Chapitre 5 : Quotidien
-Salut !
-T'es déjà là, Driss !
Ce week-end, Stefano et son meilleur ami avaient décidé de se voir pour passer un moment ensemble avant de partir pour leur semaine de voyage scolaire.
-Ça va, la vie ?
-Ouais ça va. Et toi ?
-Ouais.
-Comme t'avais dit, Matei et Pierrick sont ensemble.
-Je savais, dit Driss avec un petit sourire. Mais ouais, je l'avais dit.
-Ils sont mignons, fit remarquer le plus jeune des deux.
Driss avait un an de plus que Stefano. Lui était dans les jeunes de sa classe mais Driss était immanquablement plus âgé que les autres. En fait, il avait déjà redoublé une classe étant petit, il était donc de la même volée que Stefano, Ngôi Sao et les autres mais il avait donc un an de plus. La plus proche de son âge était justement Ngôi Sao, vu qu'elle avait son anniversaire en pleines vacances d'été et que, enfant, elle avait commencé l'école en étant déjà dans les élèves les plus âgés.
-Ah ouais ? Tu m'étonnes.
Les deux amis voulaient juste faire un tour en ville, se balader et discuter, sans but précis. Alors qu'ils erraient dans les rues pavées de la ville, Stefano dit soudainement :
-Je viens de me rappeler que je devrais acheter de la peinture et de l'argile. On peut y aller ?
-Ouais.
Driss, avec ses incessants et inlassables "ouais" paraissait toujours très nonchalant et ne donnait pas l'impression de prêter attention ou une importance à grand-chose mais cela dit, ce n'était pas le cas. Il trouvait que dire "oui" était assez formel et il ne le dirait pas à un professeur par exemple, mais à son meilleur ami, il n'en avait pas spécialement quelque chose à faire. Il le connassait depuis suffisamment longtemps. Les deux amis d'ailleurs allaient assez bien ensemble avec leur côté un peu jemenfoutiste et leurs dissertations orales, à coup d'arguments solides et de contre-arguments.
Ils montèrent alors une autre rue pavée longeant la route principale de la ville. En arrivant au milieu de cette rue, ils virent alors un immense pont de pierre qui surplombait de ses dizaines de mètres plusieurs boutiques et plusieurs rues et ruelles. Presque sous ce pont se situait donc la boutique d'arts dans laquelle Stefano voulait se rendre.
Ils entrèrent par la porte vitrée automatique qui s'ouvrit à leur approche, Stefano en tête. Il se dirigea vers un étal multicolore contenant dans des petits casiers des dizaines et des dizaines de tubes de peinture de toutes les teintes possibles.
Il attrapa quasi immédiatement des tubes assez épais noir, gris, blanc et rouge. C'était ses couleurs presque de prédilection et il en utilisait beaucoup dans ses peintures. Il réfléchit par contre pour les tubes suivants qu'il allait acheter, il ne disposait pas non plus d'un budget illimité.
-Bonjour, messieurs. Vous auriez besoin d'un renseignement ?
Stefano grinça des dents. Il n'était pas majeur et on l'appelait parfois déjà "monsieur" dans les magasins. C'était assez dur pour son ego de mineur mais il fallait s'y faire. Il préférait encore le "jeune homme" de certaines vendeuses parfois.
-Non merci beaucoup, je regarde moi-même, sourit-il à la vendeuse.
-D'accord. Si vous en avez besoin, je reste à disposition.
-Merci.
Quant à Driss, il regardait un peu à gauche et à droite dans le magasin, entre plusieurs étals et vitrines d'exposition, puis son regard se posa sur son ami, penché en avant en train de choisir ses tubes de peinture. Il détailla les longs cils bruns de son ami derrière ses verres correcteurs, qui battaient l'air de temps en temps. Ses cils étaient jalousés par plus d'une personne, surtout des filles. Son meilleur ami avait vraiment des yeux magnifiques, même lui devait bien l'admettre.
Il détacha son regard de lui, attiré par un mannequin exposé dans le fond de la boutique qui paraissait avoir subi une séance de paintball avec une seule cible vu les taches peinturlurées tout le long de son corps blanc neige de mannequin. Il trouvait ça assez drôle comme concept.
Quand Stefano vit qu'il regardait ce mannequin, il lui dit :
-C'est pour vendre une nouvelle marque de peinture en sprays et en sortes de billes colorées. Mon père les a testées.
-Ah, fit Driss avec un sourire. Ça a l'air drôle à faire en effet.
