Chapitre 37 : De l'art sans muse
Aujourd'hui, Stefano allait se rendre à l'atelier comme de temps en temps, seul maintenant que Ngôi Sao ne l'accompagnait plus. Elle venait de sept en quatorze, mais plutôt pour le regarder lui et discuter que pour faire de l'art. Tout ce qui était dessin à présent restait chez elle ou éventuellement chez Stefano.
-Salut Lou. Salut Marcus, les salua Stefano en entrant dans la pièce.
-Salut, lui répondirent-ils avec désinvolture.
Ils n'étaient pas proches mais ils ne faisaient pas de vague non plus. Juste, ils restaient relativement courtois les uns envers les autres. Odile avait l'air d'être dans son bureau un peu plus haut, Stefano n'en tint pas trop compte.
Ça lui faisait toujours bizarre de venir sans sa petite amie adorée mais ça lui plaisait de venir ici. De temps en temps, les autres membres du club le raillaient un peu mais il n'en tenait pas compte non plus, à vrai dire lui, il s'en fichait. Il racontait tout ce qui se passait entre ces quatre murs à Ngôi Sao qui se régalait quand elle pouvait simplement l'écouter parler avec passion de son art et de l'atelier.
-Je sais que tu t'en fiches mais n'hésite pas à leur dire quand ils vont trop loin avec toi. Ils n'ont pas à te parler comme ça.
-Ça va, disait-il. Ça m'est égal tant qu'ils en viennent pas aux mains. Je veux pas avoir de problèmes.
-Il peut y avoir des problèmes psychologiques, pas seulement physiques, Stef'...soupirait la jeune fille. Je veux pas t'embêter avec ça, mais je m'inquiète pour toi tu sais.
-Je sais, avait sourit le garçon en regardant sa copine droit dans les yeux. Et ça me fait plaisir.
Il aimait ces moments-là. Non pas parce qu'il était masochiste, en tout cas pas dans ce contexte, et qu'il aimait se faire embêter par des quasi inconnus, mais il aimait voir et savoir que Ngôi Sao s'inquiète pour lui. Cela lui donnait l'impression d'être aimé. Non pas qu'il doute des sentiments de sa tendre bien-aimée, non, mais le ressentir était quelque chose de très agréable et dont il n'avait pris connaissance que depuis un an, depuis l'entrée de Ngôi Sao dans sa vie en fait.
Stefano passa un moment seul, dans son coin, à peindre sur une toile de taille moyenne. Ça lui faisait penser aux moments quand il était petit, durant lesquels il restait seul, loin des autres pour pouvoir dessiner tranquillement.
Il ignorair simplement quand un des autres membres de l'atelier passaient devant ou derrière lui, même si par-dessus sa toile quand ils passaient devant lui, il lui semblait voir des expressions ou des gestes hostiles et vulgaires...Il les ignora comme il savait si bien le faire.
Il repensa à cette Lili.
Il ne l'appréciait pas. Elle tournait trop autour de sa Ngôi Sao...Et il n'aimait pas ça.
Il savait bien qu'il n'avait pas le droit de la repousser du cercle d'amis de sa copine, surtout qu'elles travaillaient ensemble, mais il n'aimait pas son regard et ses gestes envers sa petite amie. Trop de proximité pour une simple amie.
Quoique lui aussi avait été proche de Ngôi Sao avant de se mettre avec mais il n'aimait pas à présent ces gestes venant de gens qu'il ne connaissait pas bien.
Et il n'arrivait pas à se retirer de l'esprit que...Elle était vachement jolie, quand même. Et Ngôi Sao étant pansexuelle et l'ayant sûrement bien remarqué elle aussi, il se disait que ce ne serait pas une chose totalement impossible ou improbable qu'elle soit attirée par elle à un moment ou à un autre...
Peignant toujours avec de petits mouvements précis, il grinça des dents avec une certaine amertume.
Il détestait ressentir cette émotion de possessivité, il trouvait ça toxique, bien que Ngôi Sao l'ait déjà rassuré là-dessus en lui disant que presque tout le monde le ressentait en situation de couple et qu'il fallait bien souvent l'accepter tout en faisant en sorte que ça n'empiète pas sur son ou sa partenaire.
Stefano le savait et il savait aussi que Ngôi Sao était une bonne personne et qu'en lui disant ces choses elle ne voulait que son bien et le rassurer, mais il ne pouvait malheureusement pas s'empêcher lui-même de ne pas apprécier ressentie telle ou telle chose...
Au bout d'un moment passé à ruminer ses pensées, Stefano remarqua que la gérante Odile l'avait rejoint et l'observait.
-Je ne vous avais pas vue ! s'excusa Stefano quand il se rendit compte de sa présence.
