#4 L'affaire du fils de nobles kidnappé - pages 17-19
Référence : Moriarty - tome 2, chapitre 4, pages 17 à 19.
Disclaimer : Œuvre à Ryosuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi, le tout basé sur l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle.
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Un mois s'était écoulé depuis la présentation d'Albert au ministère de l'armée de la nouvelle formule d'opium qui avait été à l'origine du triste incident à Durham que beaucoup s'étaient plus par la suite à nommer l'histoire des danseurs sur le pont. Un mois s'était écoulé et l'armée ne s'était guère remuée depuis, ne pouvant qu'appuyer les pensées de l'aîné Moriarty : un noble haut placé, très haut placé même, avait un lien direct avec cette affaire de drogue. Un mois s'était écoulé depuis qu'il avait envoyé une lettre sollicitant l'aide de son cadet, William. Et même si un mois s'était écoulé et que rien ne semblait s'être fait entre-temps, dans l'ombre, la machine s'était mise en route, à n'en point douter.
La nuit était depuis plusieurs heures tombée sur la grande ville de Londres, la recouvrant de son épais et doucereux manteau moiré. Celui-ci n'était, par chance, non envahi par les nuées cotonneuses quasi-omniprésentes au-dessus de la capitale, et se voyait même piqueté d'une myriade de points scintillants brillant avec plus ou moins d'intensité. La lune, presque pleine en cette soirée, trônait avec magnificence, véritable opale éclatante, dont les rayons venaient donner un aspect irréel aux nappes de brumes qui circulaient dans les rues sinueuses, venant teinter la Tamise d'une doucereuse teinte argentée. Ils allaient même se réfléchir sur la façade en briques rouges de la Cumberland House[1], là où siégeait actuellement le ministère de l'armée. La soirée était certes bien entamée, mais quelques fenêtres étaient éclairées, preuve d'une vie encore active à l'intérieur, notamment celle donnant sur le bureau des renseignements.
Les lourds rideaux de la pièce étaient à demi tirés, ne laissant passer qu'un rai de lumière visible pour quiconque passerait devant l'édifice à cette heure-ci. Elle était d'une taille respectable, le sol couvert d'une moquette pourpre, de nombreux tableaux, portraits et natures mortes, habillant les murs de couleur crème. Secrétaires et bibliothèques en matériaux onéreux, laissant supposer l'importance du personnage occupant ce lieu, enrichissaient la salle. Des étagères étaient remplis de livres traitant sur des stratégies militaires ou des histoires de guerre, d'autres chargés d'objets précieux de toutes sortes, de la vaisselle, des trophées, ou encore un magnifique globe aux axes le soutenant en un métal à l'éclat doré bien affété.
Derrière un bureau soigneusement ouvragé et rangé, la surface verni en bois d'acajou, où se trouvaient quelques livres ainsi que le nécessaire pour écrire, se tenait un homme. Une dextre posée sur le dossier velouté de son siège, droit, dégageant un certain charisme et une noblesse dans sa posture, il était vêtu d'un traditionnel complet noir plutôt luxueux, le plaçant tout de suite dans une position élevée. Une pochette blanche, rappelant la couleur de sa chemise, un nœud papillon discret à la place de la cravate, ses cheveux de jais courts étaient savamment ramenés en arrière, dégageant son visage fin et séduisant, seule une petite mèche rebelle retombant discrètement sur son front. Une expression plutôt stoïque peignant ses traits, ses yeux bleus foncés, si foncés qu'ils donnaient l'impression d'être presque noirs, se plantèrent sur la personne de son vis-à-vis et il s'exprima d'une voix grave.
« Un officier de l'armée des Indes qui demande une entrevue à un spécialiste du renseignement, comme c'est curieux, fit-il sur un ton froid qui laissait deviner qu'il n'était pas si dupe. Et que désirez-vous... lieutenant colonel Moriarty ? »
Le susnommé, vêtu de son uniforme militaire d'un vert kaki où il arborait ses distinctions signifiant son grade mais également la bravoure ses actes, lui adressa un signe de tête reconnaissant, un fin sourire étirant ses lèvres.
