Chapitre 13 : Pot-de-colle

-Chéri !

Un cri strident traversa l'air et atteint les tympans de Stefano. Il soupira très fort, ce que Ngôi Sao et Helena à côté de lui entendirent. Il savait qui c'était qui avait hurlé, à qui ce hurlement strident s'adressait et à qui cette voix insoutenable appartenait...Ils le savaient tous.
Ça faisait bientôt quatre semaines qu'ils entendaient tous cette voix suraiguë matin, midi et soir, qui courait après Stefano, pire que son ombre.

Elodie débarqua alors à côté de Stefano qui marchait vers le collège. Elle lui prit immédiatement le bras et se colla à lui.
-Ça va ?
-Est-ce que tu...Tu peux éviter de mettre ta poitrine comme ça sur mon bras ?
-Ça te gêne ? fit Elodie avec un ton surpris.
-Oui...fit Stefano avec un air embêté et agacé à la fois.
-Ça devrait pas ! rit Elodie. On est ensemble, non ? T'es mignon tu sais ?
-Je sais, répondit Stefano par réflexe.

Le jeune homme n'avait pas du tout la prétention de se dire mignon, beau ou quoi que ce soit. Il se trouvait potable, selon ses mots que Ngôi Sao lui avait glané une fois, ou encore pas trop mal, toujours selon ses mots, mais il n'avait jamais été prétentieux là-dessus.
Après tout, il s'en fichait pas mal de tout ce qui concernait l'apparence physique, que ce soit la sienne ou celle des autres. Il fallait plus de gens comme lui sur la planète, avaient statué Ngôi Sao et Helena qui pensaient comme lui.
Tant que ça ne met pas sa propre santé en danger, chacun est libre d'avoir l'apparence qu'il veut et d'aimer son corps comme il est. Il ne faut jamais changer pour les autres mais pour soi-même.
La seule raison pour laquelle Stefano avait répondu ça à sa copine, c'est parce qu'il avait déjà répondu une fois à cette affirmation par la négative et il s'était mangé environ trente longues minutes de reproches comme quoi il ne devait pas se dévaloriser, qu'il était très beau et qu'il ne devait pas dire de lui-même du mal.
Le genre typique de discours que pourrait lui tenir Ngôi Sao, mais beaucoup moins violemment. Et aussi, comme il connaissait son amie depuis beaucoup plus longtemps, il le prenait moins mal que de quelqu'un de quasiment inconnu. Simplement, Elodie avait quelque chose de plus agressif et un vrai ton de reproche qu'il n'aimait pas du tout.

Une fois en classe, Stefano vivait quelques heures de repos à côté de Xiù.
À la pause de midi, on recommençait. Elodie venait le coller durant tout le temps du repas, emportant une amie avec elle. Cette amie n'était pas spécialement antipathique mais pas vraiment sympa non plus. Elle passait sa pause sur les réseaux sociaux, sans vraiment sourire sauf quand elle envoyait un selfie d'elle-même à quelqu'un, ce qui donnait lieu à des scènes assez singulières.
À vrai dire, le groupe de Ngôi Sao ne la calculait pas vraiment et elle ne les calculait pas non plus. Une relation à double bénéfice.

Seuls Ngôi Sao et Driss, le meilleur ami de Stefano, osaient dire des choses plutôt cinglantes à Elodie quand ils trouvaient qu'elle dépassait les bornes. Leurs autres amis étaient soit trop timides pour dire quelque chose à quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas, comme Matei et Pierrick, et d'autres n'osaient juste pas, par politesse ou par peur de la fille.
À ce midi-là, elle accaparait le bras de son copain, collant toujours sa poitrine à son avant-bras. Stefano avait d'ailleurs laissé sa veste pour moins la sentir sur sa peau, c'était plutôt grave d'en arriver là. Et à cause du geste égoïste de la jeune fille, Stefano n'arrivait pas à manger correctement. Il ne pouvait pas utiliser son bras pour couper ses aliments.
Il lui avait demandé plusieurs fois de le lâcher au moins pour qu'il puisse manger, mais à chaque fois, il avait obtenu comme réponse du genre :
-T'es mignon d'être tout gêné comme ça en public ! Mais tu vas t'habituer tu verras !

