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Claire m'a proposé de venir plus tôt ce matin avec Romane, elle voulait nous présenter à ses amis, alors je suis venue pour huit heures plutôt que neuf. Je m'installe sur un banc dans la cour, avec Romane. Claire n'est pas encore arrivée.

— Alors, avec Aurélien ? me lance Romane sans discrétion.

— Quoi ?! Il n'y a rien du tout ! C'est... Juste un ami.

— Juste un ami ? Mmh... Je voudrais bien connaître ta définition de l'amitié ! elle part d'un rire fort.

— Tu dis ça, mais avec Joe... ça n'avance pas !

— Très drôle, ricane-t-elle en me donnant un coup d'épaule. Bien sûr que si ça avance ! Doucement mais sûrement.

Je hausse les épaules en riant face au clin d'œil de mon amie ; et je vois Claire arriver avec une fille et un garçon.

— Hey ! Je vous présente Juliette et Théo, et je vous présente Céleste et Romane, des amies de ma classe.

Juliette a de longs cheveux blonds, des yeux bleu océan. J'admire sa tenue, très jolie, simple mais stylée ; elle porte un jean noir taille haute, et un t-shirt avec écrit « Bordélique, mais organisée. »

Lorsque mon visage s'illumine, ils me rendent un sourire. Ils me rejoignent sur le banc quand Claire me prend à part :

— C'est elle... chuchote-t-elle.

— Quoi ?

— C'est Juliette que j'aime... Elle est très gentille tu verras...

— Ah, oui, je n'en doute pas !

J'observe Juliette et son maquillage plutôt naturel. Romane, elle, se maquille énormément, elle dit que ça met en valeur ses yeux verts. Dommage qu'elle ne sache pas qu'elle est bien plus belle au naturel.

Théo, lui, il a les cheveux noirs et les yeux noirs, ou marron foncé. Il a l'air mystérieux, ce n'est pas le genre de personne que j'irai voir de moi-même. Mais je vois que son cœur est brisé, et pas qu'à moitié...

Je le trouve un peu trop proche de Romane, mais je n'interviens pas, c'est sa vie.

Je lève les yeux vers Claire, celle-ci est grande, par rapport à moi. Je lui souris et déclare :

— A toi de lui en parler. Ou alors, comme dirait Angèle : « Laisse le temps il pourrait vous donner une chance de vous retrouver ».

— Tu as raison, merci beaucoup. T'es un amour.

Je souris et reprends ma place. Théo nous raconte comment il a fait pour réussir à fumer tout en étant complètement bourré pendant une soirée, puis « Nan en fait c'était une blague ahah ».

Je jette un regard aux filles, Juliette rigole, puis nous restons blasées.

— Ce n'est pas tout mais moi j'ai maths et j'ai toujours pas fait mes devoirs. soupire Juliette après s'être remise de son fou rire.

— Moi je les ai !

Claire sort son cahier de son sac, se rapproche de Juliette, ainsi, cette dernière recopie tout sur son cahier. J'observe l'air concentré de Juliette qui a su se calmer en un instant. Son visage sérieux et appliqué me fait sourire, elle tire la langue sans s'en rendre compte. Le silence se fait entendre, jusqu'à ce qu'il soit brisé de la pire des manières :

— Sinon, vous avez déjà fumé vous ?

Théo se plante devant moi et Romane, son air supérieur collé au visage. Décidemment, il n'a pas les meilleurs sujets de conversation.

— Non, et je n'en ai pas l'intention, dis-je en levant les yeux au ciel.

— Ben, moi j'ai déjà essayé et je n'ai plus envie de recommencer. Après c'est sûr que si tu veux détruire ta santé c'est le meilleur des choix, lance Romane en soutenant le regard de Théo.

Je m'éclipse discrètement, laissant ma meilleure amie seule avec cet étrange adolescent, et vais voir Claire :

— C'est qui ton ami là ?

— Théo ? C'est normal, faut s'habituer. Il est très gentil, c'est juste qu'il est un peu bizarre, il force un peu avec ses mensonges censés être drôles.

