Chapitre 15 : Maudit

Un cri venait de surgir de derrière la porte, une plainte vaine dans la nuit bruyante.

- Monsieur Tendre-oreille ? - Appela Legolas, essayant d'apercevoir la silhouette du Hobbit qui leur avait loué sa maison. - Vous venez pour...

Il ne put finir sa phrase, coupé par le râle de la porte et un bruit sourd. C'était bien M. Tendre-oreille. Il venait de tomber sur le tapis de l'entrée. Le tissu bu à grand soif, passant de gris à rouge-marronasse.

Les deux elfes furent pris de panique, Thaliûu qui avait commencé à sortir sa lame la rangea à toute vitesse. A peine son regard frôla-t-il celui de Legolas qu'il entreprit d'aller trouver de quoi arrêter l'hémorragie, il fallait faire vite !

En un éclair, Legolas se jeta au sol et vérifia le pouls du vieillard. Il avait les cheveux aussi gris que lorsqu'ils lui ont demandé le gîte mais...ils survolaient des yeux ouverts sur un vide abyssal, terrifiés, comme perdus dans le néant. Une longue entaille lui passait sur les côtes, comme si on aurait voulu l'ouvrir en deux avec une épée aussi large qu'un bâton de Valar.

L'homme, toujours vivant mais conscient de sa longue descente, rassembla toutes ses forces et tourna ses deux yeux livides vers Legolas.

Thaliûu arrivait avec les bandages, il lui passa autour de la taille, bien que M.Tendre-oreille semblait déjà résigné. Une fois chose faite, ils tendirent leurs longues oreilles, le Hobbit parlait tout bas :

- Cette tempête est maudite, pauvres enfants. 

La foudre se brisa non loin de la fenêtre, étincelante et dévastatrice.

- Il y avait...un nuage bas. Et puis...ce cauchemar.

Les yeux du Hobbit s'agrandirent, comme revivant un instant maudit. Il semblait plus ridé qu'une pomme pourrie.

- Quel cauchemar ? Demanda Thaliūu, doucement. Il s'asseyait aux côtés du vieil homme.

M. Tendre-oreille commença à tousser, les deux elfes le regardaient sans rien dire, ils avaient pitié, ils voulaient le sauver mais ils savaient. Ils savaient.

- Ma petite-fille, se noyant dans le lac. Je ne veux pas... - Il reprit son souffle - que ça lui arrive...

Il laissa retomber sa tête et il eut une grimace de douleur, mélangé certainement avec une profonde tristesse. 

- J'ai succombé. Il m'a eut. C'est le mal. C'est les ténèbres. Il nous faut...

Ses yeux se fermaient, mais sa bouche se contracta une ultime fois.

- Magie blanche.

Cette nuit-là, Legolas et Thaliûu furent secoués d'un choc électrique. Ce n'était pas l'orage, et ce n'était pas non plus la première fois. 

Une minute passée dans le silence, Legolas implosa, il se sentait impuissant. Quoi qu'il y ait  dehors, il devait le combattre ! 

Thaliûu savait très bien ce que pensait Legolas, alors, lorsqu'il vit son ami continuer d'affiner ses lames, il se posta devant la porte et attendit qu'il lève le regard.

- Non. Non Thaliûu. C'est dangereux.

Thaliûu resta inébranlable, fort.

- J'ai un niveau égal au tien. Et je ne foncerai pas tête baissée. - Il posa son regard sur le corps du vieillard - Il a parlé de trouver de la magie blanche... 

- C'EST DE LA FOLIE !

Legolas avait lancé son couteau à terre, à la fois inquiet et en rage. Sous la pression, il se mit à parler en elfique.

- Thaliûu, pourquoi prendre autant de risque ? Regarde Astalos, à force d'en prendre il finira par se tuer.

Thaliûu répondit, toujours aussi catégorique, mais de la bienveillance au fond de la voix.

- Si tu meurs il n'y aura plus personne pour le guider. Vous savez, si je suis ici, c'est pour vous protéger, Seigneur Legolas. Je ne fais qu'accomplir ma mission. 

Le roux sourit, il s'avança dans les ombres de la nuit. Legolas le retint avec de nouvelles paroles :

- Mais où trouver de la magie blanche ? Gandalf doit être parti depuis longtemps ! 

Thaliûu continua de sourire

- Je préfère tout risquer que vous condamner, vous et les autres. - Il s'arrêta un instant - Je n'ai que peu de cauchemar, je ne serai un maudit de la tempête.

Et dans la nuit il se précipita avant que son ami ne put répliquer. Échappant à Legolas une probable mort, bien que lui, le fidèle Thaliûu, n'échappa pas au mensonge..

                                                                                                             *

L'orage était bien plus fort que le précédent. Lotallia fermait ses rideaux et allumait une bougie. Ca serait plus réconfortant pour parler du passé.

- Je savais qu'il tenait un journal mais je ne pensais jamais le retrouver. 

Elle faisait glisser les pages sous son index, les mots s'allumant à la lueur des flammes. Mais ceux-ci semblaient s'envoler lentement, comme des cendres au petit matin. Au bout d'un moment, elle leva les yeux vers Astalos, il remarqua une énième fois la profondeur de ses yeux crémés.

Ils étaient aussi profond que le cœur d'une montagne, un roc immense, doux et sage.

D'un coup, elle s'arrêta à une page et y mit le doigt, la Hobbit rit à gorge déployée.

- Oh ! C'est le jour où il m'avait raconté toute une aventure avec un troll pour éviter de se faire gronder ! 

Astalos sourit. Il se rappelait qu'il y a des années il voulait faire croire à son père qu'il partait trouver le trésor de la Moria. La fameuse légende de ses livres de contes. 

