Chapitre 23
— Mais qu'est-ce que vous faites là ?
Lou sursaute et tombe du lit, entraînant avec elle la couverture.
— Non mais je rêve, ou vous étiez en train de vous peloter sur mon lit ?
Elles échangent un regard et ma mâchoire m'échappe.
Tandis que l'une répond « oui » avec désinvolture, l'autre crie « non », complètement paniquée.
Elles échangent un nouveau regard et Lou soupire.
— Ouais... sinon... JOYEUX ANNIVERSAIRE !!
Elles se précipitent vers moi et me serrent dans leurs bras si fort que je suis à deux doigts d'oublier qu'elles ont osé s'embrasser dans mon lit. Mais juste à deux doigts. Jamais je n'oublierai cette trahison. D'ailleurs, si je croise mon père dans l'heure à venir, je le tape pour les avoir laissé monter ici.
— ON T'AIME, BELLE !!!
Malgré la douleur de mes côtes compressées, je souris.
— Moi aussi, je vous aime les filles. Même si à cause de vous je vais devoir changer les draps.
Lexie recule son visage pour me dévisager.
— Ne sois pas si prude, on s'est juste embrassées en t'attendant.
Lou sort aussi son visage de mes cheveux pour me fixer avec ses grands yeux de biche.
— Mais vous êtes mes deux meilleures amies et je ne veux surtout pas avoir d'image de vous deux la prochaine fois que je voudrai roupiller en toute innocence !
Lou me tire la langue.
— Dans ce cas on a un cadeau en avance pour toi.
J'assiste alors en direct et en gros plan au baiser le plus baveux du siècle tandis que leurs bras sont toujours autour de mon cou.
Je les pousse en jurant.
— Bande de pestes !
Elles rigolent et en profitent pour échanger un nouveau baiser.
Je lève les yeux au ciel et m'éloigne avant d'être traumatisée à vie. La tête ailleurs, je m'assois derrière mon piano et joue une mélodie très simple à une seule main, tandis que de l'autre je sors de mon sac le Cryptex de Jayden.
Qu'est-ce que ça peut bien être ? I'm hurt ? I'm lost ?
Non, c'est le dernier mot qui doit être raccourci...
— Qu'est-ce que c'est ? demande soudain Lou en se rapprochant.
Je relève la tête.
— Oh, ça ? C'est le cadeau de Jayden.
Les filles échangent un regard consterné.
— Il t'a offert un cadeau ? Depuis quand vous flirtez à nouveau ?
Ma main dérape sur le clavier, produisant une note qui me vrille les tympans.
— On ne flirte pas !
— Parce que toi, tu vois souvent des gens offrir des cadeaux à leur ex ?!
Je pince les lèvres. Un point pour Lexie.
— Le goujat est fiancé en plus ! renchérit Lou.
Un point pour Lou.
Je soupire.
— On est amis... c'est tout.
Lou attrape un coussin et me le balance à la tête.
— Fais pas semblant d'en être convaincue, surtout !
Je lui renvoie l'oreiller en lui tirant la langue.
Lexie, qui est assise sur un fauteuil, me dévisage en plissant les yeux avant de lâcher brusquement :
— Peut-être que tu n'es juste pas faite pour les garçons...
J'écarquille les yeux.
— Pardon !?
Un sourire étire son visage parfait.
— Ne fais pas semblant de ne pas avoir compris.
— Mais c'est stupide !
Lou se tourne vers moi, pensive.
— Pas tant que ça...
Je lui lance un regard horrifié. Elle va pas s'y mettre aussi.
— C'est vrai quoi, si ça marche pas avec les mecs, c'est peut-être qu'en vrai t'es faite pour être avec une fille ? Moi, je pensais vraiment aimer les garçons avant de me rapprocher de Lou.
Je la fixe, ahurie. Elle est pas sérieuse ?!
— Attends, tu es vraiment en train de suggérer que je suis peut-être lesbienne ?
Elle hoche la tête et mes yeux s'arrondissent un peu plus.
— Ne fais pas cette tête !
Je sursaute. Lexie me fusille du regard, la mâchoire serrée.
— Quoi ? interrogé-je.
Elle se lève et se dirige vers moi, un doigt pointé dans ma direction.
