Chapitre 1
J'aurais dû dire non. Cette pensée me frappe comme une évidence alors que la musique pulse contre mes tympans, à deux doigts de me rendre sourde. C'est une peur panique qui me tord l'estomac. Oui, je n'ai rien à faire ici.
Ma meilleure amie, Lou, m'attire dans les entrailles des enfers en m'empoignant par le bras. Une fois la porte d'entrée passée, impossible de faire demi-tour. Je suis condamnée à rester à cette fête.
Non mais vraiment, pourquoi lui ai-je dit oui !? Ça ne me ressemble tellement pas ! Moi, Isabelle Collins, je ne suis pas ce genre de fille. Moi, je range mes vêtements par genre, mes crayons selon le cercle chromatique des couleurs, mes livres par auteurs, et je fais des listes et des planning pour tout ; je ne m'enfile pas des shoots de vodka en dansant collée à une bande d'inconnus en chaleur !
Plus Lou me tire à l'intérieur, plus je panique. Cet air électro me donne mal à la tête, ça pue l'herbe et je ne vois pas une seule personne de sobre! J'aurais vraiment dû rester à l'appartement dans mon petit cocon à manger des M&M'S en révisant ma physique et mes maths en prévision de la rentrée qui approche. Si j'ai une seule mauvaise note, ma mère me tuera. Si je ne suis pas la meilleure, je m'en voudrai. Réussir mes études, c'est tout ce qui compte. Et jamais je n'aurais dû me laisser détourner du droit chemin !
Quand je pense à ma pauvre mère qui est persuadée que je dors innocemment chez Lou en ce moment. Elle ferait une crise cardiaque si elle apprenait la vérité. Et elle aurait raison. Je n'ai rien à faire ici ! Je pourrais faire une overdose, manger un truc avarié ou me faire agresser ! Et là, pouf ! Adieu, mon avenir si brillant. Tout ce pour quoi ma mère et moi avons tant travaillé pourrait partir en vrille. Tous mes efforts pour exceller dans tous les domaines. Tous les jobs que ma mère a accumulés pour m'offrir l'an prochain la meilleure des universités de tout Paris. Ma mère fait tout pour que je réussisse ma vie mieux qu'elle. Elle dit toujours que si sa mère avait fait un effort pour se trouver un boulot, elle aurait pu faire des études et elle n'aurait pas, je cite "raté son orientation professionnelle".
Bien sûr, c'est parfois dur, toute cette pression. Toute cette perfection que je me dois d'afficher. Tout contrôler ; voilà ce qu'on doit faire pour être heureux, c'est ce que dit ma mère. Ne laisser aucune place au hasard. Et c'est ce qu'elle fait. Malheureusement, souvent à mon encontre, mais je la comprends, elle ne veut pas que je finisse comme elle. Alors elle planifie tout pour moi. À bien y réfléchir, sûrement dès le jour où elle a appris sa grossesse, mais ça a empiré quand mon père est mort il y a 10 ans. Aujourd'hui, je me laisse faire, parce que de toute façon j'aurais agi pareil, mais peut-être aussi par frousse de la mettre en rogne. Donc elle choisit mes vêtements, mes cours, mon alimentation, mon avenir. Plus tard, je serai donc journaliste, végétarienne, je me marierai avec mon petit ami et j'aurai deux enfants. Bon, ce dernier choix, c'est quand même le mien.
Je me mords la lèvre et jette un coup d'œil à Lou qui sautille dans tous les sens dans sa robe à sequins, ses cheveux blond parsemés de mèches multicolores virevoltant dans les airs . Est-ce que je ne risque pas de lui gâcher la soirée si je pars ? Et qui veillera à ce qu'elle rentre en toute sécurité ? Qui lui tiendra les cheveux quand elle vomira ? Personne si je ne suis pas là. Je suppose que je dois donc rester ?
Elle m'agrippe soudain le bras.
— Oh regarde ! Il est là ! Il est là ! L'Américain !
