Chapitre 1

La rue est déserte, normal pour un dimanche matin. Le ciel est gris, donnant un aspect triste à l'environnement, quelques flocons de neige tombent. La période de Noël approche, des guirlandes scintillent sur les poteaux électriques et sur quelques boutiques du village. Un jeune homme se dirige vers l'église, après s'être garé sur la place principale. Il regarde sa montre, il n'est pas en retard pour la messe, il accélère tout de même le pas. Le sol est encore glissant à cause du gel, le jeune homme pousse les portes de l'édifice religieux, qui grincent. Il rejoint vite sa famille, assise au premier rang. Le prêtre parle avec eux, il salue le nouveau arrivant :

- Bonjour Jehan, tu arrives à temps.

Jehan s'assoit sur le banc près de son frère, plus jeune que lui. L'église est loin d'être bondée, le froid a dû en repousser plus d'un. Jehan garde son manteau, il est frigorifié, sa mère le regarde et lui demande :

- Tu as attrapé froid ? Tu n'es pas frileux.

- Non ça va, répond le jeune homme.

De la buée se forme sur ses lunettes, il les essuie à l'aide de son écharpe. Des gens entrent encore dans l'église, il était loin d'être le dernier. Le prêtre est devant l'autel et regarde devant lui, confiant, il connaît bien ce lieu, son âge avancé le laisse deviner. Jehan est toujours dans son manteau, il remet son bonnet sur la tête, personne ne lui demandera de l'enlever. Ça l'arrange, ses cheveux bruns seront décoiffés. Sa mère a un foulard sur sa tête, elle est traditionaliste, les femmes se couvrent la tête avant d'entrer dans une église. La messe va commencer, Ezéchiel son frère commence à s'impatienter. Son père reste silencieux, il n'a pas dit un mot depuis que son aîné est arrivé. Il n'est pas très bavard, surtout avant la messe, le brun à lunettes part dans ses pensées. Le religieux se dirige derrière l'autel, pose ses mains dessus, puis fait le signe de croix, en déclarant "au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit". Les fidèles répondent avec un "amen" puissant qui résonne dans l'édifice de pierre. 

- Que le seigneur soit avec vous, continue le prêtre. 

La célébration de l'eucharistie commence, le célébrant déclare qu'ils sont tous pécheurs, Jehan pense d'ailleurs qu'il ne s'est pas baptisé en entrant dans l'église. Son père l'a remarqué et lui lance un regard sévère. Dieu est miséricordieux, le jeune jeune homme ne s'inquiète pas. 

- Que Dieu nous accorde miséricorde et qu'il pardonne nos péchés.

Silence dans l'assemblée, seul le prêtre parle, les gens sont encore assis et font le signe de croix. Le prêtre se tourne vers Donatien, le père de Jehan, un des chrétiens les plus traditionalistes, il fait la messe en latin, l'homme en soutane prévient l'assemblée.

- La Gloria se fera en latin.

Certaines personnes sont un peu perdues, des chuchotements se font entendre, ainsi que des froissements de papier. Ezéchiel garde le dépliant de la cérémonie, en le chiffonnant sans s'en rendre compte. Son grand frère connaît déjà les paroles par cœur et en tant qu'historien et ancien latiniste, ça ne le gêne pas. 

Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus bonae voluntatis.

Laudamus te.

Benedicimus te.

Adoramus te.

Glorificamus te...

La voix des fidèles résonne dans le cœur de l'église, surtout la voix de Donatien et de son fils plus âgé. Ezéchiel n'arrive pas à chanter parfaitement en latin, il essaie pour faire plaisir à son père. Le plus jeune regrette d'ailleurs de ne pas avoir choisi latin au collège, il a choisi grec, il préfère cette langue.

Après avoir chanté la Gloria, le prêtre clôture la première partie de la messe, l'assemblée répond amen à nouveau. C'est l'heure des lectures, le moment préféré des plus jeunes, ils font enfin quelque chose. Ezéchiel se lève pour se proposer, sauf que le prêtre choisit Jehan, il ne lit jamais.