-C'est plutôt pour les enfants à vrai dire. Mais c'est amusant.
Après que Stefano ait choisi également des pinceaux, un moyen et un très large, il se dirigea vers l'étal des toiles. Les siens avaient les poils abîmés et étaient vieux, son set de pinceaux avait clairement besoin d'un renouveau. Il jaugea la taille des diverses toiles qu'il trouva en les prenant en main, les soupesant et les regardant au bout de ses bras tendus avec un œil expert.
Driss le regarda faire, ne s'y connaissant pas du tout en peinture. Stefano lui dit alors :
-Ce sera relativement bientôt l'anniversaire de Ngôi Sao. Toi qui analyses bien les gens, tu penses que quelle taille de toile lui correspondrait bien ?
Driss ouvrit des yeux assez surpris devant cette étrange question.
-Euh...finit-il par émettre comme son pour ne pas laisser un gros blanc gênant s'installer.
Stefano continuait à jauger les quelques toiles qu'il avait retenues de son œil aguerri par l'expérience, attendant la réponse de son meilleur ami sans même le regarder, sachant qu'il allait répondre.
-C'est plutôt toi qui la connais non ?
-Oui mais comme tu le sais, je ne sais pas bien juger les gens. Juger dans le bon sens du terme.
-Pas faux. Tu es assez aveugle à plein de choses, et les messages subliminaux avec toi, c'est...Disons plus qu'hasardeux...soupira Driss avec un ton exaspéré. Franchement, je ne sais pas. Je pense que venant de toi, tout lui ferait plaisir.
-Driss...fit Stefano, cette fois en le regardant dans les yeux, le perçant de ses yeux bleu électrique. Je te demande pas ton avis pour la déco, non plus...
Driss rit avec un amusement certain.
-Oui mais c'est dur à dire. Si je te donne un avis, là maintenant, ce sera sûrement plus des conseils de praticité que de future appréciation de sa part.
-Ça m'est égal. Donne-moi tes conseils.
-Et bien...Je dirais une toile pas trop grande pour ne pas encombrer un mur mais pas trop petit parce qu'elle aime beaucoup ton art.
-Merci. Ça m'aide moyennement mais merci, sourit Stefano de bon cœur.
Il finit donc par acheter plusieurs tubes de peinture, quelques toiles dont une qu'il destinait à Ngôi Sao et plusieurs pour son père, et des nouveaux pinceaux. À la caisse, la vendeuse lui dit :
-Vous avez trouvé votre bonheur ?
-Oui, merci.
Elle passa en revue tous les articles et lui demanda de payer. Le jeune homme sortit son porte-monnaie et paya avant de ranger les diverses affaires dans son sac et de partir.
-Au revoir, merci pour vos achats !
-Au revoir, merci.
Il sortit de la boutique avec quelques toiles trop grandes pour son sac sous son bras et Driss à ses côtés.
-Et maintenant ? demande Stefano.
-J'ai faim.
-Moi j'ai mangé à midi chez moi, dit le plus jeune. Mais on peut aller manger un morceau pour toi.
-Super.
-Tu veux aller où ?
Driss leva les yeux vers le ciel, à travers ses épais verres de lunette, réflichissant à l'épineuse question.
-J'irais bien manger un hamburger mais c'est pas très sain...avoua-t-il.
-Je comprends ton dilemme ! rit Stefano. Mais une fois de temps en temps, ça va, non ?
-Le problème, c'est que je grignote et je mange pas spécialement sain même chez moi donc je prends du poids...
-Je te comprends, je connais, fit Stefano avec un sourire désolé pour eux deux.
-Tu peux parler, t'es tout svelte toi ! lui dit Driss indigné.
-Tu sais, je fais plus de sport intensif et puis je mange pas mal alors que je grandis plus. Donc je prends aussi de plus en plus de bide, c'est indéniable...soupira le cadet des deux amis.
Driss soupira en souriant.
-On grossira ensemble alors !
Son choix s'arrêta effectivement sur un fastfood, un des seuls choix réel de restaurants pour jeunes dans la ville, et il y mangea ce qu'il voulait. Un hamburger bien rempli avec des frites et une boisson bien sucrée aux arômes artificiels.
Stefano avait juste pris une portion de quelques nuggets pour l'accompagner et prendre une sorte de goûter. Tout cela n'était pas sain, mais une fois de temps en temps ne faisait pas de mal.
