Chapitre 1


— Attention !

Je sursaute et me décale de justesse sur le trottoir avant que l'homme d'affaires pressé ne me bouscule. Et même s'il peste contre moi et ne me remercie même pas de lui avoir libérer la voie, je lui souris.

Deux, c'est le nombre d'années que j'ai passé à New York jusqu'ici. Et pourtant, rien ne vient entacher mon enthousiasme, pas les piétons malpolis, ni ma difficulté à arrêter un taxi, et encore moins l'absence de mes plats français préférés. Non, j'aime cette ville de tout mon être, c'est comme un rêve éveillé. Et rien ne pourra changer ça. Pas même le temps.

Enfin, j'arrive devant mon immeuble et salue le portier qui m'ouvre la porte. Si New York est mon royaume de conte de fées, ce luxueux immeuble est mon palais enchanté. Je n'en reviens toujours pas de vivre ici, même après tout ce temps. Chaque matin quand je me lève, l'endroit me donne le sourire et dès que je rentre le soir, je le retrouve. J'ai toujours dit que l'argent ne faisait pas le bonheur, mais maintenant, je commence à douter de ma devise.

Une fois l'épreuve de l'ascenseur passée, je traverse le couloir et entre chez moi. À peine entrée, des cris perçants retentissent, ainsi que des pas dans l'escalier.

Je crois que, malgré le duplex luxueux, la chose dont j'ai le plus de mal à m'habituer est d'être accueillie quand je rentre.

Aussi rapide que l'éclair, une flèche fuse vers moi et je l'évite de justesse. Shawn.

La seconde, en revanche, me percute en plein front, la ventouse collant contre ma peau. Mackenzie.

Ça aussi, je ne m'y ferai jamais, avoir des frères et sœurs. C'est vraiment déstabilisant quand on a été fille unique toute sa vie. Surtout quand tu en obtiens deux pour le prix d'un, et ça, du jour au lendemain.

Lentement, j'hausse un sourcil et dévisage les jumeaux. Ils me font face avec un air de défi, leurs arcs en mains, leurs cheveux roux en bataille. Ainsi postés, ils me font penser à la princesse Rebelle et l'un de ses petits frères.

Lentement, Je pose ma veste sur le portemanteau et fais mine de chercher quelque chose dans la poche alors qu'en réalité, je me saisis d'un arc et d'un carquois que j'ai cachés ici hier.

Puis avec un sourire malicieux, je le brandis et encoche une flèche avant de les viser, tout cela avec tant de rapidité qu'ils n'ont pas le temps de contre-attaquer. Quand on vit sous le même toit que deux garnements de 12 ans adeptes des bêtises, on apprend vite à se défendre.

À la dernière seconde, ils se jettent sur le côté et mon père qui jaillit du salon au même moment se la prend dans la joue.

Je me tends instinctivement. Mais comme à chaque fois, il réagit à l'opposé de ce que j'attends, il éclate de rire et pique son arc à Shawn pour se venger de moi.

Je suppose que je suis encore bien trop habituée au comportement de ma mère, même après deux ans.

En le voyant se précipiter vers moi et poussant un cri de guerre, je jette mon arme à terre et m'enfuis en courant vers la cuisine, les mains sur la tête pour me protéger, mon rire résonnant à travers tout le duplex.

— À l'attaque ! hurlent les jumeaux et mon père en se jetant à ma poursuite, des flèches en plastique sifflant près de mes oreilles à chaque nouveau tir.

J'éclate de rire et me précipite sur Delilah qui remue de la sauce sur le feu. J'espère que c'est papa qui l'a faite avant, vu son piètre talent de cuisinière.

Je l'agrippe par les épaules et la fais pivoter vers l'assaillant pour pouvoir me cacher derrière.

Morte de rire, j'enfouis mon visage dans la chevelure corbeau de ma belle-mère et la prie de me protéger contre cette bande de sauvages.

D'abord surprise, elle se reprend vite et se place en position de combat, sa cuillère en bois brandie devant elle tel Excalibur.

— Par la barde de Merlin ! Il faudra me passer sur le corps pour vous en prendre à cette gente demoiselle !! proclame-t'elle en agitant son « épée ».

