12
Peut-on vraiment faire de ses faiblesses une force ?
Les étoiles ont oublié notre rendez-vous de ce soir... Ou alors, les nuages se sont invités. Tout dépend du point de vue...
On peut décider de voir le verre à moitié plein, ou à moitié vide. Mais on ne peut pas ne pas voir les erreurs du passé, ce qui est fait est fait. Le problème, c'est quand on ne sait même pas ce qu'on a fait.
La vie nous prive souvent. Elle nous prive de vérités, ou de bonheur, ou de la personne qu'on aimerait avoir, et on ne peut rien y faire contre. Même si on a beau essayer.
J'ai froid, je descends mettre un pull, puis remonte m'assoir sur le rebord de ma fenêtre, même s'il n'y a rien à voir. Je reste seule avec mes pensées, tout me ramène à mon père. Est-ce qu'un jour je retrouverai la mémoire ? Comment je peux continuer à vivre alors que j'ai la mort d'un proche sur la conscience ? Pourquoi la police n'est pas contre moi si j'ai tué quelqu'un ?
Une larme coule le long de ma joue, je me remémore nos instants si fragiles passés avec toute la famille, quand on était unis. Maman souriait, ma sœur et moi rions aux blagues de mon père, nous étions une famille normale...
J'entends quelqu'un appeler mon prénom de dehors.
— Aurélien ? Tu fais quoi ici ?
— Je me promenais, et je t'ai vue. Tu fais quoi à ta fenêtre ?
— J'attends mon Roméo.
— Tu me rejoins ? demande-t-il, ignorant ma réplique.
— Je ne peux pas ! Je n'ai pas le droit de sortir.
— Alors, tu peux fumer mais pas sortir quelques minutes ?
Je souris et referme la fenêtre. Je descends, ma mère est dans le salon, la télé allumée, elle ne risque pas de me voir. Je sors discrètement de la maison et rejoins Aurélien.
— Les étoiles sont belles ce soir ! me dit-il avec un regard malicieux et un sourire en coin.
— Y'en a même pas !
— Je sais.
On rit. Il prend ma main pendant que je rougis, et nous marchons un peu.
Sans me regarder, il demande :
— T'as pleuré ?
— Non...
— Tu mens.
— Comment tu peux savoir ?
— Je sais tout !
Je souris et lui explique la raison de mon mal être. Il me dit que tout va finir par s'arranger.
Les seules lumières qui nous éclairent sont celles de la lune à travers les nuages et des lampadaires autour de nous. L'air frais, soulevant ma chevelure me donne des frissons.
— Tu m'manques. je finis par avouer.
— Qui ? Moi maintenant ou moi enfant ?
— Les deux... Le passé me manque. Vraiment beaucoup.
— Moi aussi ça me manque, mais on grandi, et ça nous permet de découvrir pleins de nouvelles choses ! C'est bien d'être grand aussi !
Je ris :
— Ouais, 'fin « grand » c'est un grand mot justement !
— T'as pas le droit de dire ça ! Je suis très grand, moi !
Ce qui est faux. Il lâche ma main pour essayer de me taper, mais je m'éloigne en courant et en riant.
On court, comme deux enfants, essoufflés. On a toujours agi comme des enfants, et on continuera. Je crois qu'on est resté coincés dans le passé.
Je m'adosse à un mur, un coup de vent passe me donnant des frissons, et il s'approche de moi, plaçant ses mains autour de moi pour m'empêcher de partir.
Je le regarde droit dans ses yeux bleus qui me rendent folle. Il s'approche doucement de moi, et on s'embrasse.
Je détourne le regard, gênée.
— Mon cœur est réparé là ?
— Je n'sais pas ! J'arrive plus à me concentrer.
°°°
— Cap ou pas cap d'aller voir un quelqu'un et de lui demander de sortir avec toi ?
Mes récrés avec Juliette, Claire, Théo et Romane sont dangereuses.
Claire se lève et déclare :
— Je suis cap !
D'habitude elle est plutôt timide, mais je pense qu'être entouré d'amis, ça change tout.
Elle va voir un groupe de garçon, leur parle et revient tout sourire.
— Il a dit oui... Mais après j'ai dit que c'était un cap ou pas cap. Je suis pas une fille facile moi !
On rit, Claire demande à Théo :
— Cap ou pas cap d'appeler ta mère et de lui dire que tu es amoureux de toi-même ?
— Cap !
Il prend son téléphone, le met en haut parleur et appelle sa mère.
— Allô ?
— Oui, j'ai un problème...
Il essaye de cacher le sourire qui naît sur son visage pendant qu'on peine à se retenir de rire.
