La jeune fille, l'air absent, fixait le curseur, noir sur blanc, qui clignotait inlassablement sur la page si désespérément vide.

Des écouteurs étaient ancrés dans ses oreilles, partiellement masqués par ses cheveux courts et ébouriffés, dont on ne distinguait pas la couleur. L'obscurité pesait comme une chape sur la chambre. On ne distinguait que la silhouette des choses, et Claire se découpait, forme vaguement noire qui cachait la lumière tamisée de la pauvre lampe de bureau et la lueur crue, blanche, de l'ordinateur allumé.

Les paupières de Claire se fermaient à moitié sur ses iris onyx, bercée par les doux mots qui s'écoulaient en un flot incessant dans ses tympans. Son cœur tressautait lentement au rythme des accords de guitare et de la voix hypnotique du chanteur. Ses fines mains tremblaient de manière presque imperceptible.

La jeune fille avait un grand vide dans la poitrine. Les faibles filaments de vie qui la soulevait encore lui semblaient si dérisoires, face au néant qui répandait ses fibres béantissimes dans son âme. Les paroles envoûtantes que vomissaient ses écouteurs et qui se répétaient à l'infini ne parvenaient pas à combler ce gouffre.

Claire, lasse, se passa la main sur son visage. Le contact de sa joue la fit frémir. Que de choses se cachaient sous cette peau sèche et tiraillée, parsemée de tâches rugueuses, si désagréables à toucher... Elle fit ensuite remonter ses ongles dans ses cheveux auburn, décoiffés, gras. Restant quelques instants immobile, ses doigts emmêlés dans ses mèches courtes, ses yeux se fermèrent l'espace d'un instant. Une unique larme perla à la périphérie de son regard, accrocha la maigre lumière de la lampe, scintilla, comme un adieu, avant de couler sur la joue émaciée puis de disparaître.

Une main se posa sur son épaule, la jeune fille ne bougea pas. Une pression se fit ressentir, son corps tressaillit, et elle chassa la main de la sienne comme elle aurait chassé une mouche.

Claire sentit un nouveau tressautement de son cœur vidé, puis elle referma son ordinateur. Dans un état second, elle ferma les yeux. Toujours la musique pulsant dans ses oreilles et résonnant dans son âme meurtrie, elle s'endormit.

Les mots qu'on m'avait appris ont disparus,
J'ai du mal à faire des phrases construites comme il faut,
Mais pour une fois j'en ai pas envie,
C'est comme si mon esprit était à moitié éteint,