Je serre les dents pour ne pas hurler alors qu'elle plante ses ongles dans mon bras. Donc c'est à cause de lui que je suis là ? À cause d'un nouvel élève super canon tout droit venu d'Amérique ?
— Tu l'as vu ? Tu as vu ses yeux verts ! crie mon amie en resserrant sa prise.
— Non, répliqué-je froidement en dégageant mon membre blessé.
Et c'est tant mieux. Sinon, je risquerais de le fusiller du regard toute la soirée en ruminant dans mon coin. Quand je pense que je suis là à cause d'un garçon ! Elle ne le connait même pas ! Personne ne le connait en fait. Les cours n'ont pas encore commencé et les populaires l'ont déjà pris sous leur aile, mais la rumeur dirait qu'il est taciturne et distant, comme s'il était trop bien pour gaspiller sa salive pour les autres. Oui, personne ne sait vraiment qui il est.
— Lou !
Je regarde les filles qui font signe à mon amie. Je ne les connais pas. Mais il est vrai que je n'ai pas beaucoup d'amis. Lou m'interroge du regard et même si ça m'embête, je la laisse partir avec un petit sourire. Elle ne s'amusera pas avec moi.
Une fois qu'elle est hors de mon champ de vision, je tourne les talons à la recherche d'un endroit calme. Peut-être Nils est-il là ? Je n'ai pas pensé à lui demander.
Nils, c'est mon meilleur ami depuis... toujours, je crois. Il a toujours été là pour moi et quand on était petits, on était comme les doigts de la main. Les gens nous surnommaient Tic et Tac. On a appris à marcher ensemble, à parler, lire, écrire. On a perdu notre première dent ensemble à cause d'un malheureux coup de tête. On a appris à jouer du piano ensemble. On a été à notre première boom en cinquième. On a fêté notre premier Halloween ensemble ou alors on a quitté le pays pour la première fois ensemble. Pour faire court, notre vie, on l'a passée tout les deux. Puis il y a déjà au moins deux ans, il a commencé à me voir différemment d'une simple amie. Et quelques mois plus tard, on sortait ensemble, c'est aussi simple que ça. Moi, je ne voulais pas le perdre, ni le blesser alors c'est ce qu'il y avait de mieux à faire. Et puis ma mère était ravie, depuis le temps qu'elle nous poussait dans les bras l'un de l'autre ! Il faut dire que Nils est charmant mais le compte en banque de ses parents a beaucoup joué dans l'affection que lui accorde ma mère, Rose.
Je l'appelle mais tombe directement sur son répondeur. C'est signe qu'il dort déjà. En même temps, la rentrée est après-demain. Il a bien raison. La terminale, c'est important.
Enfin, je vois mon paradis, l'endroit qui va me sauver de cette fête. Sous l'escalier en bois, dans l'ombre et à l'écart, un canapé vide m'attend. Je m'y installe avec joie. Enfin un endroit sympa ! Je ne tarde pas à sortir de mon sac à main un livre de poche. Ne jamais sortir sans livre. Je l'ai appris à mes dépens.
Je souris en voyant la couverture. Orgueil et Préjugés de Jane Austen, l'un de mes livres préférés. Je me plonge dans la lecture de mon passage favori avec hâte. Je suis partie si loin que je ne m'aperçois pas tout de suite que quelqu'un s'est assis à côté de moi dans le sofa. Puis je sens son souffle me caresser la joue et je me fige, tétanisée. Je suis alors surprise de ne sentir aucun effluve d'alcool. Une personne sobre ici ?!
— Orgueil et préjugé, souffle l'homme avec un accent irrésistible. Excellente lecture.
Enfin, il s'écarte et j'ose lui lancer un regard. C'est un garçon d'environ dix-sept ans, comme moi. Et il est beau comme un dieu. Ses cheveux d'un noir de jais sont décoiffés à la perfection, comme si c'était un art. Sa peau légèrement halée fait ressortir ses yeux vert clair qui me fixent avec curiosité. Sa mâchoire carrée se serre ce qui fait faire la moue à ses lèvres charnues. Et son T-shirt bien ajusté laisse deviner sa musculation saillante. Je peux aussi voir les lignes de tatouage sortir de ses manches.
