Chapitre 17

            - Mademoiselle Delanay ! Mademoiselle Delanay ! Comment comptez-vous faire redécoller votre carrière après un pareil scandale ? Avez-vous prévu un nouvel album prochainement, ou êtes-vous en train d'envisager un nouveau projet au cinéma ou à la télé ? Qu'avez-vous prévu de faire après cette rupture tragique avec le maknae des BTS, Jeon Jungkook ?

Susan ne laissa rien transparaître de ses émotions face au journaliste, même si, dans son for intérieur, elle soupirait bruyamment et se pinçait l'arête du nez pour pallier sa migraine.

Cela faisait bien deux heures qu'exactement les mêmes questions s'enchaînaient, sans qu'ils ne fassent le moindre effort pour changer la syntaxe, ou le point de vue, de leurs voisins. Mais dans quel monde vivait-elle pour avoir à devoir subir une telle conférence de presse ?

- Excusez-moi monsieur, intervint alors Minhyung, mais notre artiste a déjà répondu à cette question auparavant, stipulant qu'elle ne souhaitait pas apporter de détails et que tout ceci entrait dans le domaine des affaires privées de l'agence, ainsi que celles de mademoiselle Delanay ici présente.

L'intéressée lâcha un petit sourire de reconnaissance, accompagné d'un discret signe de tête à son manager. Heureusement qu'il était intervenu, sinon elle se serait sentie prête à sauter par-dessus la table pour aller étrangler elle-même ce foutu journaliste !

- Et donc, quand avez-vous prévu de poster votre lettre d'excuses ?

A ces mots, un silence pesant s'installa dans la salle et Susan tiqua. Ah, cette fameuse lettre d'excuses à ces fans, mais aussi à la planète entière, comme si elle avait enfreint une quelconque loi pour avoir mis fin à sa relation. Elle n'était pas une personne fondamentale à la survie de l'espèce, ou importante au point de devoir surveiller ses moindres faits et gestes pour ne pas offenser un pauvre mec, habitant au fin fond de l'Arkansas et passant sa vie à cultiver du maïs aux OGM !

Elle ne voyait pas pourquoi elle devait s'aplatir devant des gens qu'elle ne connaissait ni d'Adam, ni d'Eve et qui n'avaient rien à voir avec sa vie privée et ses relations amoureuses. Merde, alors ! Qu'ils la laissent tranquille ! Ils n'avaient aucun pouvoir sur elle et sur son intimité, et elle ne leur devait aucune excuse pour les choix qu'elle avait faits. Jusqu'à preuve du contraire, elle n'avait tué personne ou commis aucun crime, elle n'était donc coupable de rien.

- Susan y travaille en ce moment et réfléchit beaucoup sur ses actions, ainsi que sur leur impact dans la vie des gens. Cela sera bientôt fait.

La jeune femme faillit s'étrangler avec son verre d'eau et lança un regard noir à Minhyung, qui eut la présence d'esprit de paraître penaud. Quelques secondes plus tard, son portable vibra sur ses genoux et elle lut rapidement un message de son manager :

« Ses rapaces ne vont jamais te lâcher, fais profil bas et j'essaye d'écourter la torture. »

Elle répondit en tapant furieusement sur son écran :

« Tu n'avais pas besoin de leur dire que j'allais faire une lettre d'excuses ! C'est complètement ridicule, je n'ai rien fait de mal ! »

« Ne t'inquiète pas, elle est déjà faite, tu n'auras qu'à la recopier à la main et la signer, nous avons tout pris en charge. »

Elle se retint pour ne pas envoyer valser son iPhone à travers la pièce. Elle ne voulait pas de leur lettre d'excuses à la noix ! Tout ceci n'était qu'une immonde mascarade et elle refusait d'y participer. Elle avait bien vu comment cela se déroulait pour les autres dans son cas : d'abord le scandale, les articles, les lettres d'excuses ridicules de l'agence et de l'artiste, puis c'était la résignation de contrat et on savait très bien qui se retrouvait à la rue, tâché à tout jamais parce qu'il avait enfreint un potentiel tabou de la société.

Elle ne serait pas comme ça. Elle ne ferait pas partie de ces chanteurs et chanteuses, moqués par les médias et abandonnés par leur agence et leurs fans.

Susan se contint tout le reste de l'interview, ne répondant que brièvement aux multiples questions qui lui étaient posées et se contentant d'hocher la tête sans apporter de quelconques précisions. Elle ressortit épuisée et énervée de la salle, manquant d'envoyer valser certains membres du staff qui n'y étaient absolument pour rien.

