VIII. Poseidon

Mythologie grecque
Dieu des océans, des tempêtes et des tremblements de terre


mercredi 21 mai

— Où est-ce que tu m'embarques ?

— Tu verras bien.

Théo haussa les sourcils. Il avait totalement confiance en Elsa et l'aurait suivi au bout du monde, mais les questions qui émergeaient dans son esprit se faisaient de plus en plus nombreuses. Où diable était-elle en train de l'emmener ?

Il resserra sa veste contre lui. La tempête annoncée pour le lendemain était imminente. Les pluies n'étaient pas encore arrivées, mais le vent se faisait de plus en plus fort ces derniers jours. En témoignaient les arbres qui se faisaient bousculer par les rafales.

À quelques pas de lui, Elsa ralentit son allure avant de s'arrêter devant une enseigne sombre.

— Oh non, laissa échapper Théo, qui venait de reconnaître la devanture.

— Oh si.

Elsa poussa la porte du salon de tatouage et ne prit pas la peine de l'attendre. Campé devant la vitrine, qui affichait les réalisations du tatoueur, Théo déglutit. Des ornements tribaux, des têtes de morts, des masques de démon... Tout cela n'annonçait rien de bon. Il ne tenait pas vraiment à se retrouver avec Jack O'Lantern diabolique sur les fesses.

Il inspira doucement et finit par suivre Elsa, qu'il trouva en pleine discussion avec une armoire à glace. Sur ses énormes bras, de multiples dessins à l'encre noir, trop nombreux pour prendre le temps de les détailler. Il leva un regard stoïque vers Théo, qui avala sa salive une seconde fois.

— Je te présente Steve, annonça Elsa. Steve, voici Théo.

Steve. C'était bien un nom de tueur en série, ça. Du style Steven Avery. L'homme hocha la tête en guise de salut, l'adolescent l'imita.

— On fait comme on a dit ? reprit l'adolescente.

Steve hocha à nouveau la tête et indiqua du menton l'arrière de la boutique.

— Viens, c'est par là, indiqua-t-elle à Théo.

Mutique, il la suivit dans un renfoncement de la pièce qui accueillait un fauteuil de tatouage. Sur les murs, des graffitis sombres, dont le style principal était clairement horrifique. Elsa se fondait avec aisance dans cet environnement. Alors que Théo détonnait clairement.

Il sentit une présence derrière lui et sursauta en sentant Steve le frôler. Il se dirigea vers une machine qui inquiétait franchement Théo. Sa pomme d'Adam monta avant de redescendre.

— Wow, deux secondes. Il se passe quoi, là ? finit-il par demander.

Elsa laissa un petit rire lui échapper.

— Tu sais que j'ai toujours voulu me faire percer.

Elle appuya ses mots en glissant une mèche derrière son oreille, révélant une peau aussi lisse que celle d'un nouveau-né.

— Je me suis dit que ça pourrait être cool de le faire ensemble, ajouta-t-elle. Enfin, si tu veux. Je te force à rien.

Un soupir de soulagement s'échappa entre les lèvres de Théo.

— J'ai cru que tu voulais un tatouage.

Hein ? Et puis quoi encore ? Nos deux noms dans un cœur rose bonbon ?

— Je te voyais plus opter pour une tête de mort...

Elle secoua la tête, moqueuse.

— Alors, t'en es ou pas ?

Théo passa sa main dans sa nuque, hésitant. Trop focalisé sur les tatouages, il n'avait même pas pensé au piercing. Son regard se posa sur Steve, installé sur un tabouret à roulettes. Dans ses mains, une sorte de pistolet avec la plus grosse aiguille qu'il n'avait jamais vu.

Attends, c'est ça qui va percer ?

Elsa suivit son regard et afficha un sourire en coin.

— Ben quoi, t'as peur ? Chochotte.

— Répète un peu ça, gamine ?

Elle lui jeta un regard noir avant de le frapper dans le bras, ce qui le fit grimacer. Elsa avait beau être un poids plume, elle savait comment faire mal. Boudeuse, elle s'installa sur le fauteuil.

— Moi, je suis prête ! indiqua-t-elle à Steve.

Ce dernier hocha la tête et fit rouler le tabouret jusqu'à elle. Il indiqua d'un feutre où il devait percer, vérifiant la symétrie grâce à un miroir. En une minute à peine, il termina son œuvre, perçant à gauche et à droite. Elsa se releva avec un sourire satisfait, puis alla s'observer dans le miroir à pied installé dans l'entrée.

