Chapitre 5 : Viranhir.
Vira' avait fait s'asseoir l'homme non loin du feu mais tout de même un peu en retrait du reste du groupe. Il la regardait avec une grande haine dans les yeux, avachi sur le sol mais tête levée avec dédain. Ses longs cheveux châtains lui tombaient tout autour du visage, à chaque fois que le vent se levait ils virevoltaient de partout. Son regard, lui, était fixe et courroucé.
Il chassait quelques cendres donnant éclat à son teint halé et prit une grande inspiration, comme prêt à en découdre, mais Vira' lui mit le bout de son épée sous la gorge avant qu'il ne put dire un mot. Son poing serrait plus fort encore la poignée de son épée.
- Et dire que c'est sur nous tous que tu rejettes toute la faute, murmura l'homme, reculant.
Autour du feu, le reste du groupe regardait la scène en silence. Legolas se tenait instinctivement debout, près de Vira', par mesure de sécurité. Bien que celle-ci n'avait aucun mal à gérer son "invité".
- Est-ce un ami ? Demanda-t-il, le toisant du regard.
- Ou un membre de ta famille ? Rajouta Astalos, à demi occupé à manger son bout de viande fraichement dépecé par Celeanor.
Vira' se tourna pour les regarder, malgré elle, avec dureté. Elle s'abaissa au niveau de son hôte et leur répondit :
- Ca s'en rapproche !
Soudain, l'homme se leva et la domina de toute sa hauteur. Legolas était prêt à lui bondir dessus mais se retint, malgré sa carrure il paraissait plutôt inoffensif.
- Tu m'as menacée de ton épée, après tout ce que tu nous as fait !
La jeune femme se dressa à son tour, poings serrés.
- Et toi, tu m'as aperçu le dos tourné et as eu l'intention de m'assommer ! Quel lâche !
Cette fois, il parut exploser pour de bon, sortant un couteau d'une petite poche de cuir. Vira' allait le désarmer mais elle fut prise de court par Legolas, maintenant l'homme les bras dans le dos. Il criait sans s'arrêter et gesticulait si fort que l'elfe tenait bon pour le maintenir.
- Ne parles pas de lâcheté Viranhir ! Tu nous as tous abandonnés pour tes petits intérêts et tout a brûlé à cause de toi ! Fléaux et calamités nous ont assaillies depuis ton départ ! Il n'y a plus rien, tu nous as tous trahis !
Ses yeux enragés s'embrumaient, et petit à petit les larmes coulaient sur son visage. Ce qui était des cris de rages devinrent des hurlements plaintifs, se perdant dans la nuit entre les collines.
Cela dura longtemps, personne n'osa dire un mot.
Thaliūu levait les yeux vers les étoiles, essayant d'échapper au tragique spectacle. Il tourna finalement les yeux vers Legolas qui, les bras rigides, tenait l'homme avec ferveur. Il lui fit signe des yeux de le relâcher délicatement. Il n'était plus en rage dorénavant, il pleurait sans retenue.
Legolas le considérait alors du regard, avant de le fouiller rapidement à la recherche d'une autre arme, il ne trouva rien. De ce fait, il le laissa reposer doucement sur le sol, à nouveau avachi. La tête baissée sous le poids de ses larmes.
Vira' était descendue de la colline. Celeanor l'avait rejoint directement. Astalos tendit l'oreille, il ne put entendre que quelques mots avant qu'elles furent bien trop éloignée de lui. " Tu n'es pas responsable. Ils te prennent tous pour coupable seulement parce que tu as désobéis.."
Le soir passa un peu, l'ambiance était pesante.
Le jeune elfe était bien curieux de savoir ce qu'il se passait. Cette histoire de trahison et de calamité lui parlait. Même s'il ne savait plus trop pourquoi. Alors, prenant soin de ne pas trop se faire remarquer par Thaliūu et Legolas qui discutaient gravement, il avança vers l'homme allongé dans l'herbe. Il n'avait pas bougé. Il n'eut même pas profité du fait que Legolas avait baissé sa vigilance.
- Hé. Lança le jeune elfe, s'abaissant près de lui.
L'autre ne dit rien, mais il releva tout de même les yeux pour voir à qui il avait à faire.
- Vous avez énoncé " fléau et calamités " tout à l'heure et...
Abruptement, l'homme lui lança un regard mauvais, encore rougis par l'émotion. Mais, face au regard mi curieux mi craintif d'Astalos, il s'apaisa et se releva par respect.
- Vous autres- dit-il - ce genre d'affaire ne vous concerne pas à l'accoutumé mais - son visage carré se fondit dans l'ombre un instant - si tu veux savoir quelques vérités sur ta camarade, je peux assurément t'en donner.
Astalos frémit, cet homme était rempli de peine et de colère. Il acquiesça néanmoins à ses propos, intéressé d'en savoir plus. Ses yeux de gamin firent sourire son interlocuteur.
- Bien. Je me prénomme Arwel. Tu t'appelles Astalos, je présume ?
