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- Johaaaaaan! beugla Miles en tambourinant contre la paroi de la cabine. Laisse-moi sortir! J'ai le vertige putain!
- Tu rêves! rigola Johan en retenant le verrou. Puis faisant un signe du pouce à sa sœur, elle ajouta : Ça y est Lizzie! Tu peux le faire décoller!
L'adolescente se précipita vers le poste de contrôle de la grande roue, et sans plus se poser de question, enfonça le bouton de démarrage. La cabine de Miles s'éleva lentement, emplissant l'air de crissements métalliques.
- Wouhouuu! Vengeance! s'exclama Lizzie en sautant sur le dos de sa jumelle.
Johan éclata de rire et mit ses mains en porte-voix :
- Bon voyage Miles!
Si le jeune homme leur répondit, elles ne l'entendirent pas. Sans doute était-il recroquevillé au fond de sa cabine, car elles ne le distinguaient plus.
Cinq mètres. Six. Sept. Huit.
Il devait être en haut maintenant.
Sept. Six. Cinq.
Quand Johan aperçut la tête de Miles dans l'une des cabines qui revenaient, elle fonça dans la salle de contrôle et attendit qu'il atteigne le point zéro. Puis, sa vengeance accomplie, elle stoppa le manège.
- Alors Miles ? La vue était belle de là-haut ? s'exclama-t-elle en sortant de la petite pièce.
Tout tremblant, le jeune homme peinait à se relever, prostré dans sa cabine. Se rendant compte de l'état de son ami, Elizabeth se hâta d'ôter le verrou et grimpa à ses côtés. S'asseyant contre lui, elle le prit dans ses bras et caressa ses cheveux.
- Eh, Miles. Tout va bien, c'est fini. C'est fini.
Johan, qui s'était mise à courir en voyant l'agitation de sa sœur, s'arrêta devant la bulle de métal et se mordit la lèvre, coupable. Le regard que lui lançait Elizabeth était clair : elles avaient merdé.
Tendant une main vers l'intérieur, Johan s'adressa avec douceur à Miles :
- Miles? Tu veux bien te relever ? Je vais t'aider à descendre de là, viens.
Soutenu par Elizabeth, le jeune homme se laissa traîner vers Johan et saisit sa main, le teint livide.
- C'est bien Miles, doucement.
Prenant une grande inspiration, il inspecta la distance qui le séparait du sol et déglutit. Serrant fort les doigts de sa camarade, il amorça sa descente quand une secousse le fit retomber en arrière.
La grande roue venait de redémarrer.
Étourdi par sa chute, Miles se redressa et découvrit avec effroi que le sol s'éloignait de nouveau. Laissant échapper un son étranglé, il se réfugia à l'autre bout de la cabine.
- La porte... la porte..., balbutia-t-il en la pointant du doigt, complètement terrorisé.
Sortant de sa torpeur, Lizzie s'agrippa aux sièges et avança à quatre pattes vers l'ouverture. Ils étaient si haut déjà! Retenant son souffle, elle tendit ses doigts vers le battant et, avec précaution, le ramena vers elle. Puis dénouant son écharpe rouge et or, elle attacha la poignée à la barre centrale de la nacelle.
Sauvés... pensa-t-elle en se laissant retomber sur le sol métallique.
Le cœur battant la chamade, elle prit de profondes inspirations pour se calmer. Elle ne comprenait rien à la situation, mais si elle cédait à la panique comme Miles, jamais ils ne sortiraient sains et saufs de ce manège.
Une détermination nouvelle au fond des prunelles, elle s'approcha de son compagnon d'infortune et lui prit la main.
- Miles ? Tu m'entends ? C'est Lizzie.
Le visage ravagé par les larmes, le jeune homme hoqueta et broya les doigts de sa partenaire.
- Ok. Miles, tu vas m'écouter attentivement et faire ce que je te dis, d'accord ? Ça va aller.
Hochant faiblement la tête, le garçon ferma les yeux et essaya de prendre une grande inspiration.
- C'est ça Miles, respire. Regarde-moi, je vais le faire avec toi.
Rouvrant les paupières, l'adolescent ancra ses iris dans ceux de Lizzie et, la voyant gonfler son thorax, il l'imita.
- À trois, tu expires. Un... deux... trois!...
Deux souffles profonds retentirent dans la nacelle.
- C'est bien Miles, allez, on recommence. Inspire...