— Ne prends pas ce petit air dégoûté !
J'écarquille encore plus les yeux, ce que je pensais impossible. Qu'est-ce qu'elle raconte ?
— Quoi ? Mais c'est votre idée qui est stupide ! m'énervé-je. Je le saurais si j'aimais les filles !
Elles se fichent devant moi, les poings serrés.
— D'accord notre idée est pourrie, car on ne choisit pas, mais fais au moins semblant de ne pas nous juger !
Je cligne des yeux et ouvre la bouche, prête à répliquer que jamais cela ne m'a dérangée quand Lexie me coupe brusquement la parole :
— Oui, on choisit pas ! J'ai pas choisi d'aimer une meuf ! J'ai pas choisi de devenir une paria de la société ! J'ai pas choisi de me faire insulter parce que je suis différente ! J'ai pas choisi de subir tous ces regard dégoûtés et ces commentaire déplacés ! J'ai pas choisi de me faire renier par mes propres parents au point qu'ils ne veulent même plus me parler !
Sa figure se tord de douleur et soudain, elle fond en larmes.
Mon visage se détend et je soupire. Je suis vraiment une mauvaise amie. Jamais je n'ai pensé à lui demander comment elle allait. Jamais je ne me suis posée de questions sur le fait qu'on ne parlait toujours que de moi. Jamais je n'ai remarqué qu'elle souffrait derrière son masque.
— Mais toi... t'es normale ! Tu peux aimer n'importe quel garçon mais tu t'obstine avec ce crétin et... et ça me rend folle ! Folle de jalousie !
Ma gorge se noue et je lutte pour repousser les larmes.
Je croise le regard éteint de Lou et je me demande si elle aussi souffre en silence. Si, chez elle aussi, j'ai loupé tous les signes de détresse. Si j'ai été une horrible amie avec elle aussi.
Je repose mes yeux sur Lexie qui pleure à chaudes larmes, les mains crispées sur sa tête.
— Si j'avais ce-ce choix... je pourrais changer ça ! Je pourrais peut-être éviter d'avoir cette tare ! D'être une fichue anomalie !
J'écarquille les yeux puis serre les poings. En une seconde, ma culpabilité d'égocentrique se transforme en une colère sourde.
Je l'attrape par le bras et la force à me regarder.
— Ça ne va pas bien de penser ça ?! Tu n'es pas une anomalie ! Et être homosexuelle n'est pas une tare ! Et... t'es une personne comme une autre. T'aimes juste quelqu'un du même sexe que toi et... mon dieu c'est magnifique ! Il n'y a rien de plus beau que l'amour ! Alors je ne veux plus jamais t'entendre dire ça ! Jamais ! Tu enlèves ces putains de conneries de ta tête !
Elle rive ses yeux bleus inondés de larmes dans les miens. Des yeux qui reflètent tant de souffrance.
Puis soudain, comme si la douleur l'avait éreintée, elle me tombe dans les bras et je la serre de toutes mes forces contre mon cœur. Je la serre au point de la faire suffoquer. Je la serre jusqu'à être sûre que tout mon amour atteigne son âme brisée.
Je souris en sentant les bras de Lou nous entourer tendrement.
— C'est ce qu'il a dit, chevrote-t-elle. Il a dit que...
Je m'écarte pour la regarder dans les yeux.
— Qui t'a dit une pareille bêtise ?
Son menton tremble et elle enfouit sa tête dans mon pull en cachemire. Elle se mouche même.
— Mon père. Il m'a dit que j'étais la honte de la famille puis... puis il m'a dit de ne plus jamais remettre les pieds à la maison.
À mes oreilles résonne mon cœur qui se craquèle lentement.
Comment peut-on dire une chose pareille à son enfant ? Comment peut-on l'aimer et le chérir pendant des années puis décider du jour au lendemain qu'on ne veut plus avoir affaire à lui. Que diable avons-nous fait pour avoir de tels parents !?
— Tu n'es pas une honte, Lexie. Tu es une fille géniale. Tu es douée, intelligente, généreuse et une amie formidable. Alors t'aimes les filles, et qu'est-ce que ça peut faire ? Tu es une personne comme une autre. Tu n'as ni maladies, ni problèmes mentaux. Tu as juste des goût différents.
