Chapitre 43


J'inspire profondément, puis tape à la porte de l'appartement.

Je dois me faire violence pour ne pas m'enfuir en courant tellement ces secondes d'attente sont insoutenables. Mon ventre est si noué que j'ai envie de vomir.

Enfin, la porte s'ouvre sur Flore qui écarquille les yeux avant de la refermer aussi sec. Mais heureusement pour moi, et un peu moins pour mes orteils, j'arrive à l'empêcher de la fermer complètement.

Elle me broie plusieurs fois le pied entre la porte et l'encadrement avec l'espoir que je cède, mais finalement elle se rend à l'évidence et m'ouvre à nouveau.

Son regard meurtrier se rive sur moi et je tressaille. 

Et si c'était une erreur de venir la voir ? Qu'est-ce qui m'assure qu'elle n'a pas aidé son père à faire arrêter Jayden ? Elle lui en veut aussi, non ?

Puis soudain, le flot de mes pensées se stoppe quand je remarque son pyjama taché de nourriture, ses cheveux ébouriffés et les cernes sous ses yeux rougis. Même si c'est mal, je me sens soulagée. Flore tenait vraiment à Jayden. 
En revanche moi, elle me déteste...

— Quoi ?! crache-t-elle, les lèvres retroussées comme un chien enragé.

Je recule instinctivement devant tant de violence, avant de me reprendre en main. Je suis là pour Jayden. Je dois faire preuve de courage. Rien ne doit me faire reculer.

— Il faut qu'on parle, je déclare fermement, la voix dépourvue de la moindre once de doutes ou d'angoisse. Son visage se crispe et elle fronce les sourcils.

— Pourquoi ?! Tu veux te vanter d'avoir gagné le cœur de Jayden ?

Je soupire.

— Non. Je suis là pour te demander de m'aider à l'innocenter.

Elle cligne brièvement des paupières, avant de se reprendre et croiser les bras.

— Et pourquoi je ferais ça, hein !? Il m'a brisée le cœur ! Il n'a que ce qu'il mérite.

Je ne me laisse pas avoir par son expression en colère et ses mots forts. Ce n'est que du cinéma. Elle ne fait ça que pour la forme. Elle veut se faire désirer, regonfler son ego en miettes et ne surtout pas montrer qu'elle tient encore à lui.
Si je dois la supplier, je le ferai. Pour lui.

Allant dans son sens, je souffle doucement :
— Bien-sûr. Je me doute que tu lui en veux énormément et je comprends que tu ne veuilles pas l'aider. D'ailleurs, si tu ne veux plus jamais lui adresser la parole, je comprendrai. Il nous a fait toutes les deux souffrir. Il mérite ce qu'il lui arrive.

Elle hausse un sourcil intrigué et m'observe du coin de l'œil, intriguée.

— Mais malgré tout, on doit l'aider, ne serait-ce que pour tout ce qu'il nous a aussi apporté de bon dans la vie. On doit l'aider parce qu'il compte sur nous. Et sans toi, Flore, il n'a aucune chance, c'est évident.

Son visage se détend et elle se redresse légèrement, le menton levé.

— Qu'on soit bien claires, ça veut pas dire que je t'aime bien.

J'esquisse un sourire et elle m'ouvre la porte.

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— Quoi ?! Tu penses que c'est mon père ! Mais ça va pas bien ?!  Il serait incapable de faire du mal à Diva !

J'esquisse un sourire contrit. Moi aussi je pensais ma mère incapable de me faire du mal. Et pourtant...

Installée dans son canapé hors de prix, dans un salon démesuré qui respire le luxe new yorkais, je me sens mal à l'aise. Certes mes parents gagnent bien leur vie et on habite dans un beau duplex, n'empêche que j'ai peur que le simple fait de m'asseoir sur son sofa ne le salisse. Je ne me sens pas à ma place, moi qui vient d'un quartier modeste de la capitale française. Flore qui est assise en face de moi, m'observe par-dessus sa coupe de champagne.