— C'est nickel ! Merci Steve !

D'un regard protecteur, Théo l'observa s'extasier face à ses nouveaux bijoux. Il avait toujours vu en elle une petite sœur, un peu fracassée par la vie. Elsa était comme un chat sauvage. Elle mettait du temps à vous accepter, mais une fois fait, elle ajoutait cette petite dose d'épices qui manquait à votre quotidien.

Théo jeta un œil sur Steve, qui nettoyait la machine. Il sentit son regard et releva la tête.

— T'inquiète petit, je vais pas te manger.

Super. S'il le disait, c'est que ça devait être vrai. Théo prit une inspiration et s'installa dans le fauteuil.

— Bon, allez, ça doit pas être si terrible que ça !

Depuis l'entrée, Elsa lui offrit un grand sourire. Steve se pencha vers lui.

— Quel côté ? Les deux ?

— Euh... Juste la droite.

— Ça marche.

Il attrapa son feutre et posa un point sur l'oreille de Théo.

— Ça te va ? lui demanda-t-il en proposant le miroir.

L'adolescent examina son reflet et hocha la tête, ne sachant pas vraiment quoi vérifier.

— Alors c'est parti.

Pour la première fois de la journée, il le gratifia d'un sourire, qui laissa Théo muet ; c'était l'un des plus sincères qu'il n'ait jamais vu. Comme Elsa, Steve devait les distribuer avec parcimonie.

— Ça va piquer deux secondes. Je perce à trois, OK ?

Théo hocha la tête et ferma les yeux d'appréhension.

— Un, deux !

Une petite douleur se fit ressentir dans son oreille. Il ouvrit les paupières, surpris, et observa Steve.

— Trois, dit-il d'un ton neutre.

Il s'éloigna pour nettoyer son instrument, alors qu'Elsa laissait un petit rire moqueur lui échapper.

Sérieux ? finit par demander Théo.

— Plus tu t'attends à la douleur, plus elle sera forte, expliqua Steve. En te surprenant, j'ai hacké ton cerveau. Et t'as eu moins mal.

Théo le fixa pendant quelques secondes, encore abasourdi. Nullement dérangé, Steve rangeait son matériel avec attention.

— T'as encore mal ? lui demanda-t-il, focalisé sur sa tâche.

— Euh, non. Ça marche, votre truc.

Steve haussa les épaules. Évidemment que ça marchait.

— Allez, viens te voir ! l'incita Elsa.

Il finit par se lever et s'approcha du miroir. À son oreille, une discrète bille de métal reflétait la lumière des spots.

— Alors ? demanda son amie.

— Va falloir que je m'habitue, laissa-t-il échapper.

Il tourna un peu la tête, observant son nouveau bijou.

— Mais j'aime bien.

Elsa lui donna un petit coup dans le bras. Apparemment, son excitation n'était toujours pas redescendue. Derrière elle, Steve se glissa derrière le comptoir de l'entrée pour trifouiller dans des papiers.

— On vous doit combien ?

Le regard rivé dans ses papiers, Steve chassa l'air près de son visage.

— Rien du tout, petit. Cadeau de la maison. Ah, le voilà.

Il sortit une feuille parmi d'autres et la tendit à Elsa.

— Mon dernier projet, comme promis, expliqua-t-il.

L'adolescente observa le dessin qui s'y trouvait et laissa un sourire se former sur ses lèvres.

— Incroyable, Steve. Un jour, je te laisserai gribouiller sur ma peau.

— J'y compte bien, t'es ma cliente préférée.

— Tu parles, je te commande jamais rien. C'était la première fois que je m'installais sur ton fauteuil.

Steve haussa les épaules.

— Venir et s'intéresser à mon taff, ça suffit pour être ma cliente

Théo s'approcha de l'adolescente et découvrit un chat noir au centre d'un cercle satanique. Pas de traits excessifs, le dessin était simple, et c'était ce qui faisait sa beauté. Cela, ainsi que les pupilles de l'animal, captivantes.

— Bizarrement, ça te ressemble bien, laisser échapper Théo.

— C'est quand même mieux qu'un cœur rose bonbon.

Ah, je sais pas. Un cœur rose avec nos deux prénoms, ce serait quand même indétrônable.

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