- On va varier un peu, c'est toujours ton petit frère qui lit.

Le jeune homme se lève et va s'installer près de l'ambon, son père vient lui donner sa bible pour qu'il lise. Jehan n'a pas pris la sienne, il n'y a même pas pensé. Il commence à lire, son regard parcourt les bancs, il voit une jeune femme de son âge qui le fixe. Le brun à lunettes la connaît, ils étaient au catéchisme ensemble, quand ils étaient petits. Jehan la regarde un court instant et replonge dans la lecture de l'ancien testament, son livre préféré est la Genèse. Il captive toute l'assemblée par sa voix claire et forte, la jeune fille a l'air émerveillée de le voir. 

Même son frère est étonné, ça fait longtemps qu'il ne l'a pas vu lire. Ce dimanche était l'occasion de se retrouver avec sa famille et sa religion, étant en master, il n'a pas le temps. Jehan n'avait pas l'occasion de prier avec sa famille, il le faisait chez lui. 

Il est l'un des seuls de son groupe d'amis à être très religieux, même son ami égyptien Mehmed n'est pas aussi radical. Il est musulman et vit en France depuis très longtemps, il habitait dans la capitale, mais les traffics de drogue et les violences dans la cité ont poussé sa famille à déménager. Mehmed a rencontré Jehan à l'université, dès la première année, même s'il n'était pas dans la même licence et ils sont devenus meilleurs amis, ils ont en commun la religion. Donatien n'était pas favorable à cette amitié, déjà à cause de sa religion, qu'il n'apprécie pas, finalement, en apprenant à le connaître, ça a été mieux. Le brun a fini la lecture d'une partie de la Genèse, il est sorti de ses pensées et regarde sa famille, ils ont l'air fier de lui. La messe touche presque à sa fin, d'autres personnes se dévouent pour faire des lectures. Donatien regarde son fils, sa femme fait de même, elle lui demande :

- Ça fait si longtemps qu'on ne t'a pas vu, tu vas rester avec nous ?

- Je ne sais pas, j'ai beaucoup de travail. J'ai un mémoire à faire.

Sa mère, Pétronille, ne sait pas quoi répondre, elle est déçue de savoir qu'il va devoir partir à nouveau. Le jeune homme se sent coupable de les laisser, mais il leur promet qu'il reviendra les voir. 

La messe est enfin terminée, les gens sortent au fur et à mesure de l'église, Jehan croise la fille du catéchisme. 

- Salut Jehan, ça fait longtemps !

L'historien la toise, il ne sait même plus son nom, malgré qu'il l'ait reconnu. Il ne veut pas paraître malpoli, mais il a vraiment oublié son prénom. Jehan s'excuse, ne sachant pas quoi dire d'autre :

- Je suis désolé, j'ai oublié ton prénom, ça fait si longtemps.

- Frédégonde. Je me suis toujours rappelée de toi. 

Frédégonde est une jeune femme aux cheveux blonds bouclés, à l'instar de Boucles d'or, le jeune homme à lunettes pense qu'elle sort d'un conte. Ils continuent de discuter à l'extérieur de l'église, elle a l'air si heureuse.

- On pourra se revoir bientôt j'espère !

- Désolé Frédégonde, je dois repartir. Je suis en master d'histoire, explique Jehan.

- Tu ne peux pas rester un peu, insiste la blonde.

Le brun soupire, il veut rester avec sa famille, pour ne pas décevoir sa mère. Pétronille avait l'air si maussade de voir son fils partir à nouveau. Jehan rejoint donc sa famille, sans parler à Frédégonde, son frère lui dit de venir.

- Papa et maman sont contents de te retrouver. C'est bien que tu sois venu à la messe.

- Je suis content de vous revoir aussi, répond Jehan.

