Chapitre 70 : Rencontre décisive

-Ça va aller, Stef' ! Il y aura en tout cas deux personnes que tu connais, respire ça va aller !
Le jeune homme déglutit, ce que Ngôi Sao entendit, et il serra plus fort sa main dans la sienne.

Le couple avança et entra dans le bâtiment. C'était une immense construction moderne et carrée en blanc et gris, avec certains piliers en noir brillant. Il y avait une grande exposition principale dans ce carré principal, bien éclairée par les baies vitrées de cet étage, et un petit coin boutique vers le centre.
Juste derrière cette boutique de livres et de souvenirs, il y avait un grand escalier d'environ quatre mètres de large en pierre polie.
Stefano et sa femme s'arrêtèrent au milieu du bâtiment. Ils purent apercevoir qu'en haut grâce à quelques coins de tableaux, il y avait une autre galerie d'exposition, la première étant là au rez-de-chaussée avec surtout des tableaux. Le jeune homme était curieux de voir toutes ces œuvres mais à ce moment-là, interrompant leur contemplation silencieuse, Odile arriva derrière eux.
-Bonjour tous les deux ! Comment allez-vous ?
Le couple se retourna et sourit en même temps.
-Ça va bien, merci. Et toi ?
-Très heureuse ! J'ai hâte de voir tes œuvres ici Stefano !
Le jeune homme rougit et Ngôi Sao sentit qu'il serra un peu plus sa main à nouveau.

Ils discutaient encore un peu quand ils entendirent des pas rententir sur les marches de pierre. Quelqu'un descendait.
-Bonjour, Odile ! Bonjour à vous deux !
-Bonjour, Patrick !
Un homme d'âge déjà mature, très élégant dans un costume gris chiné agrémenté d'une cravate blanche au-dessus d'une chemise noire. Il avait des chaussures encore plus polies que celles de Stefano qui aimait bien ce genre de chaussures également, plus brillantes que l'avenir de n'importe qui dans la pièce.
Il vint serrer la main de sa connaissance Odile puis continua avec Ngôi Sao puis Stefano, qui dut lâcher la main si rassurante de sa femme.
-Enchanté de faire votre connaissance ! Vous le savez probablement déjà, mais je me présente tout de même, je suis Patrick Gilles le directeur de cet endroit.
-Enchanté, répondit Stefano sur un ton incertain, que Ngôi Sao perçut comme tentative de cacher sa timidité. Je suis Stefano Lardieri...Et voici ma femme, Ngôi Sao.
-Odile m'a parlé de vous ! sourit l'homme en remettant en arrière ses cheveux gris pourtant déjà parfaitement ordonnés. Je suis heureux que vous ayez accepté cette rencontre.
-Merci à vous, dit Stefano toujours peu à l'aise.

Patrick Gilles leur demanda de les suivre alors dans son bureau. En montant les escaliers, le couple marchait derrière Odile et Patrick Gilles et Stefano en profita donc pour reprendre la main de sa compagne dans la sienne, juste pour se donner du courage.
Ngôi Sao lui sourit et le prit à la taille. Elle lui murmura :
-Ça va aller ! Ça va bien se passer, et je suis là au cas où.
-Oui merci...
Stefano se sentit plus rassuré par la main et les mots de sa femme. Quand ils arrivèrent en haut, le couple put apercevoir la collection de tableaux et de sculptures exposés à cet étage. C'était quelque chose de plus moderne qu'en bas mais tout aussi intrigant quand on s'intéressait à l'art comme le jeune couple.
Le directeur du lieu les fit entrer dans son bureau dans lequel il avait installé au préalable trois chaises et referma la porte derrière eux. Quant à lui, il alla s'installer face à ses trois interlocuteurs derrière son bureau.

-Bien...
Il croisa ses mains, entrelaçant ses doigts pour prendre un air sérieux.
-Je voulais discuter avec vous, monsieur Lardieri, par rapport aux tableaux que j'ai pu voir de vous dans l'atelier d'Odile ici présente. Elle vous l'a me semble-t-il déjà comnuniqué.
Stefano tiqua, perturbé. Il n'avait vraiment pas l'habitude d'être appelé par son nom de famille par les gens.
-Oui, confirma-t-il. Elle m'avait transmis le message.
-Je serais absolument ravi de pouvoir exposer quelques-unes de vos œuvres pour la prochaine exposition temporaire. Elle concernera les jeunes talents de notre temps avec quelques autres peintres et artistes de la région. Vos tableaux m'ont beaucoup plu, vous avez un trait à la fois subtil et chaotique, et vous sublimez merveilleusement bien des thèmes féministes.
Stefano sourit, encore timidement, en guise de remerciement. S'il savait que la plupart de ses tableaux mettaient juste en scène une représentation de lui et sa femme dans un moment plutôt intime la plupart du temps...Il était vrai par contre que le côté dominant et dominateur qui se dégageait des silhouettes féminines censées représenter Ngôi Sao pouvait être interprété comme une revendication féministe.

