Chapitre 1 ~ Chevalier servant

Un couple à droite. Un couple à gauche. Un couple devant. Un couple derrière.

Il y en avait partout.

Tout autour de moi, assis juste là, l'un en face de l'autre ou bien l'un à côté de l'autre se roulant le plus mémorables des patins. C'est dégoutant. À la télé ils y mettent un soupçon de romantisme, mais là, à part voir des langues de girafes et un échange de bave...Y'a rien de romantique dans cette activité. Ça m'écœure.

« - Serveur ! L'addition s'il vous plaît. »

On ne peut même plus prendre un café tranquille, je vous jure. C'est trop demandé ?

Dans un monde alternatif, à l'exemple des pancartes « Interdit de fumer dans les lieux publics », il y a « Interdit de s'embrasser en public ». Ça peut vous décourager face à votre déjeuner.

« - Voilà madame. »

Mademoiselle putain. Mademoiselle. Je ne suis pas aussi vieille que j'en ai l'air tout de même !

« - Est-ce possible de prendre le reste à emporter ?

- Tout à fait, je m'occupe de cela.

- Merci. »

Café en main, déjeuner dans l'autre, je reprends tout doucement la route vers le boulot tandis que j'évite tant bien que mal tout contact visuel avec « Cupidon ».

Il est partout ma parole.

Arrivée au bureau, je pose mes affaires dans un coin, allume mon ordinateur et commence à faire quelques recherches pour l'article de la semaine quand soudain, je vois deux yeux bruns me fixant par-dessus mon écran.

« - Qu'est-ce que tu veux ?

- Rien, je te regarde.

- Arrête. C'est perturbant.

- Oh ! Je te perturbe ! C'est une bonne chose.

- Non Barth', ce qui est une « bonne chose » c'est quand tu te prendras la gifle la plus mémorable de l'histoire. Tu n'as pas de travail à faire toi ?

- Violente pour souligner le tout. J'adore. Et contrairement à certaines, je ne prends pas des pauses déj' de deux heures moi. Je travaille moi madame ! Je suis un acharné qui... »

Mademoiselle ! Mademoiselle bordel !!

« - Dis-moi Barth ?

- Hmm ? Quoi ?

- T'as déjà vu une agrafeuse voler ?

- Non, pourquoi tu me poses cette question ? Les agrafeuses ça ne vole pas Astrid. Tu es bizarre toi...

- C'est une menace, triple idiot ! »

Une voix nous surprend tous les deux tandis que Madeleine nous regarde, fusillant Barth' du regard.

« - Oh.

- Laisse Astrid tranquille. Harceleur ! À sa place, j'aurais déjà jeté ton cadavre du 7ème étage. Et si tu n'as plus de travail, je peux t'en trouver. Je suis certaine que Bérangère de la compta adorerait avoir un coup de main. »

Rien qu'à la mention du nom de notre comptable, Barth eut comme un frisson lui parcourant alors tout le corps. Bérangère étant comme son pire cauchemar. Elle est à Barth' ce que les clowns ou les araignées sont pour beaucoup de gens : Une phobie.

S'asseyant alors à côté de moi, je glisse un clin d'œil complice et plein de gratitude à ma sauveuse du moment.

« - Tu sais, tu devrais lui dire que tu en as marre...Lui refréner ses ardeurs quoi.

- Au fond, il ne me dérange pas. Je ne sais pas ce qu'il s'imagine, ni quelle sorte de charme il pense avoir sur moi, mais cela reste divertissant.

- Tu es bizarre comme fille toi...Tu sais qu'il reste le plus beau parti du bureau ?

- Et ?

- Et tout laisse à croire qu'il s'est entiché de toi. »

Je manque alors de m'étouffer devant une telle nouvelle.

« - Barth ? Mais bien sûr ! Il change de copines plus souvent qu'il ne change de slip. »

Rien qu'à l'idée, je trouve ça totalement dégoutant d'ailleurs.

« - Ahaha ! Astrid, Astrid...Que va-t-on faire de toi ?

- Quoi ?

- Tu travailles au courrier du cœur d'un gros journal...Et tu n'as même pas idée de quand tu te fais draguer. C'est fou quand même non ? Il était comment ton ex ? Moins « franc » que Barth »

Mon quoi ?

« - Je n'en sais rien. »

Pour le savoir, il aurait fallu que j'en aie un.

Mais ce ne fut pas le cas.

Je suis bien consciente qu'à mon âge, toutes les filles pratiquement sont déjà tombées amoureuses. Ont déjà fait l'amour. Sont probablement toutes engagées dans des relations plus ou moins à long terme.

Et puis...Il y a moi.

Astrid.

Ma sœur dit qu'au lieu d'être chroniqueuse, j'aurai pu être nonne et je dois bien avouer que l'idée m'a effleuré l'esprit plusieurs fois. Au moins, dans une Église, Barth ne m'aurait pas poursuivie comme il le fait actuellement.

D'ailleurs, pourquoi moi ? Il y a tellement d'autres victimes dans le journal. Il a l'opportunité du choix non ?

À la fin de la journée, tandis que je rassemblais toutes mes affaires, Barth était là, près de la porte, la bloquant avec son dos et affichant un léger sourire satisfait.

« - Tu sais quoi ? Portier ça te vas bien.»

Je lui passe devant sans le gratifier d'un quelconque remerciement, ne lui ayant absolument rien demandé.

Il s'empresse alors de m'emboiter le pas, me rattrapant au niveau de l'ascenseur.

« - Tu sais Astrid, les filles normales, elles disent « merci » quand on leur tient la porte.

- Est-ce que je t'ai demandé de le faire ? Non. Alors pouet-pouet camembert. »

Là encore, j'entre dans l'ascenseur avant lui.

« - T'es qu'une gamine en vrai.

- Tu t'es vu ? Tu fonctionnes à la méritocratie, attendant que tout le monde salut le moindre de tes efforts. On est plus à l'école Barth'

- C'est vrai...Mais même à l'école, tu étais plus gentille. »

Plus gentille ?

« - Et toi, un peu moins stupide. Allez, bonne soirée. »

Je passe les portes du bâtiment, m'empressant de disparaître dans la foule de la rue pour me débarrasser de cette nuisance.

Mais pas moyen. Il revient à la charge encore et toujours.

« - Ne te méprends pas, mon métro est juste dans cette direction. »

Dit-il, alors que je sais pertinemment que c'est dans l'autre sens, mais Barth' n'a jamais été bon en orientation. Il a su déjà se perdre entre deux services du journal, alors dans le métro. Je ne suis qu'étonnée de le voir encore en vie après tout ce temps.

« - Barth...

- Quoi ?

- Ton métro est dans l'autre direction.

- Ah ouais ? Bon. Tant pis. Je prendrais le bus alors.

- Tu me suis en fait ?

- Non. Je cherche un arrêt de bus.

- Regarde, y'en a un sur le trottoir d'en face. »

Il le dévisage longuement avant de me regarder.

« - T'essayes de te débarrasser de moi, c'est ça ?

- C'est seulement maintenant que tu le remarques ?

- Bon, très bien. Je vais prendre le bus. Mais tu ne viendras pas te plaindre si je te manque ! »

Vantard.

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