-Ne t'inquiète pas ! le rassura Odile avec un air bienveillant mais toutefois amusé. Continue, j'aime beaucoup ton art. Assez peu conventionnel, j'en ai peu vus, des artistes comme toi.
-Mer...Merci, bredouilla Stefano ne sachant que répondre. Mais c'est dur, sans Ngôi Sao à mes côtés.
-Dur ?
-Oui. Elle est un peu comme ma muse. Même si je ne la dessine pas directement mais...Elle est mon inspiration et ma motivation, indirectement. Par exemple, si elle n'avait pas été là, je ne serais pas assis ici en train de raconter ça...
-Je vois, fit Odile avec un sourire attendri.
Elle avait beaucoup d'affection pour ce couple d'enfants. À son échelle, c'était encore des enfants, bien jeunes et loin de tous les problèmes de la vie, mais elle appréciait grandement leur amour réciproque et leur proximité. Ils étaient vraiment mignons tous les deux.
-Ça va aussi avec tes études ? demanda-t-elle. Architecture, c'est bien ça ? C'est pas trop demandant ?
-Oui, c'est ça. Ça va bien, merci. Là, j'ai un peu de temps libre donc je le passe ici pendant que Ngôi Sao travaille...Avec sa binôme.
-Elle a beaucoup de travail ? s'enquit Odile avec intérêt.
-Oui, elle est en deuxième année donc elle a son travail annuel à rendre au début de l'année prochaine. Elle est assez occupée donc je me retrouve seul malgré moi.
-Je vois. Pauvre garçon ! rit Odile pour détendre un peu l'atmosphère. J'espère que ça ira pour la suite ! Pour toi et Ngôi Sao !
-Merci, je lui transmettrai, sourit poliment Stefano.
Odile s'éloigna avec un air léger, ce qui alléga également un peu l'esprit de Stefano même s'il ne comprenait pas très bien pourquoi. Les émotions sont contagieuses, lui disait souvent Ngôi Sao, surtout en sa qualité d'éponge humaine qui absorbait les sentiments des autres et les ressentait presque comme si c'était les siens. Elle avait bien raison.
Ce petit dialogue ayant eu un effet plutôt appréciable et apprécié, Stefano se remit à peindre. Il avait retiré Lili de ses pensées et ce n'était pas plus mal. Il pensait avec plaisir à ce que sa copine allait lui faire la prochaine fois qu'ils se retrouveraient seuls et au lit...
Y penser le rendait un peu dur mais comme il peignait, il n'y prit pas garde pas plus qu'il n'essaya d'empêcher son petit souci d'entrejambe.
En fin d'après-midi, le jeune homme reposa ses pinceaux et laissa son tableau tel quel pour le laisser un moment sécher la peinture encore un peu humide sur la toile. En attendant, il vaqua encore un petit moment à ses occupations dans l'atelier, profitant de laver les pinceaux et ranger le reste. Il admira un moment le monstre difforme qu'il avait fait naître sur son tableau, vraiment content de son travail, quand il entendit dans son dos :
-Alors, elle est finie, ta toile ?
Il se tourna. Lou. C'était Lou, planté sur ses talons le regard un peu hautain.
-Non pas encore, dit le jeune Stefano avec un air un peu surpris qu'on lui adresse la parole avec un sujet aussi simple que ça.
-C'est...
Lou sembla peser ses mots pour ne pas commettre une nouvelle bévue.
-C'est particulier, finit-il par dire.
Stefano haussa un sourcil interrogateur, ne comprenant pas vraiment ce que le jeune homme pouvait sous-entendre par "particulier". Ça pouvait dire beaucoup de choses différentes, et par ailleurs positives ou négatives.
-En tout cas tu maîtrises ton pinceau.
Puis Lou tourna les talons avec le même menton relevé un peu hautain. Stefano était surpris de ce compliment un peu camouflé par une phrase un peu détournée du sens voulu.
Étonné, Stefano finit par rentrer. Il fut rejoint dans la soirée par Ngôi Sao qui avait pu trouver un petit moment pour venir le voir. Il lui raconta l'épisode avec Lou et elle montra tout autant d'étonnement que lui.
-Surprenant !
-N'est-ce pas, sourit Stefano. N'empêche, c'est dommage que tu n'aies plus trop le temps de venir...Faire de l'art sans toi, c'est...Assez bizarre.
-Tu vas t'y faire, le rassura la jeune fille. Je suis désolée pour ça...Mais la bonne nouvelle, c'est que j'ai assez avancé avec Lili jusqu'à la fin de la semaine prochaine !
-Garde ton avance alors ! lui dit le garçon brun. Si tu finis plus vite, on pourra plus se voir !
-Oui. Je verrai avec Lili comment on va faire.
La mime de Stefano s'assombrit légèrement. Il devait vider son cœur là, maintenant qu'ils en parlaient.