— De très bons même ! ajoute Lou en rigolant.
Je rigole.
— Oui, de très bons goûts. Et tu as une grande intelligence puisque, toi, tu t'es rendu compte à temps que les gars n'apportent que des problèmes !
Je l'entends rigoler faiblement.
Je l'attrape par les épaules et l'écarte de moi.
— Tu t'en fiches des autres. Tout ce qui compte, c'est que tu sois heureuse avec la personne que t'aime.
Elle sèche ses larmes et l'ombre d'un sourire survole son visage. Elle fixe alors sa petite amie avec affection.
— Lou... tu me rends heureuse. Je t'aime et je suis désolée d'avoir dit tout ça. Le visage de cette dernière s'éclaire.
— Je t'aime encore plus !
Alors qu'elles s'apprêtent à s'embrasser, je les interromps.
— Oh stop ! Censuré aux meilleures amies qui veulent rester innocentes !
Mais Lexie qui n'en fait toujours qu'à sa tête plaque ses lèvres contre celles de Lou et me pousse au loin.
Alors qu'elle reprend son souffle, je l'entends marmonner malicieusement :
— Sale prude d'hétéro.
Je souris. Ça c'est la Lexie que j'aime.
— Oh mais attends, si tes parents veulent vraiment plus entendre parler de toi... ils te laissent quand même habiter dans leur appartement ?
Elles se séparent mais Lexie continue de fuir mon regard.
— Bah... pas tout à fait. Puisqu'ils ne peuvent pas vraiment me déshériter vu que la loi française l'interdit, ils se sont contentés de me couper les vivres. Mais j'ai quand même une petite fortune sur mon compte avec toutes ces années à avoir deux milles euros d'argent de poche par mois et des anniversaires bien au-dessus du raisonnable. Donc, en fait, on loue juste un appartement un peu plus petit que le duplex de mes parents.
Je hoche la tête lentement la tête quand une nouvelle interrogation me traverse l'esprit.
— Et tes études ?!
Elle se fige, les yeux grand ouverts, et se tord les poignets.
— Bon... alors tu vas rire... mais j'ai décidé d'arrêter. Ils ne me les payent plus et de toute façon je n'aimais pas. En fait on n'en était pas sûres mais...
Elle croise le regard de Lexie.
— Il se pourrait qu'on reste ici.
Un cri m'échappe sans que je m'en rende compte. Et même si rien n'est sûr, je saute dans tous les sens. Je ne prends même pas la peine de faire semblant de m'inquiéter pour les études de Lou. Je suis trop contente.
C'est le plus beau cadeau d'anniversaire de toute ma vie !
— Et avec toutes ces stars qui m'ont donné leurs coordonnées pour que je leur fasse une robe, je me dis que c'est une chance à saisir.
Je lui saute dans les bras.
— OUI !! OUI !! OUI MILLE FOIS !!
Elle rigole et me repousse.
— Oh ! C'est fini les câlins miss bisounours !
De bonne humeur, je me précipite dans mon dressing et en ressors deux robes dans les mains.
Les filles me fixent, étonnées.
— Alors, laquelle ? Je demande en secouant les cintres.
Lou fronce les sourcils.
— Pour quoi faire ?
— Mais pour fêter mon anniversaire !
Les filles échangent un regard perdu.
— On n'a que vingt ans. Les boîtes de nuit nous sont interdites !
J'esquisse un sourire malicieux
— Pas quand on a des contacts !
Elles écarquillent les yeux.
On va bien s'amuser.
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— Carte d'identité.
Les filles devant nous les montrent et on les laisse entrer. C'est alors notre tour.
— Carte d'identité, lâche automatiquement le videur sans même nous regarder.
Je souris.
— Voyons, on voit bien que j'ai plus de vingt-et-un ans.
Il relève la tête et je croise le regard de Lei.
Eh oui, il faut bien qu'il paie ses études.
— Quoi ? Mais comment cet intello pas plus gros qu'un cure-dents a pu se faire embaucher comme videur ?! s'exclame Lexie en anglais.
Lei la fusille du regard.
— Si t'es pas contente, le cure-dents peut te renvoyer chez toi.
Elle fait la moue mais ne réplique rien.
