Chapitre 12 : Stupéfiés

Le printemps était déjà bien avancé. Après les vacances pendant lesquelles Matei et Pierrick avaient fait un voyage en amoureux payé par les parents du noiraud, et après que Ngôi Sao ait pu collectionner et archiver les photos du couple, l'approche des examens de fin d'année, et de fin de scolarité aussi, se faisait sentir.
C'était déjà leur dernière année. Après cette année, s'ils ne redoublaient pas bien sûr, ils partiraient dans diverses écoles ou universités pour se former à un métier. Chacun avait une idée plus ou moins floue de ce qu'ils allaient faire dans le futur.
Les plus sûrs de quelle voie ils allaient prendre étaient Ngôi Sao, Xiù et Pierrick.
La plus âgée voulait devenir enseignante pour les jeunes enfants, les classes primaires.
La jeune chinoise voulait entamer des études de droit pour devenir avocate. Même si l'idée de devoirs parfois défendre des criminels la révulsait un peu, elle avait envie de pouvoir défendre les innocents au mieux pour leur éviter des fautes judiciaires.
Et le jeune sportif barbu voulait devenir enseignant de sport pour des classes plus grandes.
Et le seul du groupe à n'avoir vraiment aucune idée sur ce qu'il allait faire de sa vie, c'était bien Stefano.

Depuis le début du printemps, peu après l'anniversaire commun de Matei et Pierrick s'était formé un autre couple dans leur entourage.
Noël s'était mis en couple avec Bastien, un garçon de leur classe qui se revendiquait homosexuel sans aucun tabou ni aucune gêne. C'était une bouffée d'air frais, ce garçon. Ils s'étaient beaucoup rapprochés pendant le voyage scolaire en Allemagne, chose que même Stefano avait un peu remarqué alors que souvent, il n'était pas très observateur socialement.

Alors que le jeune homme était seul dans sa classe d'art, vu que son amie de ce cours était malade et donc restée chez elle, il entendait des voix, ou plutôt des chuchotements, à côté de lui. Le nez plongé dans son carnet de croquis avant même que le cours ne commence, il écouta ce qui se disait en faisant mine de ne pas entendre.
-Vas-y, il est seul ! Son amie est malade.
-T'auras pas d'autres chances de le chopper tout seul dans le futur. Saisis ta chance !
-Vas-y !
Il entendit alors des pas à gauche de sa table.
-Stefano ? fit une petite voix.

Il leva les yeux de son dessin bon gré mal gré. Il avait peur de ce qui allait suivre après avoir entendu ces paroles chuchotées.
-Salut Elodie.
Il avait devant lui une jeune fille, avec un joli minois très maquillé, avec un rouge à lèvres rouge vif et du fard à paupières bordeaux, et des cheveux mi-longs d'un brun roux assez subtil, habillée d'un short moulant et d'un top qui montrait son nombril, beaucoup trop léger pour la saison selon Stefano.
-Je voulais te...Te demander quelque chose...
Il aurait eu envie de faire une remarque cynique à la Matei en demandant si c'était pour un conseil en dessins glauques mais il se retint de brusquer la fille en face de lui à qui il n'avait jamais parlé avant.

-Dis Stefano...fit Elodie avec une petite mimique gênée. Tu voudrais sortir avec moi ?
Stefano se figea. À cette déclaration, il fut renvoyé quelques années plus tôt quand Ngôi Sao lui avait fait la même proposition.
Enfin, pas exactement.
Ngôi Sao ne l'avait pas formulé directement, elle avait parlé de ses sentiments à elle avant de parler de sortir ensemble. Mais c'était un petit détail. Cela dit, auquel Stefano avait quand même accordé quelques secondes de réflexion et de comparaison.
Stefano, toujours silencieux, n'avait aucune raison de dire oui. Il ne l'aimait pas particulièrement plus qu'une connaissance qui partageait ses cours et pourtant, il se dit que cela pourrait être un renouveau pour lui de sortir avec cette fille. Même s'il ne la connaissait pas, il pourrait bien apprendre à la connaître. Et parfois, l'amour venait avec le temps de façon fortuite, à force de côtoyer une personne.
Devant son silence qui s'éternisait, Elodie continua :
-Je...Ça fait longtemps que je te regarde de loin. T'es mignon et...T'as un beau sourire. Tes yeux aussi sont jolis. Ce bleu comme ça.
Stefano songea au fait que la seule autre fille qui complimentait son physique à part éventuellement sa mère, c'était bien Ngôi Sao. Elle qui faisait des compliments étranges parfois. Mais elle ne s'était jamais attardée uniquement sur le physique, quelque chose de si superficiel pour elle. Au mieux pour elle, c'était un bonus. Mais pas une caractéristique déterminante.
Il finit tout de même par articuler avec toutes les peines du monde :
-Je...Est-ce que tu peux attendre ma réponse ? J'aimerais bien réfléchir avant de te dire oui ou non.

