Chapitre 4
Without me--Halsey
Je me réveille en sursaut, terrassée par un cauchemar aussi farfelu qu'affreux. Même dans mon sommeil il est là. Il me hante.
Je secoue la tête et repousse ma couette, j'ai un peu d'avance sur mon réveil, autant en profiter. J'enfile mes chaussons et saisis mon portable. Encore des appels manqués. Depuis que j'ai annoncé à mes deux meilleures amies que je l'ai revu, elles harcèlent ma messagerie. Je crois qu'elles sont inquiètes.
Toujours dans ma messagerie, mon doigt hésite. Jamais je n'ai écouté un seul de ses messages. Je n'ai jamais su ce qu'il me disait chaque matin pendant plus de trois cents jours... et pourquoi il a subitement arrêté au bout d'un an. Est-ce sa rencontre avec Flore qui a tout changé ? M'a-t-il oubliée ce jour là ? Je serre et desserre les poings. Ça me démange de savoir. Est-ce que j'apprendrai à quel moment il est revenu à New York ? Est-ce que j'aurai une réponse à toutes mes questions ?
Cédant à la curiosité, je clique sur le premier message d'une longue série. Il date du lendemain de la fameuse soirée. À ce moment-là, je m'envolais pour un autre continent. Sa voix emplit soudain la pièce, aussi rauque que faible.
« Belle... Je sais que j'ai merdé. Je le sais depuis le jour où je t'ai renversée avec ma voiture. Et je ne me cherche pas d'excuses. Je ne t'ai rien dit, je t'ai menti, manipulée, rendue triste. J'ai détruit ta vie. Je suis un monstre. Et tu sais le pire ? C'est que je n'ai pas voulu ça. Alors je vais te dire la vérité, la putain de vérité pour une fois. Et ce n'est pas un mensonge quand je te dis que je ne te mentirai plus jamais.
Je ne t'aimais pas. Quand je t'ai rencontrée, tu étais Madame-je-sais-tout et tu regardais tout le monde de haut. Mais en vérité... j'étais juste jaloux. Tu étais si parfaite tandis que j'étais tout l'inverse... pourri, minable. Ta vie avait l'air si génial que je n'ai eu aucun scrupule à devenir ton ami et te mentir. C'est que... j'avais si peur, tu comprends ? Mais j'ai compris, quand tu m'as foncé dessus, versant toutes les larmes de ton corps. J'ai compris alors que tu me serrais comme si j'étais ta bouée de sauvetage, alors que ton cœur battait avec difficulté contre moi, alors que tes sanglots déchiraient le silence. Tu as relevé sur moi tes yeux si innocents et pourtant si ravagés par la vie et j'ai compris que ton existence n'avait rien de parfait. Et c'était en partie de ma faute.
Ce jour là, j'ai commencé à te voir différemment. Je découvrais une autre Belle, une fille fragile, sensible, gentille, attentionnée. Drôle aussi... J'ai commencé à t'apprécier. Puis sans que je m'en rende compte j'ai commencé à t'aimer. Et pourtant, je pensais tellement que l'amour n'était pas pour moi, que ça ne m'arriverait jamais. Mais ça m'est tombé dessus, dont l'expression « tombé amoureux », c'est imprévisible, incontrôlable, puissant. Et ça fait mal...
Je ne pouvais plus me passer de toi plus de quelques heures. Je ne pouvais plus passer une matinée où je ne me serais pas réveillé à tes côtés, je ne pouvais plus manger un repas sans que tu sois assise en face de moi, passé un après-midi sans entendre ton rire, passé une soirée sans croiser ton regard pareil à un océan. Je voulais que tu sois la dernière personne que je voyais avant de me coucher, la première à mon réveil et la seule dans la journée.
Mais t'es partie. Ce que je redoutais le plus au monde est arrivé. La raison pour laquelle je t'ai caché la vérité. Je t'ai perdue. Et c'est tout ce que je mérite. Ça ne fait que vingt-quatre heures mais tout ce que je ressentais avant, quand nous étions séparés quelques heures, me paraît si ridicule... Je suffoque dès que je pense à toi. Je suffoque donc à chaque instant car je ne fais que ça.