Il m'attrape la main et me fait tourner sur moi même.
— Aussi belle qu'un rayon de soleil.
Il m'adresse un sourire si grand qu'on ne voit même plus ses yeux.
— Joyeux Anniversaire, Belle.
Il me dépose un rapide baiser sur la joue, ce qui me fait rire.
Avec une courbette il nous libère l'accès.
— Bonne soirée mesdemoiselles, ainsi que la sale teigne !
Ignorant les protestations des autres derrière nous, on entre dans la boîte de nuit.
Je papillonne des paupières, littéralement éblouie par l'intérieur.
Même si la pièce est plongée dans le noir, des spots et des néons diffusent des lumières colorées de tous les côtés. Même certains meubles sont fluorescents.
Des spots projetés sur lui, un DJ diffuse une musique techno à laquelle je ne pourrais plus résister très longtemps. Mais on dirait bien que ce qu'il y a d'irrésistible ici aux yeux de Lou, c'est le bar dans un coin, car sans attendre, elle nous tire vers celui-ci.
On s'assoit sur les tabourets et elle nous commande trois cocktails. Curieusement, elle semble soudain bilingue pour ça...
Le barman glisse vers moi le cocktail aux allures de simple Coca-Cola et Lexie me dévisage avec insistance. Je sais très bien que je ne tiens pas l'alcool mais si elle s'avise de m'empêcher de boire, je la ramène à Lei par la peau du cul pour qu'il l'expulse.
Du bout des lèvres, je goûte la boisson et manque de tout recracher tellement c'est fort. Je pensais vraiment boire du Coca-Cola.
Après un instant d'hésitation, j'en reprends du bout des lèvres. Et à ma plus grande surprise, c'est délicieux.
Je pivote vers mes amies et m'exclame :
— Ce cocktail est succulent !
Lou esquisse un sourire puis lâche :
— Ce n'est pas un simple cocktail. C'est le Long Island iced tea, le mélange de cinq alcools et de coca pour un max de saveur !
On doit faire une tête bizarre car elle se sent obligée d'ajouter :
— Il a été inventé à l'époque où l'alcool avait été interdit par le gouvernement américain. Les patrons des bars mélangeaient alors l'alcool de contrebande avec du cola, ceci afin de donner au mélange l'apparence d'un simple thé glacé. Wikipédia.
J'éclate de rire. Cette fille ne cessera jamais de me surprendre. Il n'y a qu'elle pour apprendre par cœur quelque chose d'aussi futile.
Je finis mon verre d'une traite puis en redemande un autre. Et peut-être encore un autre. En fait, j'arrête de tenir le compte au bout d'un moment. Si bien qu'au final je ne ressens plus le goût du liquide, seulement ses effets qui se font de plus en plus importants. À croire que j'ai quelque chose à oublier...
Alors que je m'apprête à en demander un autre, Lexie m'attrape le bras et m'entraîne vers la piste de danse. On est tous si serrés... Comme des sardines. Et les visages sont si flous ! Depuis quand Lexie a-t-elle de nouveau les cheveux roses ? Oula, c'est caliente entre elle et Lou.
Je sursaute brusquement en sentant quelqu'un se frotter contre mon corps. Je fais volte-face, surprise de voir Jayden.
Je passe mes bras autour de son cou et on danse, collé-serré, la musique battant la cadence.
C'est fou comme il est différent. Ses pupilles sont si dilatées que ses iris semblent marron et c'est la première fois que je remarque les mèches bleues dans ses cheveux. Oui, il a changé depuis notre terminale et c'est peut-être une bonne chose. Peut-être que je devrais lui laisser une autre chance...
— Ça te va bien le bleu ! crié-je pour tenter de recouvrir la musique.
Il sourit et se penche pour m'embrasser.
C'est au contact de ses lèvres que le charme se brise. Elles sont trop fines, trop âpres, sa langue trop râpeuse. Et je ne préfère même pas parler de son haleine.
Ce n'est pas lui. Jayden, lui, a les lèvres les plus onctueuses qui soient. Les plus tendres, sucrées et ardentes qui puissent exister.
Je me sépare de lui et ma vue s'ajuste, faisant disparaître l'illusion que je m'étais moi-même créée.