Patrick Gilles continua devant le silence de Stefano :
-Je souhaiterais acheter quelques-unes de vos œuvres pour pouvoir les exposer dans la galerie et peut-être les faire déplacer dans l'exposition permanante si elles ont du succès
Stefano avait longuement discuté avec Ngôi Sao au préalable sur ce dont il avait envie. Il avait plutôt tendance à accepter des choses des fois par gêne de dire non ou par peur de vexer son interlocuteur, ce qui avait déjà posé problème dans ses précédentes relations, quelles qu'elles soient.
La jeune femme avait donc pris le rôle d'interrogatrice pour le pousser à dire ce qu'il voulait vraiment, et finalement ils avaient réussi à en sortir quelque chose. Et après cette discussion, Stefano savait ce qu'il voulait.

Patrick Gilles attendait toujours une réponse et Stefano déglutit doucement avant de commencer à parler :
-Je...Je ne souhaite pas vendre mes œuvres actuelles. Elles ont beaucoup de valeur affective à mes yeux et je ne veux pas m'en séparer.
Patrick Gilles ouvrit la bouche pour répondre quelque chose mais Stefano reprit la parole pour ajouter :
-Par contre, je peux volontiers prêter mes tableaux le temps de l'exposition. Et je peux également peindre quelque chose sur demande que je pourrai vous vendre. J'aurai moins de peine à me séparer d'un tableau si je sais au préalable que je la peins dans l'optique de vous la vendre.
Un sourire fendit le visage mature de l'homme en face de lui.
-Je comprends votre point de vue ! déclara le directeur avec un ton compatissant. Odile m'a dit que vous peigniez souvent une représentation de vous et votre femme, n'est-ce pas ?

Stefano rougit. Il n'avait jamais eu honte de ses tableaux, il en était fier, mais quand on lui rappelait que sa muse était sa femme et qu'il représentait des scènes plus ou moins explicites de leur intimité, il était un peu gêné tout de même...
-Oui, murmura-t-il. C'est bien ça.
-Je trouve ça très beau ! sourit Patrick Gilles. Ça a ce côté sous-jacent féministe que je trouve très beau dans certaines formes d'art contemporrain.
-Féministe ? répéta Stefano sur un ton inquisiteur.
Il avait déjà entendu cet argument une fois dans le passé mais là, il voulait demander pourquoi.
-Et bien...Tout simplement parce que déjà on devine un homme attaché et que c'est une femme qui, disons, mène la danse. En général, dans ce genre de thème comme les relations charnelles, on a plutôt tendance à penser inconsciemment l'inverse.
-Je...Je pense que...Que la société et les représentations dans toute la culture érotique, et plus...N'aide pas vraiment à briser cette idée toute faite, dit Stefano avec moins d'assurance qu'il ne l'aurait voulu. Et qu'au contraire, tout ça la cultive. L'image de la femme n'est jamais très bonne dans ces choses-là.
-Je suis tout à fait d'accord, sourit le directeur amusé devant l'air tout à fait sérieux et professionnel de Stefano.

