-11 - Tadhg

Le 08 août 2023, Montpellier

     — Va la rejoindre, j'arrive, confié-je à Sakura en chuchotant.
     Aujourd'hui, Lucile fête ses vingt-six ans. Pour l'occasion, Sakura et moi sommes allés lui chercher un petit-déjeuner à la boulangerie alors qu'elle dort encore, et un bouquet de fleurs attend sagement d'être mis dans de l'eau dès qu'elle l'aura entre les mains.
     Je termine de presser l'orange, me lave les mains et rejoins Sakura et Lucile, en pleine séance de papouilles matinales. Le sourire sur le visage de la mère reflète celui de la fille. Sakura, du haut de ses cinq ans et demi, a compris il y a quelques jours qu'elle n'aura pas une vie aussi longue que celle de ses camarades. Après une grosse crise de larmes, elle nous a laissé bouche bée en décrétant que le mois d'août sera le plus beau de sa vie, parce qu'il sera le dernier. Probablement.
     — Joyeux anniversaire, joli cœur ! salué-je Lucile en déposant un rapide baiser sur ses lèvres.
     — Merci, koibito. Qu'est-ce que c'est ?
     Elle pointe du doigt le plateau que je tiens entre les mains et je m'avance dans la pièce, dont les volets roulants viennent de s'ouvrir pour laisser entrer les premiers rayons de soleil de la journée.
     — Le petit-déjeuner. J'avais promis de vous traiter comme des princesses, donc aujourd'hui, tout est permis, annoncé-je fièrement en déposant le tout sur le matelas.
     Elle s'étire longuement tandis que je m'assois à ses côtés, Sakura allongée de tout son long au milieu.
     — Tu changeras les draps si on met des miettes, je te préviens !
     J'accepte et croque dans un croissant, Sakura choisit un pain au chocolat, Lucile également. Telle mère, telle fille.

     — Tu as vingt minutes pour enfiler une robe et des chaussures, lâché-je alors qu'elle termine son verre de jus d'orange.
     Elle me regarde, les yeux plissés, alors que Sakura prend le matelas pour un trampoline depuis dix minutes.
     — Où est-ce qu'on va ?
     Je joue des sourcils pour garder la surprise, elle râle et se lève avant de se diriger vers la salle de bains. J'en profite pour débarrasser le plateau, Sakura perchée sur mon dos – sa place favorite depuis quelques semaines.
     Lorsque Lucile ressort, pile vingt minutes plus tard, je manque de m'étrangler avec ma salive tant je la trouve belle. Je lui glisse ce mot à l'oreille, elle rougit et me tape l'épaule.
     — Tu sais que c'est faux, déclare-t-elle en aidant Sakura à enfiler ses chaussures.
     — Et tu sais ce que j'en pense, Lucile. Tu es sublime, qu'importe si tu penses le contraire.
     Elle m'offre un léger sourire, s'empare de son sac à main et ouvre la porte, que je verrouille après être sorti à mon tour.

     — OK, je sais où on va, annonce-t-elle après presque une heure de route.
     J'arque un sourcil et la questionne du regard, puis reporte mon attention sur la route alors qu'elle reprend :
     — À Marseillan. Là où on a passé notre première soirée tous les deux. C'est ça ?
     — Mais cette fois, on y va tous les trois, acquiescé-je en prenant la sortie. Et ce soir, tes parents nous rejoignent pour qu'on aille au parc d'attractions.
     Parce que je veux offrir à Sakura le plus bel été de sa vie. Qu'elle a besoin de changer d'air, que Lucile a besoin de se changer les idées, et que les deux méritent de passer quelques heures dans les manèges, à faire une pêche aux canards ou un tir à la carabine.
     — Tadhg... Tu sais que j'ai passé l'âge d'aller faire un tour de grand huit ?
     Je fronce les sourcils et prends un air choqué qui fait rire Sakura, qui me regarde dans le rétroviseur.
     — Personne n'a passé l'âge d'aller s'éclater, Lucile. Je te laisserai même vomir sur moi si l'envie te prend.
     Elle pouffe, et mon cœur bat un peu plus fort pour elle.

     Nous déjeunons au restaurant où Lucile et moi étions allés l'année dernière, pour notre premier rencard. Lorsque le serveur nous apporte nos desserts, Sakura me tape sur le bras de la façon la moins discrète qui soit et hausse les sourcils. Je retiens mon rire face à son petit regard autoritaire, puis sors de ma poche le cadeau que l'on a choisi tous les deux pour sa mère.
     — Sakura a eu le dernier mot, plaisanté-je en lui tendant l'emballage.
     — Mmmh... Je dois m'attendre à un bracelet rose et jaune, dans ce cas ?
     La petite puce secoue vivement la tête de gauche à droite tandis que Lucile étouffe un rire et déballe son cadeau. Elle l'ouvre, plaque une main sur sa bouche et me regarde comme si j'étais devenu fou.
     — Tu as promis de m'épouser, donc on a choisi une bague de fiançailles, annoncé-je fièrement alors qu'elle se lève d'un bond et contourne la table.
     Quelques larmes coulent sur sa joue alors qu'elle m'embrasse longuement, ses mains encadrant mon visage, puis serre Sakura dans ses bras.
     — T'es un grand malade, Tadhg. Elle est...
     Elle regarde la bague encore quelques secondes, puis la sort de son écrin et me la tend :
     — À toi l'honneur de la glisser à mon doigt, monsieur Gallagher.
     Je m'exécute en riant, tape dans la main de Sakura en la félicitant pour son choix et garde la main de Lucile dans la mienne pour admirer le rendu. Sur son annulaire gauche, une bague en argent avec deux petits diamants scintille désormais. Un diamant pour Sakura, et un pour moi. C'est ce qu'a dit la petite puce en préférant celle-ci à une autre, qui était en or avec seulement une pierre en son centre.
     Et elle n'aurait pas pu mieux choisir pour représenter notre famille.

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