Keith rouvre les yeux, déterminé à ce que ça ne se passe pas comme ça. Il se débat mais toujours sans succès. Une lame fauche les Ténèbres qui l'entourent et il tombe à genoux, tentant de reprendre sa respiration.

Rain, qui vient de le sauver, se fait plaquer au sol par les Ténèbres et l'un d'eux lui passe une sorte de bracelet métallique. Aussitôt, les pouvoirs du mage semblent diminuer de moitié. Il se débat pour ne pas recevoir l'autre.

Aya est prise à la gorge par un Tenebre et est brutalement collée à un rocher. Elle a beau se débattre, rien n'y fait.

Une silhouette féline bondit à sa rescousse, tranchant les marionnettes qui deviennent poussière. Aya s'appuie au rocher en se massant la gorge pour tenter de retrouver une respiration à peu près normale.

La mystérieuse guerrière de l'autre fois se trouve face à eux. Alors qu'elle semble prête à délivrer Rain, celui-ci cesse un instant de se débattre et regarde en direction de Keith.

-LAISSEZ-MOI ! FILE AVEC EUX ET LAISSE-MOI ! Je me débrouillerai...

Il ne dit rien de plus mais le cœur de Keith se serre en pensant à la fin de la phrase « je me débrouillerai seul, comme toujours ».

Il serre les poings alors que les yeux de la guerrière font des allers retour entre Aya et Keith.

-Sauve Aya ! Sauve-la ! crie le jeune garçon avant de se faire ligoter par les marionnettes.

La mystérieuse alliée n'attend pas une seconde de plus et bondit, charge la demi- kitsune sur son épaule, et s'éloigne à toute vitesse.

Aya n'a même plus la force de se débattre, une unique larme roule simplement sur sa joue alors que la guerrière l'emmène à l'abri.

Les deux garçons, eux, sont emmenés par leurs assaillants, enfermés dans une cage flottant derrière un Tenebre qui possède visiblement un pouvoir de télékinésie.

Keith se tourne vers Rain et observe les quatre bracelets qui ont été passés à ses poignets. Probablement des bracelets anti-magie.

Il sent ses forces le quitter peu à peu et ferme les yeux. Il bascule en arrière et, au lieu de heurter le sol dur et froid de la cage comme il le pensait, il sent quelqu'un le rattraper et rouvre les yeux.

-Rain... ?

Ce dernier lui décroche un petit sourire et dépose délicatement la tête du jeune garçon sur ses genoux.

-Reposes-toi. Tu vas avoir besoin de prendre des forces.

-Merci...

Il ferme de nouveau les yeux et s'endort peu à peu dans un sentiment de confort et de sécurité contre Rain.

Il ne les rouvre que lorsqu'il sent quelqu'un le secouer doucement et entend une voix l'appeler.

-Keith... on est arrivés. Réveilles-toi.

Il se redresse en se frottant les yeux et baille.

-Arrivés ? Où ?

Il se souvient brusquement de tout ce qui s'est passé et regarde autour de lui.

-Nous sommes à Ténébris.

-C'est si proche que ça de la Citadelle et de Stalion ?

-Non c'est très loin. Les Ténèbres ont utilisé un portail.

Il serre les poings avant de reprendre.

-J'ai détruit un bon nombre de ceux qui mènent à Ténébris mais celui-ci m'avait visiblement échappé.

-Ce n'est pas de ta faute. Tu as déjà fait beaucoup tu sais.

-Si tu le dis...

Ils se taisent et observent les murs du palais impérial. Sombre et terrifiant, à l'image de l'Impératrice de la mort.

Ils arrivent enfin face à elle. Elle est plus pâle encore qu'un vampire, vêtue de noir, violet et rouge sombres.

Sans savoir pourquoi, Keith décrit ces couleurs comme menaçantes alors qu'elles peuvent être... accueillantes. Mais ici, elles sont glaciales et oppressantes.

L'Impératrice a les cheveux noirs, un peu grisonnants, les yeux rouges menaçants et le corps presque décharné. Et pourtant, elle est imposante. Sa présence est au moins aussi forte que celle de Rain. Non moins. Keith sait qu'il n'a pas vu le mage au sommet de sa puissance et il sent au plus profond de lui qu'il est bien plus puissant. Simplement, il se force pour une quelconque raison à se retenir. Du moins en sa présence.

À la gauche de l'Impératrice se trouve une fille qui doit avoir l'âge de Keith voire même un peu plus. Elle a de longs cheveux blonds réunis en une tresse unique, des yeux bronze et un air figé. Comme une statue ou une poupée vide d'expression. Une marionnette au service de l'Impératrice.

En fixant ses yeux, Keith se sent aspiré par un torrent d'émotions. Il voit alors en une seconde, une vie entière.

Peur. Harcèlement. Tristesse. Pleurs. Solitude. Abandon. Dégoût. Silence. Terreur. Faible. Suicide. Renaissance. Rejet. Obéissance.

Il ferme les yeux et tente de calmer sa respiration. Il a compris. En un instant. Une seconde qui a durée des années. La jeune fille, la princesse des ténèbres, est une Arrivante. Et également la princesse perdue.

"Dans princesse perdue, perdue ne voulait pas dire disparue mais perdue au sens émotionnel. Elle ne sait plus où elle en est. Elle était désespérée et la seule personne qui lui ait enfin tendu la main c'est l'Impératrice de la mort une fois qu'elle s'est suicidée. L'Impératrice de la mort lui a offert le pouvoir. Elle a refusé et est partie voir le monde. Durant un mois, elle a parcouru Bors. Pays dévasté. Dès qu'ils la voyaient et qu'ils découvraient son pouvoir, tous la détestaient ou avaient peur d'elle. Car son pouvoir c'est de manipuler des spectres qu'elle peut faire apparaître"

Il sent alors quelque chose effleurer son bras. C'est la main de Rain qui a probablement remarqué son trouble. D'un regard il le rassure sur son état avant de reporter son attention sur la fameuse princesse perdue.

L'Impératrice des ténèbres prend la parole d'une voix plus froide que la glace et plus tranchante que l'acier.

-Mettez-vous à mon service et aucun mal ne vous sera fait.

-JAMAIS ! s'emporte Rain.

-Dans ce cas, qu'on les enferment et torturent. Ils m'ennuient déjà.

En entendant l'ordre donné par l'Impératrice, la princesse a tressailli.

-Ne t'en fais pas ma petite chérie, ces méchants vont vite aller en prison.

-Oui... mère...

"Mère... ce mot qui dans d'autres circonstances aurait été béni est ici maudit"

Les Ténèbres les enferment dans deux cellules séparées, l'une en face de l'autre. À travers les barreaux ils peuvent se voir.

Un homme, bien vivant, s'approche de Rain avec un sourire mauvais et abat le fouet qu'il a en main.