— Il y a un seul moyen de savoir.

Elle hausse un sourcil, intriguée.

— Où dort Diva ? je demande en me levant.

Flore soupire et se lève aussi, avant de me faire signe de la suivre. Les yeux rivés sur elle, je tente de faire abstraction des peintures de luxe, des lustres en or ou encore des statuettes en marbre.
Je vais assez mal comme ça, inutile d'en rajouter une couche avec cette exhibition de leur compte bancaire.

Enfin, elle pousse une porte en bois massif et on pénètre dans une pièce de taille bien plus raisonnable que le reste de leur penthouse. Elle est meublée d'un imposant bureau en acajou et de deux grandes bibliothèques bourrées de livres. Il y a aussi un grand coffre-fort sous un portrait des Clayton.

— Elle ne se sent bien que dans les bureaux de mon père. Ah, regarde, juste ici, indique-t-elle en me montrant un petit panier dans un coin.

Je m'en approche et observe les alentours, à la recherche du moindre signe suspect. Puis soudain, du coin de l'œil, je remarque une lumière rouge. Un grand sourire s'étire sur mon visage. Une caméra. C'était assez logique vu la présence du coffre-fort, en revanche, c'était une très mauvaise idée de créer un crime ici.

Je me redresse, les yeux rivés à la caméra, et demande :
— Comment on fait pour avoir les images ?
Un silence me répond et j'imagine qu'elle se creuse la tête.

— Hum... Je suppose que les images partent directement chez l'entreprise de protection privée. Mais il me semble qu'il existe aussi une appli où on peut consulter les enregistrements, aussi bien passés qu'en direct.

J'esquisse un sourire et fait volte-face en lui présentant mon nouveau portable.

— À toi l'honneur !

Elle lève les yeux au ciel et se saisit de mon portable du bout des doigts.

— Il a vraiment de la chance de m'avoir. Sans moi, il resterait croupir derrière les barreaux. Et c'est tout ce que vous mériteriez.

Je rigole jaune. Elle a vraiment une personnalité atypique. Je me demande ce que Jayden peut apprécier chez elle.

— Ah ! C'est bon ! Le code était simple.

Elle se place à mes côtés et pianote sur mon téléphone de ses longs ongles pour sélectionner la date à laquelle Diva se serait soit-disant faite kidnapper.

Elle lance la vidéo et je retiens mon souffle. Puis le temps défile sans que rien ne se passe et je me détends. Tout a l'air normal. On voit juste la petite chienne dormir dans son panier.
J'échange un regard avec Flore et elle propose de mettre en accéléré.

Elle avance la vidéo quand soudain la petite chienne redresse la tête, comme si elle avait entendu quelque chose.
Soudain, la porte du bureau s'ouvre et on se concentre à nouveau sur l'enregistrement.
C'est son père.

Je serre les poings et j'ai l'impression que mon sang entre en ébullition dans mes veines. Évidemment. Ça ne pouvait être que lui.

Il entre comme enragé, se prend la tête dans les mains puis tourne en rond. Ses lèvres s'ouvrent et se referment et j'imagine qu'il doit ruminer ou crier.

Puis soudain, il se fige devant son bureau et y donne un puissant coup de poing. Le chihuahua se met à aboyer, attirant l'attention de son maître qui le fixe soudain avec intérêt, immobile. Puis soudain, il reprend vie et à partir de là, tout va très vite.

Henry Clayton se dirige vers lui d'un pas menaçant et donne un coup de pied dans la pauvre bête, la propulsant un mètre plus loin.
À côté de moi, Flore hoquette de stupeur et une étincelle de colère et de terreur traverse son regard. Ses mains se crispent sur le téléphone et l'image commence à bouger tellement elle tremble.

Son père revient à la charge. Encore et encore. Évacuant toute sa colère sur la pauvre bête qui ne bouge même plus.

En voyant que l'écran tremble de plus en plus et que Flore est à deux doigts de fondre en larmes, je pose une main sur l'écran et l'autre sur son épaule.