- Susan, comprends-moi. Nous devons le faire pour t'assurer un semblant de carrière.

Ce fut les paroles de trop.

- Un semblant de carrière, Minhyung ? Comment ça, un semblant de carrière ? Parce qu'avec tout ce que j'ai fait auparavant, je ne mérite même pas que l'on me défende, que l'on préserve la totalité de mon travail et que l'on m'assure une carrière par la suite, c'est ça ?

Son manager soupira et se passa une main sur le visage, lui aussi exténué.

- Tu sais très bien que cela n'est pas du tout le cas...

- Ah oui ? Alors qu'est-ce que c'est ? Ça m'intéresse grandement, vois-tu ! s'écria-t-elle en envoyant valser ses bras en l'air, j'aimerai beaucoup connaître les raisons de cette mascarade ! Pourquoi dois-je endurer ces conférences de presse à rallonge, où l'on passe son temps à m'insulter de manière plus ou moins subtile, où l'on écoute à peine mes propos et où l'on déforme la moindre de mes paroles pour créer un ragot encore plus impressionnant que le précédent ?

- Tu t'es mise dans cette histoire toute seule, Susan ! Ne rejette pas la faute sur les autres !

- Mais tu t'entends, Minhyung, rétorqua-t-elle, estomaquée et à bout de souffle, tu t'entends prononcer ces mots ? Jungkook et moi ne sommes plus ensemble. Voilà ce qu'il s'est passé. Voilà pourquoi je me tape tous ces abrutis dehors, qui se ruent sur moi dès que je passe le pas de ma porte. J'ai rompu avec mon mec ! La Terre ne s'est pas arrêtée de tourner, et pourtant, on a presque l'impression que j'ai déclenché l'apocalypse !

Elle savait qu'elle était hystérique. Elle savait que Minhyung n'y était pour rien et qu'il faisait de son mieux pour l'aider, mais il fallait que ça sorte. Et son manager, quoiqu'un des hommes les plus serviables et les plus gentils qu'elle connaisse, lui tenait un discours totalement horrible et dégradant.

- Rentre chez toi... je ne préfère pas que l'on continue. On risque de se dire des choses que l'on regrettera.

Susan faillit répliquer virulemment mais se ravisa à la dernière minute, ravalant ses paroles meurtrières. Il avait raison. C'était la meilleure chose à faire.

Elle quitta donc la pièce, saluant sèchement son manager qui lui adressa un signe de main, sa tristesse se voyant à travers son regard meurtri. Elle ne s'arrêta pas dans le couloir, préférant s'éloigner le plus possible de la source de sa contrariété. Elle finit par arriver dans un endroit désert de l'agence et ralentit le pas pour reprendre son souffle et ses esprits.

Mon dieu, qu'elle était en colère.

Son corps tremblant glissa de lui-même contre le mur jusqu'à ce que ses fesses atteignent le sol. Elle rabattit ses jambes contre sa poitrine, entoura les mollets de ses bras et enfouit son visage dans ses genoux. Elle aurait voulu rester dans cette position pour toujours, quand soudain, elle se sentit soulever le sol par des bras puissants.

Dans un cri strident, son premier réflexe fut de plonger sa tête dans la poitrine de son assaillant et de se cramponner à son cou pour ne pas tomber. Son second – qui mit du temps à arriver – fut de se débattre rageusement, pestant et vociférant dans tous les sens, sans néanmoins parvenir à identifier son agresseur.

Susan se sentit transporter à l'intérieur d'une pièce, plus que trop étroite à son goût. L'inconnu finit par la poser au sol, avant de refermer soigneusement la porte derrière lui, ne lui montrant que son large dos, pour les plonger tous deux dans la pénombre. Durant toute l'opération, la jeune femme ne put réussir à déterminer son identité, si ce n'est certains détails bien trop familiers qui lui faisaient plus que douter sur la potentielle raison de ce soudain enlèvement.

- Jungkook ?

Ce fut le seul mot qui parvint à franchir la barrière de ses lèvres, avant que celles du jeune homme ne viennent s'écraser sur les siennes. Prise par surprise, Susan recula légèrement et Jungkook en profita pour la plaquer contre le mur le plus proche. Encagée par la surface froide et le corps brûlant du chanteur, elle se colla un peu plus à lui, recherchant son contact, sa présence et sa peau.

Avides l'un de l'autre, leurs bouches ne cessaient de se rencontrer en un ballet hypnotique et frénétique. Les mains de Jungkook englobèrent le visage de Susan, avant de glisser jusqu'à sa nuque pour nicher ses doigts dans les douces mèches de la jeune femme. Elle ne resta pas les bras ballants et s'accrocha à lui en enfonçant ses ongles dans ses épaules, ressentant les moindres contractions de ses muscles.