Elodie parut déjà contente de cette réponse. Elle s'attendait sans doute à être rejetée. C'est vrai que sous certains aspects, Stefano poivait paraître distant et inaccessible, mais ses amis savaient que c'était provoqué par sa timidité.
Il était d'ailleurs gêné de devoir dire non à une presque parfaite inconnue et de blesser ses sentiments. Même si cela lui donnait de faux espoirs s'il disait oui.

Pour le reste de la journée, Elodie n'arrêta pas de le coller, à chaque pause, à chaque détour de couloir pour changer de salle de cours. À tel point que quand tous ses amis retrouvèrement Stefano à midi pour manger ensemble, ils étaient dérangés. Vraiment dérangés par sa présence. Elodie était très intrusive dans l'espace vital de Stefano, qui finit par la repousser gentiment. Cela ne changea pas grand-chose mais elle arrêta de se mettre à moitié sur lui alors qu'il mangeait.
Agacé par ce comportement, surtout envers son meilleur ami qu'il voyait gêné et qu'il n'oserait rien lui dire, Driss finit par faire une remarque volontairement assez cinglante :
-Tu peux pas arrêter tes chouinements et tes cris stridents ? C'est vraiment énervant, fatigant aussi, et on aimerait passer une pause de midi reposante et sympa.
Elodie le fixa avec un regard noir mais finit par lâcher bien à contrecœur sans doute un petit "oui" quand elle vit les expressions énervées de tout le monde, surtout de Xiù et Ngôi Sao qui ne supportaient pas les comportements de mijaurées qui piaillaient pour ne rien dire.

En fin de journée, elle réussit à le retrouver devant son casier en compagnie de Ngôi Sao et Driss qui attendaient qu'il range et prenne des affaires.
-Alors c'est oui ?
-Elodie...soupira Stefano.
-C'est oui ? fit-elle, excitée comme une puce.
-J'ai pas dit ça. Laisse-moi réfléchir. Je ne te dirai pas aujourd'hui.
Ngôi Sao grinça des dents. Non pas qu'elle était jalouse, elle était parfaitement remise depuis que le jeune homme avait refusé ses sentiments avec toute la bienveillance et la gentillesse du monde, mais elle n'aimait pas les filles comme Elodie. Pas à cause de son apparence, mais à cause du comportement. À avoir tout tout de suite et à accorder de l'importance seulement au physique.
-Alors à demain ! dit la fille en partant vers la sortie.

-Quelle fille pot-de-colle ! s'exclama Driss en sortant du collège, râlant à pleins poumons. T'en as pas marre, Stefano ?
-Non. Enfin si, mais bon. J'espère que ça lui passera.
-Ça va pas passer en une nuit de sommeil, frère, lui dit Driss sur un ton scandalisé. Tant que tu ne lui donneras pas de réponse, que ce soit oui ou non, elle va pas te lâcher. En tout cas, ça a pas l'air.
-Je verrai demain. Ça me tue, tout ça...avoua le plus jeune.
-Elle t'a abordé comment ? demanda Ngôi Sao, marchant aussi vite que ses deux amis, mesurant pourtant vingt centimètres en moins que chacun d'eux.
-Sauf erreur, elle a dit qu'elle me regardait...Elle me trouve mignon, avec un joli sourire, et avec des beaux yeux. C'est ce qu'elle m'a dit.
-Ta maman, elle a volé toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux c'est ça ? fit Driss sur un ton sarcastique. Plus cliché et superficiel que ça, tu meurs. Mais pas lentement d'une maladie ou quoi, tu meurs d'un coup d'enclume sur la tête.
Les deux amis rirent devant le ton et l'indignation de Driss.