-Tu voudrais pas faire de sport avec moi, Stefano ? On se motiverait à deux et ce serait sympa. Seul, j'aurais vraiment pas la motivation et je me dis que si toi et moi on prend du poids en même temps...
Stefano sourit.
-Ouais mais j'ai la flemme moi aussi...Vraiment, c'est cool que tu proposes mais j'arriverais jamais à avoir la motivation. Le seul truc que je veux bien faire, c'est nager. Comme j'ai la piscine chez moi, en été, je peux nager un peu tous les jours.
Driss rit jaune.
-T'es marrant toi, moi je peux pas, je vis en appartemment et j'ai pas de piscine dans mon jardin inexistant ! Et je vais pas venir squatter chez toi toute la saison estivale, ça se ferait juste pas !
Stefano allait dire que ça allait puis se ravisa. Effectivement, ses parents ne seraient peut-êtte pas enchantés d'accueillir Driss tout l'été, bien qu'ils le connaissent et qu'ils l'aimaient bien.
-Essaie de demander à quelqu'un de proche de toi s'il ne veut pas faire de sport avec toi. N'importe quel sport.
-Ouais t'es drôle, je veux pas faire n'importe quoi avec n'importe qui non plus ! J'ai demandé à ma sœur mais elle n'a aucune envie...
-Pourtant, c'est pas la joie tous les jours avec ta sœur non ? fit Stefano, surpris de cette déclaration.
Driss avait toujours eu des relations non pas conflictuelles avec sa sœur, mais disons qu'ils ne s'entendaient pas. Ils n'avaient pas d'atomes crochus et s'acceptaient dans la maison mais ne se vouaient aucune relation particulière. Espacés de quatre ans, leurs caractères et leurs centres d'intérêt étaient tout aussi éloignés. Il avait cependant moins de problèmes avec son demi-frère mais de dix ans quasiment son cadet, donc il était vraiment dans cette relation le grand frère modèle qui prend soin de son petit frère.
Cela attristait des fois un peu Stefano, qui nouait vraiment une relation très complice avec Vittorio, son petit frère. Ils n'étaient que deux, dans cette fratrie, et étaient séparés d'un peu plus de quatre ans, mais contrairement à Driss et sa sœur, ils avaient les mêmes centres d'intérêt, presque les mêmes passions, ce qui faisait clairement un lien entre eux et qui les rapprochait autant. Stefano avait beaucoup d'affection pour son petit frère et vice-versa.
Et sincèrement, à chaque fois que Ngôi Sao les voyait ensemble, elle les trouvait juste trop mignons, avec un Stefano attentionné, le modèle du grand frère affectueux et taquin à la fois.
-Ça va, répondit Driss en avalant une bouchée. J'aurais trouvé mieux mais dans le doute...Elle aussi, a pris un peu de poids ces derniers temps et elle s'en plaint à table donc je m'étais dit, pourquoi ne pas lui proposer ?
-Tu as raison. C'était gentil de ta part de lui demander.
-Difficile pour toi de comprendre réellement, j'imagine. Vu comment ça se passe avec ton frère.
-Oui, admit Stefano en souriant un peu gêné. Mais dis-toi que nos centres d'intérêts nous rapprochent beaucoup. Sans ça, c'est difficile de maintenir une relation proche. Enfin, d'après moi.
-Les filles et les garçons aussi, des fois y a des accrochages, dit Driss en finissant sa portion de frites.
-Pas forcément. Regarde, il y a bien Ngôi Sao qui a des passes-temps dits "de garçon". Elle aime les jeux vidéos par exemple. Et il y a des garçons qui s'intéressent à des trucs dits "de fille", comme le maquillage.
-T'en connais ? demanda Driss, curieux.
-De ce que je sais, Marveen, le copain de Ngôi Sao s'y intéresse mais je ne sais pas jusqu'à quel point.
Driss resta songeur quelques secondes.
-C'est vrai, elle est en couple maintenant. Ça me fait drôle. Tu connais ce Marveen ?
-Déjà vu mais sans plus. Je le connais pas plus que ça. Je le connais surtout parce que c'est Ngôi Sao qui m'en parle.
-Je vois.
Driss termina son repas et ils s'en allèrent, Stefano reprenant ses toiles sous son bras. Ils se dirigèrent vers une librairie puis après que Driss y ait acheté quelques bandes dessinées pour sa lecture personnelle, ils rentrèrent tous les deux en allant prendre le bus à son arrêt.
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