Soudain, ses pieds se retrouvèrent au-dessus du sol et elle se sentit soulever de terre par un puissant effort de Jungkook. Son corps, rempli de réflexes et d'habitude, réagit de lui-même et ses jambes encerclèrent la taille du jeune homme. Susan se pressa contre lui, tandis que les larges paumes de Jungkook vinrent glisser le long de son dos pour finir par emprisonner sa taille.

Ils se séparèrent un moment, leurs souffles haletants se mélangèrent alors que leurs lèvres n'étaient qu'à quelques millimètres les unes des autres, se frôlant presque à chaque inspiration saccadée. Echevelés et essoufflés, ils plongèrent dans des abysses marins et dans un bleu azur, se perdant dans les paillettes de leurs iris et dans leurs pupilles incroyablement dilatées, au point d'avaler toutes traces de couleur autour.

- Jungkook... je... tu... comment... haleta-t-elle, hypnotisée par le regard de braise que lui renvoyait le jeune homme.

Il ne lui répondit pas, se contentant d'attaquer sa bouche, ses paupières, son nez, ses joues et le long de sa mâchoire de baisers humides et langoureux.

- J'ai envie de toi, Susan... tellement envie de toi...

- Kook, non... on ne peut pas... si... et si quelqu'un nous trouvait ? balbutia-t-elle d'une voix faible, cherchant à le repousser pour ne pas succomber à son étreinte, si quelqu'un nous voyait comme ça...

Il relâcha aussitôt ses bras, la laissant reprendre pied, tout en continuant de la soutenir le temps qu'elle récupère un semblant de sensation dans ses jambes flageolantes. Dépité, il la regarda un instant, ne s'en rendant pas compte qu'elle reflétait parfaitement ses émotions, et enfouit son visage dans le creux de sa nuque. Son souffle chaud lui procura un long frisson de plaisir qui remonta le long de sa colonne vertébrale et qu'elle tenta, tant bien que mal, de dissimuler dans un soupir.

- Je ne peux plus, lui confia-t-il, son nez chatouillant le lobe de son oreille, je ne peux plus continuer comme ça...

- Je sais. Je sais que c'est dur, mais c'est pour notre bien... et sans doute pour le bien d'autres personnes, d'autres filles qui pourraient se retrouver à ma place.

Jungkook eut un rire amer et se remit face à Susan, qui leva ses grands yeux bleus sur lui, aussitôt happée par sa beauté irréelle et par la manière qu'il avait de la regarder, toujours aussi intense, même après ces cinq années.

- Je ne suis pas sûre que, mentir au monde entier sur le fait que ma copine et moi ayons rompu, entre dans la catégorie du bien commun.

- Tu sais ce que j'ai voulu dire par-là... le morigéna-t-elle, je ne peux pas rester impuissante face à Yu, je devais agir. On s'était mis d'accord, tous ensemble avec les garçons, Luce et Estelle. On s'était mis d'accord sur le comportement à adopter et sur nos rôles à jouer. On doit le faire craquer, on doit lui faire faire un faux pas, il doit se révéler et, pour ça, il doit penser que je suis vulnérable. Même s'il ne t'a plus comme moyen de pression, il ne va pas tarder à penser que je suis plus facilement atteignable maintenant. Pour l'instant, il est énervé, mais il va revenir et lorsqu'il le fera, nous serons là. Tu seras là.

Susan lui caressa tendrement le visage, l'invitant à se pencher vers elle. Leurs fronts se collèrent et ils fermèrent les yeux, savourant la présence de l'autre et profitant de ce moment volé, dans un minuscule placard du quatorzième étage.

Elle savait qu'il était perdu – elle l'était aussi – mais ils devaient le faire, ils devaient le supporter encore un peu.

- Ca va faire deux semaines, Sou, reprit Jungkook sur un ton plus sérieux, je pensais que cela allait être une mauvaise passe pour nous deux, mais tu vis un enfer. Tu as trois fois plus de conférences de presse, sans parler des articles qui ne cessent de pulluler sur toi. Je ne me fais pas attaquer sur les réseaux sociaux, et encore moins dans la rue par ces imbéciles de paparazzis. Et je vois tout ce que tu subis. Je vois tout et je ne peux rien faire.

- Kook... ce n'est pas ta faute... j'ai voulu ça, je l'ai demandé, c'est nécessaire.

Il nia fermement de la tête, n'acceptant aucune de ses excuses.

