Chapitre 71 : Processus artistique
-Ça va Stef' ?
Ngôi Sao entra dans son bureau. Cela faisait deux jours que le couple avait rencontré Patrick Gilles. Stefano avait déjà réalisés son premier croquis préparatoire après plusieurs essais mais il séchait un peu sur le deuxième.
-J'arrive pas à trouver une bonne idée pour le deuxième tableau. Et j'aimerais bien que ce soit quelque chose que je n'ai pas encore peint...
Ngôi Sao regarda son croquis final pour le premier tableau.
-De la lingerie sur un homme, c'est vrai que c'est pas mal ça.
-Merci.
Ngôi Sao réfléchit. Elle savait qu'elle voudrait voir son mari avec la lingerie qu'ils avaient acheté exprès pour lui la dernière fois au magasin, ce qu'il n'avait pas encore mis, et par association d'idées, elle pensa à autre chose qu'elle avait aussi envie de tester avec son mari un jour.
-Pourquoi pas du shibari ? hasarda-t-elle.
Stefano, assis, releva les yeux vers elle, debout derrière lui.
-L'art des nœuds japonais ?
-Précisément, sourit la jeune asiatique. Tu pourrais faire un homme suspendu, yeux bandés à la limite, ou quelque chose dans ces eaux-là.
Stefano garda le silence quelques secondes, la main sur le menton.
-Pourquoi pas. Je vais essayer d'en faire des croquis d'essais ! Merci, ma lionne !
-De rien. Tu ne veux pas faire une pause avant d'entamer tes croquis ? J'allais me faire un café.
-Pourquoi pas, il faut que je me dégourdisse les jambes. Je vais me faire un chocolat.
Le couple partagea un moment intime autour de leur boisson de pause.
-Tu voudrais essayer le shibari ? demanda Ngôi Sao avec un sourire en buvant doucement son café brûlant.
-Seul...Seulement si c'est toi qui m'attaches, répondit Stefano en sirotant son chocolat.
-Je ne pensais pas à m'attacher moi, de toute façon, rit sa femme.
-Non je...Je voulais dire que je ne veux pas que ce soit quelqu'un d'autre qui me le fasse.
-Pourquoi ce serait quelqu'un d'autre qui t'attacherait ?
-Je sais que le shibari demande un certain niveau technique, donc des fois ça demande l'aide de quelqu'un qui s'y connaît. Et je ne veux pas me faire attacher par quelqu'un d'autre que toi.
Ngôi Sao sourit, attendrie.
-T'inquiète pas j'apprendrai, le rassua-t-elle avec un sourire amusé et légèrement lascif. Parce que je ne laisserai jamais personne t'attacher et te voir ainsi. Je garde ça égoïstement pour moi !
Stefano sourit à son tour.
-Ça me va parfaitement !
Après cet interlude qui leur avait fait office de pause, Stefano revint à ses croquis, soudainement un peu plus motivé pour reprendre ses esquisses.
Ngôi Sao, quant à elle, revint à son bureau pour préparer ses dossiers. Elle avait beau être en vacances, elle devait préparer une tonne de choses pour la reprise dans un peu plus d'une semaine.
-Ma lionne ?
-Oui ?
Stefano s'approcha de sa compagne doucement avec plusieurs papiers dans la main. Il les posa sur la table devant elle, par-dessus ses affaires.
-Tu préfères lequel ? J'arrive pas à me décider...
La jeune femme regarda alors les différentes esquisses d'essai de son mari. Elle les aimait toutes, c'était difficile de choisir. Probablement Stefano avait été confronté au même problème et que c'était pour cela qu'il était venu lui demander son avis.
Sur le premier croquis, on voyait un homme suspendu et élégamment attaché avec une femme le regardant avec, semblait-il, une certaine avidité charnelle.
Le deuxième dessin présentait un plan plus rapproché des deux personnages, l'homme était à genoux par terre, le corps entièrement attaché, et la femme lui caressait la joue en le regardant d'un peu plus haut que lui ne l'était.
Le troisième dessin était le plus éloigné des deux premiers, parce que la femme avait à la main un genre de fouet et l'homme était de dos et les yeux bandés, la tête légèrement tournée en arrière comme s'il espérait voir quelque chose malgré son bandeau noir sur ses yeux.
Ngôi Sao regarda les autres esquisses qui lui semblaient moins percutantes que les trois premiers dessins. Elle réfléchit longuement puis finit par désigner les deux premières esquisses qu'elle avait observées.
-J'aime ces deux-là, dit-elle simplement.
-Moi aussi, sourit Stefano.