Le lendemain, le même scénario se répéta. Elodie ne cessa de coller Stefano dès qu'elle en avait l'occasion. Il avait deux heures de cours d'art ce jour-là et le jeune homme hésitait grandement à s'annoncer malade pour ne pas à avoir à la voir.
-C'est grave, quand même...lui dit Ngôi Sao en riant jaune quand il lui parla de son idée.
Finalement, le jeune homme se décida à aller en cours. Même quand il dit bonjour à son enseignante, elle se demanda intérieurement ce qui se passait tellement il avait l'air déprimé.
-Salut Stefano ! entendit-il d'une voix suraiguë.
-Salut...
-C'est oui ? Alors, c'est oui ?
-Tu peux pas attendre, tout simplement ? lui dit Stefano sur un ton presque suppliant, à bout de nerfs.
-Bon d'accord...

Il fut alors soulagé.
Pendant deux heures.
À la fin des deux heures de cours qu'il avait passées assez bien avec son amie, Elodie revint et lui dit :
-Alors ? J'ai attendu, c'est oui ?
Excédé, Stefano finit par dire, les sourcils froncés et les yeux clos de colère :
-Bon, ok, c'est bon ! T'es contente ?
Dire qu'elle explosa de joie aurait été un euphémisme...

-Mais t'es stupide ou bien ?
Le soir même, Stefano avait tenu à appeler Ngôi Sao. Il avait déjà dit à ses amis avoir dit oui à Elodie, de toute façon elle n'était pas spécialement discrète ou facile à cacher vu qu'elle avait l'air de fusionner avec son bras tellement elle le collait à la sortie des cours, mais il ne leur avait pas dit dans quelles conditions. Ses amis avaient été très surpris de sa réponse, positive pour le coup. Noël avait désapprouvé de la tête, tout comme Driss et Massimo. Tous les garçons, en somme. Son amie de la classe d'art lui avait alors dit au moment de se séparer pour le cours suivant :
-Franchement, quand une relation commence comme ça...C'est pas vraiment de bon augure.
Ngôi Sao, elle, n'avait rien dit. Elle semblait fortement désapprouver ça dans son regard, mais elle n'avait rien exprimé tout haut. Le soir, il avait alors tout de suite pensé à elle afin de lui expliquer, de lui demander son avis et des conseils. Il savait que son amie ne jugerait pas, même si elle le grondait pour sa stupidité.
-Je sais que c'est idiot...
-Il ne fallait pas acceptes juste par gêne et parce que tu étais en colère...Enfin bon. Tu comptes faire quoi du coup ?
Stefano hésita avant de répondre.
-Je vais quand même essayer de voir ce que ça donne. On ne sait jamais. Même si je ne suis pas vraiment emballé...
-Quand une relation commence comme ça, c'est pas génial...lui dit Ngôi Sao.
-Tiens, on m'a déjà fait la remarque, rit Stefano.
-Qui ? Driss je suppose ?
-Oui.
-Typiquement lui, sourit Ngôi Sao. Tu le sens comment sinon ?
-Elle me colle beaucoup, elle est très tactile...
-Trop tactile, corrigea son interlocutrice en riant. Ce n'est pas pareil.
-Effectivement, sourit le garçon.
Après quelques secondes de silence, il poursuivit :
-Après...Je sais que sortir avec quelqu'un, ça implique des relations intimes. Et...Je juge peut-être un peu vite mais elle n'a pas l'air de correspondre à ce que j'aime...
-Mince, dit Ngôi Sao.
Elle hésita une fraction de seconde et demanda avec un ton très doux, très gentil :
-Si tu veux tester...Tester tes préférences, tu voudrais le faire avec moi ? Je suis plutôt du genre à mener la danse, enfin si tu veux. Je te le dis, que tu saches que je suis d'accord si toi tu en as envie.