L'inconnu doit avoir au moins vingt-cinq ans. Il est baraqué avec des tatouages s'entrelaçant partout sur son corps, jusqu'au-dessus de son sourcil. De loin, il est vrai qu'on peut le confondre avec Jayden. Mais à une distance d'au moins cent mètres. Moins que ça, je verrais forcement les imperfections dont est dépourvu mon ex.
Cet évènement me laisse un drôle de sentiment. De la déception je crois.
C'est un peu comme quand on fait un rêve fabuleux et que soudain le réveil sonne. Alors on se rend compte que tout était faux. Et c'est affreux parce qu'on voudrait vraiment que ce soit réel.
Je soupire puis me dirige à nouveau vers le bar.
Je me laisse tomber sur un tabouret fluorescent puis hèle le barman.
— Un autre verre !
Il pivote vers moi et malgré les grammes d'alcool qui coulent dans mon sang, je lis la pitié dans ses yeux gris. C'est le signe que je ne suis pas encore assez bourrée. Je réitère mon ordre.
Il obtempère et m'apporte un verre de vodka.
Avant d'y toucher, j'avale un comprimé que je sors de ma poche.
Puis je bois le verre cul sec. Je vais aller mieux, maintenant. Je vais noyer toutes mes pensées et tous mes souvenirs.
Puis, dès que j'ai fini, je lui en redemande un autre. Il me sert. Encore et encore.
Mais au cinquième, il refuse.
Ça m'agace. Alors comme ça on a pas le droit de noyer son chagrin tranquillement dans ce pays ? Faut déjà avoir vingt-et-un ans mais en plus on nous pose des limites ?!
Je sens les larmes pointer.
— Hey, Monsieur le relou ! Si vous voulez pas me donner de l'alcool, donnez-moi du Fanta ! Parce que vous savez... quand je bois de l'alcool, je suis alcoolique, mais quand je boirai du Fanta je serai... FANTASTIQUE !!
Il me fixe, blasé. Il faut croire que des clients bourrés qui font des blagues douteuses, il en a vu passé bien trop pour une seule vie.
— Vous devriez aller vous passer de l'eau sur le visage, les toilettes sont au fond.
Je fais la moue mais l'écoute. Je me dirige vers les toilettes en titubant. Arrivée là-bas, l'odeur qui m'assaille est si affreuse que je suis prise de haut-le-cœur. Je sais que les toilettes publiques sont souvent dégoûtantes, mais là, c'est encore un niveau au-dessus.
L'envie de vomir devient trop forte et je me précipite vers les toilettes où je vide tout le contenu de mon estomac. Ça n'en finit pas. C'est affreux.
Puis, après, c'est le trou noir !
Quand on me demandera plus tard, je marmonnerai honteuse que c'était un simple coup de fatigue. Ceux qui me trouveront, penseront plutôt au coma éthylique.
Et je trancherai en disant : « l'alcool est à consommer avec modération ».
O O O
— Ça fait longtemps qu'elle est là ?
— Je ne sais pas, je pense que je lui ai conseillé d'aller se rincer le visage aux toilettes il y a environ une heure. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'elle en a descendu pas mal de verres ! À mon avis, elle avait des problèmes à noyer.
— D'accord, mais pourquoi m'avez-vous appelé, moi ?
— C'est vous qui êtes enregistré comme numéro d'urgence sur son portable.
Le silence s'installe et je sens deux bras se glisser sous moi.
— Oh, Belle... que t-est-il passé par la tête ? Quelque chose s'agite ne moi. Je reconnais cette voix. C'est celle de Jayden.
La prise se raffermit autour de moi et il se met en mouvement, m'éloignant de ce lieu à l'odeur putride.
— Je la ramène chez elle. Merci de m'avoir prévenu.
— Pas de problèmes.
La musique est de plus en plus forte autour de moi et pourtant elle me paraît si loin. Comme si j'étais sous l'eau ou six pieds sous terre.
Je remue dans les bras de Jayden puis gémis, incapable de parler pour l'instant.
— Chut, ça va aller. On est presque arrivés à la voiture.
Subitement, le froid m'assaille et je claque des dents avant de me blottir un peu plus contre son torse chaud. Dans ses bras, je me sens en sécurité.