Ils s'installent dans la voiture, l'historien hésite à venir, il a sa voiture garée plus loin. 

- Ce n'est pas grave, tu l'as récupérera demain, on te déposera, prévient Donatien.

La famille Lambert est rentrée chez elle, c'est l'heure du déjeuner, Pétronille est déjà dans la cuisine en train de préparer un civet de lapin. Jehan est en pleine lecture sur son lit, son frère vient lui rendre visite.

- Tu peux m'aider pour mes devoirs ? 

- Je lis là, essaie de faire tout seul, râle le jeune homme.

- Tu es historien, tu sais faire ça non ? insiste Ézéchiel. 

Le brun à lunettes a juste envie de se reposer, il lui conseille d'aller voir leur père. Le plus jeune répond en dodelinant la tête :

- Papa est occupé.

- Et maman ?

- Occupée aussi. 

Jehan capitule, il tend sa main pour prendre le cahier de son frère et réaliser son exercice. C'est facile pour lui après tout, mais il avait juste envie de se détendre, il se dit aussi qu'il devrait profiter de ce dimanche avec sa famille. L'étudiant s'installe à son bureau, sous le regard d'Ezéchiel, s'assurant que son frère fait bien ses devoirs. C'est bien la manie des collégiens de faire leurs travaux au dernier moment, le dimanche bien entendu, sinon ce n'est pas drôle, pense Jehan. Le blond se tourne vers lui, comme s'il avait lu dans ses pensées, ce qui impressionne un peu le plus âgé. 

- Tu as de la chance d'avoir un frère comme moi, nargue Jehan.

- Tu n'es pas souvent là alors je profite !

Il quitte la chambre le plus vite possible, en rigolant.

La nuit est tombée, le repas est déjà prêt, l'odeur du civet se répand dans presque tout le foyer. La famille est à table, ils font la prière avant de commencer le repas, c'est la tradition. Ils remercient le seigneur Jésus Christ avant de joindre leurs mains, ça fait longtemps que Jehan n'avait pas fait ça. Donatien est concentré dans la prière, ainsi que sa femme, le plus âgé des enfants n'a qu'une hâte, manger ce lapin. Son frère n'est pas du tout du même avis, il a un regard dégoûté. Ezéchiel déteste cette viande, surtout que c'est le lapin du jardin, son père n'a pas hésité à le tuer pour le cuisiner. 

- Qu'est-ce qui t'arrive Ezéchiel, tu en fais une tête, remarque Pétronille.

- Je n'ai pas très faim... 

Jehan commence à manger après avoir terminé la prière, son frère le regarde mal. Le blond sent les larmes lui monter aux yeux. Donatien fixe le plus jeune de ses fils et déclare d'une grosse voix :

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es malade ?

- Non, pourquoi vous mangez Lapinou ? C'était mon lapin, vous n'aviez pas à faire ça !

Jehan s'arrête de manger, il ne savait pas que c'était le lapin de Ézéchiel, tellement de choses se sont passées durant son absence. Son frère continue de pleurer et de crier à table.

- Vous êtes des monstres !

Le grand brun à lunettes se lève, en faisant cogner la faïence contre ses couverts, puis il gifle le blond. L'historien est choqué par le geste, même s'il n'a pas de risque de s'en prendre une, son frère est presque tombé de sa chaise.

- Tu ne nous parles pas comme ça, tu oublies qui est le chef de famille ici, tonne Donatien. 

- Calme-toi Donatien, tu n'avais pas à le gifler pour ça, intervient Pétronille.

Son père s'apprête à rétorquer, Jehan s'interpose pour éviter un autre conflit, ses parents s'excusent.

- Désolée, ce serait dommage de gâcher cette soirée avec des tensions, répond Pétronille.

Le jeune homme continue de manger, il fait comme si de rien n'était, Ézéchiel continue de pleurer dans sa serviette de table. 