« Merci, Monsieur le directeur, le remercia-t-il pour cet entretien accordé, notamment à une heure qui n'était pas des plus décentes avant de prévenir sur un ton se voulant rassurant. Ne vous inquiétez pas, considérez que je suis venu me livrer à un monologue. »
Se faisant, il tourna le dos à cet homme en complet noir qui était sans aucun doute son supérieur. La main gauche dans le dos en signe de politesse, il leva à demi la dextre dans un geste négligé pour accompagner ses propos, ne laissant pas la moindre possibilité à lire les émotions qui allaient animer son regard émeraude dans ce qui allait suivre. Et cette attitude attira un discret rictus au directeur qui aurait pu éventuellement le reprendre sur une possible insolence dans ce comportement. Sauf qu'au contraire, il était curieux de voir ce dont Moriarty allait lui faire part, et cette manière de faire montrait une aisance du personnage qui savait ce qu'il disait.
Albert s'éloigna de quelques pas, un pas mesuré, la moquette pourpre venant étouffer le bruit de ses semelles. S'approchant de l'une des bibliothèques qui débordait comme toutes les autres de bibelots et de somptueux ouvrages à la couverture en cuir, il échangea la position de ses mains, levant sa sénestre vers la maquette d'un fier trois mâts qui était à hauteur de son visage. Ses mèches châtaines renvoyant de séduisants reflets cuivrés sous l'éclairage artificiel, il poursuivit calmement et avec intelligence :
« Mettre en place un département qui n'aura pas d'existence officielle nécessite un budget gigantesque, ne fût-ce que pour recruter des agents sûrs... Or, le budget de l'Armée de terre, qui protège les immenses frontières de notre empire colonial, est inférieur à celui de la Marine... »
Les longs doigts fins racés s'attardèrent sur la coque du navire qu'ils caressèrent, bellement travaillée, un vrai travail d'orfèvre particulièrement minutieux même. Chaque détail se faisait ressentir sous la plante de ses doigts.
« Deuxièmement, la mission quelque peu occulte d'un département directement rattaché à la Reine ne manquera pas de provoquer une levée de boucliers au sein du cabinet. Faire taire les forces contraires demandera de nouveaux fonds importants... »
Le regard neutre de la seule et unique personne composant son auditoire se plissa, se faisant pénétrant. L'homme brun voyait où son subordonné voulait en venir avec ce monologue partagé dans une éloquence rare où les phrases n'étaient que soigneusement tournées avec un vocabulaire adéquat.
« Ce sont tous ces problèmes... »
Les pupilles smaragdines se détachèrent de la maquette et les chaussures en cuir parfaitement cirées pivotèrent, le bras gauche venant se loger dans son dos tandis qu'il vint placer le poing droit sur sa poitrine, signe de politesse mais aussi de soumission. Son buste s'inclina légèrement respectueusement en avant alors que qu'il ferma les yeux, poursuivant intelligemment :
« ...que je vous propose de résoudre instantanément. Regardez...
- Oh..., lâcha avec intérêt l'homme brun, le port altier, ses lèvres s'ourlant quelque peu. Vraiment... très intéressant. »
Sa main quittant le dossier de son assise, il contourna son bureau pour venir faire face à Moriarty, celui-ci s'écartant de la bibliothèque pour reprendre sa place initiale dans une posture respectueuse. La conversation qui venait de prendre une tournure on ne pouvait plus intéressante couplée à une pointe de mystère et de secret se continua alors dans cette nuit claire, avec pour seuls témoins les quatre murs de cette pièce...
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Lexique :
[1] Manoir qui à partir de 1858 abrite le ministère de l'armée, servant au gouvernement pendant plus de cent ans (1806-1908). Par la suite, il est démoli étape par étape entre 1908 et 1911.
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Bonjour, bonjour, second essai et qui est déjà dans le tome 2. J'avoue que ce dernier me donne beaucoup envie d'écrire, mais ne vous en faites pas, normalement, il y a une autre scène du tome 1 qui m'a plutôt attiré. D'ailleurs, je vous remercie pour l'accueil que vous avez réservé à ce petit recueil, cela me fait grandement plaisir.
En tout cas, quand j'ai lu ce chapitre, je l'ai beaucoup aimé, se liant directement au dernier chapitre du tome 1, mettant en valeur le personnage d'Albert et également, introduisant certains points que l'animé gardera obscur tout du long. En effet, ce dernier a passé sous silence les chapitres ayant traits à ce que la première partie du chapitre traite ainsi que la fin, et j'ai été plutôt déçue sur ce point.
Bref, je ne vous traite pas tout le chapitre, même un passage plutôt court comparé à la dernière fois. Il s'agit juste de la première interaction entre Albert et un certain personnage et j'ai beaucoup aimé romancer cet extrait. Je m'excuse donc de la longueur assez faible de cette partie, mais je pense que le prochain devrait vous ravir en étant bien plus long.
Comme toujours, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, c'est vraiment particulier de travailler ainsi. Et je vous dis à la prochaine.
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