V. Leucothée
Mythologie grecque
Déesse de la mer calme, protectrice des marins et des naufragés
samedi 17 mai
— Ma petite maman...
Théo se laissa tomber dans le canapé et enlaça sa mère.
— Toi, t'as un truc à me demander.
— Mais pas du tout, je voulais juste te faire un câlin. Pour qui tu me prends ?
— Pour un fils ingrat !
Le rire de Christelle s'envola dans le salon. Théo observa son visage, un sourire sur les lèvres. Il adorait entendre cette mélodie et les fossettes qui se formaient au coin de ses lèvres.
— Non, j'avais juste envie, c'est tout.
Il agrémenta ses paroles d'une petite moue boudeuse. Il ne mentait pas. En rentrant de sa sortie avec Elsa, il l'avait vu installée dans le canapé, enroulée dans un plaid, en train de regarder sa série préférée. Il avait soudainement eu envie de se coller contre elle, de profiter de sa chaleur maternelle.
— OK, OK, j'ai rien dit, s'amusa-t-elle. Arrête de faire cette tête, je l'ai déjà trop vue quand tu étais petit.
Théo retrouva son sourire et resserra son étreinte. Sur l'écran de la télévision, trois enfants se disputaient avec leurs parents à propos d'un repas de famille. Théo avait toujours vu sa mère regarder cette série, dont les saisons repassaient en boucle tout au long de l'année.
— Tu regardes toujours cette vieille série ?
— Elle n'est pas vieille, protesta-t-elle.
— Elle a au moins mon âge, maman...
— Justement, t'es encore qu'un bébé.
Il releva la tête vers elle, les sourcils haussés.
— Je serais majeur dans moins de deux semaines, je pense que tu peux retirer ce mot de ton vocabulaire.
Ils rirent tous les deux et sa mère lui ébouriffa les cheveux. C'était d'elle qu'il tenait sa blondeur, ainsi que toutes les valeurs qu'elle lui avait inculquées. La bienveillance, le respect de l'autre, l'écoute. Christelle était la bonté à l'état pur. Alors quand elle s'énervait, c'était pour une très bonne raison. Et Théo ne conseillait à personne d'affronter la version colérique de sa chère maman.
— Qu'est-ce que tu veux faire, d'ailleurs ? reprit-elle. Pour ton anniversaire.
Théo y réfléchissait depuis quelques semaines, et ses idées commençaient à se mettre en place, peu à peu.
— J'aimerais bien faire un feu de camp sur la plage. Juste devant la maison.
Il avait déjà participé à ce type de fête, installé sur des rondins qui servaient de bancs. C'était de ces soirées qu'il tirait ses meilleurs souvenirs. Des nuits à refaire le monde jusqu'au petit matin, pour aller se coucher au lever du soleil.
— T'as pas peur qu'il fasse froid ? demanda sa mère.
— On prendra des gros plaids, contra-t-il en haussant les épaules. Et puis je ferais gaffe à la météo, t'inquiète pas.
— Je m'inquièterai toujours, je suis ta mère, plaisanta-t-elle.
Christelle avait toujours été protectrice avec lui. Depuis sa naissance, elle avait veillé sur ce petit être de toutes ses forces. Et elle avait mis les bouchées doubles à la naissance de Gabriel.
— Mais maman, je vais le casser !
Les yeux grands ouverts, Théo fixait avec inquiétude l'enfant que tenait sa mère. Elle lui répondit avec un grand rire chaleureux, aussi doux à l'oreille que le bruit des vagues.
— Mais non, mon chéri. Tu vas y arriver.
Elle s'accroupit à sa hauteur.
— Regarde, il faut que tu le tiennes comme moi. Avec une main sous la tête, pour qu'elle reste droite.
Avec un sourire, elle déposa le nourrisson dans les bras de son aîné. Théo l'observa faire avec inquiétude. Que faire s'il ne le tenait pas bien ? Ou s'il glissait ? Il était si petit, il pouvait lui passer entre les doigts sans qu'il ne puisse le rattraper...
Dans ses bras, Gabriel gigotait un peu. Il regarda sa mère avec une petite moue, se demandant pourquoi il n'était plus avec elle. Mais lorsqu'il riva son regard à celui de son grand frère, il se calma immédiatement. Et Théo, le poids de ce petit corps dans ses bras, se sentit soudainement fort, plus fort qu'il ne l'avait jamais été. En observant la petite tête blonde qu'il tenait, il se jura de tout faire pour le protéger.
Les deux garçons s'observèrent en silence. Christelle tendit la main pour dégager une mèche du visage du plus jeune et sourit doucement.
— Tu devrais lui dire bonjour, murmura-t-elle.
— Bonjour, répéta Théo, émerveillé par le trésor qu'il tenait dans ses bras.
Gabriel lui répondit par un petit rire, qui résonna doucement à ses oreilles. C'était l'une des plus belles mélodies au monde.