Lotallia semblait happée par sa lecture, revivant des journées entières avec son fils, tintée de rires et de larmes, de combats et de faiblesses, quelques remords et cachoteries...

D'un rire, elle éteint la flamme de sa bougie. Quelques secondes passèrent dans le silence avant qu'Astalos la ralluma humblement. Il se fit gratifier d'un regard et la mère reprit sa lecture. 

Lorsqu'elle approchait de la fin du carnet, elle se rendit compte de quelque chose. Il n'y avait plus un narrateur, mais deux. C'était son meilleur ami qui écrivait par moment, décrivant leurs futurs exploits imaginaires et leurs envies de quête épique. Lotallia tourna des yeux vers la porte de sa chambre. On voyait dans l'entrebâillement un petit lit où venait parfois dormir ce fidèle garçon. Maintenant c'était son petit frère qui s'y invitait de temps à autre.

Astalos regardait la Hobbit sans trop savoir quoi dire, tout pleins de pensées se bousculaient dans sa tête. Il se rendait compte qu'une fois de plus, il avait agit impulsivement. Qu'il avait failli à sa promesse et ne faisait même pas honneur à ses ainés. Quel genre de héros ferait cela ? Aucun.

Alors que Lotallia tournait toujours les pages, elle arriva à la dernière. En fait, ce n'était pas une page, ça n'appartenait même pas au carnet. C'était une lettre. Il y avait son nom sur le dessus du papier. 

Elle leva à nouveau les yeux sur Astalos et, d'une voix faible, demanda :

- Mon garçon, pourrais-tu me la lire s'il te plaît ?

Il déglutit un instant, légèrement gêné, avant d'accepter et de prendre la lettre en main. Etonnamment elle était très douce au toucher. Il ouvrit la bouche pour commencer à lire.

Elle le coupa net.

- Non, attends, faisons le là-bas s'il te plait. 

Lotallia désigna sa chambre et ils allèrent s'installer sur une petite table en chêne près des tableaux. La femme fit signe à Astalos qu'il pouvait débuter et elle se mit à scruter dans les yeux le portrait de son fils.

- M-Maman...

Astalos eut un bégaiement, elle lui fit comprendre que ce n'était pas grave et il gagna confiance :

- Maman, je sais que cette mission n'est pas sans faille. Je sais même que tout cela est stupide à tes yeux, mais tu sais maman, je veux te rendre fière. J'ai l'arme de papa et ta détermination, j'ai un ami à mes côtés qui connait la forêt comme sa poche et a reçu un arc, il y a peu. 

Lotallia pleurait autant que les nuages versaient leurs larmes. Astalos devait finir même si elle était inondée. La pauvre avait sangloté dès l'énonciation de "maman".

- Le monstre de la forêt a un sang d'or. Si j'en prends dans un de mes bocaux, on sera riche. Je veux que tu t'achètes de jolis bijoux au lieu de toujours prier la chance pour qu'elle nous amène la richesse. Mais, bien évidemment, j'emporte un de tes trèfle dans ma poche, sois rassurée. Si je ne reviens pas je t'aurai toujours avec moi. Parce que malgré la pauvreté qui nous assomme parfois, j'ai la chance de t'avoir à mes côtés. Je veux être ton héros. Je t'aime maman. 

Astalos sentait à nouveau qu'il pleurait.

- Kita.

Il n'y avait plus que quelques sanglots étouffés pour remplir les silences. Mais aussi, un son qu'ils n'entendaient pas, un grattement contre les murs. 

Lotallia essaya de se calmer, elle dit seulement :

- Tu me rappelles...

- Je sais.

Le grattement s'intensifia et Astalos eut l'oreille fine cette fois. Mais Lotallia couva le bruit de sa voix :

- C'est comme s'il était toujours là.

                                                                                                                   **

La pluie était maigre mais rafraîchissante. Deux voyageuses s'en délectaient pendant qu'elles marchaient côté à côte. Elles venaient de loin et cette pluie leur faisait le plus grand bien.

L'un d'elle se mit à s'exclamer, la tête en ébullition :

- Eh ! C'est fou, en fait...tous le monde ici est un héros de quête ! 

L'autre fille sourit et plissa les yeux, comme pour se rappeler d'un visage.

- Tu parles du type de tout à l'heure ? Ouais. Il passera pas la nuit.

Elles voulurent rire toutes les deux mais, éprissent de pitié, ravalèrent leur sourire et continuèrent à marcher. 

Les armes de la plus grande, celle aux cheveux longs et châtains, cliquetaient au rythme de ses pas. Ce n'était pas des épées elfiques mais les arabesques sur les deux faces de ses lames pouvaient le laisser penser. Il y avait aussi ses bracelets qui faisaient du bruit, ils étaient presque transparents et des vagues y étaient gravées.

D'un coup, la plus petite, qui avait un sac énorme sur le dos, se m'y à se plaindre. C'était pourtant rare :

- C'est encore loin Cul-de-sac ?

L'autre voyageuse leva la tête.

- Eh bien...

Elle était alors prise d'un mutisme terrifiant. La petite devina que quelque chose n'allait pas et détourna son regard de gros champignons pour poser ses yeux au ciel, devant elle. 

Une épaisse mer de nuages noirs commençait à se former.

Les bracelets de la grande scintillèrent dans l'ombre. Elle chuchota :

- Celeanor, il va falloir intervenir. 

La petite hocha la tête, ses cheveux noirs, bien que plutôt courts, remuèrent dans le vent. 

Elles coururent jusqu'aux nuages, seule une acclamation se distingua parmi les grondements :

- Vira, ma reine, fais nous un tour de magie ! 

_____

Certainement un de mes plus long chapitres jamais écrits ! Un pur bonheur !

Des questions par rapport aux deux voyageuses ? ;)

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