Le jeune homme leva les yeux vers elle avec un petit sourire entre l'attendrissement et la provocation, puis demanda doucement :
-Tu me feras ça, non ?
-C'est très tentant en tout cas, lui répondit Ngôi Sao avec un magnifique sourire en coin.
Tout en la regardant bien dand les yeux, son mari sourit de plus belle puis la remercia avant de retourner dans son bureau pour peaufiner ses esquisses finales avant de les reproduire sur ses toiles en plus grand format.
Le lendemain, Stefano se rendit avec sa femme à l'atelier. Elle allait faire des courses ensuite donc elle l'avait amené en voiture pour qu'il puisse amener ses toiles gigantesques qu'il avait cette fois lui-même achetées.
-Tu viens dire bonjour à tout le monde ?
-Pourquoi pas. Attends, je dois trouver une place alors.
La jeune femme laissa la voiture dans le petit parking près de l'atelier et elle prit une des toiles de Stefano pour l'aider à y aller.
Le couple arriva ensemble, pas main dans la main à cause des cadres qu'ils portaient, et là, vit assis devant leurs tableaux toute la petite tribu de l'atelier, c'est-à-dire les trois amis et Shawn le petit nouveau.
-Ngôi Sao ! fit Lou en premier en se levant. Ça fait longtemps !
-Attends on va vous aider ! fit Marcus en arrivant rapidement pour décharger le couple de leur marchandise talonné de près par Heck.
-Comment ça va ? demanda-t-il en regardant la seule femme dans la pièce.
-Bien, répondit Ngôi Sao. Et vous ? Ça roule ?
-Super ! lancèrent presque tous en chœur les trois amis.
-Je crois que vous vous êtes jamais vus encore, ajouta Lou. Shawn, je te présente Ngôi Sao, on t'en avait parlé une fois. C'est la femme de Stefano. Ngôi Sao, je te présente Shawn.
-Enchantée, dit la jeune femme avec un sourire de politesse. J'ai un peu entendu parler de toi.
-En...Enchanté, bredouilla son interlocuteur Shawn. Moi...Moi aussi.
Il était tout rouge et Lou éclata de rire en tapotant son épaule.
-Elle va pas te manger tu sais ! Sois pas si gêné !
-Très drôle ! lâcha le jeune garçon en se dégageant. Bon je vais faire une pause, à plus tard.
Le jeune homme aux cheveux noirs alla prendre sa veste puis sortit de l'atelier en trombe.
-J'ai fait quelque chose ? demanda la femme asiatique en regardant le trio face à elle puis son mari qui haussa les épaules en signe d'incompréhension, pas plus avancé qu'elle sur la question.
-Je crois que tu l'impressionnes, rit Marcus.
-Comment ça ?
-Il en a entendu des vertes et des pas mûres sur toi, fit Heck en se grattant la tête.
-Qu'est-ce que vous lui avez encore raconté, vous tous ? fit Ngôi Sao en fronçant les sourcils tout en souriant légèrement.
-Des horreurs sans nom, tu imagines pas, se moqua alors Stefano.
-Je vais tous vous éclater ! leur lança la jeune femme en brandissant un poing vengeur vers eux, en riant.
-On va mourir ! s'exclama alors théâtralement Lou, dramatique, rentrant dans son jeu.
Le groupe rit de bon cœur quand Lou fit semblant de perdre la vie tel un guerrier d'honneur dans une bataille sanglante et sans merci contre Ngôi Sao la vaillante.
-Sans rire, j'ai fait quoi ? finit par redemander la jeune femme, détestant ne pas avoir de réponse quand elle en cherchait une.
-Je disais pas de bêtise quand je disais que probablemen tu l'impressionnes, répéta Marcus avec un sourire plus doux, loin de l'hilarité générale de tout à l'heure.
-Mais pourquoi ? s'enquit Ngôi Sao, un peu perdue.
Pourquoi l'impressionnait-elle alors qu'elle ne l'avait jamais vu ? Ils avaient bien dû dire quelque chose à ce jeune garçon pour qu'il ait une appréhension quelconque une fois en face d'elle. Heck eut un sourire amusé et se mit à expliquer :
-En fait, la première fois qu'il a rencontré Stefano, il a jugé très fort sa peinture.
-Moins que nous la première fois, je dois avouer, intervint Marcus un peu gêné d'évoquer encore cette époque un peu embarassante.
-Certes...fit Heck un peu troublé lui aussi. Mais du coup, Stefano est sorti faire une pause, comme lui à l'instant, et nous on est restés dans l'atelier avec lui.