Un sourire espiègle étire les traits de mon père et il agite les sourcils d'un air charmeur à son attention.

— Pas de problèmes !

Et sur ce, il se jette sur elle.

Prise de court, elle n'a pas le temps de le repousser quand il l'agrippe par la taille pour la serrer tout contre lui, l'étouffant presque.

Il agrémente son attaque de plein de petits baisers sur tout le visage, ce qui est accueilli par mon demi-frère et ma demi-sœur avec des râlements de dégoût.

Je souris et me retourne pour remuer la sauce à la place de ma belle-mère.

C'est vrai qu'il y a deux ans, voir à quel point mon père aimait Delilah, une autre femme que moi, que ma mère, ça me perturbait. Je n'arrivais pas à rester dans la même pièce sans avoir envie de pleurer, pareil lors de ses effusions d'amour avec les jumeaux.

Après tout, il avait refait sa vie. Et c'était comme s'il m'avait abandonnée pour eux.

Tout du moins, c'est ce que je ressentais. En vrai, l'histoire est tout autre.

Je l'ai découvert, ce soir de juillet en fouillant les papiers de ma mère.

Sur le moment, je n'avais pas tout compris, j'étais perdue.

Les documents que j'avais trouvés traitaient d'une accusation d'agression à l'encontre de mon père, George.

Une agression que ma mère aurait porté contre mon père alors que j'avais sept ans. Mais la soi-disant agression s'étant commise il y a des années, les poursuites pénales à la charge de mon père ont été abandonnées.

La détermination de mère étant tenace, elle a réclamé une alternative pour le punir, une injonction d'éloignement du juge des affaires familiales.

Après ça, mon père n'a plus eu le droit de nous approcher, ni elle, ni moi.

Et j'ai beau avoir récupéré tous mes souvenirs, je ne me rappelle rien de tout ça. Cela remonte peut-être à douze ans, mais quelque chose d'aussi grave, je m'en souviendrais.

Bien sûr, l'explication est simple. C'est toujours la même. Ma mère m'a retourné le cerveau pour me faire croire ce qu'elle voulait. Et dans ce cas précis, mon père ne venait plus car il était mort. Mais elle ne s'est pas arrêtée là, elle l'a fait croire à tout le monde.

Pour tous, George Collins était décédé.

Ce qui est complètement fou quand on y repense. Comment a-t'elle pu réussir à faire une chose pareille ? À moins qu'elle n'ait menti qu'aux personnes susceptibles de me parler.

Malgré tout, ce n'est pas ce qui a empêché mon père de tenter de me contacter par tous les moyens possibles, allant de la vieille lettre au coup de téléphone, en passant par le mail. Mais elle faisait tout disparaître, je ne recevais rien. Si ce n'est ce bijou que j'ai trouvé avant elle dans la boîte aux lettres.

Heureusement il est aussi têtu que moi. Pendant dix ans, jamais il n'a cessé de m'écrire, même depuis un autre continent.

Et c'est comme ça que je suis tombée sur ses lettres. Des lettres toujours accompagnées de son numéro de téléphone.

Alors ce soir-là, je l'ai appelé. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Sûrement le désespoir, car j'étais anéantie. Et sûrement qu'au fond de moi, je ne le croyais pas capable de faire une chose aussi atroce.

Et puis c'était le seul parent qu'il me restait, le seul que je n'ai jamais eu.

C'était mon Daddy chéri que je pensais avoir perdu à tout jamais. La question ne se posait pas. Il fallait que je lui parle. Ne serait-ce que pour entendre sa voix ou avoir des explications.

Je me souviens de mon cœur en entendant sa voix après tant de temps, tant de larmes versées à croire sa disparition, il s'est serré si fort que j'ai cru qu'il allait partir en miettes.

Et j'ai fondu en larmes.

Puis on a parlé. Encore et encore.

Et j'ai appris la vérité.

J'ai pu découvrir un nouveau degré de folie de ma mère.

Donc il a repris l'histoire depuis le début. Il m'a raconté comment il avait aimé ma mère, à quel point elle était merveilleuse au début. Jusqu'à ce qu'ils se marient et qu'elle se révèle sous son vrai jour. Celle qu'elle est vraiment. Une femme hautaine et manipulatrice.

