Chapitre 29
Shawn débarque dans le salon enroulé de papier toilette, le teint verdâtre et les yeux soulignés de cernes monstrueuses. Il tend les mains devant lui et s'avance vers moi en émettant un grognement guttural.
J'éclate de rire et brandis mon téléphone pour le prendre en photo. Il est encore mieux déguisé que Halloween dernier. Ce qu'on peut dire, c'est que les américains voient toujours les choses en grand et ne les font jamais à moitié. Surtout pour leurs fêtes préférées.
— Cerveaux !
Je ris et cours pour échapper à mon demi-frère quand, soudain, Mackenzie surgit à côté de lui et l'affectionne d'un coup de fourche sur la tête.
— Tu confonds avec le zombie, sale paquet de PQ ambulant !
Il se stoppe et la dévisage. Cette année, ma demi-sœur a décidé de se déguiser en diablesse et le résultat est pour le moins... réaliste. Comme une extension de sa personnalité.
Je souris en entendant mon frère grommeler dans sa barbe. Je capte quelques mots tels que : « Tyran», « parfait déguisement » et « Satan en personne ».
— Belle !
Je m'éloigne des jumeaux pour retrouver Delilah dans la salle à manger reconvertie en QG de Wedding planner.
J'entre dans la pièce et me fige si brusquement que je manque de tomber en avant tant le spectacle qui s'offre à moi me surprend. C'est... j'ai pas les mots. Même « magnifique » est un terme trop faible.
J'ai toujours su que Lexie était douée, mais je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi fabuleux. Je ne m'attendais pas non plus à ce que la robe soit déjà terminée.
Delilah tourne sur elle-même faisant virevolter sa robe de princesse. Elle rayonne de bonheur et ça me comble de joie. Son sourire... Il me fait oublier toutes ces heures de travail et d'organisation et tous mes regrets. J'aurai tout donné pour le voir.
Elle mérite d'être heureuse et mon père aussi.
Lexie surgit dans son dos et l'attrape par les épaules pour l'immobiliser. Elle me fait rire avec son crayon derrière l'oreille, les lunettes de Lou sur le nez et son aiguille avec un bout de fil entre les dents.
— Il reste des retouches à faire, grommelle-t-elle avant de retirer l'aiguille de sa bouche pour la faire disparaître dans le corsaire de la tenue.
Delilah émet un petit couinement.
— Doucement !
Apparemment aigrie par tant de travail, mon amie réplique en anglais :
— En France on a une maxime très vraie qui dit :« Il faut souffrir pour être belle », alors silence !
Delilah gigote, une grimace déformant son visage.
— Je suis sûre que c'est un homme qui a inventé ça...
Lexie dut la piquer à nouveau car elle gémit.
— Oh ça, je n'en doute pas.
Je souris et me dirige vers la sortie avant que ses foudres ne me tombent dessus.
— Hep hep ! Tu vas où comme ça !? J'ai quelque chose pour toi aussi ! me rappelle-t-elle
Je soupire et fais volte-face. Je savais que je n'y échapperais pas.
— Quoi ?
Par-dessus l'épaule de ma belle-mère, je la vois esquisser un sourire narquois.
— Retourne-toi.
J'ai un mauvais pressentiment...
Je me retourne et écarquille les yeux en découvrant Lou qui danse avec, plaquée devant elle, la robe jaune de La Belle.
Ce soir, je ne pourrai me défiler, j'irai à la fête d'Halloween...
Habillée en princesse.
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— Je continue de dire que je suis ridicule ! bougonné-je pour la millième fois en sortant du taxi.
— Mais non, mais non ! me rassura Lou en me poussant pour que j'accélère le rythme.
Je croise les bras pour tenter de me réchauffer. Lexie a refusé que j'enfile une veste car ça ne faisait pas partie du costume. En fait, mes amies sont de vrais tyrans qui me mènent par le bout de nez ! C'est fou !
— Facile à dire pour toi, vu que ton déguisement est encore plus ridicule !
Je jette un coup d'œil dans le reflet d'une vitrine pour confirmer qu'il y a pire que moi. Oui, il y a Lou. Dans sa combi Pikachu, ma meilleure amie bat tous les records de ridicule qu'elle s'était fixé. Après en soi, c'est très mignon et courageux. Mais se rendre à une fête de bureau dans cette tenue, c'est... osé !
Lexie, elle, marche main dans la main avec notre Pokémon dans sa tenue d'Harley Quinn. Pour l'occasion, elle s'est même teinte la pointe des cheveux en rose et bleu. Avec sa démarche assurée et son regard d'acier souligné de noir, elle ressemble vraiment à cette femme fatale.
Enfin, on arrive devant le Times. Un agent vérifie qu'au moins l'une de nous est sur la liste avant de nous laisser entrer.