Faisant le décompte avec ses doigts, elle replia le troisième et vida ses poumons.
- ... expire!...
À nouveau, deux souffles se firent entendre.
- Très bien Miles. Continue comme ça. Est-ce que tu te sens mieux ?
Réitérant l'exercice, il opina, relâchant la pression sur les doigts de sa camarade.
- Parfait. Parce que je vais avoir besoin que tu coopères pour nous sortir de là.
- C... Comment ça ? bredouilla Miles en inspirant encore une fois.
Elizabeth se mordit la lèvre.
- Tu ne vas pas aimer ça, mais si Johan n'arrive pas à arrêter cette roue... il va falloir qu'on saute en marche.
Miles glapit.
- Oh non. Non non non non non! protesta-t-il, les pupilles dilatées de frayeur. Je veux pas sauter! Je veux pas sauter!...
Les larmes repartant de plus belle, il fixait son amie, cherchant dans ses traits quelque chose qui démentirait son affirmation.
Elle ne pouvait pas réellement penser ce qu'elle disait, c'était forcément une blague!
Mais l'expression de Lizzie resta on ne peut plus sérieuse. Sentant la panique revenir à vitesse grand V, Miles recommença l'exercice de respiration.
Lizzie avait raison.
Ils allaient devoir sauter.
Fermant les yeux dans l'espoir d'oublier le vide en-dessous de lui, le jeune homme prit une profonde inspiration et se concentra sur la voix de Lizzie. Maudissant ses mains tremblantes, elle essayait de déverrouiller son téléphone.
- Qu'est-ce que tu fais ? balbutia Miles.
- J'appelle Johan. Elle aura peut-être une solution pour nous sortir de là.
L'adolescent hocha faiblement la tête et croisa les doigts. S'il y avait un moyen, les jumelles le trouverait.
Du moins il l'espérait.
Après trois tonalités, la voix de Johan retentit dans la cabine, complètement hystérique :
- Lizzie ?! Miles ?! Vous allez bien ?!
Sa sœur la rassura aussitôt :
- Jusque là, Miles n'a pas vomi alors je dirais que ouais. Par contre, on est dans une belle merde. Est-ce que tu saurais comment ralentir ou arrêter la roue ?
- J'essaie figure-toi! Mais y a des boutons partout j'y comprends rien!
La jeune fille semblait au bord de la crise de nerfs.
- Ok ok Johan, tu te calmes ça va aller, d'accord ? T'as encore des gigas sur ton tél' ?
- Des... quoi ?
- Pour aller sur internet Jo'. T'en as ou pas ?
- Euh... oui, oui j'en ai.
- Super. Alors maintenant tu ouvres ton navigateur et tu cherches où se situe le frein d'urgence sur une grande roue. Compris? Dis-moi quand t'auras trouvé.
- O... ok. Bouge pas je reviens.
Après deux trop longues minutes, la voix de Jo' s'éleva à nouveau :
- Ça y est je sais! Attends deux secondes...
Un bruit de course suivit sa demande. Manifestement, la rouquine piquait un sprint dans les graviers.
- Yes! Je le vois! hurla-t-elle. Lizzie, je fais quoi ?
Vibrante d'adrénaline, la jeune fille se releva pour savoir où ils étaient par rapport au sol et fit de grands signes avec sa main libre.
- Jo'! Tu me vois ?!
- Ouais! La vache vous êtes hauts!
Elizabeth se crispa et jeta un coup d'œil à Miles. Blanc comme un linge, il semblait aussi tendu qu'un élastique.
- Aussi bizarre que ça puisse paraître, on avait remarqué. Bon! Est-ce que tu sais comment marche le frein ou pas ?
- Euh... je crois ?
Le ton peu assuré de Johan fit déglutir Elizabeth. Si seulement il y avait eu une autre solution...
- Je te fais confiance Jo', tu peux le faire! assura l'adolescente en refoulant son angoisse. Maintenant, écoute-moi bien. Dès que notre cabine arrive dans le dernier quart de tour, tu actionnes le frein, ok ?
Un silence se fit, pendant lequel les deux sœurs se fixèrent du regard. L'air grave, Johan leva un pouce en l'air et détala vers le frein.
- Ok. Je raccroche p'tite sœur. À tout de suite.
- À tout de suite... murmura Lizzie.
Un blanc s'étala puis Jo' ajouta :
- Je t'aime.