Il se baisse et je devine qu'il se contorsionne pour ouvrir la porte du 4x4 sans me lâcher.
Enfin, il me dépose délicatement sur mon siège, m'attache puis un claquement de porte m'indique qu'il part. Entre mes paupières entrouvertes je le vois s'installer derrière le volant. Il pivote vers moi et me fixe en silence.
Il tend la main et ses longs doigts effleurent mon visage, repoussant une mèche derrière mon oreille.
— Qu'est-ce qui t'est passé par la tête, hein ?
Je soupire et lui tourne le dos.
— Bah, y avait ce mec, il avait ta tête, mais pas tes lèvres, et son haleine... beurk, elle sentait l'ail. J'avais l'impression qu'il allait m'aspirer les lèvres. Et c'était vachement triste parce que toi, t'embrasse tellement mieux.
Dans le reflet de la vitre, je le vois froncer les sourcils, confus.
— Hein ? Mon visage ? Pas mes lèvres ? Attends, quoi ?! Ça veut dire que t'as embrassé un inconnu ?! Non mais ça va pas bien la tête !!
Il m'agrippe l'épaule et me force à me tourner vers lui. Ses pupilles sont si dilatées par la colère qu'on ne voit presque plus le vert de ses yeux.
— Ne recommence jamais ça ! Tu m'entends ?! Jamais !!
Un sourire de travers se forme sur mon visage. Il est furieux et étrangement, ça me met de bonne humeur.
— Pourquoi ? T'es jaloux ?
Il me lâche l'épaule, comme s'il s'était brûlé.
Puis il démarre sur les chapeaux de roues. Ses poings sont si crispés sur le volant que les veines de ses bras ressortent.
Le silence commence à devenir pesant et je referme les yeux pour éliminer tranquillement le reste d'alcool dans mon sang.
— Et si c'était le cas ? Qu'est-ce que ça pourrait bien te faire, hein ?!
Il sort ça si brusquement que j'ouvre les yeux en sursaut. Encore dans les vapes, je pose mon regard vitreux sur lui.
Dès qu'il le peut, il me jette des coups d'œil peu discrets. Il semble plus calme.
Soudain, je me rappelle qu'il a parlé.
— Quoi ?
Il serre les dents et rive son regard sur la route.
Il soupire et répète :
— Et si c'était vrai ?! Et si j'étais vraiment jaloux ?! Qu'est-ce que ça ferait, hein ?!
Je ferme les yeux pour ne plus le voir, un sourire béat étirant mes lèvres.
Je pince les lèvres pour me retenir, mais c'est plus fort que moi, je me moque en rigolant niaisement :
— Bah, ça serait mignon.
Mes cheveux se dressent sur ma nuque et j'imagine avec netteté son regard incrédule posé sur moi.
— Mignon ?
Je soulève une paupière et le fixe. Il paraît étonné. Et aussi embarrassé, à voir la couleur écarlate de ses joues.
Il se racle la gorge pour reprendre bonne contenance puis se concentre à nouveau sur la route.
— J'avais oublié que t'es complètement saoule. En temps normal jamais tu ne dirais le mot : « mignon ». Jamais.
Je lui tire la langue sans rouvrir les yeux.
— Bien sûr que si ! Mignon ! Mignon ! Mignon ! Les chiens sont mignons ! Les enfants sont mignons ! Ton sourire est mignon !
Puis je me rends compte de ce que l'alcool m'a fait dire et je rouvre les yeux, gênée. À mon tour d'avoir les joues en feu.
Il me fixe du coin de l'œil, amusé, son mignon sourire éclairant son visage.
J'enfuis mon visage dans mes mains mais il ne relève pas et je finis par me détendre, rapidement gagnée par la fatigue.
J'ai l'impression que seulement quelques secondes se sont écoulées quand la voiture s'immobilise. Pourtant, je ne bouge pas, trop impatiente de retrouver Morphée.
Soudain, la porte s'ouvre et je frissonne. Pourquoi est-ce que je n'ai pas pensé à prendre une veste ?
— Allez, Belle, on est arrivés. Tu vas essayer de marcher maintenant.
J'entrouvre les yeux et me redresse avant de sortir les pieds de la voiture, soutenue par Jayden.
