ai-je réagi? me contenté-je de demander.
— Tu m'as quitté et ne m'as plus adressé la parole pendant des mois. Des mois et des mois durant lesquels j'ai dû batailler pour que tu me pardonnes.
Son regard s'accroche au mien et je peux y lire toute la douleur des souvenirs. Comme quoi, des fois, il faut mieux oublier.
—Des mois et des mois pendant lesquelles sans toi... je perdais pied.
Mon souffle arrête de circuler dans mes poumons et je baisse les yeux, troublée par son regard si insistant. Enfin, je relève la tête et lui adresse un faible sourire.
— Je crois que, moi aussi, je ne devais pas aller bien sans toi. C'est une conviction, bien plus puissante que n'importe quel souvenirs. Je le sais...c'est tout.
Un sourire se dessine progressivement sur ses lèvres, nos regards ancrés l'un dans l'autre. On reste si longtemps les yeux dans les yeux que des larmes me montent aux yeux quand on détourne le regard.
Soudain, l'interphone bipe, me faisant sursauter. Nils rigole, puis se dirige vers l'appareil. Il appuie sur le bouton et une voix rauque retentit :
— Agent Fleuve. Ici, agent Gros-biscotos. Les Cuisiniers arrivent dans le palais. Je répète. Les Cuisiniers arrivent dans le palais. À vous.
J'éclate de rire, ahurie. Qu'est ce que c'est que ce charabia d'agent secret ?! Je suis dans le dernier James Bond ?
—C'est quoi que cette histoire?! pouffé-je.
Nils se tourne vers moi, la main toujours sur l'interrupteur.
— C'est Sandor, l'agent de sécurité. On s'amuse comme on peut. Tu sais, son métier est des plus ennuyants.
— Bonjour, Tom-pouce ! grésille l'interphone.
Je sursaute à nouveau avant de bégayer :
— Co-comment il connaît mon...c'est...un agent secret ??
Nils éclate de rire et il me semble entendre un petit ricanement provenir de l'appareil.
— Non! Bien sûr que non! On se connait juste depuis toujours tous les trois. C'est même toi qui a donné son nom de code d'agent secret à Sandor, « Agent Gros-Biscotos ».
— Ah...d'accord mais que veut dire tout ce charabia ?
Il sourit.
— Sandor vient de me prévenir que mes parents arrivent.
J'hoche la tête, amusée. Moi aussi il me faudrait un Sandor pour éviter ma mère. Nils se retourne vers l'interphone puis prévint le garde du corps :
— On file. Bon travail, agent. Tu auras droit à un surplus de cookies.
Nils allait ajouter quelque choses mais je le coupe :
— Et ça, ça veut dire qu'il aura droit à plus d'argent ?
Nils me fixe un moment en clignant des yeux, comme si j'étais un extraterrestre, avant de lâcher :
— Non. Ça, ça veut juste dire ce que ça veut dire. Il aura plus de cookies la prochaine fois que le cuisinier en fera.
— J'adore les cookies... rêvasse Sandor.
Je pince les lèvres, sentant le sang affluer dans mes joues.
Nils m'attrape la main et m'entraîne à sa suite.
— Où est ce qu'on va?! je cris pour me faire entendre.
— On file par l'ancien escalier des domestiques !!!
Il s'arrête devant une petite bibliothèque avant de saisir le bord et de la tirer vers lui.
— Je suis désolé, mais ce n'est pas aujourd'hui que tu rencontreras mes parents ! s'exclame-t-il en dévoilant un petit passage derrière le meuble.
— Mince alors! surjoué-je en me précipitent dans le corridor obscur. J'avais pas encore eu ma dose de parents chiants pour la semaine !
Nils s'engage derrière moi avant de rabattre le meuble contre l'ouverture nous plongeant dans le noir jusqu'à ce qu'il allume une lampe torche. On descend les escaliers en file indienne avant de déboucher dans un placard à balais étonnamment luxueux. Nils entrouvre discrètement la porte et on jette un coup d'oeil à l'extérieur.
Je le vois se tendre à la vue d'un couple qui passe les portes de l'immeuble. Ses yeux semble soudain si sombre et son visage si tendu. On dirait qu'il vient de prendre dix ans d'un coup.
— C'est eux, n'est ce pas ?
Il déglutit avant de hocher lentement la tête. Je pose à nouveau un regard sur ces gens à la beautée peu commune. La femme porte une robe cocktail verte mettant en valeur sa peau claire et sa chevelure blonde. Et si j'ai d'abord pensé qu'elle parlait toute seule je remarque à présent l'oreillette qui lui permet de parler à une personne à distance.
M. Cook, lui, enchaîne coups de fil sur coups de fil, le visage fermé et les yeux acerbes. Tous deux se tiennent droit, marchent avec determination, le regard fixer devant eux.
Ce sont de vrais bourreaux du travail et tout ce qui ne s'en rapproche pas ne semble pas les intéresser. Nils ne les intéresse pas. Ils sont comme les parents de Lexie. Si être riche rend si égoïste et narcissique, je veux vivre pauvre pour toujours.
Sans m'en rendre compte j'attrape la main de Nils et la compresse. Il pose sur moi un regard vide et je lui sourit avec réconfort.
— Tu mérites bien mieux qu'eux.
Il esquisse un début de sourire.
—ON mérite beaucoup mieux que ça.
Une fois loin, on sort à l'extérieur et Nils me raccompagne chez moi. Chez moi ? Est-ce qu'au fond j'ai vraiment un ''chez moi'' ?
Cet appartement, je ne m'y sens pas à ma place. C'est là qu'elle habite, Isa. Mais pas moi. Je n'y suis pas la bienvenue. Rose c'est Isa qu'elle nourrit, qu'elle héberge, qu'elle aime. Elle ne veut pas de moi. Elle n'aime pas Belle.
Et pourtant je vais devoir faire avec. Je vais devoir le supporter.
Mais dans quelques mois j'aurais dix-huit ans et je pourrais partir.
Plus rien ne me retiendra ici.
Plus personne.
*************
Salut !!!
Comment allez-vous ?
Avez-vous aimé le chapitre?
Et je ne vous ai jamais demandé mais, aimez-vous la couverture de l'histoire ?
Bisous pailletés 😘
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