Tremblante de stress, Elizabeth laissa échapper un bruit étranglé. Un sourire crispé sur le visage, elle retenait des larmes traîtresses.
- Moi aussi.
Appuyant elle-même sur le bouton "fin d'appel", Lizzie dénoua son écharpe et libéra la porte de la cabine, s'agrippant aussitôt au poteau central.
- Miles ? Je sais que ça va pas être facile, mais il va falloir que tu viennes t'accrocher avec moi.
Paralysé par la peur, le blond secoua frénétiquement la tête.
- Si! l'exhorta Elizabeth.
Et pour l'encourager, elle lui tendit la main.
- Je te promets que tout va bien se passer Miles. Je te le jure. Alors s'il te plaît, viens avec moi. Si tu bouges pas de ton coin, tu pourras jamais descendre de là. Tu veux pas rester ici, pas vrai ?
Le garçon répondit une nouvelle fois par la négative.
- Bon. Alors tu vas me regarder droit dans les yeux et me donner ta main. D'accord ?
Pâle comme la mort, le jeune homme tendit un bras tout tremblant vers sa camarade. Sautant sur l'occasion, la rouquine lui attrapa le poignet et le tira pour placer le poteau entre ses doigts. Propulsé vers l'avant, Miles se réfugia contre la barre de métal et l'agrippa des deux mains, plus blanc que jamais.
- Respire Miles, tu t'en sors très bien, dit Elizabeth dans une vaine tentative de le rassurer. Si tu fais ce que je te dis, il ne t'arrivera rien. C'est promis.
Reprenant des couleurs, Miles opina et, son regard vrillé dans celui de Lizzie, il recommença un exercice de respiration.
- C'est ça Miles, c'est bien, sourit Elizabeth en soufflant avec lui. Est-ce que tu peux te lever maintenant ?
Sans la lâcher des yeux, Miles fit oui de la tête et, petit à petit, se hissa sur ses deux pieds.
- Parfait Miles! Tu gères! s'écria la jeune fille.
Le garçon sourit, les joues légèrement plus roses.
- Ça va être une autre histoire quand on va devoir sauter, tenta-t-il de plaisanter, les jambes toutes flageolantes.
Son ton mal assuré puait la frousse à dix kilomètres.
- Je sais, répondit Elizabeth. Mais tu vas y arriver. Et puis si ça se trouve on panique pour rien, la grande roue va s'arrêter pile-poil devant la plateforme de descente et on aura juste à sortir normalement.
Miles leva un sourcil.
- T'y crois pas, pas vrai ?
La jeune fille pinça les lèvres et soupira :
- Pas du tout. Mais on sait jamais, un miracle pourrait arriver.
Un silence tendu s'installa, pendant lequel Lizzie regarda anxieusement vers l'extérieur. La cabine amorçait sa descente.
- Accroche-toi Miles, ça va secouer. Jo' va pas tarder à freiner.
Le garçon s'agrippa de toutes ses forces, et quelques secondes plus tard, un crissement métallique retentit. La perte de vitesse brutale fit bondir la cabine et les deux jeunes gens s'écroulèrent sur le sol en hurlant.
Déboussolée, Elizabeth se remit debout en titubant et regarda dehors. Le sol approchait. Reprenant ses esprits, elle attrapa le bras de Miles et le força à se relever.
- Tiens-toi prêt Miles! cria-t-elle pour couvrir le bruit assourdissant. On arrive!
Quatre mètres.
Trois.
Deux.
Un.
- MAINTENANT!
Agrippant Miles par la main, Elizabeth courut vers la porte grande ouverte et sauta hors du manège.
Un cri d'effroi perça la nuit, aussitôt suivi d'un vacarme ahurissant.
Deux corps venaient de s'écraser sur la plateforme de départ.
Jo' déboula en trombe à leurs côtés.
- LIZZIE! MILES! Vous allez bien ?!
Avec un grognement, Lizzie roula sur le dos et leva un pouce.
- Au top sœurette. Miles ?
Un bruit répugnant lui répondit.
- Aaah!
Elizabeth soupira, blasée :
- Il a vomi c'est ça ?
- Yep, et y a des morceaux si tu veux tout savoir.
Lizzie leva les yeux au ciel.
- Johan ?
- Hm ?
- T'es vraiment dégueulasse.
