Aya s'approche aussitôt.

-Il a quoi ?

-Ses blessures... et du poison aussi...

Inquiet, Keith se tourne vers le mage. La demi-kitsune sort aussitôt une pastille de sa poche et la tend au mage.

-Tiens, c'est une pastille magique pour soigner les blessures. Maära me l'avait donnée, elle se disait que ça pourrait nous servir.

-Et ça... fait quoi ? demande le mage, méfiant.

-Ça soignera tes blessures actuelles et pendant quarante-huit heures toutes les blessures que tu auras seront instantanément guéries. Enfin très rapidement.

-Je n'en... veux pas...

-Mais et le poison !? proteste Keith.

-Avec mes pouvoirs... je ne risque rien... il faut juste un peu de temps...

-Tête de mule !

-Ça ira... je te dis...

Keitha attrape alors la pastille et la place de force dans la bouche du mage. Il maintient sa bouche fermée et le fixe droit dans les yeux.

-Avale.

Rain hésite pendant un instant, son regard fixé dans celui de Keith, puis esquisse pendant un millième de seconde un sourire et avale la pastille.

Il ferme ensuite les yeux et se roule en boule, se recouvrant de sa cape afin d'éviter que la chaleur ne s'échappe de son corps.

Keith décide de rester veiller sur lui et, Aya s'éloigne sous prétexte de chercher du bois pour le feu afin de les laisser tranquilles.

Resté seul avec le mage, le jeune homme observe son visage, ses traits presque androgynes, ses cheveux noirs aux mèches plus longes sur le devant. Il observe ses paupières fermées cachant deux joyaux à la couleur changeante et pourtant toujours aussi beaux.

Il s'arrête un instant sur sa bouche, fine ligne bien souvent droite, rarement souriante excepté lors des combats, laissant pourtant s'échapper un rire à vous glacer le sang qui, à chaque fois qu'il l'entendait ou ne serait-ce qu'y repensait, faisait frémir Keith, l'emplissant d'une sensation étrange mais pas désagréable.

Son regard s'attarde sur ses lèves pendant quelques minutes mais le jeune garçon secoue la tête pour tenter de se remettre les idées en place.

"Ça ne sert à rien de se faire des illusions ce n'est absolument pas réaliste. Dans ce monde ce n'est sûrement pas possible... Et même si ça l'étais je n'ai aucune chance. Il a déjà du mal à nous accepter Aya et moi comme amis alors voir plus que ça en l'un de nous... Et si quelqu'un a sa chance c'est Aya, pas moi."

Il continue son observation en descendant le long de son cou, son regard dérivant le long de sa clavicule pour ensuite longer le bras révélé par la cape qui a glissé, s'attardant au passage sur la main en apparence si anodine et pourtant si meurtrière.

En replaçant la cape sur le jeune mage, il réalise alors cela. Son apparence presque angélique dissimule en réalité un véritable démon. Un démon qui a fait couler tant de sang, un démon qui a ôté tellement de vies, un démon meurtrier, un véritable criminel.

Et pourtant, Keith n'éprouve aucun dégoût à son égard, aucune peur, aucun regret d'être devenu son ami, aucune crainte qu'il ne le tue. Juste de l'amour. Un amour naissant et pourtant si profondément ancré en lui qu'il a l'impression de le porter depuis toujours. Il le vit si naturellement qu'il lui semble qu'il en a toujours été ainsi. Et pourtant il est persuadé de ne jamais pouvoir pleinement le vivre.

« Un solitaire comme Rain a sûrement mieux à faire que de s'encombrer d'un incapable pareil »

Et ce n'est qu'une des dizaines de raisons qu'a trouvé Keith pour ne pas se faire d'illusions.

Ou n'a-t-il pas au contraire trouvé toutes ces excuses pour ne pas admettre ses sentiments et les regarder en face ? Parce qu'il a peur de ce sentiment. Cet amour si fort qu'il semble pouvoir le submerger à tout instant. La peur de perdre pied, de se noyer en tentant de se jeter à l'eau.

Mais on ne peut pas savoir avant d'avoir essayé pas vrai ? Pourtant, il n'ose pas. Oui, il l'admet enfin. Il le comprend enfin. Il a peur. Peur d'être rejeté, abandonné, moqué, blessé, seul, rejeté,... Comme il l'a toujours été. Il a trop souffert pour encore oser prendre des risques.

Brusquement, Keith se redresse et va s'installer à l'opposé de l'emplacement où se repose le mage. Il respire calmement pour tenter de calmer son cœur affolé. Il ferme les yeux et enfouis son visage dans ses genoux qu'il entoure de ses bras, comme affolé.

Au bord de la crise de panique, il est sauvé par le retour d'Aya et son sourire lumineux.

Il respire profondément et s'enroule dans sa couverture, bien déterminé à fermer les yeux et à ne plus penser à rien jusqu'au lendemain. Mais malheureusement pour lui le sort en a décidé autrement et il s'éveille à l'aube.

Parcourant le camp provisoire du regard, il remarque que tous semblent encore dormir et il se lève silencieusement pour s'éloigner un peu tout en sachant que c'est risqué. Au bout de quelques minutes, un craquement de branches le fait sursauter et il se retourne rapidement. Heureusement pour lui ce n'est qu'Aya.

-Salut Keith, bien dormi ?

La demi-kitsune lui décroche un sourire avant de bailler.

-Plutôt bien et toi ?

-Super merci !

La jeune fille s'assied près de lui sur le tronc d'arbre couché au sol et reprend la parole.

-Qu'est-ce qui ne va pas ?

-Tout va bien pourtant.

-Ne me mens pas Keith ! Je sais parfaitement que tu nous caches quelque chose. Tu es bizarre depuis hier soir.

-Bon...

Il soupire.

-Tu as raison, il y a... quelque chose... qui me tracasse.

-Et ce ne serait pas plutôt une personne ?

-Hein ?

-Comme hum...

Elle fait mine de réfléchir, un sourire taquin sur le visage.

-Rain par exemple.

Il sent ses joues devenir rouges et tente sans succès de se calmer.

-Et qu'est-ce qui te fais dire ça ?

-Rien que ta réaction actuelle me le prouve. Mais plus sérieusement, qu'est-ce que tu ressens exactement pour lui ?

-Je... je n'en sais trop rien.

-Menteur ! Tu le sais très bien, tu refuses juste de l'admettre !

-Tu as peut-être raison...

-Bien sûr que j'ai raison ! Alors dis-le.

-Mais...

-Je veux t'entendre le dire par toi-même. Je veux que tu l'admettes. C'est le seul moyen pour que tu puisses avancer.

Il prend une grande inspiration et exprime enfin ce qu'il tente de se cacher depuis si longtemps.