Chaque seconde me paraît une éternité, les minutes des années et les heures des siècles. Alors comment vais-je faire toute une vie sans toi ? Est-ce que mon cœur cessera un jour de me faire si mal ? De me plier de douleur ? Est-ce qu'un jour je cesserai de me haïr de t'avoir fait tant souffrir ?Aurai-je un jour la chance de revoir ton sourire si lumineux ? De croiser à nouveau tes yeux si bleus ? De faire d'autres nœuds dans tes cheveux ?Est-ce qu'un jour, j'aurai à nouveau la chance de seulement te serrer dans mes bras et de te murmurer que tu es tout pour moi ?
Un long bip résonne, signe que l'enregistrement est fini, et il recouvre tout, jusqu'à mes pleurs...
O O O
Je laisse tomber mon sac sur la chaise puis installe mes affaires. J'aligne mes crayons, allume mon ordinateur, place une mini plante verte dans un coin du bureau. Je sors ensuite une feuille de papier sur laquelle sont sagement inscrites des règles à ne pas dépasser et la scotche sur la paroi juste au-dessus de son espace du bureau. « Ne pas me prendre mes affaires. Ne pas faire de bruit. Ne pas m'adresser la parole sans que j'ai d'abord engagé la conversation... »
— Travaille bien mon choupinet !
Mon corps se contracte automatiquement mais je fais mine d'être concentrée sur l'article devant moi. Pourtant, je ne peux m'empêcher de les regarder se serrer dans les bras du coin de l'œil. Flore surprend mon regard et esquisse un sourire, mais je m'empresse de détourner le regard. Je ne veux surtout pas d'ennuis avec elle. Cette dernière lui souhaite une bonne journée puis le bruit de ses talons s'éloigne petit à petit.
La chaise à côté de moi racle le sol tandis qu'il la tire vers lui. Il lâche ses affaires sur la table, faisant trembler tout le bureau, et mon corps avec. Il est si prêt. Juste derrière moi. À un mètre seulement... Je déglutis et tente de l'ignorer. Peine perdue car il m'adresse la parole :
— Belle...
Sa voix est rauque, presque faible...
— Ne me parle pas. Règle numéro 3, le coupé-je en esquissant un geste vers l'affiche.
Un silence me répond quand soudain il éclate :
— C'est ridicule ! Tu ne peux pas faire comme si on était des inconnus. Belle, c'est moi ! Regarde-moi, putain !
Sa voix monte d'un octave et je sursaute. Mes doigts se crispent sur mon crayon.
— Est-ce que... Je te fais peur ?
Je souffle doucement puis fige mon expression dans le marbre avant de faire doucement tourner mon siège.
— Évidemment que non. Le dégoût et la peur sont deux émotions très différentes.
Il serre les dents, un regard attristé rivé sur moi.
— Je vois... Après tout, c'est mérité.
Je me retourne vers mon ordinateur.
— Tu mérites bien pire. Tellement pire, soufflé-je dans un murmure.
Je ne sais pas s'il m'a entendue car il ne réplique pas et s'assoit.
Il ne tient pas plus de deux minutes avant de m'adresser à nouveau la parole. Je le sais, j'ai compté.
— Est-ce qu'un jour tu me pardonneras ? Est-ce que j'aurai la chance de me racheter ?
— Commence par te taire, peut-être auras-tu une chance de remonter dans mon estime ! cinglé-je
— Mais...
— Nos échanges doivent se limiter à un cadre strictement professionnel dorénavant. Donc si tu as une question, ce sera pour me parler journalisme.
Inspire. Expire. Ça va aller. Bientôt il sera loin d'ici. Tout ce que tu as à faire, c'est être aussi douée que d'habitude. Tu n'as qu'à gagner.
— Je te laisserai tranquille dès que tu auras répondu à ma question.