- Ecoute-moi Susan, s'il te plaît. Ce n'est pas normal. C'est ce que tu voulais à tout prix éviter avec Yu, et voilà que tu te retrouves avec exactement ce qu'il t'avait promis ! A quoi bon ? A quoi bon te torturer de la sorte ? Nous torturer de la sorte ? Je ne supporte pas te voir sortir démolie d'un entretien avec l'agence, ou d'une de ces conférences de presse idiote. Je ne peux même pas te réconforter, je ne peux pas t'appeler, je ne peux pas te serrer dans mes bras et te dire que ça va aller, je ne peux même pas te voir le soir au risque que l'on nous voit ! Je suis totalement impuissant, alors que tu te bats toute seule dehors !

Que pouvait-elle dire ? Que pouvait-elle rétorquer ? Il avait raison. Rien ne s'était arrangé, elle ne se faisait plus harceler personnellement par monsieur Yu, mais par la terre entière ! Pourquoi s'était-elle dit que cela serait une bonne idée ? Que de quitter Jungkook lui permettrait d'agir à sa guise, sans craindre pour sa réputation ? Mais avait-elle pensé à la sienne ? Avait-elle pensé à elle, avant d'agir de manière aussi altruiste ?

- Je voulais te protéger, fut la seule chose qu'elle répondit en haussant les épaules faiblement, les lèvres chevrotantes malgré son sourire qui rendait ses yeux brillants et humides, tu as une telle carrière, je n'aurais pas supporté que cela cesse de façon si brusque. Je ne pouvais pas me faire à l'idée que tu puisses être radié du groupe par ma faute, ce sont tes frères, ils sont ta famille, je ne me le serais jamais pardonné. Maintenant, je suis sous le feu des projecteurs, mais je vais m'en sortir... ça va aller, je te le promets... on se reconstruira et...

Elle reprit son souffle, sa gorge devenue douloureuse empêchait les sons de passer, l'obligeant à respirer bruyamment et de manière erratique.

- Si tu ne m'avais pas rencontrée, cela ne se serait jamais passé comme ça... c'est ma responsabilité et... et je ne peux pas m'empêcher de revivre ma première année en Corée, de revivre mon retour en France. Peut-être que, si je n'étais pas revenue, tu m'aurais oubliée et tout se serait bien passé. Je n'aurais pas été là, mais il n'y aurait pas eu de scandales, pas eu de menaces, pas eu toutes ces merdes qui nous tombent dessus et... et si je n'avais pas été là, peut-être que tu aurais été plus heureux.

Jungkook la coupa d'un baiser, la faisant taire de ses lèvres. Il y met toute sa force, tout son désespoir et tout son amour. Il voulait qu'elle arrête, qu'elle arrête de le protéger, qu'elle arrête de se faire du mal, qu'elle arrête de penser aux autres et qu'elle pense à elle. Elle ne méritait pas ça, elle ne méritait pas cette soudaine haine.

- Tu es formidable, sortit-il de but en blanc, débordant de fierté et d'adoration, sache-le, tu es la personne la plus remarquable et la plus forte que je connaisse, je ne voudrais échanger ce que j'ai eu avec toi, et ce que je continue à avoir, pour rien au monde. Tu illumines ma vie, et j'ai bien décidé à te garder pour toujours, si tu le désires tout autant que moi, bien sûr.

Un rire rauque s'échappa de la gorge de Susan, mêlé de larmes et de hoquets.

- Jeon Jungkook, tu es en train de t'avancer sur une pente glissante, tu ne voudrais pas t'engager dans quelque chose de si risqué, si ?

- Tais-toi, idiote, et embrasse-moi, lui répondit-il en frottant doucement son nez au sien, si je dois te kidnapper dans les placards à chaque fois que j'ai envie de toi, je compte bien en profiter un maximum.

Susan haussa un sourcil taquin, ses traits emplis de malice tandis qu'un sourire en coin s'esquissait sur son visage. Maligne, elle se recula légèrement jusqu'à que ses mains touchent le mur derrière elle. Elle planta ses yeux dans ceux du jeune homme, débordant de défi.

- Et bien Jeon, si tu arrêtais de causer pendant cinq minutes, peut-être qu'on pourrait en profiter tous les deux, non ?

________________________________________________________________________________

Il arrive un peu tard, mais voici donc ce chapitre 17 !

Entièrement dédicacée à ma petite soeur, qui grandit d'année en d'année et dont je suis plus que fière ! Je t'aime fort et j'espère que ce cadeau te plaira !

Des bisous à vous aussi mes tigrous en sucre, et à une prochaine fois !

Sweety ~

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top