L'homme aux cheveux grisonants consulta alors ses registres de budget et se mit à réfléchir. Il aurait beaucoup voulu pouvoir acheter des tableaux à Stefano dont les deux qu'il avait vus, encore inachevés, à l'atelier, mais il comprenait l'attache que le jeune homme avait pour eux.
Cela arrivait parfois à certains artistes. Quand ils créaient quelque chose qui n'avait pas du tout pour but d'être vendu, ils pouvaient développer un certain attachement à leur œuvre, surtout quand elle était directement reliée à eux-mêmes, ce qui fait que la vente se faisait très difficilement.
Il déclara alors avec un sourire bienveillant :
-Et bien, monsieur Lardieri, ce que je vous propose, c'est que vous exposiez vos tableaux dans la partie des jeunes artistes régionaux, que vous nous prêterez j'espère bien volontiers, et si cela ne vous dérange pas, je souhaiterais vous en commander deux pour pouvoir les exposer ensuite dans la galerie permanante en bas.
Stefano ne sut que dire. Il ne pensait pas un entre-deux si parfait possible !
-Avec...Avec plaisir ! fit vivement le jeune homme en se redressant sur sa chaise. Je peux peindre ce que vous voudrez !
Patrick Gilles eut un petit rire discret quand il vit l'entrain dans la réponse de son interlocuteur.
Pour évincer son sourire, il agita sa main à laquelle Ngôi Sao remarqua qu'il avait une alliance en argent. Elle sourit. Elle toucha discrètement la sienne à son annulaire. Cette bague la rassurait et la rendait si heureuse, elle symbolisait sa vie commune et son bonheur d'être avec son Stefano.

-Je vous donne carte blanche, monsieur Lardieri. Vos peintures sont percutantes et j'ai peur que votre style dynamique et caractéristique soit impacté si je demandais quelque chose de trop précis. Je vous demande simplement de rester sans cette thématique un peu sensuelle et subtile, avec ce côté féministe qui m'a tant plu. J'en prendrai deux toiles en paysage de, disons cent points ?
Stefano écarquilla légèrement ses yeux mais il réussit néanmoins à cacher sa surprise et il finit par accepter. Le directeur et Stefano signèrent un document sous bonne surveillance d'Odile qui connaissait un peu mieux le monde administratif des artistes que Stefano.
Patrick Gilles fit une copie de ce contrat avant de la donner à Stefano, qui lui-même la donna à Ngôi Sao qui avait un sac à dos avec elle et put le ranger dedans.
Finalement, le directeur les raccompagna jusqu'à la porte de son bureau et la leur ouvrit.
-Merci beaucoup de votre collaboration ! J'ai hâte de pouvoir voir la prochaine exposition temporaire ! le salua le directeur en serrant la main à chacun de ses interlocuteurs avant qu'ils ne sortent du bureau.
-Merci à vous, répondit Stefano. Je...Je ferai de mon mieux !
-J'espère bien ! sourit Patrick Gilles avec amusement. À bientôt !
-À bientôt, répondit Odile en saluant son collègue avec un signe de la main.

Le couple salua également Odile qui encouragea très fort son petit protégé et ensuite, partit en direction de leur appartement.
Stefano avait un délai de trois semaines pour finir ces deux toiles. Il allait devoir mettre la troisième vitesse et les bouchées doubles ! Il oubliait que dans le monde de l'art, il y avait des dates butoirs parfois très serrées. Il faudrait peut-être même qu'il prenne un peu de retard sur son travail à lui, mais ses collègues étant incroyables, il n'avait pas trop de soucis à se faire là-dessus.
-Ça va ? Tu avais l'air surpris quand il t'a fait sa commande, fit Ngôi Sao en serrant un peu plus fort sa main entre ses doigts.
-Je...J'ai rarement travaillé sur des formats aussi grands...À peine une ou deux fois...
-Cent points ça correspond à quoi ?
-De mémoire, à peu près un mètre soixante sur un mètre dix...
-Pas mal, quand même. C'est autant de largeur que moi en hauteur.
Stefano eut un petit rire, partagé entre la nervosité et l'amusement.
-Oui, c'est vrai. Une fois, je devrais te peindre en taille réelle...
-Avec plaisir, sourit sa muse avec sincérité alors qu'elle se colla à lui pendant qu'ils marchaient.

-Tu sais déjà ce que tu vas peindre ?
-Un peu. J'ai une idée. Je ferai des croquis d'essais quand on sera rentrés. Je...Je me rends toujours pas compte de cette chance que j'ai...
-Il faudra que tu préviennes tes parents et ton frère surtout !
-Vitto' il sera tout excité comme toi ! rit le jeune homme en agitant ses cheveux. Je le vois déjà d'ici !
-Moi aussi !
Stefano regarda alors sa compagne alors qu'ils marchaient toujours.
-Tu m'aideras avec mes croquis ? demanda-t-il avec des yeux amoureux.
-Bien sûr Stef' ! Je peux même te mettre toi-même en scène si tu veux vraiment avoir un modèle plus vrai que nature ! sourit Ngôi Sao, un peu narquoise.
-T'es bête, rit le jeune homme en soupirant, malgré son beau sourire étirant ses lèvres.

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