17
De la musique résonne, fort, dans l'enceinte de Claire. Nous observons les étoiles, couchés dans l'herbe du jardin. Aurélien, à côté de moi me donne la main, nous a le sourire aux lèvres, comme si tous nos problèmes s'étaient envolés, que plus rien ne nous pesait sur les épaules. Romane est tournée vers Joe, Juliette chante silencieusement, pendant que Claire fixe ses lèvres, puis ses yeux. Théo me fait de la peine, seul avec sa cigarette dans une main, et le téléphone dans l'autre...J'aimerais pouvoir l'aider, mais j'en suis incapable.
J'essaie de me concentrer sur les paroles de la musique, mais mon cerveau déraille un peu trop, j'ai l'impression que mon passé me cache quelque chose, qu'il y a un détail auquel j'échappe, mais que je ne peux pas atteindre, du moins pas pour le moment.
Soudain, Juliette se lève, déclarant :
— Je vais dans ma chambre...
Je lâche la main d'Aurélien pour placer les miennes sous ma nuque, laissant mes pensées divaguer.
Personne ne répond, ni ne réagit à ses paroles. Pourquoi nous quitte-t-elle subitement ? Qu'est-ce qui lui est passé par la tête pour vouloir partir ? Cette curiosité me tuera, mais j'ai besoin de vérifier si tout va bien, un mauvais présentiment me prend.
Je décide d'aller chercher un verre d'eau dans la grande salle à manger. Il doit être environ 23 heures et nous avons passé la soirée, silencieux, juste écoutant la musique et regardant les étoiles. Un peu perdus dans nos pensées.
Je me demande encore ce que fait Juliette, cela m'étonnerait qu'elle dorme. Je monte à l'étage et me place devant sa porte, je toque, attendant patiemment une réponse.
Elle ne me répond pas, je décide d'ouvrir la porte, pour vérifier si tout va bien.
Je découvre mon amie, couchée sur le lit, entourée de quelques joints déjà fumés. Je m'assois à ses côtés et essaie de la réveiller doucement.
— Que se passe-t-il ?
— Je n'y arrive pas...
— De quoi ? je lui offre un sourire bienveillant pour l'inciter à parler.
— J'ai pu tenir quelques jours contre mon addiction... Je ne suis pas assez forte Céleste, je ne peux pas tenir...
— Juliette... Raconte-moi, pourquoi as-tu commencé... ?
— Je... C'est mon ex, il m'a poussée dans tout ça... Si j'avais su les dégâts que ça apporte, je l'aurai quitté parce qu'au fond c'était une relation toxique qu'on avait...
Les battements de mon cœur s'accélèrent, Juliette se sent mal, et personne n'était là pour elle. Cette dernière hausse les épaules puis passe sa main sur son front, les yeux à moitié fermés :
— J'ai mal à la tête... on en reparlera plus tard, je ne pense pas être dans les meilleures conditions.
Je l'enlace et la laisse se reposer. Nous sommes tous brisés quelque part, ça me fait du mal, j'ai l'impression que personne ne pourra jamais être heureux, après tout.
Après hésitations, je décide d'aller dans ma chambre. J'allume quelques guirlandes décoratives, puis attrape mes écouteurs pour trouver une musique douce.
Je me pose devant la fenêtre pour regarder les étoiles et les lumières de la ville.
Ce nouvel air fait naitre une touche d'inspiration en moi, mais celle-ci disparaît une fois un crayon en main. Alors la seule chose qui me vient à l'esprit, ce sont des mots. Alors je les inscrits sur mon cahier :
Laisse le temps nous éloigner,
L'amour nous rapprochera,
Laisse nos âmes s'oublier,
La vie nous ramènera.
Laisse-moi oublier la vie
Et rêver enfin de toi
Romane m'a dit qu'elle écrivait dans un journal intime pour ne jamais oublier... Mais c'est étrange, moi j'aimerais tout oublier. Pour pouvoir enfin me reposer, savoir que je n'ai jamais fait d'erreur, et que je n'en ferai jamais... Certaines choses sont impardonnables.
C'est ridicule à quinze ans de vouloir fermer les yeux aussi bien sur l'avenir que sur le passé...
Je sais que nous sommes l'avenir, mais je n'ai pas envie d'être un modèle, ni que le monde entier devienne comme moi... Comme nous. Au fond, nous ne sommes qu'un groupe d'adolescents perdus.