Au bout d'un moment, Ngôi Sao ne tint plus. Elle ressentait tellement la détresse de son ami qu'elle en avait serré sa propre fourchette tellement fort qu'elle avait les jointures blanches.
-Elodie, commença-t-elle avec un ton calme mais vraiment très ferme. Stef' t'a demandé plusieurs fois de lui lâcher le bras pour le laisser au moins manger. Tu pourrais respecter ce qu'il te dit, surtout si tu veux qu'à l'avenir, il te respecte aussi. Franchement, t'es pas du tout respectueuse avec lui, là.
Stefano regarda alors son amie avec un regard tellement soulagé, comme si elle venait le défendre dans un tribunal alors que toutes les preuves et tous les témoins étaient contre lui et que personne ne le croyait. Et Elodie n'aimait pas du tout ce regard-là. Ce regard qu'elle voyait presque admiratif de son amie asiatique, qui le défendait et qu'il avait l'air de tellement apprécier. Elle n'aimait pas ça, ça remuait ses tripes de façon désagréable.
-Peut-être que tu es jalouse, rétorqua-t-elle en raffermissant sa prise sur le bras de Stefano qui avait l'air métaphoriquement au bord des larmes. Mais c'est pas la peine de me dire ça sur ce ton. Et c'est mon copain, donc si ça te plaît pas, tu peux partir. Je profite de mon amoureux, tu peux garder ta jalousie pour toi.
Ngôi Sao, furieuse devant cette réponse si imbue et narcissique, et conplètement décalée de la réalité, allait répondre quelque chose d'encore plus cinglant quand Driss prit la parole avant elle, décidant d'intervenir :
-"Mon amoureux", mais t'es restée bloquée à sept ans et demi ? Et franchement, pas besoin d'être jaloux pour trouver que t'es super lourde et vraiment agaçante. Je reste poli. Je suis pas jaloux de Stefano, vraiment, loin de là. Je serais même vraiment super énervé d'avoir une copine aussi possessive et toxique que toi, à vrai dire.
Elodie ne sut que dire tellement Driss avait été cassant. C'était une des caractéristiques de Driss. Il était cassant et des fois, il disait des choses dures qui blessaient même s'il ne le voulait pas, mais des fois sa franchise sans filtre était assez satisfaisante. Et surtout pour remettre cette fille à sa place.
-Ça va, pas besoin d'être aussi brusque avec une fille, finit par dire Elodie à cours d'arguments, toujours la poitrine sur le bras de Stefano.
Les reproches n'avaient servi à rien...

Après quelques minutes de silence où on entendit juste des bruits de bouches en train de mâcher et aussi Massimo, Noël, Pierrick et Matei parler, Driss se leva de table avec son papier de sandwich dans la main et dit :
-Stefano, tu peux venir avec moi ? Je veux passer à mon casier, je veux te rendre des trucs, et aux toilettes.
Devant le regard de son ami, Stefano y vit une lueur de complicité, une demande de vraiment aller avec lui, et il y vit une façon d'être un moment loin de son pot-de-colle de copine.
-J'arrive.
-Je viens avec toi ! s'exclama Elodie en agrippant la main de Stefano quand il se leva.
-Non, je...Tu vas pas venir aux toilettes des hommes...dit Stefano.
-Je viens au casier !
Driss fit alors tonner sa voix grave :
-Non, tu restes ici. Tu attends. Comme une grande fille.
Elodie resta encore bouche bée.
-On va pas te passer tous tes caprices comme à une gamine mal éduquée quand même ! ajouta-t-il avant d'emmener Stefano avec lui.

Finalement, ils passèrent au casier de Driss. Il n'avait rien à rendre à Stefano, juste prendre des affaires pour ses prochains cours, mais c'était une excuse pour se retrouver seul à seul avec son meilleur ami. Il avait l'air si dépité...
-Je prux être sincère avec toi, Stefano ? Même si ce sera pas très agréable à entendre.
-Vas-y. Merci de m'avoir défendu au fait.
-De rien, frère. Mais je tiens plus quoi, elle m'énerve tellement ! Du coup pour elle, je pense que t'es pas assez ferme avec elle en fait. Même si elle ne devrait clairement pas, je pense qu'elle croit que tu te plains mais pour faire genre, mais que c'est pas réel. T'as un ton assez plaintif et du coup, elle t'écoute pas. Elle prend pas en compte ce que tu demandes ou ce que tu dis.
Stefano soupira.
-Je tâcherais de m'en souvenir...
-En tout cas si tu veux vraiment rester avec elle, ce que j'espère pas pour être honnête avec toi, que tu vas régler ça parce que jamais t'auras une relation saine comme ça. Elle va pas te respecter, te pourrir la vie et tu seras juste malheureux ou en colère à cause de ça.
-J'y penserai...fit Stefano, plongé dans ses pensées.