Elle relève la tête et je lui adresse un sourire qui se veut réconfortant, malgré l'horreur que m'inspire la scène qu'on vient de voir.
Elle déglutit avant de se forcer à me retourner mon sourire.

Je retire ma main et comme on l'avait deviné, son père ne tarde pas à prendre le pauvre animal et s'en aller.

La suite, on la connaît.

Flore me rend mon téléphone et me tourne le dos. Je devine à  ses épaules qui s'agitent de haut en bas qu'elle  pleure. Je décide de la laisser  tranquille et m'éloigne un peu.

Mon regard se pose alors sur le bureau de son père. Des dizaines de papiers y sont étalées. Des articles, des documents, des photos, des notes, des brouillons ou encore des factures.

Du bout des doigts, j'écarte les documents un à un au fur à mesure que je les survole du regard.
Je dois me rendre à l'évidence, tout ici concerne Bruce Payne. Et s'il a tous ces documents en sa possession, c'est qu'il a un lien avec la star. Henry Clayton ne fait jamais rien au hasard, et je suis sûre qu'il n'a pas assemblé tout ceci juste pour remplacer mon article.

Je me saisis d'une feuille de facture pour l'observer de plus près.  Non, ce n'est pas une feuille de facture, mais une feuille de virement.

Il y a six ans, en mars 2015, Bruce Payne a viré vingt mille dollars sur le compte du directeur du Times. Ce mois où il est accusé de viol par Amélie Portman.

Je déglutis.

J'en étais sûre. Il a acheté son silence. Voilà pourquoi l'article du Times sur le procès de Bruce Payne n'a jamais été publié.

Mais ça ne s'arrête pas là. Il a continué au fil des années à lui donner de l'argent, sûrement pour payer son silence et peut-être même pour recevoir des services.
Et justement, cette année-même, à partir de juillet, les virements sont de plus en plus fréquents. Depuis notre arrivée au Times.

Je serre les dents et me force à inspirer et expirer calmement. Non seulement Henry Clayton savait tout des agissements de l'Homme aux Mille Voix, mais en plus il en profitait pour s'en mettre plein les poches. Voilà pourquoi il nous a interdit de révéler ce qu'on avait découvert sur Bruce aux American Music Award. C'était pour mieux lui faire du chantage avec cette nouvelle information.

— Flore ?

Ses sanglots cessent brusquement et elle met quelques secondes avant de demander :
— Oui ?

Elle s'approche de moi mais je ne relève pas la tête, gardant les yeux rivés sur la feuille. J'attise avec délectation le feu qui brûle en moi. Tant que je n'aurai pas retrouvé Jayden, j'aurai besoin de cette rage pour tenir.

— Sur une échelle de 1 à 10, à combien tu veux diriger le Times ?

Elle ne répond pas tout de suite, prenant le temps de réfléchir. Je l'imagine même froncer les sourcils.

— 10, je suppose...

Enfin, je relève la tête et plante mon regard enflammé dans le sien.

— Et sur une échelle de 1 à 10, à combien tu en veux à ton père ?

Son regard se durcit et je vois ses yeux étinceler de rage.

— Sur une échelle de 1 à 10 ? 100, réplique-t-elle sèchement.

J'esquisse un sourire en coin.

— C'est ce que je voulais entendre.

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Hey !

Vous avez aimé ?

On voit une nouvelle facette de Flore dans ce chapitre. Une facette beaucoup plus attachante, je trouve.

Alors ça vous a plu cette petite collaboration ?

Sinon, j'ai recalculé et il ne reste plus que deux chapitres ! Donc c'est quitte ou double ! Soit tout se fini bien, soit tout se fini mal !

Je vous souhaite de bonnes fêtes en avance et bien-sur, de bonnes vacances !

Et si votre curiosité pour la suite est trop forte, sachez que je vais poster une citation du prochain chapitre sur Instagram dans la journée !
( Donc pour ceux qui sont curieux, mon insta c'est : 1610nao )

Bisous pailletés !! 😘

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