L'elfe fit oui de la tête, se rapprochant pour pouvoir parler un peu plus bas. Arwel reprit :
- Je viens de loin. C'était un endroit magnifique. Nous vivions autour d'un lac d'où débouchait une rivière, c'était là que résidaient toutes nos valeurs, nos espoirs et nos futurs. Nous priions tous les jours ardemment le seigneur de la rivière, pour qu'il nous promette une bonne récolte, bonne chasse et bons évènements.
Astalos écoutait, vérifiant par moment derrière lui, espérant que Legolas et Thaliūu ne lui empêchent pas de parler à Arwel.
- Vois-tu, Astalos, dans ce lac venait parfois ce seigneur de la rivière. Duinhir. Un jour, l'un des nôtres eut une prédiction. Une fille allait naître, grandir, et devoir vouer sa vie à Duinhir. La prochaine née devait devenir la mystique femme du seigneur, celle qui devait nous protéger et nous guider lorsque Duinhir devait nous quitter l'espace de quelques mois.
Il baissa la tête, yeux dans le vague, puis leva à nouveau son regard vers celui d'Astalos.
- Elle avait trois ans lorsque je suis né. On a commencé à me raconter son histoire et sa destinée vers mes quatre ans. On me disait comment on avait trouvé sur la grève, un présent du seigneur Dhuinir ; une pierre d'une finesse extraordinaire comme une feuille d'arbre, mais pourtant incassable. La pluie semblait ruisseler indéfiniment à l'intérieur. Notre doyenne, éclairée sur toutes les légendes que pouvaient nourrir un seigneur tel que Dhuinir, nous a partagée la meilleure façon d'accepter son présent.
- Et alors ? Demanda Astalos.
- Il fallait pratiquer une opération délicate ; faire en sorte que la pierre et la jeune promise ne fassent plus qu'un. Alors, une matinée, pendant le lever du jour, on lui implanta la pierre dans la paume de sa main gauche. Le lendemain un miracle se produisit. Elle savait alors diriger l'eau, communier avec les créatures marines, et l'on disait que l'orage venait en fonction de ses humeurs.
D'un seul coup, il se mit à sourire un peu bêtement. Il replongeait loin dans le passé.
- On me disait qu'elle avait une vie de reine. Qu'on faisait tout pour la satisfaire, bien qu'elle ne demandait rien de grand. Lorsque j'ai commencé à grandir, j'ai voulu essayer de l'approcher, de lui parler. Je l'avais aperçu partir vers un bois voisin. J'avais treize ans, j'étais petit et à moitié caché derrière un arbre. Elle, seize ans, et creusait sous quelques racines pour dévoiler un glaive. Elle se battait contre le vent jusqu'au moindre bruit suspect.
Soudain, il monta le ton, enjoué. Il oubliait progressivement sa colère et son chagrin.
- Je suis retourné la voir se battre quelques fois, trop timide pour engager une quelconque conversation. Elle maitrisait un ennemi invisible. Je me demande où elle avait appris cela. Un soir, alors qu'elle se battait toujours dans l'air, elle dit tout haut quelque chose comme " je sais que tu es là ". Sur quoi, je lui répondit tout simplement en l'appelant par son nom. Viranhir ? Et puis, elle se rapprocha de l'arbre où j'étais planqué et me disait " C'est Vira'. "
- Oh ! Astalos ne put réprimander une petite exclamation de surprise, se portant la main à la bouche.
- En fait, ce n'était pas si amical que tu pus le penser. Ce jour là, c'était son anniversaire, et le seigneur de la rivière était venu lui rendre visite. Viranhir est la contraction de Vira "Reine" et "Duinhir", notre seigneur. La reine dévouée à son roi. Elle refusait d'être vu comme ça. Je le comprends bien mais qui mis à part elle aurait pu tous nous protéger ? Sa magie était un don unique, personne n'aurait pu la remplacer !
Cette fois-ci, Astalos se tut.
- Et, quelques jours avant son union avec Duinhir, elle a pris la fuite. Certains disait qu'elle aspirait égoïstement à nous quitter, d'autre disait qu'elle avait été courtisée. Nous l'avions cherchée partout et, le jour venu, le seigneur de la rivière n'était pas venu. Au lieu de cela, nos récoltes ont commencées à pourrir. Certains pêcheurs dans la rivière disait apercevoir des poissons étranges. Et un soir, un soir d'orage, la foudre est tombée sur le lac. C'était un orage sans pluie, impossible me dirais tu. Mais saches que par le plus grand des malheurs, il s'est abattu sur la maison des parents de Viranhir et petit à petit, la forêt fut accablée par le feu.
- Juste comme ça ?
Arwel avait à nouveau les yeux dans le vague :
- Juste comme ça. Il claqua des doigts, Astalos frémit, et dans l'ombre de l'homme apparue Vira'.
Elle se tenait froidement dans son dos.
- Ma colère est passée. Sais-tu d'autre choses sur ces calamités ?
Arwel montra Astalos du doigt.
- Je dirai tout mais seulement à ce petit. Au moins lui semble porter un quelconque intérêt à ce que je ressens.
Furieuse, elle repartit vers le feu de camp, les poings toujours serrés. Astalos se demandait s'il n'entendait pas l'orage gronder.
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