Comme à la première fête à laquelle j'ai participé, les bureaux du dixième étage ont été retirés pour laisser place à une déco magnifique. De fausses toiles d'araignées pendent au plafond et des citrouilles illuminées sont posées sur le buffet au milieu des amuse-bouches aux formes terrifiantes. La pièce est éclairée par des guirlandes aux allures de squelette et la lumière des lustres au plafond vacille de temps en temps, plongeant la pièce, le temps de quelques secondes, dans les ténèbres. Aussi, comme la dernière fois, il y a un orchestre et à côté un DJ pour plus tard. Mais ce que je préfère, ce sont les giclées de faux sang sur les grandes baies vitrées qui donnent sur Manhattan, et qui, par endroits, forment des messages sinistres.
Je souris en voyant Kendall Jenner faire un signe de la main à Lexie. Apparemment, cette dernière s'est créée des relations. Ça ne m'étonnerait même pas que la mannequin lui demande une robe au cours de la soirée. Mon amie lui fait un signe avant de se tourner vers moi et fouiller dans son sac.
— J'ai quelque chose en plus pour toi. Je grimace, incertaine de ce qui doit m'attendre.
— Ne fais pas cette tête, c'est un élément obligatoire de la tenue, c'était marqué sur l'invitation. Tu l'as lue au moins ?!
Non, je l'ai mis de côté dès que je l'ai reçue. Je ne voulais pas venir à cause de Jayden. Mais ça, je ne vais pas lui dire.
Enfin, elle sort de son sac un masque.
J'arrondis la bouche perplexe.
— Un masque de bal masqué ? Et tu voulais pas que je prenne de veste parce que ça faisait pas partie du costume ?!
Mon amie esquisse un sourire malicieux.
— Toute excuse est bonne pour t'empêcher de porter tes horribles vestes informes. Mais vois plutôt ça comme un moyen d'éviter l'autre nigaud.
Et d'éviter que quelqu'un me reconnaisse dans cette tenue.
Gentiment, j'accepte son joli masque couleur or et tout en tenant sa tige, le place devant mes yeux. Bon, j'aurais préféré que ce soit à bandeau pour pouvoir garder l'usage de mes deux mains, mais il est trop beau pour que je me plaigne.
Ainsi cachée, je n'ai aucune gêne à aller sur la piste de danse avec mes deux meilleures amies même si, au final, je me retrouve exclue de leur valse. Mais ça m'est égal, je tournoie sur moi-même et passe de bras en bras sans décoller mon masque de mon visage. Je tournoie jusqu'à tout oublier.
Puis soudain, sans prévenir, un air de piano retentit dans la pièce et je me fige. Mon partenaire me marche sur le pied et un couple se cogne contre moi. Mais je ne bouge pas, tétanisée par la chanson qui s'élève gracieusement dans l'air. C'est la version anglaise d'« Histoire Éternelle »... Une chanson qui n'a absolument rien à faire à une fête huppée et encore plus à Halloween. Ce n'est pas un hasard.
Il n'y a qu'une personne qui peut avoir demandé cette chanson...
On me tapote l'épaule et je fais volte-face.
Je sursaute en tombant nez à nez avec La Bête. C'est le même costume bleu cousu de fils d'or que celui de Disney, mais en bien plus beau et élaboré. La personne a été jusqu'à enfiler des gants aux mains poilues pourvues de griffes, et coiffer sa chevelure indomptable de deux cornes. La seule chose qui se distingue du dessin animé Disney, c'est le masque vénitien du même style que le mien, à l'effigie de La Bête.
Pendant une seconde, je me demande qui se tient devant moi, puis je vois son sourire en coin qui m'est familier et ses yeux émeraude dans les fentes du masque.
Jayden.
Il effectue une courbette, un demi-sourire au coin des lèvres et je cligne des yeux, bouche bée.
— M'accorderiez-vous cette danse ?
J'esquisse un sourire. Comment dire non à une si belle proposition ?
— Aux risques et périls de vos pieds.
Et sur ce, je cale une main dans la sienne et pose mon autre main sur son épaule, me forçant à éloigner mon masque du visage. Un grand sourire éclaire le sien et il pose sa main sur ma taille, dévoilant lui aussi son visage. Il m'entraîne alors dans une valse rythmée par la musique, comme cette fois à Londres.
On se fixe dans les yeux sans ciller un seul instant, sans détourner le regard même une seconde, comme captivés. J'ai l'impression de voyager dans le temps. Je regarde ses prunelles d'un vert merveilleux et je nous revois, deux ans plus tôt, à cette fête. On venait à peine de se rencontrer, mais on dansait déjà ensemble... juste après la première dispute d'une longue série.
La musique s'accélère et il me fait tournoyer avant de me ramener à lui. Ainsi collée à lui, nos corps réunis dans une étreinte endiablée, je sens mon pouls s'emballer et ma respiration se couper.
