I. Njörd
Mythologie nordique
Dieu paisible des vents et de la mer, permet d'apaiser ses émotions
samedi 10 mai
Théo ferma les yeux et inspira lentement. Autour de lui, la mer se déchaînait. Le vent le plaquait contre le phare, s'infiltrant dans ces vêtements, entremêlant ses cheveux. Mais cela faisait longtemps que le froid ne le gênait plus.
Le phare de Chassiron, c'était son refuge, son repère, son sanctuaire. Il y venait qu'il vente ou qu'il pleuve, lorsqu'il était triste ou heureux. C'était son coin secret – enfin, pas si secret, mais c'était tout comme.
Il ouvrit les paupières et contempla l'océan furieux. Les vagues s'écrasaient contre les rochers, inlassablement. Théo avait toujours apprécié cette furie, ce ballet tempétueux de l'eau salée. Rien ni personne ne pouvait la contrôler. Elle représentait la liberté à l'état pur.
Elle pouvait vous entourer avec douceur tout comme vous emporter dans ses profondeurs.
Au loin, un bateau de pêche luttait contre les éléments. Les vagues jouaient avec lui, comme s'il n'était qu'une coquille de noix dans un verre d'eau. Théo savait que les marins, habitués aux caprices de l'océan, s'adaptaient au mieux pour le subir. Rien ne pouvait le stopper. Il fallait arrondir le dos et serrer les dents. Cela allait passer.
Un bruit répétitif tira Théo de sa réflexion. Quelqu'un montait les marches de l'édifice. Il jeta un œil vers la porte qui menait à la coursive extérieure et vit surgir une tête aussi blonde que la sienne.
— Je déteste quand tu viens ici, souffla Gabriel, la respiration courte.
Théo laissa un petit rire lui échapper. Son petit frère se laissa tomber à côté de lui, réduisant sa prise au vent. Il appuya sa tête contre le mur, les yeux fermés. Théo en profita pour lui ébouriffer les cheveux, ce qui le fit protester avec véhémence.
— T'es relou !
— Faut bien que je joue mon rôle !
Gabriel lui tira la langue en guise de réponse. Un silence s'installa ; les deux adolescents observaient la mer. Le bateau de pêche se rapprochait doucement de l'île, impatient de rejoindre l'abri du port.
— C'est bientôt la fin de l'année, murmura Gabriel.
Théo hocha doucement la tête. Dans quelques semaines, il sera diplômé. Fini, le lycée. Fini, l'île d'Oléron. Direction les études à Bordeaux.
Contrairement au bateau de pêche, Théo quittait son port d'attache. Il quittait son abri pour se jeter dans l'inconnu.
— J'ai pas envie que tu partes.
Se mordant la lèvre, Gabriel fixait toujours l'horizon. Théo glissa son bras par-dessus ses épaules et le serra contre lui.
— T'inquiète, petite tête. Je serai toujours ton grand frère.
— Mais ce sera différent...
Gabriel baissa la tête, triturant ses mains. Un geste qu'il avait le réflexe de faire lorsqu'il était inquiet. Théo vint enserrer ses doigts avec les siens pour le calmer.
— C'est vrai, confirma-t-il. Mais je t'appellerai souvent. Et je reviendrai pour les vacances.
Il le libéra et vient taper doucement son bras avec son poing.
— Et puis on a encore tout l'été pour se faire des souvenirs !
Un sourire se forma sur les lèvres de son frère.
— On ira à la fête foraine, et on regardera plein de films avec maman. Je t'emmènerai faire un tour en moto. Non, pas un, plein de tours ! Et on bronzera à la plage, on plongera tous les jours, on se goinfrera de cochonneries...
Cette fois, Gabriel éclata d'un rire franc.
— OK, OK, j'ai compris !
Théo coinça le cou de son frère pour le tirer vers lui et lui frotta énergiquement la tête.
— Alors plus de pessimisme !
— J'ai dit OK !
Il le relâcha et lui adressa un grand sourire.
— Et puis faut encore fêter ma majorité, continua Théo. On fera une grande fête, tu verras. Avec un feu de camp sur la plage, pour faire griller des marshmallows. Et puis un bain de minuit...
— Tu vas choper la crève.
— Roh, mais on s'en fout, casse pas mon rêve !
Les deux frères éclatèrent de rire. Une fois calmé, Gabriel posa sa tête sur l'épaule de Théo avant de fermer les yeux.
— Ça sera quand même bizarre, sans toi.
— T'inquiète pas pour ça. Concentre-toi sur le présent.
Il le couva d'un regard fraternel.
— Et puis, tu vas gérer comme un chef, murmura-t-il. L'oublie jamais.
Il posa sa tête sur celle de Gabriel et ferma à son tour les paupières. Imbriqués comme les pièces d'un puzzle, les deux frères respiraient à l'unisson. Théo était persuadé qu'ensemble, ils pouvaient tout affronter. Cet été allait être le meilleur d'entre tous, et il comptait bien tout faire pour réaliser cet objectif.