-Ça j'en avais entendu parler, dit Ngôi Sao en haussant un sourcil. Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
-On lui a dit que c'était pas bien de juger comme ça et que c'était presque sexiste et homophobe, du coup on lui a aussi expliqué que nous, on avait été aussi été comme ça et qu'on avait fait des remarques à Stefano. Et on lui a dit que lui et sa femme nous avaient fait nous remettre en question.
-Là il a demandé si tu en imposais, rit doucement Lou. On savait pas trop quoi répondre parce que...Disons que...
Il ne voulait pas dire la suite de sa pensée pour ne pas froisser son interlocutrice. Ce fut Stefano qui termina sa phrase :
-Disons que, oui et non.
-J'aurais pas dit mieux.
-Je vais vous taper, dit une nouvelle fois Ngôi Sao en riant elle aussi.
-Tu vois pourquoi tu en imposes, lança alors Marcus en tapotant son épaupe avec amusement.
-Vous avez idée de ce que je vis au quotidien ! déclara Stefano, sourire d'un seul côté de la bouche, regard en coin pour guetter la réaction de Ngôi Sao.
Cette dernière ne fit que sourire malicieusement elle aussi.
-Je vais vous le laisser, vous le surveillez bien ! finit par dire la jeune femme après une dizaine de minutes à discuter du beau temps et de la pluie.
-Oublie pas les tagliatelle et les tortelloni, lui dit Stefano avant qu'elle ne passe la porte. On en a presque plus.
-Ça marche, sourit sa femme. On se retrouve à la maison !
-Vous avez plus de pâtes ? demanda Marcus.
-Quoi ? fit Stefano un peu perplexe avant de comprendre d'où venait l'incompréhension. Si, si on en a encore. Mais plus de ces deux sortes de pâtes.
-Quel italien, l'embêta Heck riant avec les deux autres garçons.
-Je vais vous frapper aussi en définitive ! leur répondit avec vigueur Stefano en levant vers eux le même poing vengeur que Ngôi Sao avant lui.
Quand Shawn revint à l'atelier, ses quatre collègues s'étaient tous remis à peindre. Il alla donc égalememt s'asseoir devant sa petite toile encore en composition. Il ne put s'empêcher de lorgner sur les tableaux des quatre autres artistes de la pièce et ses yeux s'attardèrent sur celui de Stefano.
Concentré, le regard intense et concentré du jeune homme naviguait de sa palette à sa toile au même rythme que ses pinceaux et ses mains, derrière les petites fenêtres qui lui servaient de lunettes.
Ses traits étaient sûrs, forts, et une fois engagée dans le mouvement, sa main bougeait presque toute seule, très fluide et sans un accroc dans le geste.
-Ça t'intrigue ce qu'il fait non ? entendit Shawn derrière lui.
Il se retourna brusquement.
-Je...Un peu oui. C'est curieux comme sujet de peinture.
-Oui je comprends qu'au début on pense ça, mais c'est son style, sourit Marcus au jeune noiraud qui reporta à nouveau ses yeux sur Stefano.
-En tout cas, il est très beau quand il peint, comme ça, lâcha dans un murmure Shawn les yeux rivés sur la main de Stefano qui se mouvait si vite.
-Et bien, dis donc ! le railla un peu Marcus. On regarde les garçons maintenant ?
Shawn rougit brusquement de son nez jusqu'à ses oreilles.
-Non ! Pas dans ce sens-là ! s'offusqua-t-il devant cette incompréhension probablement volontaire. Quelqu'un à fond dans sa passion, c'est beau c'est tout.
Marcus sourit gentiment. Il était un peu mignon, sous certains aspects. Mais il ne put alors résister à cette soudaine envie qui monta en lui.
Il porta une main vers sa bouche comme une moitié de mégaphone et lança :
-Stefano ? Tu sais quoi ?
Le jeune homme se retourna, le regard interrogateur.
-Shawn te trouve très passionné et très beau !
Stefano écarquilla ses yeux, surpris par ces mots, puis eut un tout petit sourire qui parut pudique aux yeux des autres mais qui était principalement de la gêne sociale, avant de répondre :
-Merci.
Shawn ne put s'empêcher de penser que Stefano avait un beau sourire. Et qu'il était content que son compliment n'ait pas été mal pris, même si Marcus l'avait un peu déformé.
Stefano se remit au travail. Il lui restait mine de rien assez peu de temps pour un tel projet.
Mais sachant quelle chance il avait d'avoir reçu une aussi belle proposition, il ne baisserait pas les bras et n'abanonnerait pas.
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