*
Dennis poussa un soupir de soulagement quand il entra dans le manège. Après un petit parcours comprenant des plaques mouvantes et des tapis roulants, il fallait passer par l'inévitable roue creuse, tournoyant à pleine vitesse et responsable chaque année de chutes impressionnantes et d'éclats de rire mémorables. Jack attendait devant, hésitant à y poser un pied. Le rejoignant sans attendre, Dennis lui prit la main et la serra avec détermination.
- Ensemble ?
Rassuré, le petit garçon acquiesça et s'approcha du rouleau. Y posant le bout de sa chaussure par curiosité, il perdit l'équilibre et se rattrapa à son aîné en couinant.
- Waaah! Ça va trop trop vite!
Dennis rit et lui ébouriffa les cheveux.
- C'est fait exprès bonhomme, sinon ce serait trop facile!
- Mais on va tomber, releva le plus jeune, de nouveau anxieux.
- Exactement Jacky. On va même se vautrer comme des m- des cacas, se corrigea-t-il de justesse. T'es prêt? Trois, deux, un... go go go!
Et l'adolescent entraîna son cadet dans la roue infernale. Déséquilibré, Jack s'étala par terre et se fit entraîner vers le haut. Déboussolé et craignant de faire un looping, il redescendit à quatre pattes vers le bas et percuta son frère qui tentait tant bien que mal de rester debout. Bras et jambes enchevêtrés, ils roulèrent et se débattirent en riant, cherchant à se relever pour mieux se retomber dessus la seconde suivante. Quand enfin ils réussirent à rejoindre la terre ferme, ils s'écroulèrent sur le sol métallique, échevelés et à bout de souffle.
- Alors Jacky ? Ça t'a plu finalement ?
- Oui oui oui! On recommence dis dis dis ? s'écria le petit garçon en sautant sur ses pieds.
Dennis se releva et le retint par un pan de sa cape.
- Nan Jacky, on n'a pas le temps. Tu te souviens de ce qu'à dit maman ? Il faut qu'on soit rentrés dans vingt-cinq minutes.
- Oooh...
L'air déçu, le blondinet se détourna de la roue et s'avança vers l'épreuve suivante : un escalier mobile. Son sourire réapparut et il s'accrocha aux rampes latérales.
- Le premier là-haut a gagné!
Et sans plus attendre, il grimpa sur les premières marches.
- Eeeh mais c'est pas juste! s'insurgea Dennis. Je peux pas te doubler c'est que pour un!
Jack, qui l'avait bien remarqué, rigola et s'éleva de quatre échelons supplémentaires. Répondant au défi, Dennis s'élança à son tour à toute vitesse.
- Attends un peu que je te rattrape toi, tu vas voir... GRRRRR!
Il tendit ses doigts et effleura la chaussure de son petit frère. Jack poussa un cri et détala vers l'étage supérieur. Quand le blondinet arriva, il se retourna et constata que Dennis était à deux mètres de le rejoindre.
- J'ai gagné!
- Pas pour longtemps petit monstre, répondit Dennis en atteignant enfin le sommet de l'escalier. Viens ici que je te mange! Yaaah!
Le gamin décampa en hurlant de rire et Dennis se lança à sa poursuite. Fonçant tête baissée dans les rideaux de bandes colorées, il se retrouva coincé dans un amas de fils élastiques tendus dans tous les sens. Juste devant son nez, libre, Jack lui tira la langue et s'enfuit vers un dédale de miroirs.
- Tu perds rien pour attendre Jacky! Si je t'attrape, je te chatouille jusqu'à ce que tu te fasses dessus!
Écartant une nouvelle poignée de fils, l'adolescent s'extirpa du piège et reprit sa course. Arrivant à toute vitesse dans le labyrinthe vitré, il manqua s'écraser dans son reflet. Désorienté, il regarda autour de lui et avança à tâtons, les mains longeant les miroirs.
Un virage. Puis deux. Puis trois.
Aucun reflet de Jack à l'horizon.
Accélérant le pas, il bifurqua à gauche, puis à droite, et s'arrêta net.
Un canard en plastique doré gisait là, renversé sur le côté.
Une angoisse sourde tordit les tripes du jeune homme.
- Jack! hurla-t-il. JACK!
Mais aucune réponse ne lui parvint.
Mort d'inquiétude, Dennis reprit sa course, ne prenant même plus garde à éviter les miroirs. Au bout d'une minute, les paumes et les coudes endoloris, il émergea comme une fusée du labyrinthe vitré et glissa sur une série de cylindres en bois. Il se rattrapa de justesse à la barre d'un tourniquet debout et regarda autour de lui.