On se dirige vers l'immeuble devant nous et je me fige en remarquant que ce n'est pas chez moi.
— Pourquoi tu m'emmènes chez toi ?
Il tourne son visage vers moi et je sens son souffle chaud balayer ma joue. Il est si proche que nos cils pourraient s'effleurer d'un instant à l'autre. Complètement enivrée par ses yeux vert émeraude, j'oublie tout ce qui m'entoure.
— Parce que tu veux que ton père te voit dans cet état, peut-être ?
Je suis obligé de reconnaître qu'il marque un point.
— Et Lou et Lexie ?
Il m'entraîne de nouveau vers l'immeuble.
— Je les ai vues, elles vont très bien. À l'heure qu'il est, elles s'amusent sûrement encore sur la piste de danse. Et demain matin, ça finira à l'hôtel.
Tandis que les images inondent involontairement mon esprit, je tire la langue, dégoûtée. Je ne veux pas savoir.
Il m'aide à monter dans l'ascenseur, à parcourir le couloir, rentrer dans l'appartement puis on atterrit dans la salle de bain. J'ai à peine vu le trajet passé, comme si on s'était téléportés.
— Joli, je crois que c'est la seule pièce où tu laisses rien traîner.
Il me lance un regard noir, ce qui m'arrache un sourire.
Doucement, il m'aide à m'asseoir par terre à côté des toilettes. Je le regarde ouvrir le placard au-dessus du lavabo pour en sortir une boîte d'aspirine et un paquet de mouchoirs. Il en profite aussi pour prendre une bouteille d'eau et me la remplir.
Il me tend l'eau et pose le reste à côté de moi.
— Heu... je me suis dit que les mouchoirs te seraient peut-être utiles pour... essuyer si...
J'esquisse un sourire en biais. Pas besoin d'en dire plus.
Il se passe la main dans les cheveux puis fait quelques pas en arrière, gêné.
— Bon... j'imagine que tu préfères être seule, alors je vais... y aller.
Il tourne les talons et s'apprête à sortir quand je le rappelle.
Il fait volte-face. Je croise son regard brillant et hésite un instant avant de me lancer :
— Reste, s'il te plaît.
Un sourire timide étire son visage et il vient s'asseoir à côté de moi, tout en laissant une bonne distance entre nous.
La fatigue m'assommant subitement, je me laisse lentement glisser sur le côté et ma tête se pose sur ses genoux. D'abord surpris, il n'ose me toucher, puis doucement ses mains viennent caresser tendrement mes cheveux.
Je ferme les yeux et me laisse porter vers les bras de Morphée. Il se rapproche petit à petit. Un peu plus à chaque seconde.
Mon cerveau devient aussi mou que de la pâte à modeler.
Ma bouche aussi pâteuse que du Nutella.
Mon cœur aussi léger qu'un nuage.
— Belle ? m'interpelle-t-il dans un murmure.
Je grommelle un son intelligible.
— Pourquoi tu n'as jamais changé ton numéro d'urgence ?
Je me retourne et me blottis contre lui dans la position fœtale. Il recommence à me caresser les cheveux ce qui me donne encore plus sommeil. Il doit le sentir car il n'insiste pas pour avoir une réponse.
Je le vois. Morphée. Il tend les bras. Il m'invite. J'ai envie de le suivre. Je ne demande que ça. Pourtant je sens quelque chose me retenir. Un dernier détail sans importance.
Alors dans un murmure ensommeillé, je lui réponds :
— Je pouvais pas m'y résoudre. J'aurais dû... mais je voulais continuer d'y croire.
Sa main se fige sur ma tête.
— Croire quoi ?
Je sens mon esprit partir et je me dépêche de souffler avant de m'endormir :
— Que si je t'appelais, tu viendrais.
********************
Coucou !!!
Comment allez vous ? Êtes vous en vacances ?Qu'avez-vous prévu de beau pour cet été ?
Vous avez aimé ?
Allez-vous me tuer de vous avoir laissé sur cette fin ?
Un mot de consolation à dire à notre petite Lexie chérie ?
La dernière fois, je vous ai demandé ce que vous pensiez que c'était le code. Mais à votre avis, quel est le cadeau à l'intérieur ?
Insta : 1610nao
BISOUS !!!
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