Mon passé m'effraie car il me cache quelque chose. Comme s'il manquait une pièce à mon puzzle... J'aimerais y retourner et tout effacer, tout effacer sur la mort de mon père... Je voudrais qu'il soit là encore, qu'on revive nos soirées familiales au coin du feu, nos vacances, nos bonheurs... Cette peur qui me hante ne fait qu'augmenter mon mal-être, il se cache au fond de moi, prêt à exploser au moment venu.
Aurélien me rejoint, m'enlace par derrière et m'embrasse dans le cou, une aura de tendresse m'envahit. Il me chuchote :
— Tu fais quoi ?
— J'écoute de la musique... Et je pense à la vie.
Il me sourit et j'observe l'éclat dans ses yeux bleus profond. J'aimerais pouvoir me sentir en sécurité quelque part...
— Pense à moi alors...
Il m'embrasse tendrement dans le cou, faisant naître des frissons sur tout mon corps.
Nous nous asseyons sur le lit et il rassemble mes cheveux en une queue de cheval.
— Ça te va bien les cheveux attachés, tu devrais les attacher plus souvent.
— Je... N'ai pas envie. Ça me rappelle trop de souvenirs, les cheveux attachés. J'avais toujours les cheveux attachés quand j'étais plus petite. En les détachants, c'est comme dire adieu à son passé, et j'ai plus envie de penser à ma vie d'avant. C'était trop beau. Tu sais, il faut avancer...
— Céleste... Ça me fait du mal de te voir si triste... J'aimerais pouvoir t'aider. il marque une pause de quelques secondes. C'est quoi cette cicatrice ?
Je passe la main derrière mon crâne, il y a bien une cicatrice, au-dessus de la nuque, sous les cheveux. Je ne l'avais jamais remarquée. Je me relève, attrape mon téléphone, prête à envoyer un message à ma mère. D'où vient-t-elle ? Depuis quand l'ai-je ? Pourquoi je ne l'ai pas remarquée plus tôt ?
— C'est quoi ? Céleste, pourquoi t'as l'air paniquée ?
— Je... Je ne sais pas ! Mais j'ai cet horrible pressentiment que ça à un rapport avec mon père...
— Pourquoi ? Tu l'as depuis quand ?
Je me rassois sur le lit, effondrée.
— J'ai eu quelques flash-back ces derniers temps... Je voyais mon père et ce qui doit être mon ex, d'après mes visions. Il y avait ma sœur et ma mère au fond d'une salle, et un homme derrière moi. Je crois qu'il était armé. Cette salle... elle était sombre, beaucoup trop sombre, et lugubre aussi... Je ne me souviens plus trop après. Mais je sais que l'homme derrière moi m'ordonnait de tuer soit mon père, soit mon ex qui était à la base mon copain... Si je le faisais, celui encore vivant serait libre, et si je ne tuais personne, c'était nous tous qui mourrions... Et mon père m'ordonnait de le tuer lui.
— Mon dieu, Céleste... Tu... T'as pas plus de détails ? T'es sûre que ces flashs sont réels ? C'est impossible que tu ais fait ça...
— Tu vois... J'ai tué mon père. D'après tout le monde.
— Mais... Pourquoi tu ne t'en souvenais plus ? Jamais tu ne tuerais quelqu'un, je te connais, même si on ne te laissait pas le choix, tu ne pourrais pas... Je ne comprends plus rien, ce n'est pas croyable...
Les larmes me montent aux yeux, menaçant de s'échapper. Il a raison, j'en suis incapable. Ce qui me fait encore plus douter. Comment tout ça peut être réel ?
— Je n'en sais rien, je comprends pas comment j'ai pu l'oublier... Mais je pense que la cicatrice à un lien avec tout ça...
Il ne dit rien, ne fait rien, à part m'offrir un sourire triste, les yeux larmoyants. Et s'il était aussi déçu de moi, que je le suis ? Je suis un assassin, et je me hais pour ça.
J'envoie un message à ma mère : « C'est normal que j'aie une cicatrice bizarre sur le crâne ?!?!? Ça a un lien avec papa ???!! »
Je m'endors sans même m'en rendre compte, me noyant dans mes larmes silencieuses.
Dure nuit qui s'annonçait.
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