Chapitre 6 : Sous les astres.

Sept heures du soir, le réveil des étoiles.

Il paraissait que le crépuscule, heure des lumières vacillantes, avait parfois un parfum de mélancolie. Aussi, que le jour devenant cendre laissait un goût à la fois doux et amer au bout des lèvres, comme une goutte de vinaigre. Pourtant, toujours les yeux riaient vers le ciel, les bougies éternelles n'avaient ni cire ni bougeoir.

Astalos n'avait jamais encore senti le crépuscule. Jamais vu les dernières lumières du jour s'enflammer dans le néant. Jamais contemplé le ciel en pensant à la ferveur des étoiles, jadis si elles se seraient toutes éteintes, il n'y aurait nullement prêté attention.

Sur le bord de sa chaise, Astalos clignait des yeux lentement vers le ciel, un coup le ramena à la raison :

- " Hé, Gandalf va bientôt arriver ! Profites un peu de ce qu'il y a sur terre avant de regarder les étoiles ! Viens danser ! "

La Hobbit aux yeux profonds le fit se lever d'un bond, mais le garçon était réticent à l'idée d'aller danser :

- " Je suis très bien ici...à regarder les étoiles. "

Lotallia secoua la tête avec exaspération. Le garçon l'épuisait.

- " Petit, contrairement à moi, tu as l'éternité pour regarder un million de mêmes étoiles... "

Le ton subitement lourd de la femme le fit se figer un instant, l'elfe ne baissait pourtant pas les yeux, comme hypnotisé :

- " Madame, j'ai peut-être ma vie entière pour regarder les étoiles, mais pas un seul instant je ne pourrais négliger leur beauté. Laissez-moi, s'il vous plaît, rien qu'un instant. J'ai appris qu'un million de mêmes étoiles sont bien plus belles à contempler chaque soir qu'un million de nouvelles bougies. "

Sur-ce, sans un mot, la femme soupira et laissa tomber. Elle lui tapota la tête en marmonnant seulement :

- " Je ne te croyais pas aussi délicat de pensée... "

C'est là que dans l'esprit du garçon, quelque chose chavira. C'était la deuxième fois de sa vie, qu'il se sentit à la fois grandi et rajeuni. Lotallia avait-elle raison ? Avait-il quelque chose de changé en lui ? Et si, il y avait encore beaucoup de chose trop instables, là, tout au fond de lui ? Mais non ! Il n'est plus un enfant ! Bien sûr qu'il est le plus sage des plus sages !

Subitement, un petit cri dans son oreille le fit sursauter :

- " Monsieur l'elfe ! Vous êtes qui ? "

- " Ah ! T'es qui toi ? - Il se tourna vers l'inconnu, un petit garçon aux cheveux longs et ondulés - Tu es le fils à Lotallia ? "

Le petit Hobbit eut un rire léger et s'assit, tout sautillant, à côté d'Astalos.

- " Lotallia n'est pas ma maman ! C'est la maman de Kita. Mais Kita il est p'us là, il était gentil Kita... - Il fit naïvement la moue et sauta à nouveau sur lui-même - Moi, c'est Nhinny. Avec un h, parce que ça fait plus joli ! "

Nhinny lui tendit la main, Astalos la lui serra gentiment. Il est mignon ce garçon, il a un drôle de sourire. L'elfe lui lanca en se dressant dramatiquement :

- " Je suis Astalos, le vaillant, et je vais sauver le monde. "

N'ai-je pas l'air piteux ? Se demanda Astalos. N'ai-je pas l'air piteux à admirer le ciel lassement et puis me déclarer comme un sauveur ?

Néanmoins, le petit Hobbit ne rigola pas pour autant. Au contraire, il était impressionné. Certainement parce qu'il était jeune et naïf. Certainement parce qu'il ne connaissait pas encore la définition même du terme "héros". Bon, après tout, qui la connaissait réellement ? Même Astalos, qui pensait la savoir sur le bout des lèvres, commençait à l'oublier avec le temps...Nhinny, lui, semblait en avoir appris une nouvelle. Il se met à crier :

- " Un héros ! Un héros ! Maman ! Il va nous débarrasser des monstres ! "

Son cœur manquait un battement.

- " Quoi ? "

Le Hobbit partait en courant, tirant Astalos de sa petite main jusqu'au centre des tables. Les senteurs des victuailles et des chauds relents de bienveillance assaillirent le garçon de toute part, cette sensation de confort était si...étrange et lointaine.

Activement, Nhinny se tournait vers l'elfe et lui demandait pourquoi il était ici. Celui-ci répondit, un peu sans réfléchir :

- " Je suis voué à mourir bravement et... "

Le Hobbit cria alors :

- " TOUT LE MONDE ! - Une dizaine de têtes se tournèrent vers ses petits bras potelés levés en l'air, stoppant leur joyeuses conversations - Monsieur l'elfe...IL VA TUER LE MONSTRE ! "

Des exclamations surprises s'élevèrent de-ci-de-là, un vieillard haussa le ton au milieu de tous :

- " Nhin', qui nous as-tu ramené ? Est-ce vrai ? "

Astalos hasarda, un peu gêné :

- " Non, je... "

- " Oh que oui ! - Le coupa Nhinny - C'est un héros très fort, il peut faire pleiiiins de combats ! "

Astalos frémit, il venait de se faire reconnaître comme un héros par une autre personne...mais...

Une femme se leva, captant l'attention de presque l'entièreté des fêtards :

- " Il va nous débarrasser de la bête !!! Plus besoin de surveiller les bois ! "

En un éclair, une horde de personnes l'entourait, certaines d'entre elles commencèrent même à le pousser sur un petit promontoire en bois, initialement prévu pour l'anniversaire d'un Hobbit fêtant ses 57 années. Astalos, désorienté, ne savait plus trop où donner de la tête. Il était si bien, parmi la foule, acclamé comme un sauveur.

En un instant, aussi vite que le temps qu'il avait fallu pour l'entourer, le garçon se retrouva seul devant tous. Son ventre se noua d'un coup. Heureusement, Nhinny était devant sa "scène", il lui soufflait :

- " Allez...dis-leur... "

Il mira l'assemblée, tous avaient arrêtés de parler, ils regardaient l'albinos comme un véritable sauveur. Alors, il décida de ne pas se dégonfler...malgré tout il y avait une certaine hésitation, au fin fond de son esprit :

- " Je...je...Je me nomme Astalos ! Et je ferais tout pour mourir vaillamment en héros. Je me débarrasserais de cette bête ! "

Il crut que le silence allait régner pendant des siècles, mais un clappement de main survint. C'était Nhinny. Et puis, tous suivirent ; des clameurs s'éveillèrent et de nombreux chapeaux furent lancés. Astalos était soulagé, il avait l'impression d'être choyé...aimé.

Puis, ses yeux croisèrent, au loin, deux prunelles crémées. Elles étaient pleines de déception. Encore plus loin, un visage accolé au tronc d'un vieux chêne le considérait, une expression indescriptible au fond des yeux. Astalos se prit une lance en plein cœur. Etait-ce le doute qui l'habitait ?

Il allait reprendre son discours quand soudain, se découpant dans l'horizon, une silhouette apparue. Sans même entendre son nom, il sut directement qui c'était. Gandalf se tenait là, le regardant droit dans les yeux. Tous se turent de plus belle, et le sorcier parla. Une phrase, unique phrase, lui donna envie de descendre de sa scène sous les étoiles :

- " Petit, il n'y a plus de sens à ta mort si tu passes ta vie entière à la planifier. "

Et dans le ciel, la lune se dévoila parmi les astres.

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