Toujours pas de traces de son petit frère.
Le sang battant à ses tempes, il se détacha du poteau molletonné et se rua vers les obstacles suivants, passant au-dessus des barrières de sécurité pour aller plus vite. Arrivant en un temps record au bout du parcours d'embûches, il fonça droit dans un rideau de bandes jaunes et déboucha sur la plateforme de départ du toboggan.
L'intérieur du tube, bleu et tortueux, était très sombre. Jamais Jack n'aurait osé s'y aventurer seul. Pourtant, Dennis ne le voyait nulle part. Regardant autour de lui, il vit qu'un escalier métallique descendait lui aussi vers la sortie, voie bis pour les moins téméraires des visiteurs.
À coup sûr, Jack était parti par là.
Lançant un dernier appel à son frère à l'entrée du toboggan - on ne sait jamais - Dennis attendit un instant devant le tube en tendant l'oreille, mais comme prévu, seul le silence lui répondit.
Sans perdre une seconde de plus, l'adolescent se redressa et dévala les escaliers en courant.
Jack était forcément en bas. C'était la seule solution logique.
Sautant les dernières marches de chaque palier dans un boucan du diable, Dennis émergea de l'attraction et évita de justesse un plat dans les graviers. Reprenant son souffle, son cœur cognant à tout rompre dans sa poitrine, il regarda de tous les côtés à la recherche de son cadet.
Mais il n'était nulle part.
Essayant de ne pas céder à la panique, Dennis fit le tour du palais pour enfants. Jack était peut-être revenu au départ.
Mais lorsqu'il s'aperçut que là aussi, l'endroit était désert, un vide immense lui comprima la poitrine.
Où était donc Jack ?
Le regard fou, Dennis s'élança dans les allées, une boule énorme gonflant dans sa gorge. Parcourant frénétiquement chaque recoin de la foire, il criait le nom de son petit frère, allant même jusqu'à visiter les attractions les plus susceptibles de l'avoir attiré. Mais Jack demeura introuvable.
Débouchant finalement devant l'entrée principale, il fit quelques pas, balayant le périmètre des yeux, et s'écroula. Les larmes qu'il retenait s'échappèrent et la douleur lui serra si fort les tripes qu'il faillit vomir.
Jack avait disparu.
*
- Dennis!
Les cris et la course précipitée de Miles et des jumelles le firent à peine réagir. Jack n'était pas avec eux.
- Dennis qu'est-ce qui t'arrive frérot ?
Accroupi devant lui, Miles chercha à croiser le regard de son ami, prostré dans son mutisme.
- Eh oh, Dennis ?
La voix de Johan s'éleva soudain :
- Où est Jack ?
La jeune fille inspecta les alentours, ses deux compagnons faisant instinctivement de même. Mais dans la pénombre de la nuit, ils ne décelèrent rien. S'agenouillant tous autour de leur ami, Jo reposa sa question d'une voix tendue :
- Dennis, il est où Jacky ?
Un sanglot étranglé lui répondit et le corps de l'adolescent se mit à trembler.
- Je sais pas, gémit-il en relevant vers eux ses yeux humides. Il... On était dans le-... le palais des glaces et il-... il a couru et...
Dennis se tût et des larmes dévalèrent à nouveau ses joues. En prise avec les plus sombres hypothèses, ses trois amis se regardèrent, n'osant aller au bout de leurs pensées.
Cela ne pouvait pas être possible.
- Et quoi Dennis ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Miles avec autant de douceur que son inquiétude le lui permettait.
Dennis secoua la tête en gémissant.
- Je sais pas, geignit-il. Je l'ai poursuivi, et je savais que les canards étaient bizarres, j'en ai trouvé deux dans ce foutu palais, mais Jack... Il était nulle part!
Il s'interrompit et releva la tête vers ses amis, anéanti.
- J'ai cherché partout et il est nulle part...
Sa voix se brisa et il replongea la tête dans ses bras, pleurant à chaudes larmes. Il avait échoué. Il devait le protéger, le ramener sain et sauf à la maison. Manger des bonbons avec lui sous le sourire de leur mère. Se réveiller au matin tout barbouillé d'en avoir trop abusé. Et recommencer le soir même parce que c'était trop bon. Mais tout cela n'arriverait pas. Ni demain, ni jamais. Ce cauchemar, il était réel. Et c'était de sa faute.
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