Ils revinrent à table. L'après-midi se passa bien les quelques heures de cours où il ne voyait pas sa collante copine.
À la fin de ces derniers, Elodie débarqua dans la classe pour venir chercher le bras de son copain avec lequel elle allait bientôt fusionner si ça continuait.
-Il finissait pas ses cours là, Stefano ? demanda-t-elle, avec un ton légèrement agressif, à Ngôi Sao.
Cette dernière, les sourcils un tout petit peu froncés, juste assez pour qu'on ne le remarque pas au premier coup d'œil, rangeait ses affaires tout en la fixant de ses yeux noirs comme la suie.
-Déjà bonjour. Ensuite, oui il finissait là nais il a couru pour prendre le train.
-Il n'a pas son train tout de suite, il ne devait pas se dépêcher. Tu me mens.
-Écoute, il avait sûrement un rendez-vous ailleurs, médecin ou dentiste. Au lieu de penser à ta personne, demande-lui des trucs sur sa vie aussi.
-Je m'en souviendrai, dit alors Elodie sur un ton fier en tournant les talons.
Elle avait quitté la classe quand Ngôi Sao entendit Helena derrière elle lui dire :
-Comme tu l'as remballée en beauté !

Le soir, Stefano et Ngôi Sao discutaient par messages :
-Merci de m'avoir couvert. J'ai au moins pu prendre mon train d'avant vu que j'ai couru comme un dératé.
-Super ! Elle avait l'air super en colère et déçue. Je lui ai dit que tu avais peut-être un rendez-vous ailleurs, chez le dentiste ou le médecin, si jamais elle te demande.
-Ok.
Stefano reçut alors un message de sa copine. Elle lui demandait si demain, samedi, ils pouvaient se voir. Et comme ça, elle pouvait aussi voir où il habitait. Stefano n'était pas tellement enchanté mais ses parents n'étant pas là, il ne risquait rien à inviter une personne désagréable chez lui. Enfin, ne risquait rien, sauf un moment de supplice mais sinon, rien. Il profiterait de leur absence pour la faire venir. Bizarrement, il ne voulait pas assumer et avoir à présenter sa copine à ses parents.
Il répondit alors à Elodie :
-Ok, mais à partir de deux heures et le soir, il faudra que tu partes au plus tard à six heures parce que je devrai m'occuper de mon petit frère après.
-Super, chéri ! lui avait répondu la fille.
Stefano avait mal quand il entendait le terme "copine" ou quand Elodie l'appelait "chéri", il avait l'impression d'avoir un arrière-goût amer dans la bouche, il n'aimait pas ce surnom, même normalement affectueux.
Lecjeune homme maintenant en pyjama revint à sa discussion avec son amie, sa vraie amie.
-Au fait, merci de m'avoir défendu à midi. J'ai pas eu le temps de te le dire en partant aussi vite.
-T'inquiète c'est normal, lui écrit en retour son amie. Je la supporte vraiment plus, elle me file de l'urticaire direct, cette fille !
Stefano, dans sa chambre derrière son écran, rit légèrement. Il entendait l'intonation de la voix de son amie rien qu'à lire ses messages, et ça l'amusait.
-C'est drôle, Driss m'a fait une remarque presque pareille à midi.
-Parce qu'elle fait le même effet à tout le monde ! lui répondit Ngôi Sao.
-Merci encore, bonne nuit, finit par écrire le jeune homme en pyjama.
-De rien. Bonne nuit Stef' !
Il reçut encore un emoji qui somnolait et il éteignit l'écran de son téléphone. Le sourire aux lèvres, il alla se coucher en pensant à ses deux amis qui le défendaient sans hésiter, et plus particulièrement à Ngôi Sao avec qui il discutait presque tous les soirs avant de sombrer dans les bras de Morphée...

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