* * *
— Faut quand même être motivé pour monter là-haut, souffla Gabriel.
Il peinait à reprendre son souffle, ayant descendu trop vite les marches du phare.
— C'est pour ça que j'y vais si souvent, j'y suis tranquille, expliqua Théo. Enfin, sauf quand tu viens m'embêter.
— Hey !
Théo glissa son bras sur les épaules de son frère et le tira vers lui.
— Je plaisante !
— T'es bête.
Les deux frères échangèrent un rire.
— Comment t'es venu jusqu'ici ? demande l'aîné.
— J'ai vu que t'avais pris ton vélo, j'ai fait pareil.
Il désigna du menton les deux engins reposant sur une barrière en bois. Elles en avaient vécu, des balades estivales, ces deux bicyclettes. L'une gardait le souvenir d'un bête accident, lorsque les freins de Théo avaient lâché. Il avait terminé dans un fossé, sans trop de mal, heureusement. Son vélo avait perdu de sa superbe, mais il ne l'aurait échangé pour rien au monde.
— Mais ça m'a surpris, t'as pas pris ta moto ? s'étonna Gabriel.
— Je l'ai vendue, annonça son frère avec un sourire en coin.
— Hein ?
Gabriel se stoppa, sous le choc.
— Pourquoi t'as fait ça !?
À quelques pas devant lui, Théo fit un geste désinvolte de la main.
— Me dis pas que...
L'aîné se retourna et posa son doigt sur ses lèvres, lui intimant le silence.
— Oh punaise...
Il trottina pour rattraper son frère, qui prenait déjà son vélo.
— Tu me montrera, dis ?
— En rentrant ! trancha-t-il en enfourchant la bicyclette.
Il s'élança sur le chemin sans attendre son cadet, qui ne mit pas longtemps à le rejoindre. Ils roulèrent en zigzaguant, sous le vent qui emmêlaient leurs cheveux et faisaient danser les arbres. Le soleil jouait à cache-cache avec ces derniers, créant un kaléidoscope sur le bitume. C'était une belle journée de printemps.
Gabriel accéléra pour passer devant son frère et fit danser son vélo sur la route. Sous le regard amusé de Théo, il leva le bras pour toucher les feuilles des chênes, dont leurs branches se courbaient vers les deux garçons.
Ils pédalèrent tranquillement, se doublant sans cesse, jusqu'à longer la plage. La maison familiale n'était qu'à quelques mètres mais, pris d'une envie subite, Théo bifurqua vers la mer.
— Qu'est-ce que tu fous ? cria son cadet.
— Viens !
Le sable finit par freiner sa progression et il laissa tomber son vélo, avant de retirer ses chaussures à la hâte. À quelques mètres de lui, la mélodie des vagues l'appelait.
— Tu vas pas y aller ? s'étonna Gabriel en le rejoignant.
Il lui adressa un regard goguenard et retira son haut et son jean, avant de courir vers l'eau salée.
— T'es fada ! lui hurla son frère.
Le choc de l'eau froide l'électrisa, mais il ne s'arrêta pour autant et plongea dans les vagues. Ressortant la tête de l'eau, Théo la secoua pour chasser les gouttes de ses cheveux. Putain, ça faisait du bien ! Il humecta ses lèvres, qui déposèrent un goût salé sur la langue. L'eau froide lui filait la chair de poule, les vagues le percutaient, mais il n'en avait que faire. Il était dans son élément.
Le silence l'intrigua et il se retourna pour vérifier ce que fabriquait Gabriel, avant de l'observer entrer dans l'eau à son tour, beaucoup plus lentement que lui. Avec un sourire, il nagea dans sa direction.
— Je sais même pas pourquoi je t'ai suivi, maugréa le plus jeune, elle est gelée.
Sa mâchoire se crispa lorsqu'une vague le percuta. Amusé, Théo l'éclaboussa, ce qui le fit hurler.
— Abruti !
Il lui rendit la pareille, ce qui n'eut pour conséquence que de déclencher un rire.
— Vas-y d'un coup, ce sera moins pire, lui affirma-t-il.
— Tu parles...
Il finit tout de même par prendre une grande inspiration avant de s'immerger en serrant les dents.
— C'est pas plus simple comme ça, râla-t-il.
— Allez, viens. Ça ira mieux si tu bouges.
Ils nagèrent en silence sur quelques mètres, jusqu'à n'avoir plus pied. Apercevant une cigogne, Théo s'arrêta, le regard tourné vers le ciel.
— Cet été va être génial, murmura-t-il.
— C'est une promesse ? demanda Gabriel.
Son frère hocha la tête avec un léger sourire.
— Plus que ça. C'est une affirmation. Je le sens, c'est tout. Ce sera mémorable.
Théo le sentait dans ses tripes. Ça allait êtreincroyable.
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