Il a alors compris que Rose n'en voulait en réalité qu'à son argent, à lui qui était le futur héritier d'une importante fortune. Elle l'avait berné et il en souffrait, car il l'aimait malgré tout. Puis après ma naissance, tout s'est dégradé. Il a découvert qu'elle le trompait régulièrement avec plusieurs amants. Et les derniers sentiments qu'il avait pour elle se sont envolés.

Mais pour moi, pour que je grandisse avec deux parents, il est resté. C'est sûrement la plus belle preuve d'amour qui soit, que de rester dans ce mariage toxique.

C'est lorsque j'ai eu sept ans qu'il a décroché le contrat de ses rêves. La chance de devenir un grand architecte. Il allait construire un pont à New York.

Comment refuser une telle occasion ?! Alors, il est parti, quittant avec joie ma mère qui, à l'époque déjà, ne manquait pas de rabaisser tout le monde, à commencer par lui.

En revanche, il n'avait pas prévu que pendant ces mois d'absence, il tomberait amoureux de Delilah, la journaliste qui écrivait un article sur l'évènement. Mais après tout, comment lui en vouloir de ne pas avoir pu résister à mon adorable belle-mère, hein ?

En revanche, ce qui n'était pas prévu, c'était qu'elle tombe enceinte. Et encore d'en avoir deux pour le prix d'un.

Et évidement, cela a rendu doublement plus folle de rage ma mère quand il lui a annoncé. Si folle de rage qu'elle l'a rayé de notre vie par le plus affreux des stratagèmes.

Suite à cela, le choix était simple, il est parti vivre à New York avec Delilah et les jumeaux. Après tout, il n'avait plus de raison de rester puisqu'il ne pouvait plus m'approcher. Tout ce que je lui reproche, c'est de ne pas s'être plus battu pour moi.

— ZAZA !!

Je sursaute et fais volte-face vers Shawn. Mon petit frère me regarde, un sourcil roux haussé avec curiosité. À présent, il me fait penser à Ron dans le premier volet de Harry Potter. Bien qu'il soit plus mignon avec ses yeux verts et ses tâches de rousseur.

— Oui ? demandé-je.

Pour seule réponse, il me désigne la casserole sur le feu, un petit sourire moqueur aux lèvres.

Je soupire en voyant que ça déborde. Même le basique du basique en cuisine, ça vire à la catastrophe avec moi.

Mackenzie me bouscule avec malice puis prend la relève avant que son dîner n'ait un goût de brûlé.

Je baille à m'en décrocher la mâchoire et Mackenzie m'ordonne de déguerpir. Alors je file dans le salon sans me faire prier.

Si tout l'appartement respire le chic et la modernité, c'est de loin ma pièce préférée avec ses grandes fenêtres qui donnent une vue imprenable sur Manhattan et, à cette heure-ci, sur la ville entière qui brille comme un ciel étoilé.

Je m'affale dans le sofa et allume l'écran géant près de la fausse cheminée. Je peux ajouter : avoir un appartement si beau à la liste de toutes ces choses dont j'ai du mal à m'habituer. Mais il faut dire que c'est grâce aux si bons goûts de ma belle-mère. Depuis que je suis ici, elle a dû refaire la déco au moins 4 fois. En fait, tous les 6 mois. J'ai déjà hâte de voir la prochaine.

— Belle ! À table !

J'ouvre les yeux en grand, bien réveillée. Puis je me précipite vers la cuisine quand soudain mon téléphone vibre dans ma poche.

— J'arrive ! Attendez !

— Dépêche-toi, ma puce ! me crie Delilah. Je n'arriverai pas à retenir ton père longtemps alors qu'il y a du poulet au curry !

J'entends mon père râler depuis ici et je souris en décrochant mon cellulaire.

— J'ai besoin d'un petit service.

— Oh, Lei ! Bonsoir ! Je vais bien, merci de demander !

Je l'entends marmonner en chinois de l'autre côté du cellulaire.

— Voyons, Rainette, on est assez amis pour se passer de ce genre de mondanités !

Je lève les yeux au ciel. De la mondanité ? Non, juste de la politesse.