— Je vois... Et toi tu fumes ?

— Oui... On se retrouve après les cours entre nous pour fumer. Mais c'est bon, on est jeunes ! proteste-t-elle.

— Oublie ça. Je n'ai pas envie de gâcher ma santé, ni mon porte-monnaie.

— Bref, ne t'inquiète pas au sujet de Théo, il est comme ça au début, après il se lasse.

— Mmh...

Je retourne à côté de Romane, Théo à ma gauche.

Je sors mon cahier de dessins de mon sac et l'ouvre, prête à dessiner la scène qui se déroule à l'instant même.

— Tu dessines quoi ? me demande Théo.

— Rien pour l'instant.

— Nan mais... Tu vas dessiner quoi ?!

Je ne lui réponds pas et commence mon dessin.

°°°

Je suis à table avec Claire, Juliette et Théo. Romane est partie avec Joe, je ne me sens pas très à l'aise pour le moment avec mes nouveaux amis. Théo me dérange avec sa manière de parler arrogante et idiote.

Ils parlent mais je ne les écoute plus, je suis perdue dans mes pensées. Des pensées qui me donnent le vertige, je repense à mon père, toujours aussi troublée par l'absence de souvenir à son sujet.

J'ai croisé Aurélien ce matin, mais il ne m'a pas dit bonjour. Ça fait une semaine que nous ne nous sommes pas parlés, il ne répond même pas à mes messages. On avait l'habitude de parler tous les soirs, jusqu'à ce que l'un de nous doit soit trop épuisé et parte se coucher. Et sans crier gare il disparait de ma vie...

Ce qu'on mange ce midi n'est vraiment pas bon, je sens un haut-le-cœur, en regardant les épinards, et le poisson plein de sauce dans mon assiette. Je fais cliqueter mes couverts, puis soupire.

— J'y vais, je ne me sens pas bien. déclaré-je.

— Ah bon ? Oh, dommage. rajoute Théo. On se retrouve tous ensemble à la sortie ?

— Non, j'irai rejoindre Romane. Désolée.

Je porte mes écouteurs à mes oreilles et me lève pour débarrasser mon plateau.

En sortant, quelqu'un m'interpelle :

— Céleste !

Je me retourne et vois Aurélien, je me hâte de retirer un écouteur. Je plonge encore une fois mon regard dans ses iris d'un bleu profond.

— Ça y est ? Tu te décides enfin à me parler ? 

— Désolé pour ce matin, j'étais en retard pour aller en cours. s'excuse-t-il.

— Je vois...

— Tu es seule ? Tu veux rester avec nous ?

— Je... je jette un coup d'œil à ses amis. Non merci, je n'ai pas trop envie de voir du monde pour le moment...

— Oh, désolé.

Je m'apprête à lui tourner le dos quand il me touche l'épaule :

— J'ai vraiment besoin de te parler, on peut rester tous les deux ?

— Eh bien... Oui...

J'envoie un message à Romane pour lui prévenir qu'on ne pourra pas se voir pour le moment du coup. Je pense que ça ne la dérange pas tant qu'elle est avec Joe.

Aurélien prend ma main et on va s'assoir sur la pelouse synthétique, au soleil.

— Dis-moi, comment tu as pu savoir que je n'allais pas bien ?

— C'est une longue histoire... 'Fin, pas vraiment, mais c'est que c'est difficile à croire...

— Raconte toujours.

— Depuis très jeune, j'arrive à lire dans le cœur des gens. Je vois s'il est brisé ou pas...

— Ah bon ? Et donc le mien est brisé ?

— Oui... Mais... Tu devrais le savoir, je pense.

— Et le tien ne l'est pas ?

— Bah... A vrai dire, je n'en ai aucune idée.

— Moi je peux te le dire.

— Ah oui ?

— Donne-moi ta main.

Je souris timidement, un coup de vent passe mettant ses cheveux blonds en bataille, je lui donne ma main sans lâcher son regard des yeux.