— C'est toi n'est-ce pas ? C'est toi qui a demandé à ce qu'ils jouent cette chanson ? Notre chanson ! Je l'accuse sans le lâcher des yeux.
Un sourire amusé se dessine sur son visage.
— Notre chanson ! Tu ne m'avais pas dit que tu l'avais achetée.
Je le fusille du regard tandis qu'il me fait basculer en arrière.
— Tu vois très bien ce que je veux dire ! Ne fais pas semblant !
Il m'adresse un clin d'œil taquin, un grand sourire plaqué sur le visage.
— Non, Belle, je ne vois pas de quoi tu m'accuses.
Je m'apprête à protester mais il me fait tournoyer sur moi-même, me clouant le bec.
Quand enfin je me retrouve plaquée contre lui, toute envie de m'énerver me passe. Je n'ai plus qu'une envie : profiter de l'instant et le graver dans ma mémoire. Éternellement.
Oui, je veux garder cette histoire éternelle.
— Tu ne trouves pas ça incroyable qu'on soit là, déguisés en les héros qui représentent notre histoire, à danser sur leur chanson ? Notre chanson.
Je fronce les sourcils.
— C'est surtout étrange.
Il rigole.
— Toujours aussi cartésienne !
Je lui lance un regard de travers.
— C'est pas toi qui disais justement que tu étais cartésien et logique ?
Il me sourit. Un vrai sourire beau et... sincère.
— Il faut croire que j'ai changé.
Il me soulève dans les airs.
— Et donc quelle est ta théorie à présent ?
Il se penche vers moi et du bout des lèvres, susurre :
— Je pense que c'est un signe.
Je ne pipe mot et le laisse mener la danse. Un signe ? De quoi ? Qu'on devrait être ensemble ? Nous ? Parce qu'on a mystérieusement décidé de se déguiser en un couple ?
Sans le regarder je souffle :
— Ce n'est pas parce que je suis réapparue dans ta vie, que je suis déguisée en Belle ou qu'ils passent notre chanson, que c'est un signe. Et sûrement pas celui qu'on devrait être ensemble.
Il me jette un coup d'œil.
— Je n'ai pas dit ça. Mais si tu veux mon avis... parfois, il faut savoir se quitter pour mieux se retrouver.
Je lève les yeux vers lui et me force à ne laisser transparaître aucune émotion.
— Qu'est donc devenu le garçon qui ne croyait pas en l'amour ?
Ses lèvres se retroussent en un sourire indescriptible et son regard se pose au loin.
— Il est tombé amoureux.
Un frisson me traverse la colonne vertébrale. Il a prononcé ça avec une telle douceur, une voix si vibrante de sincérité, si emprunte d'émotion que je sens mon cœur s'emballer. Puis il se calme quand je me rappelle qu'il parle sûrement de Flore. De cette fille avec qui il semble si proche et éloigné à la fois.
Quelques secondes défilent et les dernières notes de la chanson commencent déjà à retentir quand je demande :
— Est-ce que tu aimes Flore ? Parce que... parfois on dirait que oui et parfois non.
Sous mes mains, ses muscles se contractent.
— C'est... compliqué.
Comme tout, avec lui.
La musique se termine et on s'arrête. Je hausse un sourcil, intriguée, et il soupire.
— Suis-moi.
Doucement, il me saisit la main et m'entraîne jusqu'à l'ascenseur. À l'intérieur, on ne parle pas, droits comme des piquets, chacun obnubilé par ses propres pensées.
Puis l'ascenseur s'arrête et s'ouvre sur le ciel étoilé. Nous somme arrivés sur le toit de l'un des plus hauts buildings de la capitale du monde.
Je me précipite sur le toit où, émerveillée par la vue, je me mets à tourner sur moi-même pour ne rien louper. D'ici, tout paraît possible. La ville semble nous appartenir. Elle semble s'offrir à nous. De si haut, on semble la dominer.
— C'est beau, n'est-ce pas !
Je me rappelle soudain sa présence et je fais volte-face, les joues rouges.
— Oui.
Il a à peine esquissé un sourire qu'une ombre s'abat sur son visage.
Silencieusement, il s'approche du bord et malgré mes protestations s'y assoit. Le regard perdu au loin, il attend que je surmonte ma peur et que je m'installe à côté de lui.
Je finis par le rejoindre et m'asseoir, le vide en bas me donnant des sueurs froides. Mais soudain, il pousse un long soupir qui me sort de ma torpeur.