Mais j'imagine que c'est un concept un peu bizarre pour ce garçon un peu trop geek et insociable. Je me souviens du jour où l'on s'est rencontré, il était seul.

Si je me suis tout de suite sentie proche en raison de son expatriation de Chine, comme moi de France, moi, je lui ai tapé dans l'œil pour mes convictions d'esprit, ma détermination, et ma résolution à défendre mes valeurs.

Bon, en fait, on s'est rencontré en salle de colle. J'avais libéré toutes les grenouilles destinées à la dissection par la fenêtre. Ce qui m'a valu mon surnom, Rainette, comme les grenouilles.

— Qu'est-ce que tu me veux, le Chinetoque ?

— Juste toutes tes notes de cours de maths de l'an dernier.

— On verra ça plus tard.

Il commence à râler et je lui raccroche au nez. J'adore Lei, ici, c'est mon meilleur ami. Mais quand il commence à se plaindre, il ne faut mieux pas se retrouver dans les parages.

C'est ce qui se rapproche le plus d'un défaut chez lui qui respire presque la perfection. Un si gros défaut, tellement agaçant, qu'il est tout de suite plus normal. S'il parlait mieux la langue, il pourrait presque passer pour un français, tellement se plaindre est une seconde nature chez lui.

Je rigole en tapant sur les messages vocaux dont il me bombarde.

Je ne comprends pas tout mais je crois qu'il m'insulte en mandarin.

Puis automatiquement, mon téléphone lance un ancien message vocal.

Je me tends en l'entendant. Ma tête se met à tourner et je suis contrainte de m'asseoir sur le canapé.

Je n'avais pas entendu sa voix depuis ce soir-là. Depuis le soir où il a piétiné mon cœur devant mille personnes.

Ma main se met à trembler et je lâche le téléphone.

Mais sa voix continue de résonner. Elle continue de m'anéantir.

Je savais que j'aurais dû effacer tous ces messages, mais je n'ai jamais pu m'y résoudre, même après avoir changé de numéro, je les ai gardés.

C'était au-dessus de mes forces. Même si je n'en ai pas écouté un seul, je n'ai pas pu m'empêcher de les conserver.

Parce que malgré tout, ça me rassurait. Ça me rassurait de me dire que si j'en avais besoin, si j'en avais envie, il me restait un bout de lui avec moi. Et qu'en quelques clics je pourrais réentendre son doux accent et son timbre si rauque.

Ça me rassurait que tous les jours à mon réveil, un nouveau message vocal s'entasse dans ma messagerie. Tous les jours pendant un an, ça me rassurait de voir qu'il continuait de penser à moi. Jusqu'au jour où ça s'est arrêté.

Mon cœur se calme et je sors de ma poche ma boîte de médicaments avant d'avaler un comprimé.

Sa voix vient me caresser le tympan mais je ne l'entends plus. Elle me paraît loin.

Et moi je me sens tellement mieux.

**************

COUCOU! Comment vous allez mes baby Chups ?!

CONTENTE DE RETROUVER " ET PUIS AU PIRE...JE T'AIME"?

Vous avez aimés ce petit chapitre de révélation ? 

Que pensez vous de ces nouveaux personnages pour l'instant? De cette belle-mère et des jumeaux ?

Mais ne vous en faites pas, ça commence en douceur, pleins de rebondissements vous attendent!  D'ailleurs, un nouveau chapitre arrivera dès ce week-end! 

Bon, je sais que je vous le dis à chaque fois, mais vu que ça compte beaucoup pour moi, je vous le rappelle encore une fois: Vous pouvez lire mon histoire "Sans Coeur" sur le site du concours Hachette Roman (lien en bio) et me donnez vos avis! Votre aide est importante car si je suis sélectionnée ce sera à vous de voter pour me faire gagner! Vous seriez vraiment utiles, et si j'avais la chance de gagner ce serait aussi un peu votre victoire, et ce livre que vous pourrez tenir en papier, votre bébé à vous aussi. Ça serait tellement fou, j'ose à peine y croire.

Enfin bref. 

Question du jour

QU'AIMERAIS-TU ACCOMPLIR UN JOUR ?

Moi? Franchement, c'est évident !

----

BISOUS PAILLETÉS!!!


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top