Stefano ne sut que répondre. Cette demande sortait de nulle part et il ne s'y attendait vraiment pas. Si on lui avait dit qu'on lui proposerait ça une fois, surtout une amie aussi proche de lui, il ne l'aurait pas cru. Quoique c'est probablement justement parce qu'ils étaient proches qu'elle lui proposait. Il finit par dire :
-Je...C'est gentil de proposer. Mais...Je pense que je veux donner ma première fois à...À quelqu'un que j'aime. Avec qui j'ai vraiment une affection particulière.
-Je comprends, sourit Ngôi Sao. Moi aussi, je voulais donner ma première fois comme ça. Maintenant que j'ai déjà eu ce genre de relations, ça m'est un peu plus égal.
-Je comprends. Moi aussi ça changera peut-être après ma première fois. Mais j'espère que je ne te vexe pas, je...Enfin tu es une amie précieuse pour moi. Mais...Ouais...J'espère que tu comprends, comme tu comprends toujours tout trop bien.
-Je comprends les incompris, sourit la jeune fille derrière son écran. Tu as d'autres petits plaisirs ?
Stefano sourit.
-T'es curieuse ce soir...
-Comme à chaque heure de chaque jour, rétorqua son amie.
-Je dirais que je suis pas très...Disons ça comme ça, je suis pas très tétons. Mais plutôt...Entre les fesses.
Ngôi Sao siffla.
-Si j'étais à fond dans les idées reçues, je te dirais que ça fait très gay.
-Mais tu n'es pas à fond dans les idées reçues, rit Stefano, qui savait que c'était une des caractéristiques principales de son amie.
-Effectivement. C'est cool parce que ça arrêterait beaucoup de garçons justement à cause de cette idée reçue à la noix. Tu as déjà touché ta prostate ?
Stefano rougit derrière son écran.
-Non...Juste en surface. Ou un tout petit peu dedans...Pas plus.
-Je vois.
-Et toi ? T'as des petites envies secrètes ?
Ngôi Sao sourit, vraiment amusée.
-Oui. Quelques-unes. Entre autres, pouvoir attacher mon ou ma partenaire.
-C'est...Kinky effectivement, sourit Stefano. Bon, j'adorerais encore discuter mais c'est l'heure que j'aille dormir. Sinon, demain je vais ressembler à un zombie...
-Tu ressembles tout le temps à un zombie, t'inquiète ! lui dit Ngôi Sao avec un ton suffisant, souriant.
-Je t'emmerde ! l'insulta alors le garçon en riant.
-Moi aussi je t'adore, bisou ! rit Ngôi Sao de bon cœur, puis ajouta quelques mots avant de quitter l'appel. Dors bien, bonne nuit !

Stefano regrettait que le lendemain, il y ait cours et qu'il devait dormir, il aurait bien continué cette discussion. Mais contrairement à son amie, il avait besoin de plus de sommeil qu'elle. Juste avant de sombrer dans le monde ses rêves, il écrit encore un message à son amie, en ligne.
-Merci de m'avoir écouté. Je me sens un peu plus léger maintenant.
-Mais de rien, Stef' ! Bonne nuit !
-Bonne nuit !
Une fois changé et son pyjama enfilé, les dents brossées, et ses lunettes posées sur la table de chevet, il se coucha, s'enfonça dans son matelas.
Et sans qu'il s'en rende compte, ses pensées se dirigèrent vers son amie. Son imagination qu'il ne maîtrisait pas se mit à lui envoyer des images mentales de la jeune fille au-dessus de lui, souriant, touchant son torse avec une main tout juste sensuelle, ses longs cheveux pendant le long de son visage caressant sa peau nue.
Ces pensées un peu surprenantes mais quand même plutôt plaisantes furent alors interrompues par le sommeil qui l'assaillit.

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