— Je n'ai plus aucun compte à te rendre, coupé-je froidement. Et j'ai pratiqué du kick-boxing l'an dernier, donc si tu continues je te pète le nez.
Un silence éloquent me répond.
— Quoi ? Tu n'as quand même pas fait ça à cause de moi ? Tu ne te trouves pas un peu puérile là, avec ta pratique des arts martiaux et tes répliques de garce ?
Je me tends. Si chaque mot qui sort de sa bouche est pareil à une lame, ceux-là sont terriblement tranchants.
— C'est ça ta question ?! lâché-je sèchement.
— Non ! se précipite de corriger Jayden. Ce que je veux savoir c'est si... si tu... m'aimes encore.
Si en sa présence je dois constamment me rappeler de respirer, mon cœur lui, je ne peux pas le forcer à battre. Et merde, j'ai l'impression que chaque battement risque d'être le dernier.
Je me force à inspirer et expirer. Il faut que je me calme, il veut juste savoir si des fichus sentiments risquent de gêner son travail ici. C'est une question aussi banale que la météo.
Je me force à détendre mes muscles et relâcher ma prise sur le crayon de papier dans ma main. Il tombe discrètement, brisé en deux.
— Qu'est ce que ça peut te faire ?! demandé-je plus sèchement que je ne l'aurais voulu. Tu as Flore. La si jolie et gentille Flore qui est justement la fille du patron du plus grand journal du pays.
Son siège racle le sol, signe qu'il se lève et mon corps se tend sachant ce qui va suivre.
Il attrape mon poignet, fait tourner mon siège à roulettes et je me retrouve face à lui qui me domine de toute sa hauteur. Son regard s'est fait meurtrier.
— Je t'interdis de dire ça ! Je tiens réellement à Flore. Elle a été ma première petite amie, et ma meilleure amie. C'est elle qui m'a sorti du gouffre dans lequel m'a plongé notre séparation et c'est la seule à avoir été là quand...
Il ne termine pas sa phrase mais je devine ce qu'il allait dire. Elle était là après l'accident qui a tué sa mère et plongé sa sœur dans un état végétatif.
Je me souviens avoir déjà entendu son nom. C'était elle sa seule amie à New York avec... Marc avant qu'il n'ouvre le feu. Pas de doute que ce genre de tragédies rapproche.
— Soit, tu tiens à elle mais tu ne l'aimes pas, n'est-ce pas ? sifflé-je en le regardant droit dans les yeux. Tu veux juste quelque chose, encore, car tu ne fais rien sans intérêt. Un poste au Times cette fois, hein ?! Alors écoute-moi bien, je ne sais pas quel est le but caché de ta question, ce que tu veux entendre, mais je vais te répondre franchement.
Je le vois déglutir et son regard se faire plus insistant. Impatient. Anxieux.
— Je suis guérie, Jayden. Je n'ai plus aucun sentiment pour toi.
Et pour la première fois, j'arrive à m'en persuader.
Je vois son regard vaciller un instant.
— Je n'étais qu'une maladie, Belle ?
— Un putain de virus, soufflé-je.
Doucement ses doigts relâchent mon poignet et sa main retombe mollement le long de son corps. Son regard se voile et se perd dans le vide.
Et sur ce, je lui tourne le dos pour me replonger dans le travail. Ma seule échappatoire.
**************
Hey!
Un chapitre qui annonce la couleur ! On dirait bien que Belle est aussi rancunière que Jayden est coupable.
Mais étrangement, la colère de Belle semble bien plus l'atteindre que cela devrait après deux ans. Alors, a-t-il encore des sentiments pour elle, ou est-il juste attristée car elle restera toujours quelqu'un d'important dans sa vie ?
Un commentaire à faire ? (il peut n'avoir aucun rapport avec l'histoire XD).
N'oubliez pas que vous pouvez soutenir mon histoire inédite "SANS COEUR" en allant la lire sur le site du concours Hachette Romans! Lien en bio !
BISOUS PAILLETÉS !
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