— Quoi ?! T'es au lycée là ?
— Oui maman, mais c'est pas à ce sujet... Comment dire...
— Dépêche, je suis au boulot là, j'ai pas tout mon temps.
— Je sais, pardon. En fait, je suis amoureux de moi. Je fais comment ?
On entend un « bip bip » qui nous montre qu'elle a raccroché. On explose de rire.
Théo range son téléphone et me lance un défi :
— Tu dois te mettre debout sur ce banc et crier : « Invasion extraterrestre ! Cachez vous, on va tous mourir ! » Ou un truc comme ça, en aillant vraiment l'air paniqué !
— Cap !
Je me mets debout sur un banc, étrangement, mes angoisses ne reprennent pas, peut-être que c'est parce que je suis entourée de mes amis, c'est fou comme être bien entouré peut tout changer.
— Attention ! Les extraterrestres arrivent ! Cachez vous, on va tous mourir !!
Je m'accroupie en cachant mes yeux et en me retenant de rire. Je descends du banc, mon « public » n'a pas bougé, certains lèvent les yeux au ciel, d'autres sourient.
— Voilà !
On continue à se donner d'autres gages, jusqu'à ce que Claire demande :
— Juliette, cap ou pas cap de m'embrasser ?
— Cap bien sûr.
Je ne sais pas si elle le fait avec des sentiments ou juste pour le gage...
Elles s'embrassent sous le regard surpris de certains élèves, on entend des insultes d'homophobes « Sales lesbiennes » « Allez faire ça ailleurs, on veut pas de vous ! » etc.
Juliette leur fait un doigt, tout en restant dans les bras de Claire. Un grand sourire nait sur mon visage, je suis fière d'elles.
— Moi aussi ! s'exclame Théo. Céleste, cap ou pas cap de m'embrasser ?
— Pas cap, désolée, j'suis déjà prise.
Je lui fais un clin d'œil, et Claire, Juliette et Romane se tournent vers moi, surprises :
— T'es en couple ?!
— Oui... Enfin, je crois... On s'est embrassés !
— QUOI ?! Et tu ne m'en as pas parlé !
Je souris à Romane :
— Désolée, j'étais dans mon monde...
— Tu m'étonnes. Bah moi avec Joe, ça n'avance pas.
Avec Claire, on s'échange un regard complice et elle lance :
— T'es même pas cap de lui envoyer un message lui demandant de venir ici, et de lui avouer que tu l'aimes !
— Non. Tu as raison je ne suis pas cap.
— Ah oui ? je souris. Pourtant il a l'air de bien t'apprécier. Aller !
— Bon... D'accord !
Elle envoie un message à Joe, et quelques minutes plus tard, il est là. On décide tous de la laisser seule.
On s'installe un peu plus loin. Une brise légère vient soulever mes cheveux bruns. Personne ne parle, alors j'observe, les filles sont couchées par terre, chacune sur son téléphone, Claire, écoute de la musique, le soleil se reflète dans ses lunettes, elle a l'air heureuse. Je note qu'elle porte un t-shirt vert, avec un jean noir, et cela s'accorde très bien avec ses cheveux roux et son teint pâle. Juliette, elle, a attaché ses cheveux blonds en deux tresses, ça lui va vraiment bien.
Théo, lui, à côté de moi, a l'air perdu dans ses pensées, son pull noir trop grand, cache ses poignets. Il s'habille toujours en noir, cela contraste avec sa peau presque blanche. Il est beau, mais il paraît très mystérieux, avec son regard sombre.
Je repense à mon père. Je me souviens qu'il y avait du monde autour. Comment ai-je pu le tuer ?
Théo me demande :
— Ça ne va pas ?
— Si, pourquoi ?
— T'as l'air distante, perdue dans tes pensées.
— Non, ça va ! Et toi ?
— Mouais... Je n'ai pas eu mon bisou.
Il fait une mine triste, et je souris :
— Oh... Pauvre chou !
— Depuis que ma copine est morte, je ne crois plus en l'amour... Je ne crois plus en rien. Tout ce que je veux c'est la retrouver...
Pendant une seconde, j'essaie de trouver les bons mots, ça doit être si dur... Le pauvre.
— Oh... Dis pas ça, je suis sûre que si elle était là, elle voudrait ton bonheur, alors il faut que tu sois heureux... Même si c'est dur. Je comprends ce que tu ressens.
— Tu as déjà perdu quelqu'un de cher pour toi ?
— Oui... Mon père.
— Ah... Je suis désolé.
— On continue à vivre.
— Ouais.
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