-Ngôi Sao...
-Oui ?
-À propos de Lili...
-Tu vas pas recommencer ? lui lança la jeune asiatique. Je t'ai déjà dit que y a pas de quoi t'en faire.
-Je...Je sais. De ton côté. Mais du sien, je suis pas aussi sûr...Je sais pas ce qu'elle pense cette fille-là...Je la connais pas assez pour ça, mais ce que je sais, c'est que je ne l'aime pas beaucoup.
-Écoute si elle est intéressée, elle sait que je suis prise. Ça devrait l'arrêter.
-Pourtant, ça ne l'empêche pas de faire des gestes très équivoques des fois, envers toi, quand même...Du peu que je l'ai vue, elle en a rien à faire que je sois là donc j'ose pas imaginer quand je suis pas là !
Stefano sentait l'atmosphère de la pièce s'alourdir un peu. Ngôi Sao avait froncé les sourcils, vaguement perplexe mais aussi un peu énervée.
-T'es pas un peu jaloux, des fois ?
-Non. Enfin, si, se corrigea-t-il les joues rosées. Mais c'est pas pour ça. Peut-être que toi tu ne les vois pas mais moi je vois ses gestes très proches alors que vous êtes surtout des binômes de travail, pas bien plus.
Ngôi Sao n'aimait pas la tournure que prenait la discussion, et Stefano durcissait de plus en plus son ton, montrant sa frustration et son éventuelle colère intérieures.
-Je peux pas te demander d'arrêter de la fréquenter...soupira le jeune italien. Déjà parce que ça se fait pas trop et en plus, c'est ta binôme pour ton travail annuel. Mais j'aimerais au moins que tu fasses un peu plus attention à ça. S'il te plaît.
Ngôi Sao ne comprenait pas vraiment l'inquiétude de son petit ami. Pour elle, elle était une amie et surtout une collègue, elle n'avait pas l'impression que quelque chose n'était pas clairement dit entre elles.
-Je comprends que tu ne l'aimes pas, mais elle est gentille. Elle est très tactile et affecteuse aussi, c'est tout.
-C'est bien le problème. Je l'ai vue faire ça seulement avec toi et j'aime pas la façon dont elle se rapproche de toi, comme elle te prend la main mine de rien ou qu'elle te touche les cheveux comme si de rien n'était. J'aime pas ça.
-C'est une amie, dit Ngôi Sao assez sèche. Et effectivement c'est ma binôme. Donc oui je vais devoir continuer de la voir.
-Je sais et ça m'énerve, grommela Stefano.
-J'espère au moins que tu sais que ce travail est important pour mes études et que le fait que je la voie pour le finir est nécessaire.
-Je sais. Mais je n'aime pas cette fille. Point barre.
Ngôi Sao ne répondit rien de plus. Elle comprenait en soi que Stefano s'énerve parce qu'elle aussi, serait probablement énervée qu'une fille tourne autour de son petit ami. Ou même un garçon, mais dans ce cas-là Ngôi Sao savait que Stefano ne serait pas intéressé par son interlocuteur. Mais elle ne comprenait pas d'où venait cette sorte de haine un peu passive de Stefano envers elle.
Certes elle était très tactile, certes elle montrait beaucoup son affection envers elle, mais pas de quoi faire un foin. Pour Ngôi Sao, tout était clair. Elle ne manifestait pas de signes positifs en retour et Lili savait bien qu'elle était en couple. Heureuse et en couple exclusif pour préciser le plus possible.
Le reste de la soirée fut un peu tendu entre les deux amoureux, l'alchimie passait moins bien ce soir et ils le sentaient tous les deux tout en s'efforçant le plus possible de ne pas le remarquer ou de faire semblant que tout allait bien. C'était leur première vraie dispute, sur un sujet un peu sensible apparemment.
Ngôi Sao savait gérer ça un peu mieux que son petit ami vu qu'elle avait déjà été en couple auparavant mais pour Stefano, c'était tout nouveau.
Tout nouveau aussi le fait de comprendre qu'on était facilement jaloux.
Tout nouveau aussi d'expérimenter ce genre de situations désagréables avec sa petite amie que pourtant il adorait.
C'est d'ailleurs bien pour ça qu'il s'énervait. Il aimait profondément Ngôi Sao, il lui était hors de question de la perdre et donc de laisser Lili lui faire ce qu'elle voulait. Mais il ne savait pas comment l'exprimer tout en restant correct et sans s'énerver. Il allait devoir apprendre à se canaliser un peu.
Il n'avait pas envie de revivre une soirée aussi froide que celle-ci.
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Je serai en voyage prochainement donc j'aurai un peu moins de temps pour écrire mais on se retrouve bientôt ! Bonnes vacances et bel été à tout le monde ! 🌊🔥
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