Jehan est retourné dans sa chambre après le repas, il a voulu aider à débarrasser la table, mais sa mère l'en a empêché. L'étudiant est allongé sur son lit, dans ses pensées, il réfléchit à sa journée du lendemain. Jehan va revoir ses amis, Zénaïde et sa passion des frites par exemple. Elle est en master d'histoire médiévale tout comme Jehan, elle a un caractère plus déjanté que lui, ils sont très opposés. Ils sont dans la même promo et il doit subir ses blagues nulles à longueur de journée. Ça fait des années qu'il est habitué de toute manière. 

Le jeune homme est un peu triste de devoir quitter sa famille sur cette note négative, son frère est encore en train de faire sa crise. Jehan s'apprête à quitter la maison, son père l'interpelle.

- Tu vas à pied au bourg ? J'avais dit que je te ramènerai.

- Ah c'est vrai, j'avais oublié. 

Il s'étonne lui-même à être tête en l'air, le brun met son manteau et il est prêt à partir. Sa mère court vers lui pour l'embrasser, elle écrase presque son fils.

- Tu vas nous manquer Jehan, c'est très gentil d'être passé nous voir ! 

- C'est normal maman.

- Tu as vu Frédégonde hier, elle m'a dit qu'elle voulait te voir aussi. Elle t'attend au bourg, ajoute Pétronille.

L'homme à lunettes n'avait pas pensé à elle, il opine, mais au fond, il a surtout envie de retourner à la faculté travailler. Le père et le fils quittent enfin la maison, en silence, ils n'ont pas grand chose à se dire, surtout depuis les tensions de la veille. Avant de partir, Donatien donne une bible à son fils, il le fixe de ses yeux bleus.

- J'ai remarqué que tu n'en avais pas, je t'en offre une autre.

- Merci.

Ils arrivent au bourg, Jehan quitte la voiture de son père pour rejoindre la sienne, il voit Frédégonde plus loin. Il n'a pas trop envie de lui parler, il doit se préparer pour ses cours de l'après-midi. Donatien repart après avoir salué son fils, l'historien le regarde partir. La blonde s'avance vers lui :

- Salut, ça va ?

- Oui, je ne vais pas tarder à partir, désolé.

- Je comprends, tu dois avoir du travail, à bientôt ! répond Frédégonde, avec un petit pincement au cœur. 

Le brun à lunettes rentre dans sa voiture, direction l'université Pépin le Bref, qui est assez loin.

- J'espère arriver à l'heure quand même... pense Jehan. 

Après deux heures de route, atteint enfin sa destination, il reste de la place dans le parking par chance. Le jeune homme à lunettes croise plusieurs étudiants qui ne sont pas dans son master, dont des Staps qui rigolent fort à l'entrée. Il ne voit pas son ami Léopold, il doit être en cours et il ne fait pas trop de bruit. Jehan continue son chemin, il passe par le petit jardin de l'université pour rejoindre sa formation, il entend des pas rapides derrière lui.

- Ah Jehan t'es là !

Il se retourne et voit Zénaïde, essoufflée après avoir couru aussi vite. Elle prend un air dramatique et s'exclame :

- Je vais mourir, je ne sens plus mes pieds !

- Tu abuses, dépêches-toi, les places vont être prises. Tu n'as pas vu Mehmed par hasard ?

Elle réfléchit un instant, elle fait mine de se gratter la tête, comme si ça allait l'aider à se rappeler où elle a vu l'étudiant en médecine. Les yeux de la grisée s'illuminent quand tout lui revient en tête.

- Oui je l'ai vu à la bibliothèque, avant que des LEA de licence une s'embrouillent sur des tables.

- Des LEA qui s'embrouillent sur des tables ? Je n'ai jamais vu ça encore.

- Ils faisaient des exercices d'italien et ils ont commencé à s'insulter j'ai pas compris, j'ai pas pu finir mon livre sur la Mésopotamie à cause d'eux.