— Pour en revenir à ta question... Je suis un peu perdu en ce qui concerne Flore. Je l'ai aimée, vraiment... Mais c'était avant de te rencontrer. Et peut-être que quand je l'ai revue... J'ai espéré que ça pourrait recommencer comme avant, quand tout était simple. Avant la fusillade, avant la mort de ma mère et l'état de ma sœur, avant toi. Aujourd'hui, je tiens énormément à elle et je l'aime beaucoup mais...
— Pas comme tu le devrais, je complète à sa place.
Ses épaules s'affaissent et une étincelle de douleur traverse son regard.
— Mais tu as accepté de l'épouser !
Le silence me répond et je pose à nouveau les yeux sur lui. Il est perdu dans la contemplation de la ville et je me demande à quoi il pense.
— C'est parce que je pensais qu'on pourrait plus jamais être ensemble. Tu me détestais et... tu avais Lei même si ce n'était qu'un mensonge. Et au fond de moi, j'espérais qu'un jour j'arriverais à aimer Flore à nouveau. Ça serait tellement moins douloureux et... plus simple pour nous deux. Personne ne souffrirait.
J'espérais...
Je déglutis et pose la question qui me pèse sur le cœur :
— Et maintenant... tu n'espères plus l'aimer un jour ?
Lentement, il tourne la tête vers moi et verrouille ses yeux émeraude étincelants aux miens.
— Maintenant... J'ai compris que je n'y arriverai jamais.
Mon cœur manque un battement et mon souffle se bloque.
Je dois forcer mon cerveau à redémarrer.
— C'est injuste pour elle si tu l'épousais sans l'aimer.
Il ne répond pas tout de suite, perdu dans ses pensées.
— Tu sais... je ne pense pas que Flore m'aime non plus. Je suis sûrement sa roue de secours, son pansement Je suis persuadé qu'elle ne veut m'épouser que parce qu'elle ne peut pas avoir celui qu'elle veut vraiment.
Je frissonne. Quelle relation nocive ! Comment peuvent-ils sortir ensemble s'ils ne s'aiment pas ?
Du coin de l'œil, j'observe Jayden qui, la tête rejetée en arrière, contemple les étoiles.
À le voir comme ça, si pensif et perturbé, une question franchit mes lèvres sans que je puisse la retenir :
— Et elle ? Est-ce qu'elle l'est pour toi ?
Il ne tourne pas la tête vers moi mais je le vois froncer les sourcils.
— Est-ce qu'elle est quoi pour moi ? m'interroge-t-il.
Je souffle, regrettant déjà ma réponse.
— Est-ce qu'elle est ta roue de secours, aussi ? Ton pansement ? Ton...Second choix ?
Sa pomme d'Adam monte et descend avec difficulté, au rythme de sa déglutition. Et alors seulement, ses muscles se relâchent et il semble se ratatiner sur lui-même, écrasé par un poids invisible.
— Et si c'était le cas ? Est-ce que tu me prendrais pour un mec ignoble ?
Il tourne subitement la tête vers moi et son regard se fracasse dans le mien si brutalement que j'ai l'impression qu'il me percute l'âme. Je manque de tomber à la renverse.
Je ferme les yeux pour réfléchir un instant à sa réponse. Mais à mes yeux, la réponse est évidente. Après tout, je ne suis pas toute blanche non plus. Mais j'hésite à lui dire.
Finalement, j'inspire profondément et souffle :
— Non... Je penserais juste que tu dois vraiment être désespéré.
Une étincelle s'allume dans son regard avant de disparaître tout aussi vite, telle une étoile filante.
Il baisse les yeux et fixe ses pieds se balancer dans le vide.
— Il faut croire que oui... Je suis si désespéré que je suis prêt à tout.
J'ai peur de poser la question. Peur de la réponse qu'il va m'offrir. Pourtant je la devine déjà sur le bord de ses lèvres et ça me terrifie... parce que ça fait battre mon cœur à mille à l'heure.
Mais c'est plus fort que moi, mes lèvres formulent la question :
— Prêt à tout pour...?
Il relève les yeux et je tremble de la tête aux pieds tellement son regard est profond.
— T'oublier.
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Coucou mes baby Chups !
J'avais pas envie d'attendre demain donc voici le chapitre!
J'espère qu'il vous a plu.
Et surtout qu'il ne vous a pas perdu.
Au contraire, j'espère que vous comprenez mieux Jayden et ses comportements passé. Et bien-sur, que vous ne lui en voulez pas !
Comme beaucoup l'avez deviné, Jayden été bien déguisé en Bête! Mais était ce bien un signe comme il l'a dit ou était ce bien calculé...
En attendant, nul ne sait en quoi était déguisé L'impératrice Flore.
Et mon petit doigt m'a glissé qu'un mariage va bientôt avoir lieu ! Mais lequel ...😏
Enfin... encore faudrait-il que tout le monde soit encore en vie d'ici là !
Sur ces sages mots de sadique... BISOUS PAILLETÉS!!😘
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