Donner la main, c'est une expression étrange, c'est comme si on donnait sans avoir la volonté de la reprendre. C'est peut-être pareil quand on donne son cœur ?

— Je n'arrive pas à lire. Parce que tu es spéciale. J'aurai besoin de plus.

Mon visage s'empourpre et je demande :

— Comme quoi ?

— Je ne sais pas...

— Mouais... Tu ne me crois pas une seule seconde en fait !

— Si, je te crois, et te croirai toujours.

— Mais bien sûr !

Il hausse les épaules en souriant.

— Comment tu vas faire pour m'aider à « aller mieux » ? s'enquiert-il.

— Pas de la magie en tout cas ! J'ai besoin de toi.

— Ça je sais que t'as besoin de moi pour vivre, mais détaille s'il te plaît !

Il rit. Je lui donne une tape et il se débat. Je sens le regard de quelques lycéens moqueurs se poser sur nous. Reprenant mon sérieux, je demande :

— J'ai besoin de savoir ce qui ne va pas dans ta vie, tu as une idée ?

— Je... Peut-être que j'ai laissé partir une fille... Peut être que c'était mon âme sœur, et je n'ai rien fait pour la retenir...

Je sens une pointe de déception dans mon cœur, il en aime une autre...

— Elle était... Belle, intelligente, compréhensive... Mais je ne m'en rendais pas compte. On a été en couple pendant 1 an et 4 mois, j'aurai dû la retenir... J'ai été en dépression pendant longtemps, j'ai bien peur de ne jamais retrouver quelqu'un comme elle...Tu penses qu'on peut réparer un cœur ?

— Je pense qu'avec l'amour on peut tout réparer.

Je pose ma main sur la sienne, en signe de compréhension et de confiance. Il ne m'aime sûrement pas autant que je ne le pensais...

— J'ai envie de l'oublier, j'ai tout fait. J'ai même essayé de lui reparler mais elle m'a bloqué de partout et a déménagé.

— Elle a déménagé à cause de toi ?!

— Non... Elle a été harcelée, je n'ai rien fait non plus. Je regrette tellement, j'avais un comportement immature. Je la prenais pour acquise alors qu'en amour il faut toujours montrer l'importance qu'on accorde à l'autre.

— Ça va aller... Tu trouveras quelqu'un qui te rendra aussi heureux qu'elle a pu te le faire. Voire plus...

Et j'espère que ça sera moi.

Faut que j'arrête de penser égoïstement, il en souffre, et tout ce que je veux c'est qu'il soit à moi.

— Tu peux rien y faire tu vois... Je n'ai pas besoin d'aide.

— Parfois, juste parler ça peut faire du bien, et crois-moi. Je vais tout faire pour que tu l'oublies et que tu sois à nouveau heureux.

Il me sourit. Je lui tends mon deuxième écouteur et nous écoutons ensemble la musique, allongés sur le dos à regarder les nuages.

Un souvenir remonte, mon cœur bat plus fort. J'étais à une petite fête caritative, lors de mes dix ans. Des artistes l'avaient organisée pour aider des sans-abris, ils faisaient leur concert. Il y avait un buffet, beaucoup de gens, une bonne ambiance. Je m'étais sentie si bien cette journée. C'était surtout un des meilleurs moments passés avec mon père, on avait ri, dansé, chanté tout l'après-midi. Dans la soirée, Aurélien nous avait rejoint, je m'en souviens. On jouait dehors avec les autres enfants pendant que les adultes faisaient des jeux de société et riaient fort. Le vent frais sur mes bras nus, Aurélien qui m'avait prêté sa veste, le coucher de soleil, les rires des autres. Cette période me manque tellement. Je faisais tournoyer ma robe dans les airs, comme le faisaient les autres filles pour attirer l'attention de leur amoureux. Je l'avais déjà mon amoureux à ce moment-là, on s'était fait un bisou avec Aurélien à cette soirée.

Je souris au souvenir de cette journée, ma main trouve celle de mon « amoureux » d'enfance. 

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