Jehan lève les sourcils pour signifier que c'est fort insolite et surtout fâcheux pour elle, les deux étudiants montent les escaliers pour rejoindre leur salle, la routine. 

Le professeur est déjà installé à son bureau, il essaie de faire fonctionner son ordinateur. Les autres élèves en master ne sont pas arrivés, Jehan et Zénaïde se mettent à une place différente. Le professeur sourit quand son PC fonctionne, il remet ses lunettes sur son nez puis se connecte à son espace de travail. 

- Bonjour à tous, nous allons donc commencer le cours sur l'archéologie médiévale en Occident.

On frappe à la porte, le professeur tourne sur sa chaise pour être face à la porte, une jeune femme ouvre, elle a l'air hésitante. Jehan remarque juste qu'elle a les cheveux noirs.

- Bonjour, oh pardon je me suis trompée de salle. Vous êtes ?

- Ce n'est rien, avec ces emplois du temps qui changent toutes les cinq minutes... Je suis monsieur Laban, professeur d'Histoire.

- Désolée du dérangement.

La noiraude referme la porte, monsieur Laban s'éclaircit la voix pour continuer à parler des fortifications médiévales. 

- Vous avez fait des stages, vous savez un peu comment ça fonctionne.

- Euh, j'ai pas fait de stage dans ça moi, intervient Zénaïde.

Jehan place une main sur son front, son amie cherche toujours à compliquer les choses.

- Pas forcément dans l'archéologie médiévale, et puis, si vous n'aviez pas fait de fouilles, vous ne seriez pas là.

- C'est vrai, vous avez raison, acquiesce Zénaïde.

La jeune femme aux cheveux gris se rappelle bien de ce stage, elle avait été en Irak avec une autre fille et elles avaient vu un homme manger de la terre près des Ziggurats. Leur peau avait cramé au soleil, elles devaient mettre de la crème pour éviter de ressembler à un homard cuit. Que de beaux souvenirs durant ce voyage, si on ignore le chef de fouilles insupportable et désagréable. S'il avait pu faire manger de la terre aux stagiaires, il l'aurait fait. 

- Et Jehan, tu avais fait où ton stage, demande Zénaïde.

- Au château de mon oncle, ils organisaient des fouilles et on a découvert des tombes et des objets.

- Wouah, il doit être riche ton oncle avec son château, ajoute sa collègue.

Le professeur Laban les ramène à l'ordre, il continue ses explications, Jehan prend en note tout ce qu'il dit. Zénaïde a surtout faim et pense à ce qu'elle va manger après le cours. 

Les deux heures de cours sont enfin terminées, les deux amis quittent la salle pour aller manger et espérer retrouver les autres. 

- Pourvu qu'il y ait des frites, lance Zénaïde.

- Tu peux pas manger autre chose ?

- Jamais, les frites, c'est la vie, tu ne peux pas comprendre Jehan.

Ses yeux bleus la jugent, elle continue de conter son amour pour les saintes frites. Le restaurant universitaire est blindé, il soupire, ils vont devoir attendre, des gens fument dans la file, Zénaïde se met à tousser. Le brun à lunettes met son nez dans son manteau pour éviter l'odeur. Un homme blond arrive vers eux, c'est Léopold, leur ami en staps.

- Salut, vous en faites une drôle de tête aujourd'hui !

- Oui, on est en train de crever à cause de la clope mais sinon tranquille, répond Zénaïde.

Léopold les rejoint dans le rang, en poussant presque les gens devant, qui râlent en faisant des gestes. 

- Ça a été votre week-end sinon ? demande le staps.

- J'ai appelé ma cousine, on va se voir bientôt, elle ne peut pas demain, elle a un rendez-vous chez le médecin je crois et on a cours, dit Zénaïde.

Le blond hoche simplement la tête, Jehan écoute la conversion, toujours la moitié du visage caché par son vêtement. Il raconte à son tour qu'il a été à la messe dimanche avec sa famille. 

- On a mangé le lapin d'Ezéchiel aussi, il était très en colère après mon père.