Théo avait toujours vu sa mère comme une force de la nature, inarrêtable, trouvant toujours du positif dans du négatif. Mais le sourire qu'elle affichait se fana doucement, comme un tournesol se refermant au coucher du soleil.
— À quoi tu penses ? demanda son fils, intrigué par ce soudain changement d'expression.
Christelle soupira, avant de serrer son fils contre elle.
— Je t'ai vu sortir tout à l'heure. Tu as terminé ta moto.
— Elle roule parfaitement bien. J'ai vérifié avec le garagiste, tout est nickel.
— Je sais, je sais...
La fin de sa phrase se suspendit dans le vide.
— Mais tu t'inquiètes quand même, conclut Théo.
Elle aborda un petit sourire en coin.
— Je te l'ai dit, je suis ta mère.
Un souvenir revint dans la mémoire de Théo. Le jour où il lui avait annoncé qu'il passerait son permis, sa mère avait tenté de l'en dissuader. C'était trop dangereux. Mais lorsque Théo avait quelque chose en tête, il n'en démordait pas ; et il avait fini par obtenir sa licence.
— Tu sais que je suis toujours prudent, la rassura-t-il. S'il m'arrivait quelque chose, je me détesterai de te rendre triste.
Sa mère l'embrassa sur le haut du crâne, protectrice.
— Je sais bien, mon Théo. Je sais bien.
Elle inspira doucement.
— C'est juste que...
Sa phrase resta en suspens. Théo l'observa, attentif, ne voulant pas la brusquer.
— Rien, rien, trancha-t-elle finalement.
Elle frotta le bras de son fils avec affection, tandis qu'un silence s'installait. Même si elle avait tu ses pensées, Théo ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Elle se retenait parfois de dire les choses pour faire passer les autres avant elle ; elle le faisait avec lui, bien sûr, avec Gabriel, mais aussi avec ses amis. La seule fois où elle avait pensé à elle en priorité, c'était concernant son ex-conjoint, le père des deux garçons.
— Je sais que tu fais attention, reprit-elle, mais ne sors pas la semaine prochaine. Il y a une tempête qui approche.
— Oui, ne t'inquiète pas. Et puis je ne roule jamais quand il y a du vent, on sait jamais.
— Théo, promets-le-moi. J'ai un mauvais pressentiment.
L'adolescent fronça les sourcils. Il ne prenait jamais ce genre de paroles à la légère. Certaines personnes avaient un instinct plus développé que les autres, il ne pouvait le nier. Il en avait fait l'expérience quelques années plus tôt, lorsqu'il avait été viré de cours. En rentrant ce soir-là, il avait retrouvé sa mère en colère, comme si elle savait déjà ce qu'il s'apprêtait à lui annoncer.
Les mères sentaient ces choses-là. C'était connu.
Il leva son petit doigt et lui tendit.
— Promis.
Avec un sourire, Christelle l'attrapa avec son auriculaire. Ces promesses enfantines ne pouvaient pas être brisées. Vous ne pouviez pas trahir un enfant.
— Si je ne sors pas, il va falloir que je m'occupe, reprit Théo. Peut-être en mangeant des crêpes...
À l'évocation de ce mot, sa mère lui offrit un sourire moqueur.
— Haha, petit malin...
Elle laissa planer le silence. Théo fronça les sourcils.
— Alors ? finit-il par demander impatient.
— On verra...
Un petit rire sortit de ses lèvres. Sur l'écran de la télévision, la série laissa place à la pub. Ils regardèrent les annonces se succéder en silence, appréciant le moment. C'étaient ces instants de calme que Théo appréciait plus que tout. Simplement entendre la respiration de sa mère, sentir sa chaleur près de lui, respirer le parfum qu'il lui avait offert à son anniversaire... Ces minutes volées au temps l'apaisaient. Il en ressortait plus calme, plus détendu.
— Tu as prévu quelque chose ce soir ? demanda-t-elle alors que la série reprenait.
— Une soirée pas loin d'ici. Tu sais, je t'en ai parlé en début de semaine.
Sa mère hocha doucement la tête. Un peu plus dans les terres, la maison était assez grande. Le lycéen qui organisait la soirée en avait profité pour inviter du monde, de la seconde à la terminale, en passant par des amis d'amis venant d'autres établissements. Théo allait sûrement y retrouver les festifs habituels, qu'il croisait seulement lors de ces événements.
— J'irais à pied, c'est vraiment à deux pas, précisa-t-il. Mais je sais pas à quelle heure je vais rentrer.
— T'inquiète pas pour ça. Si tu préfères dormir là-bas, fais-le. Envoie-moi juste un message.
— Ça marche.
Il lui claqua un bisou sur la joue, ce qui déclenchaun nouveau rire. Il voulait sauvegarder cet instant dans sa mémoire, et comptaitbien retarder le plus longtemps possible son départ pour profiter de sa mère aumaximum.
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