Il me jauge du regard.
— C'est la première fois que je vois quelqu'un lire à une fête.
Il plisse les yeux, intrigué.
Je fronce le nez, agacée.
Je m'apprête à lui répondre qu'il est aussi très surprenant de voir quelqu'un encore capable de lire à cette heure-ci quand je me rappelle que mon livre est en anglais. Je le dévisage alors d'un nouvel œil. Moi, je sais lire l'anglais car mon défunt père était Londonien. Mais lui, comment peut-il comprend l'anglais si soutenu du dix-neuvième siècle? Et comment a-t-il pu reconnaitre le livre avec seulement quelques lignes ? Et si... ? Oh non. Ne me dites pas que je suis en face du fameux Américain ?
— Un des meilleurs livres qui soit, et l'original, en plus, ajoute-t-il.
Je le fusille du regard. Alors c'est de la faute de ce fichu Apollon américain si je suis ici !? Non, vraiment, je n'ai aucune envie d'être sympathique avec lui. Sa tête me fait penser à ces idiots qui me pourrissaient la vie avant et surtout il m'a interrompue dans ma lecture.
— Parce que tu lis ? Toi ? rigolé-je sardoniquement.
Son regard se durcit et il réplique :
— Oui, je lis. Et je parierais même plus que toi. Et depuis bien plus longtemps !
Je serre les dents. Décidément, je n'aime pas ce type. Il ne me connaît pas et il peut prétendre ce genre de choses?
— C'est drôle, murmuré-je sèchement. Tu me fais penser à Monsieur Darcy. Tu es tout aussi orgueilleux et taciturne. Trop suffisant et odieux.
— Odieux ? Taciturne ? répète-t-il surpris. Je n'ai pas...
Ses yeux verts émeraudes croisent les miens et son visage s'assombrit.
— Darcy, vraiment ? Je te trouve bien gonflée de dire ça toi qui ressembles tant à Elizabeth. Au final, tu es pleine de préjugés, comme elle, jugeant à la première impression pour te venger d'avoir été blessée dans ta fierté.
On se fusille du regard et je réplique du tac au tac :
— Mais Darcy a tout autant de préjugés sur Elizabeth, sifflé-je. Quiconque s'introduirait dans sa tête lors de la fête pourrait le constater.
Il sert les dents et je prends ça pour un aveu.
— Mais Elizabeth est de loin la plus orgueilleuse des deux. Parce qu'elle se croit trop bien pour lui, elle se comporte de façon méchante et le rejette sans compassion !
— Mais parce qu'il le mérite! protesté-je en le fixant durement.
—Et elle devrait se remettre en question, argue-t-il en me lançant un regard lourd de sens.
Là c'est sûr, on ne parle plus littérature mais bien de nous deux. Comment en est-on arrivé là? Il est effectivement possible que je me sois emballée un peu vite, et pour des raisons stupides mais je suis comme ça. Je n'y peux rien si mon passé compliqué m'a rendue agressive et toujours sur la défensive, non?
Je me mords la lèvre. Peut-être faudrait-il que je lui présente mes excuses? Mais la fierté étant plus forte, je lui lance une dernière pique. Une dernière question qui en fonction de sa réponse pourrait apaiser les tensions ou les attiser.
— Donc, si tu es si différent de Monsieur Darcy, m'offrirais-tu cette danse? demandé-je en lui tendant ma main.
Il fronce légèrement les sourcils et ses yeux jonglent entre mon visage et ma main tendue. Je vois qu'il hésite, qu'il pèse le pour et le contre. Il est comme moi, il aime tout contrôler. Et cette proposition va à l'encontre de ses habitudes. Parce que, s'il accepte, c'est moi qui mènerai la danse.
J'esquisse un sourire en coin et ajoute malicieusement:
— À moins que, comme Elizabeth, je ne sois pas assez belle?
