Chapitre 1
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Préoccupé par ses échecs de la matinée, Cole Davano s'abritait à l'ombre de la devanture d'un prestigieux building. Le bâtiment situé dans le quartier des affaires de Los Angeles accueillait un cabinet d'avocats auquel il venait de soumettre une candidature spontanée. Il avait bien tenté de s'adresser directement à l'un des associés, mais la secrétaire l'avait courtoisement congédié tout en alertant d'un coup d'œil le gardien. Devant son expression intraitable, il n'avait pas osé argumenter davantage quant à sa motivation.
La crise n'épargnait aucun secteur d'activité, et Cole s'était vu récemment remercié par le précédent cabinet qui l'employait.
Juriste de formation, le jeune homme devait à tout prix retrouver du travail. Qu'importe la fonction.
Mais avant de reprendre son périple de porte-à-porte, il vérifia son apparence dans la surface vitrée du gratte-ciel. En temps normal, il n'avait aucun mal à faire bonne impression, mais après des heures de marche dans les jambes sous cette chaleur, il avait sans doute perdu un peu de sa fraîcheur. Il ajusta sa cravate et lissa machinalement les pans de la veste sombre qu'il portait sur une chemise bleu ciel. Il examina les marques de fatigue qui tendaient ses traits juvéniles. Il commençait à ressentir les effets de la température infernale de la cité des anges. Heureusement, son regard marron restait encore vif sous ses sourcils broussailleux. Il termina son inspection en recoiffant rapidement ses cheveux châtains et il reprit la route. Il n'avait pas une minute à perdre, c'était bientôt l'heure du déjeuner.
Il pressa le pas et tourna au bas d'une rue qui abritait des bâtiments de moindre importance. Cole s'arrêta au pied d'un immeuble et lut le panneau qui présentait les différents locataires – un curieux mélange de professions – du dentiste en passant par l'architecte, et... une agence de détective privé.
« Marshall Investigation ». Deuxième étage.
L'idée qui germa dans son esprit le fit sourire. Il pourrait peut-être étendre ses démarches à d'autres domaines d'activité. Et pourquoi pas ? Il devait bien y avoir des tâches administratives. Et la paperasse, ça le connaissait !
Décidé à tenter sa chance, Cole emprunta les escaliers et, une fois arrivé sur le palier, suivit les panneaux. Il longea le corridor et se posta devant une porte vert foncé où figurait le nom du détective. Il frappa et patienta, fantasmant tel un gamin sur ce métier trépidant.
Mais Cole revint très vite à ses vingt-huit ans, à la précarité de sa situation, et toqua une nouvelle fois. Il n'était pas là pour rêvasser. Et surtout pas pour perdre son temps, songea-t-il un quart d'heure plus tard en regrettant d'avoir fait le guet.
Le détective Marshall devait être en pleine filature. Quant à lui, il devait reprendre sa recherche d'emploi et dénicher le job qui lui permettrait de gagner son indépendance. Vivre avec sa mère n'était pas dérangeant en soi, mais il devait quitter le nid pour construire sa vie.
Cole sortit de sa serviette un exemplaire de son CV, décidé à le glisser sous la porte, quand un homme apparut.
Brun au physique athlétique, il s'avançait vers lui, le nez plongé dans son courrier. Le polo bleu marine qu'il portait soulignait ses larges épaules et révélait de beaux biceps. Et le treillis sable qui moulait ses cuisses puissantes renforçait l'impression d'action qu'il dégageait.
Il devait s'agir du détective !
— Bonjour, fit l'homme en l'apercevant.
Son salut était ferme, quasi militaire.
— Bonjour. Vous êtes le détective Marshall ?
— C'est bien moi. Je peux faire quelque chose pour vous ?
— Cole Davano.
L'homme qui le dépassait d'une bonne tête lui serra la main et Cole ressentit une curieuse chaleur. La beauté virile du détective avec ses yeux gris vert n'y était certainement pas étrangère.
— Je souhaiterais m'entretenir avec vous, dit-il en revenant à la raison de sa présence.
Le détective sortit ses clés, ouvrit la porte et l'invita à entrer.
L'agence n'avait rien emprunté aux décors des vieux films en noir et blanc avec des raies de lumières filtrées par des stores vénitiens. Moderne, elle s'agençait autour d'une porte fermée. Cole supposa qu'il s'agissait du bureau personnel du détective. De chaque côté, l'accueil et une petite salle d'attente se partageaient l'espace en plus d'un discret coin-cuisine.
— En quoi puis-je vous aider ?
— J'aimerais vous proposer mes services.
— Me proposer vos services ? demanda le détective en posant son courrier.
— Je suis à la recherche d'un emploi et je souhaite postuler chez vous, dit Cole en lui donnant son CV.
Le détective parcourut la feuille en silence.
— Vous êtes fiscaliste, émit-il.
— Oui, je sais que je ne suis pas au bon endroit, bredouilla Cole. Mais je frappe pour ainsi dire à toutes les portes.
— Navré, je ne suis pas à la recherche d'employés.
— Si c'est une question de salaire, je ne demande rien.
— Êtes-vous certain de savoir comment fonctionne le monde du travail ?
— Je dois éviter de longues périodes d'inactivité.
— Je vous comprends, mais je n'ai rien à vous proposer.
Cole lorgna sur le bureau encombré.
— J'ai congédié mon assistante. Je n'ai en vérité besoin de personne, dit le détective.
— Il faut bien que quelqu'un accueille les clients.
— Je m'en charge. Tenez, ça vous évitera de faire une copie, fit-il en lui rendant son CV.
— Pouvez-vous le garder ? Si jamais un de vos clients était un avocat...
Le détective le fixa un moment et il se sentit passé au crible. Cette attitude l'intimida, mais Cole tenta de ne pas se trahir en soutenant son regard – incroyable.
— Si vous le souhaitez, conclut l'homme.
Cole réprima un soupir mais déjà son rythme cardiaque se stabilisait.
Exercice stressant, l'entretien d'embauche se révélait difficile à cause de son humilité naturelle. Il n'était en rien un commercial quand il s'agissait de se vendre. Par moment, il regrettait de ne pas être un requin, de faire preuve d'un peu de dépassement de soi.
Il manquait de ténacité. Ce qui expliquait sans doute sa situation.
Il s'en voulut de ne pas avoir été capable de convaincre Steve Marshall. En même temps, il n'avait rien fait pour ça. Sans compter l'attitude du privé qui l'avait déstabilisé. Il possédait une aura qui vous poussait au silence. Ce non-entretien se hissait au top de sa liste de refus.
La posture inébranlable du détective poussa Cole à prendre le chemin de la sortie. Il appliquerait ce qu'il venait de réaliser une autre fois, en présence de quelqu'un de moins hermétique.
— Cole.
Une lueur d'espoir le gagna. Le refus n'était peut-être pas si catégorique que ça.
— Oui ?
— Bonne chance dans vos recherches, dit Steve alors que la porte de l'agence s'ouvrait.
— Détective Marshall ?
Cole se retourna sur le jeune homme qui venait d'entrer et eut un hoquet de surprise. D'une certaine manière, il le connaissait.
— Benjamin Everett ? Toutes mes condoléances, dit Cole.
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