- Tu m'étonnes, c'est dégueulasse le lapin en plus, ricane Léopold.

- Il était bon, c'est ça le pire, culpabilise Jehan.

Ils éclatent de rire, même la jeune femme aux cheveux gris, elle fait des grimaces. A force de raconter leur vie, ils n'avaient pas vu que la file avançait. 

- Au fait, vous n'avez pas vu Mehmed, questionne Léopold.

- Non, il doit bosser, répond Jehan.

L'Egyptien est toujours en train de réviser, la difficulté s'intensifie en médecine, il voit ses amis au restaurant universitaire des fois. 

- Pourquoi il a fait ces études aussi, c'est trop dur, ajoute Léopold.

Arrivés à l'intérieur du bâtiment, ils ne peuvent s'installer tellement il y a de monde. Jehan propose qu'ils prennent à emporter, ça sera plus simple. N'en déplaise à Zénaïde qui voulait des frites.

- Ce n'est pas grave, on sera mieux pour discuter dehors, dit Jehan.

- C'est vrai, on s'entend pas parler avec tout ce brouhaha.

Il n'y a presque plus de sandwiches, ou alors, certains ont été croqués, idem pour les chips. Le brun à lunettes ne sait pas quoi prendre, il prend une salade, une des seules denrées qui restent potables. 

- Pire qu'une école maternelle cette fac vraiment, des sandwiches croqués non mais on est où ? râle la jeune femme du groupe.

L'odeur de friture se répand dans tout le restaurant universitaire, Zénaïde est dégoûtée de ne pas pouvoir en avoir. Elle prend un pauvre american sandwich écrasé sur l'étalage, c'est mieux que rien. Jehan sort le premier et il commence à manger, il revoit la fille de ce matin, ses cheveux noirs volent au vent, elle est habillée d'un haut et d'une jupe noire. C'est vraiment une coïncidence, l'université est grande, c'est rare qu'ils croisent les mêmes personnes en si peu de temps. Zénaïde et Léopold le rejoignent ensuite, avec leur piètre repas, heureusement qu'ils n'ont pas payé cher. 

- Si seulement la fac était comme dans les fanfictions Wattpad... s'exclame Zénaïde.

- Je ne connais pas, c'est quoi ? demande Jehan.

- Un site d'écriture, il y a beaucoup d'histoires clichées, mais ça rapporte de l'argent au site, alors bon... 

Leur discussion tourne court, une odeur de brûlé attire leur attention, les trois étudiants se regardent, perplexes.

- Quelqu'un fait un barbecue ou quoi ? blague Zénaïde.

La fumée se disperse dans l'atmosphère, elle est épaisse et grise, ça ne ressemble pas à un barbecue. Léopold observe la fumée, elle provient du gymnase, il fronce les sourcils. Un homme arrive en courant vers eux, c'est le professeur d'éducation sportive des STAPS, et des étudiants qui ont pris l'option sport.

- Qu'est-ce que vous faites ici ? Le gymnase brûle, les pompiers ne vont pas tarder ! 

En effet, le campus est vide, ils sont encore assis sur un banc en train de déjeuner tranquillement. Ils n'ont pas entendu l'alarme incendie, elle est audible que dans certaines parties du campus de l'université Pépin le Bref. Le professeur guide les trois étudiants à  l'extérieur, Zénaïde ne trouve pas mieux à dire :

- Hé vous savez quoi, j'avais fait un rêve où le gymnase brûlait, c'est dingue non ?

- Ce n'est pas trop le moment... rétorque le jeune homme brun à lunettes. 

Les autres étudiants sortent du restaurant universitaire à leur tour, soit dans le calme ou en criant, ils restent dans la cour principale du campus, lieu de rassemblement en cas d'incendie ou divers dangers. Jehan propose qu'ils retournent à leur appartement pendant ce temps, les cours risquent d'être annulés. Quel beau début de semaine. 

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