Son regard se fait déterminé et il me saisit la main, se lève, et me tire à lui avec une facilité déconcertante. Dans l'élan, je m'échoue sur lui, collant nos corps l'un contre l'autre. Il sent atrocement bon. Je m'écarte alors de lui comme on s'écarterait d'un feu ardent, un feu qui à chaque instant pourrait nous brûler les ailes. Je pose mon livre et mon sac à main sur le canapé et il m'entraine jusqu'à la piste de danse avec un petit sourire en coin.
Enfin, il s'arrête et me répond dans un murmure:
— À tes risques et périls.
On se place au milieu de la foule, sous les spots, entre les groupes de fêtards saouls et les enceintes qui diffusent un air électro. Les yeux dans les yeux, nous défiant du regard, tout disparait autour de nous. Les gens. La musique. L'époque.
Avec un sourire narquois, il se penche et me fait un baisemain sans jamais me lâcher du regard. Ses lèvres me caressent la main. Elles sont douces et chaudes. Enfin, il redresse et se rapproche. Il pose sa main sur ma taille et l'autre dans la mienne et sans se soucier des autres ou de la musique en désaccord, nous nous lançons dans une valse lente. Envoutante. Dominatrice. Chaque pas que nous faisons a pour enjeu de savoir qui aura le dessus, qui battra le tempo, assoira son pouvoir. Qui gagnera?
Nos yeux ne se quittent pas, jouant un jeu dangereux. Qui détournera le regard en premier? Qui faiblira?
Il me fait tournoyer et aussi vite que je les ai quittés, mes yeux reviennent dans les siens. Ils ont quelque chose d'intimidant. Ils brillent d'intelligence, de sournoiserie. Ils sont calculateurs. Ils analysent chacun de mes gestes, de mes actions. Une étincelle traverse son regard et je mets le doigt sur l'élément qu'il me manquait. Ce sont les secrets qui font étinceler ses yeux ainsi.
Notre musique imaginaire prend fin et il me lâche comme s'il s'était brûlé. Je relève le menton et hausse un sourcil. Il esquisse un petit sourire moqueur. Finalement, notre danse n'aura rien arrangé. Je ne le supporte toujours pas, lui et son petit sourire supérieur.
Je pince les lèvres. La tension est si pesante et nos regards si acérés que quiconque nous voyant à ce moment-là doit être parcouru de frissons.
— Hey, Isa, tu voudrais pas...
— Quoi ? nous écrions-nous en cœur en nous tournant vers notre interlocuteur, frustrés d'être interrompus.
Mes épaules se relâchent quand je m'aperçois que ce n'est que Lou. J'étais si tendue et sur les nerfs que j'en suis devenue agressive.
Je m'écarte précipitamment de lui pour aller la voir elle et sans le lâcher du regard, répond calmement:
— Je ne sais pas ce que tu me proposes mais j'accepte. Rien ne peut être pire qu'ici.
Elle me fixe, interloquée, son regard passant de lui à moi en quelques fractions de secondes. Du regard, je lui intime de partir sans poser de question. Vu qu'elle ne bouge toujours pas, je l'entraine à ma suite d'un pas déterminé.
Le plus loin je serai de lui et mieux je me porterai. Jamais quelqu'un ne m'a pas autant fait sortir de mes gonds. Il a réveillé le pire en moi.
— Comment tu as dit qu'il s'appelait déjà ?
Mon amie accélère l'allure pour me rattraper et crie par-dessus la musique :
— Jayden Summers !
Son prénom fait écho en moi et je frissonne de la tête aux pieds.
Je dois l'éviter à tout prix. Il ne m'attirera que des problèmes.
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Comment vont mes Chupa Chups adorés ?🍭
Alors ce premier chapitre? Il vous a plut ?
Vous préférez cette réécriture pour ceux qui ont connu la première version ?❤️
Maintenant vite à la suite, le deuxième chapitre vous attend! Avec plus de rebondissements!
Bisous pailletés ❤️
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