Camille

Elle était assise au bord de l'eau.
Les orteils enfouis dans le sol, elle observait avec une étrange fascination le liseret écumeux des vagues aller et venir à ses pieds. L'onde léchait le sable gris dont ils étaient recouverts, en amincissant peu à peu l'épaisseur.

Le soleil n'était pas encore levé ; partout alentour, il faisait sombre. Retranchés derrière les dunes, les pins oscillaient lentement dans la brise, spectres hostiles dansant dans la nuit. Seule une frêle lueur blanchâtre, à peine naissante, rasait les flots noirs qui s'étendaient à perte de vue.

Camille n'avait pas froid. Sa chemise de nuit était pourtant imbibée des embruns et ses jambes dégoulinaient d'eau de mer. Mais il lui semblait que le vent marin charriait quelque douceur... illusoire, peut-être. De toutes façons, elle ne ressentait plus. Elle n'y arrivait pas.

Elle n'avait dormi que quelques heures, cette nuit encore. Une fois réveillée, impossible de se rendormir. Elle était donc descendue sur la plage, comme c'était devenu son réflexe. Sortir.

Elle s'était assise sur le rivage et s'était mise à attendre. Attendre...

Bercée par les remous des vagues, elle n'avait pas entendu les pas silencieux qui s'étaient rapprochés, dans son dos. Elle sentit seulement deux bras enlacer chaudement ses épaules, et une tête se blottir dans son cou.

Elle demeura de marbre.

Ils restèrent ainsi un moment. Lui, accroupi derrière elle, l'enveloppant de son corps ; elle, mutique. Immobile.

Un temps passa. Puis l'arrivant défit son étreinte et s'assit à côté d'elle, dans le sable humide.

L'aurore fébrile avait laissé place à l'éclat du jour naissant. Bientôt, les rayons du soleil raseraient toute la côte.

- Il est tôt, dit-il calmement - sa voix surplombait à peine le sempiternel bruissement de l'eau. Tu n'a pas froid ?

Elle resta parfaitement impassible. Comme si elle n'eût rien entendu.

Lui, ne s'émut aucunement de cette apparente indifférence.

- J'ai mis de l'eau à bouillir pour le thé, ajouta-t-il.

De nouveau, seul le va-et-vient régulier des vagues lui répondit. Encore une fois, il ne broncha pas.

Il savait.

Il fixait l'horizon, qui se parait peu à peu d'une blancheur aveuglante, dont l'océan se faisait le miroir ondoyant.

- Je voulais que tu saches que j'ai conscience que tu traverses un moment extrêmement difficile, dit-il après un moment, pensif. Ne t'en veux pas de ne pas réussir à parler. On n'a pas toujours besoin de parler. Je suis là pour toi, quoi qu'il advienne.

Il y eut un reniflement. Elle n'avait pas bougé d'un cil, mais ses yeux, eux, étaient plus brillants que jamais.

Il se pencha vers elle et l'embrassa de nouveau, appuyant doucement la tête de la jeune femme contre son épaule.

Passé un court instant, elle commença à trembler entre ses bras. L'eau qui l'éclaboussait chaque fois que les vagues couraient sur le sable était soudain devenue glacée, le vent qui soufflait sur ses jambes trempées la frigorifiait, et le sable mouillé dans lequel ses pieds était enfouis était maintenant froid lui aussi.

- J... j'ai froid, murmura-t-elle entre deux claquements de dents.

Il se leva, l'aidant à se remettre sur ses pieds, et lui sourit tendrement.

- Rentrons à l'intérieur, lui dit-il.

Camille renifla de nouveau, et essuya de son poignet une larme qui lui perlait au coin de l'œil. Elle souffla :

- Merci.

Il repartirent tous deux vers la maison dont les hautes fenêtres, au-delà des dunes, refletaient la clarté argentée du matin.

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